L’HEURE DU THÉ
Foyer de l’Opéra de Marseille,
20 avril 2012
Trois Dames
Sinon
tirées de la Flûte, trois Dames
enchanteresses. Ou plutôt quatre, car on ne saurait oublier la pianiste Nina
Huari, chef de chant au CNIPAL, qui
avait conçu ce programme qui nous promena avec brio, sinon de sa Finlande
natale, de l’Autriche à l’Espagne (axe historique des Habsbourg), en passant
par l’Italie avec des incursions au Mexique et en Argentine. «Passion et
fleurs » qui parsemèrent ce récital de deux soprani et une mezzo, perles
du CNIPAL 2012.
Une première partie était vouée au Rosenkavalier de Richard Strauss, au tout premier duo entre la Maréchale et Octave, à celui, poétique entre Sophie et le Chevalier
et, enfin au sublime et nostalgique trio de la fin entre les trois
protagonistes, retrouvailles des deux jeunes gens et rupture noble, généreuse et
mélancolique de leur aînée avec son jeune amant.
Le piano de Nina rend
merveilleusement l’ouverture haletante d’érotisme, la cavalcade sexuelle
fougueuse du jeune Chevalier sur sa maîtresse Maréchale, le climax de la
délivrance orgasmique, suivi de la paix des sens, de l’extase langoureuse, de
la douce fatigue amoureuse qui délivre enfin des mots d’amour ou, du moins, de
reconnaissance du corps comblé du garçon à la femme. Simona Caressa, Italienne, catogan aux cheveux, pantalons et
bottes, voix large, pleine, chaude, est un crédible Octave, "Quinquin" pour sa
tendre maîtresse "Résie" , doux diminutif de Marie-Thérèse. Yuko Naka, soprano
japonaise lui donne une réplique attendrie. Cependant, cela sonne un peu sec
sans que l’on puisse trouver à redire aux voix.
Dans le duo de la remise de la
rose, Jennifer Michel est une
gracieuse Sophie, aux aigus aériens aisés, bien arrondis au sommet de sa
tessiture et Simona Caressa est
ici un Chevalier délicatement galant, vibrant. Cependant, on sent un manque
d’homogénéité dans la fusion des
voix, non pas, encore une fois, à cause des chanteuses mais parce qu’à ce
moment de poésie lyrique et juvénile, pour ce moment d’effusion et de fusion
des voix, il manque tout simplement l’orchestre somptueux et délicat de Strauss
qui les porte, ce nappage céleste de cordes qui s’accorde à ce paradis que
Sophie sent dans cette rose offerte par ce jeune homme comme tombé du ciel. La
structure de la musique est bien dans cette réduction de l’orchestre au piano,
sans doute par Strauss lui-même, mais nous en avons les lignes, l’architecture et
non le moelleux entre-deux musical soyeux et satiné. L’oreille peut-être
habitué à cette épure pianistique un peu sèche, ou le trio permettant davantage
de fondu des voix, cela semble moins sensible dans la scène finale, fort bien
menée.
En deuxième partie, toujours aussi fleurie, la scène de fausse
féerie du Falstaff de Verdi est
rondement et joliment menée par la rieuse Jennifer Michel et Yuko Naka qui, ensuite, dans un envoi de fleurs du rare Amico Fritz de Mascagni, déploie un bel organe, solide, sonore,
au médium ambré, aux aigus faciles et pleins de soprano lirico spinto. Elle le prouve encore dans le duo de Madama
Butterfly de Puccini avec la Suzuki
de Simona Caressa.
La dernière partie, hispanique, transporta le public marseillais,
hispanophile, et l’Espagnol que je suis n’y trouva que du plaisir. Jennifer
Michel, sur un piano crépitant de castagnettes, avec un tempo
fou, fougueuse, avec des œillades bien hispaniques, se lança dans « De
España vengo » du Niño judío
de Pablo Luna, et l’on croirait vraiment que cette jeune femme de Nîmes, ville qui, hélas, a
pris à l’Espagne ce qu’il y a de moins bon, venait de cette Espagne qu’elle
chantait avec tant de talent. Elle partagea ensuite le beau boléro de
Saint-Saëns, El desdichado, avec Simona
Caressa, toutes les deux avec le
même bonheur complice dans ces roulades typiques du chant andalou.
La grande
voix de la japonaise Yuko Naka,
stupéfia par sa maîtrise de la délicatesse mélancolique de La Rosa y el
sauce, courte mélodie de l’Argentin
Carlos Guastavino, aux étranges couleurs, dont elle fit un véritable drame miniature. De sa Naples (qui fut espagnole durant des siècles), la brune Simona
Caressa a un charme piquant, toute en velours vocal,
aisance fleurie dans les mélismes, expression canaille. Elle offrit les
« Carceleras » de la zarzuela Las hijas del Zebedeo de
Ruperto Chapí avec une grâce picaresque de bon aloi. Enfin, nos trois dames en
fleur, changeant agréablement de robes selon les florilèges des airs, donnèrent en
bis, la célèbre Granada du
Mexicain Agustín Lara pour clore la partie hispanique. Quant à la pianiste
Huari, par sa verve, sa dynamique, sa virtuosité passionnée, elle mérite qu'on l’appelle non
par son prénom de Nina, mais par le surnom hispanique de Niña.
Photos :
1. Jennifer Michel ;
2. Simona Caressa ;
3. Yuko Naka ;
4. Nina Huari.
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