Festival côté cour
HANDEL WITH CARE !
Création
Aix-En-Povence, 25 juillet 2009
HANDEL WITH CARE !
Création
Aix-En-Povence, 25 juillet 2009
L’œuvre
Hændel pour les Français, Händel, puisqu’il faut l’appeler par son nom, du moins dans sa version d’origine allemande -encore que le Handel de la transcription en Angleterre, sa patrie d’élection si l’Italie fut sa patrie du cœur- est juste phoniquement et musicalement en anglais, et permet le jeu de mots british avec le verbe handel manier, manipuler, d’où ce Handel with care ! en hommage au 250 e anniversaire de la mort du grand Georg Friedrich, le maître européen de l’opéra baroque. Donc, ‘Manier avec précaution’ est le titre humoristique et l’étiquette qui ouvre et couronne cet opéra/théâtre sur l’aménagement, armes et bagages, du musicien dans son appartement londonien de 1725, un an avant sa naturalisation britannique, à l’arrivée de la diva importée, interprète et amante par la tradition toujours actuelle du bed – du bad dirais-je- casting. Le conseil à manier avec précaution vaut sans doute, un peu légèrement, à l’égard du sourcilleux musicien qui préfère l’incertitude de sa liberté d’artiste à la sécurité servile que lui offre la cour, mais vaut aussi de la capricieuse et susceptible diva Francesca Cuzzoni, et du non moins ombrageux cuisinier du maître, John
Hippolyte Wouters, ex-avocat belge, premier champion au monde de scrabble francophone, est l’auteur de la pièce en vers Le Choix d’Hercule (2001), qui joue plaisamment avec la cantate The choice of Hercules (1751) du compositeur. Oh, aucun choix vraiment herculéen pour Hændel, mais son refus de l’offre que lui fait le roi de devenir son musicien officiel mais contrôlé, et le refus consécutif de la fameuse Cuzzoni, sa maîtresse et diva, de rester avec un compositeur qui mise sur l’éternité de sa gloire quand les chanteurs n’en ont qu’une, passagère, et vivent ici et maintenant (jolie tirade sur l’art éphémère de l’interprétation face à l’éternité de la création artistique). C’est la trame de ce spectacle agrémenté d’airs d’opéras, qui a le mérite d’ajouter une intrigue à la mode actuelle des concerts à thème. Les vers, alexandrins, sont bien venus, les rimes, parfois cocasses (« hic » et « Frédéric »), des répliques font mouche (« elle ne trouve pas d’alter à son ego » pour dire celui de la diva ou, pour celui du compositeur, « masculin de diva »), sur le mariage, etc.
L’interprétation
Cependant, l’intérêt dramatique de l’intrigue est un peu mince pour soutenir longtemps un intérêt qui, ici, n’est guère compensé par le choix des airs plutôt sages vocalement, à celui d’Orlando (et non le "furioso" de Vivaldi) et d’un extrait d’extrait de Giulio Cesare près, le premier assez bien servi par le contre-ténor Daniel Blanchard, mais desservi par le statisme de la mise en scène (Veronica Grange et Ivan Magrin-Chagnolleau) due sans doute à la contrainte de la scène exiguë, le second « savonné » par Laure Lalo, malgré un joli métal vocal mal à l’aise dans les vocalises et, par ailleurs, roulant à l’excès des r qui n’ont rien d’italien. Quant au sympathique interprète d’Hændel, le baryton Frédéric Albou, il pâtit certainement d’un texte parlé écrasant qui fatigue son timbre chanté. On sent, derrière cela, probablement l’énorme fatigue de nombreuses répétitions pour une représentation unique, car il faut de reconnaître que ces jeunes interprètes sont parfaitement à l’aise sur scène, bien dirigés, bien costumés, dans un simple décor d’époque (Gérard Ottaviano).
La bonne surprise vient de Jean Nehr, vétéran comédien qui, en serviteur bougon et tendre, non seulement détaille subtilement les vers, mais fait chorus heureux avec les chanteurs. Sans surprise, l’ensemble musical Baroques-graffiti, mené par Jean-Paul Serra au clavecin, se promène et nous promène avec bonheur dans cette musique à la fois noble et intime : avec ces musiciens, c'est, vraiment Handel with care… and love.
Pour se rôder, ce spectacle, qui honore les choix du Festival côté cour, mériterait de tourner, allégé en texte, pour trouver sa vraie mesure.
Hændel pour les Français, Händel, puisqu’il faut l’appeler par son nom, du moins dans sa version d’origine allemande -encore que le Handel de la transcription en Angleterre, sa patrie d’élection si l’Italie fut sa patrie du cœur- est juste phoniquement et musicalement en anglais, et permet le jeu de mots british avec le verbe handel manier, manipuler, d’où ce Handel with care ! en hommage au 250 e anniversaire de la mort du grand Georg Friedrich, le maître européen de l’opéra baroque. Donc, ‘Manier avec précaution’ est le titre humoristique et l’étiquette qui ouvre et couronne cet opéra/théâtre sur l’aménagement, armes et bagages, du musicien dans son appartement londonien de 1725, un an avant sa naturalisation britannique, à l’arrivée de la diva importée, interprète et amante par la tradition toujours actuelle du bed – du bad dirais-je- casting. Le conseil à manier avec précaution vaut sans doute, un peu légèrement, à l’égard du sourcilleux musicien qui préfère l’incertitude de sa liberté d’artiste à la sécurité servile que lui offre la cour, mais vaut aussi de la capricieuse et susceptible diva Francesca Cuzzoni, et du non moins ombrageux cuisinier du maître, John
Hippolyte Wouters, ex-avocat belge, premier champion au monde de scrabble francophone, est l’auteur de la pièce en vers Le Choix d’Hercule (2001), qui joue plaisamment avec la cantate The choice of Hercules (1751) du compositeur. Oh, aucun choix vraiment herculéen pour Hændel, mais son refus de l’offre que lui fait le roi de devenir son musicien officiel mais contrôlé, et le refus consécutif de la fameuse Cuzzoni, sa maîtresse et diva, de rester avec un compositeur qui mise sur l’éternité de sa gloire quand les chanteurs n’en ont qu’une, passagère, et vivent ici et maintenant (jolie tirade sur l’art éphémère de l’interprétation face à l’éternité de la création artistique). C’est la trame de ce spectacle agrémenté d’airs d’opéras, qui a le mérite d’ajouter une intrigue à la mode actuelle des concerts à thème. Les vers, alexandrins, sont bien venus, les rimes, parfois cocasses (« hic » et « Frédéric »), des répliques font mouche (« elle ne trouve pas d’alter à son ego » pour dire celui de la diva ou, pour celui du compositeur, « masculin de diva »), sur le mariage, etc.
L’interprétation
Cependant, l’intérêt dramatique de l’intrigue est un peu mince pour soutenir longtemps un intérêt qui, ici, n’est guère compensé par le choix des airs plutôt sages vocalement, à celui d’Orlando (et non le "furioso" de Vivaldi) et d’un extrait d’extrait de Giulio Cesare près, le premier assez bien servi par le contre-ténor Daniel Blanchard, mais desservi par le statisme de la mise en scène (Veronica Grange et Ivan Magrin-Chagnolleau) due sans doute à la contrainte de la scène exiguë, le second « savonné » par Laure Lalo, malgré un joli métal vocal mal à l’aise dans les vocalises et, par ailleurs, roulant à l’excès des r qui n’ont rien d’italien. Quant au sympathique interprète d’Hændel, le baryton Frédéric Albou, il pâtit certainement d’un texte parlé écrasant qui fatigue son timbre chanté. On sent, derrière cela, probablement l’énorme fatigue de nombreuses répétitions pour une représentation unique, car il faut de reconnaître que ces jeunes interprètes sont parfaitement à l’aise sur scène, bien dirigés, bien costumés, dans un simple décor d’époque (Gérard Ottaviano).
La bonne surprise vient de Jean Nehr, vétéran comédien qui, en serviteur bougon et tendre, non seulement détaille subtilement les vers, mais fait chorus heureux avec les chanteurs. Sans surprise, l’ensemble musical Baroques-graffiti, mené par Jean-Paul Serra au clavecin, se promène et nous promène avec bonheur dans cette musique à la fois noble et intime : avec ces musiciens, c'est, vraiment Handel with care… and love.
Pour se rôder, ce spectacle, qui honore les choix du Festival côté cour, mériterait de tourner, allégé en texte, pour trouver sa vraie mesure.
Ensemble Baroques-graffiti : direction Jean-Paul Serra, clavecin ;
Caroline Gerber, violon et viole d’amour ; Catherine Dezafit, violon ; Agustina Meroño, basse et ténor de viole ; Jean-Christophe Deleforge, violone et contrebasse.
Photos Festival côté cour:
1. Hændel et la Cuzzoni;
2. Ensemble final.