L’HEURE DU THÉ DU CNIPAL
16 mars 2012
On ne manque qu’à regret le rendez-vous mensuel que nous donne le
CNIPAL le jeudi et le vendredi, cette délicieuse Heure du thé. Aussi a-t-on couru pour ne pas rater celui-ci.
Le CNIPAL, c’est le Centre National d’Insertion Professionnelle
d’Artistes Lyriques. Ces artistes, jeunes, venus du monde entier, sélectionnés
rigoureusement, y font généralement un stage de dix mois pour s’y perfectionner
dans la rude école du chant.
Dernièrement, c’est par trois que la direction du CNIPAL nous
présente les stagiaires qui nous offrent, avec leur récital, l’éventail de
leurs possibilités. Trois garçons cette fois, le Coréen Dae Gweon Choï, ténor, la basse géorgienne, Kakhaber Shavidsé qui, en réalité, entouraient surtout le Belge Ivan
Thirion, jeune baryton de vingt et
un ans, qui se taillait la part du lion.
De Kakhaber Shavidsé,
admis à refaire une année au CNIPAL pour continuer à travailler, on a déjà dit
ici les mérites, les progrès : il a poli en une année un matériau vocal
riche mais un peu brut, arrondi les angles d’un timbre un peu trop acéré.
Cependant, défaut des qualités de cette grande voix, le jeune chanteur semble
victime de son aisance, de sa facilité à donner du volume, à montrer sa
puissance. Grisé par le son, il malmène parfois la justesse comme dans le récit
de l’air de Procida des Vêpres siciliennes de Verdi, un peu bas, menacé du vibrato excessif des généreuses voix
slaves ; grisé par son souffle, il manque de douceur et des tout légers et
rêveurs ports de voix montants que voudrait la grâce de Bellini dans « Vi
ravviso, o luoghi ameni… » de la Sonnambula, certes, non écrits mais que toute cette musique
appelle comme une ponctuation et respiration sans lesquelles les sauts de la
voix sont secs et, ici, tranchants. On le retrouve, dramatique et émouvant dans
la déploration au vieux manteau de Colline, « Vecchia zimarra,
senti… »
Le ténor Dae Gweon Choï a
un bel engagement, de la vivacité et donne joliment lé réplique dans les deux
duos avec le baryton, l’un tiré du premier acte de La Bohème, l’autre de la rare Rita de Donizetti. Il est brillant et agile dans l’air,
rare aussi, d’Oronte de I lombardi,
de Verdi. Le médium est large, la couleur belle, timbre un peu fruité mais avec
un halo peut-être passager dans le grave et les aigus se déploieront sans doute
aisément. Malgré un tempo un peu rapide pour la mélancolie de cette plainte ou
complainte fameuse, « Una furtiva lagrima… » de Nemorino de l’Elisir
d’amore de Donizetti, il réussit à
être touchant.
Mais ces deux comparses n’étaient apparemment là que pour entourer
un peu le baryton Ivan Thirion
sur qui, visiblement, et à juste titre, le CNIPAL mise beaucoup. Une première
partie à lui tout seul puis un air et deux duos avec le ténor dans la seconde
partie. De quoi emporter d’enthousiasme la salle. Il déploie la même aisance
dans le baroque Händel et ses longues et larges vocalises bien perlées que dans
un air de fureur brillant d’Alexander’s feast que dans l’intériorité dans le Paulus de Mendelssohn ou la méditation douloureuse et
rageuse du Figaro des Noces. Tout
aussi exact vocalement et stylistiquement dans les six autres airs d’opéras
divers. La voix est généreuse, égale du beau grave à l’aigu éclatant, le timbre
charnu, chaud. Superbes et précieuses qualités que ce tout jeune chanteur doit
conserver et raffiner tout en travaillant sa présentation scénique.
2. Dae Gweon Choï;
3. Ivan Thirion.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire