lundi, avril 23, 2012

L'HEURE DU THÉ, avril 2012


L’HEURE DU THÉ
Foyer de l’Opéra de Marseille,
20 avril 2012
Trois Dames

Sinon tirées de la Flûte, trois Dames enchanteresses. Ou plutôt quatre, car on ne saurait oublier la pianiste Nina Huari, chef de chant au CNIPAL, qui avait conçu ce programme qui nous promena avec brio, sinon de sa Finlande natale, de l’Autriche à l’Espagne (axe historique des Habsbourg), en passant par l’Italie avec des incursions au Mexique et en Argentine. «Passion et fleurs » qui parsemèrent ce récital de deux soprani et une mezzo, perles du CNIPAL 2012.
Une première partie était vouée au Rosenkavalier de Richard Strauss, au tout premier duo entre la Maréchale et Octave, à celui, poétique entre Sophie et le Chevalier et, enfin au sublime et nostalgique trio de la fin entre les trois protagonistes, retrouvailles des deux jeunes gens et rupture noble, généreuse et mélancolique de leur aînée avec son jeune amant. 
Le piano de Nina rend merveilleusement l’ouverture haletante d’érotisme, la cavalcade sexuelle fougueuse du jeune Chevalier sur  sa maîtresse Maréchale, le climax de la délivrance orgasmique, suivi de la paix des sens, de l’extase langoureuse, de la douce fatigue amoureuse qui délivre enfin des mots d’amour ou, du moins, de reconnaissance du corps comblé du garçon à la femme. Simona Caressa, Italienne, catogan aux cheveux, pantalons et bottes, voix large, pleine, chaude, est un crédible Octave, "Quinquin" pour sa tendre maîtresse "Résie" , doux diminutif de Marie-Thérèse. Yuko Naka, soprano japonaise lui donne une réplique attendrie. Cependant, cela sonne un peu sec sans que l’on puisse trouver à redire aux voix. 
Dans le duo de la remise de la rose, Jennifer Michel est une gracieuse Sophie, aux aigus aériens aisés, bien arrondis au sommet de sa tessiture et Simona Caressa est ici un Chevalier délicatement galant, vibrant. Cependant, on sent un manque d’homogénéité  dans la fusion des voix, non pas, encore une fois, à cause des chanteuses mais parce qu’à ce moment de poésie lyrique et juvénile, pour ce moment d’effusion et de fusion des voix, il manque tout simplement l’orchestre somptueux et délicat de Strauss qui les porte, ce nappage céleste de cordes qui s’accorde à ce paradis que Sophie sent dans cette rose offerte par ce jeune homme comme tombé du ciel. La structure de la musique est bien dans cette réduction de l’orchestre au piano, sans doute par Strauss lui-même, mais nous en avons les lignes, l’architecture et non le moelleux entre-deux musical soyeux et satiné. L’oreille peut-être habitué à cette épure pianistique un peu sèche, ou le trio permettant davantage de fondu des voix, cela semble moins sensible dans la scène finale, fort bien menée.
En deuxième partie, toujours aussi fleurie, la scène de fausse féerie du Falstaff de Verdi est rondement et joliment menée par la rieuse Jennifer Michel et Yuko Naka qui, ensuite, dans un envoi de fleurs du rare Amico Fritz de Mascagni, déploie un bel organe, solide, sonore, au médium ambré, aux aigus faciles et pleins de soprano lirico spinto. Elle le prouve encore dans le duo de Madama Butterfly de Puccini avec la Suzuki de Simona Caressa.
La dernière partie, hispanique, transporta le public marseillais, hispanophile, et l’Espagnol que je suis n’y trouva que du plaisir. Jennifer Michel, sur un piano crépitant de castagnettes, avec un tempo fou, fougueuse, avec des œillades bien hispaniques, se lança dans «  De España vengo » du Niño judío de Pablo Luna, et l’on croirait vraiment que cette jeune  femme de Nîmes, ville qui, hélas, a pris à l’Espagne ce qu’il y a de moins bon, venait de cette Espagne qu’elle chantait avec tant de talent. Elle partagea ensuite le beau boléro de Saint-Saëns, El desdichado, avec Simona Caressa, toutes les deux avec le même bonheur complice dans ces roulades typiques du chant andalou. 
La grande voix de la japonaise Yuko Naka, stupéfia par sa maîtrise de la délicatesse mélancolique de La Rosa y el sauce, courte mélodie de l’Argentin Carlos Guastavino, aux étranges couleurs, dont elle fit un véritable drame miniature. De sa Naples (qui fut espagnole durant des siècles),  la brune Simona Caressa a un charme piquant, toute en velours vocal, aisance fleurie dans les mélismes, expression canaille. Elle offrit les « Carceleras » de la zarzuela Las hijas del Zebedeo  de Ruperto Chapí avec une grâce picaresque de bon aloi. Enfin, nos trois dames en fleur, changeant agréablement de robes selon les florilèges des airs, donnèrent en bis, la célèbre Granada du Mexicain Agustín Lara pour clore la partie hispanique. Quant à la pianiste Huari, par sa verve, sa dynamique, sa virtuosité passionnée, elle mérite qu'on l’appelle non par son prénom de Nina, mais par le surnom hispanique de Niña.
Photos :
1. Jennifer Michel ;
2. Simona Caressa ;
3. Yuko Naka ;
4. Nina Huari. 

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