Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

jeudi, décembre 30, 2021

CHALEUREUX HIVER



Les Itinérantes

Voyages d'hiver

Noëls du monde a cappella

Label Ambronay

 

Ce n’est pas le mélancolique ‘Voyage d’hiver’, Winter Reise de Schubert, dans une Allemagne enneigée, sorte d’adieu à l’amour et peut-être à la vie. Ici, il s’agit d’un chaleureux voyage d’hiver auquel nous invite un trio, trois dames qui pourraient être les mozartiennes dames d’une rêveuse et ravissante Flûte enchantée, qui nous tracent un intimiste itinéraire enchanteur à travers des Noëls du monde, dans un mois de décembre dont la froidure varie selon la latitude puisque l’hiver chez nous est le plein été dans le continent austral. Ainsi, de la lointaine Russie, avec la tasse de thé de la Fée Dragée du ballet Casse-Noisettes de Tchaïkovski, des Pays baltes, la Lettonie, de la Suède à l’Angleterre et l’Irlande, de la France à la Roumanie en passant par l’Espagne catalane, d’un étrange Sahèl africain à la langue inventée dans une chimère de glace, au Brésil, plus d’autres morceaux, tiré d’un film ou filés par l’imagination, nous avons un éventail de musiques élargies aux rivages du rêve.

Les Itinérantes sont trois artistes, trois femmes issues de la même école de comédie musicale qui ont uni leurs talents en 2017 pour ce qui devait être un unique concert. Ce concert s’est perpétué en projet concrétisé depuis, dont ce disque est un aboutissement. Trois musiciennes aux horizons variés : de la musique classique et ancienne (Pauline Langlois de Swarte) au jazz et à la chanson (Manon Cousin), en passant par la musique du monde (Élodie Pont, initiée au chant diphonique, émettant deux notes différentes en même temps). De leurs multiples univers singuliers, elles ont fait leur projet pluriel, et commun. D’abord, création de leur groupe, Les Itinérantes : un trio a cappella, sans autre instrument, du moins ici, que la percussion de Thierry Gomar. Leur riche répertoire couvre actuellement 11 styles musicaux, 9 siècles et 30 langues différentes.

Mais voici une langue, certes différente, mais l’ancien français aux charmants diminutifs que nous avons malheureusement perdus, dans ce chant qui nous vient du XVIe siècle : Noël nouvelet, pour le « Roi nouvelet, » l’Enfant Jésus, chantera « l’oiselet » qui guidera les pasteurs vers Bethléem où ils trouveront cet « agnelet », c’est accompagné d’un vibraphone à archet, conservant cette saveur archaïque :

1) PLAGE 1

Chaque morceau est simplement mais joliment commenté, situé par l’une des interprètes, souvent de manière affective en s’impliquant dans la découverte d'un de ces chants qu’elles nous font presque tous découvrir. Cela fait partie du charme intimiste de ce CD universel mais très chaudement personnel.

Nous passons à un Noël anglais, ces « carols » traditionnels, agrémenté de ces clochettes scintillantes et bols tibétains, God rest you merry, gentlemen, ’Que Dieu vous accorde paix et bonheur'  dit le Cd, qu'on traduirait plutôt par : 'Dieu vous garde en joie, messieurs' ":

2) PLAGE 2

Nous faisons un bond vers le sud, vers la Catalogne avec El noi de la mare, ‘l’Enfant de la Mère’, l’enfant de Marie, Jésus,  auquel on va donner ce qui lui plaît : des raisins secs,  des figues, des olives, du miel.  Pauline Langlois de Swarte nous dit qu’elle chantait cet air à Perpignan lorsqu’elle était enfant. Moi, je le chantais à Barcelone, d'où il est issu :

3) PLAGE 4

Là, c’est un grand saut que nous faisons vers le sud estival de décembre au Brésil avec cette ravissante Borboleta, le papillon multicolore, fleur ailée, voletant parmi les fleurs au rythme capricieux d’une bossa nova contemporaine :

4) PLAGE 6

Les Itinérantes se jouent donc des frontières terrestres et du temps, passant de musiques d’autrefois à d’aujourd’hui, faisant des transcriptions et arrangements d'airs traditionnels ou classiques. Le Cd est agrémenté de belles photos des trois dames, une seule, sous deux angles en couleurs, de dos, jupes longues de style XIXe siècle,  une autre dans un paysage de forêt devant un toit d’une chaumière qui fume, en châles pour deux d’entre elles, couronnées de fleurs pour on ne sait quelle fête ancienne. Les autres photos, dans une ambiance toujours d’autrefois, contre un troc d’arbre qui semble magique, ou en confortable intérieur, en plongée étrange.

 Elles font explicitement référence par leur tenue, à celle des premières exploratrices aventurières d’entre la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle auxquelles, à leur façons,  elles rendent hommage, femmes audacieuses qui ont non seulement découvert le monde mais ouvert cette voie aux autres femmes : ainsi, la britannique Isabella Bird (1831-1904), première femme à entrer à la Royal Geographical Society, la l’américaine Nellie Bly (1864-1922) qui se fit interner dix jours dans un hôpital psychiatrique pour en dénoncer les méthodes brutales, laissant un témoignage encore dans toutes les librairies, ou encore la Française Alexandra David-Néel (1878-1969), première femme à atteindre la cité tibétaine sacrée de Lhassa, que dans le jeu de la "panthéonisation" affective, France-Culture propose pour le Panthéon. Et je signale qu'elle était cantatrice, ayant chanté de grands rôles, compositrice, féministe et anarchiste.

S’il n’y a pas de frontières, jugeons-en par cette célèbre chanson napolitaine, Santa Lucia, devenue, en Suède, un célèbre noël national  local, Sankta Lucia :

5 ) PLAGE 14

Des trente langues qu’elles chantent, en voici une, inédite, l’Eldali, poétique langue inventée par Élodie Pont, presque anagramme de son prénom dans et air étrange, Sahèl, qui nous évoque les sables africains, mais où une mystérieuse voix en vocalise semble attirer la vaillante exploratrice vers un paradoxal palais d’une sorte d’Atlantide enfouie sous les glaces. Et nous finissons ainsi notre itinéraire des itinérantes :

6) PLAGE 11

 

Les Itinérantes

Voyages d'hiver, Noëls du monde a cappella

Label Ambronay

 

 

RCF : émission N°576 fe Benito Pelegrín

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

vendredi, décembre 24, 2021

LETTRES DU CŒUR : ENFANTS ET ANIMAUX

 

LE BESTIAIRE ABÉCÉDAIRE

livre-disque
Seulétoile

 

         Pour l’amateur de musique, qui aime sortir des sentiers trop battus, pour qui ceux aiment une belle et joyeuse originalité, tous les disques jusqu’ici chroniqués  sur nos ondes du joli label Seulétoile sont un heureux cadeau. Le tout dernier est un beau cadeau de Noël, et de tout temps, pour petits et grands. Je ne saurais trop le recommander. Je m’implique très personnellement, sans nulle crainte : c’est un bestiaire, c’est-à-dire un recueil de textes illustrés sur les animaux  —et j’aime et défends les animaux ; c’est un abécédaire,  mot composé sur a, b, c, d, ou alphabet,  du nom des lettres grecques,  alpha, béta, qui ont donné notre a et notre b, donc abécédaire est un terme composé du nom des quatre premières lettres de l'alphabet ; il désigne le petit livre dont on se sert pour apprendre à lire les lettres. 

Alors, je l’avoue : lire, bonheur de ma vie, écrire, honneur de l’écrivain. Et, ici, pour illustrer ce catalogue d’animaux, il y a des poèmes d’enfants récités et chantés par eux-mêmes et aussi de grands poètes, La Fontaine, bien sûr, mais aussi Apollinaire : des poèmes en forme de rondeaux, de comptines, de chansons, de ballades, en histoire, en fables et, naturellement, en musique  par Couperin, Saint-Saëns, Poulenc. Et comme on ne se moque pas des enfants, qui chantent aussi, ces musiques sont jouées par un ensemble d’excellents musiciens avec clavecin, viole de gambe, flûtes, et violon.

En somme, lettres, animaux, enfants et musique : comment ne pas aimer ?

Puisque l’on parle de lettres, il faut dire que chaque lettre illustrant et introduisant alphabétiquement un animal, est une lettrine, une grande lettre ornementale (ornée, etc.) qui commence un chapitre, un paragraphe. Et de jolis dessins fantaisistes d’animaux, fait aussi par les enfants.

Donc, comme les vingt-six lettres de notre alphabet, il y a ici vingt-six animaux, choisis aussi par les enfants. Nous en connaissons beaucoup, même l’ornithorynque, étrange mammifère qui pond des œufs, mais, avouons-le, en tous les cas, moi je l’avoue je ne connaissais pas, le jabiru, le kinkajou, le quiscale, l’urubu, le vespertilion, le watusi, le xylocope, l’yponomeute, le zacle. Vous les y découvrirez.  Mais aussi une lettre de réclamation de la velodona togata, une petite pieuvre, qui proteste de ne pas figurer dans cet abécédaire, bien qu’elle puisse plonger à des profondeurs marines de sept-cents mètres. Mais il y a réparation puisque l'on publie sa protestation.

Et puisque l’alpha, sinon l’oméga, dernière lettre de l’alphabet grec, est notre a, commençons par l’Abeille , le poème des enfants suivi de la bourdonnante musique du clavecin de Couperin :

 

1) PLAGES 1-2

 

Suivons notre Abécédaire. Après le A, c’et le B, illustré par la Belette, poème suivi d’une mise en musique au XVIIIe siècle de la fable de La Fontaine,  La belette dans le grenier :

 

2) PLAGES 3-4

 

Adorables voix d’enfants ! Après le B, fatalement, le C et c’est la Carpe qui l’illustre dans les ondes de la musique de Francis Poulenc où flotte le poème de Guillaume Apollinaire, chantée par Etienne Bazola :

 

3) PLAGES  5-6

 

ABCD : nous en sommes au D et c’est le Dauphin (toujours la musique de Francis Poulenc) tiré d’un autre poème du Bestiaire du cortège d’Orphée, de Guillaume Apollinaire, toujours chanté par la voix chaude, cordiale d’Étienne Bazola :

 

4)  PLAGES  7-8 :

 

ABCD : E ! sautons le pas, disons la patte, celle de l’Éléphant, sans doute très légère puisqu’il s’agit d’éléphant volant, on imagine le gentil Dumbo, mais la musique est de Camille Saint-Saëns, de son célèbre Carnaval des animaux  de 1886 :

 

5) PLAGE 9-10 : 1

 

Ce livre-disque enchanteur Le Bestiaire Abécédaire, a nécessité une longue préparation, on l’imagine aisément. C’est l’aboutissement d’une année de résidence de création en milieu scolaire au sein des écoles de La Chaux (département de Saône-et-Loire) et du RPI de Raddon-Breuchotte (Haute-Saône), RPI un regroupement pédagogique de quelques écoles à faibles effectifs scolaires afin de constituer une seule grande école concernant plusieurs sites. Le projet a impliqué des artistes, des enseignants et des élèves (entre 3 et 10 ans) qui ont choisi les animaux, écrit les poèmes et fait les dessins qui constellent si joliment le texte. Ils ont été assisté par les artistes et leurs maîtresses, citées.

avec, auprès des enfants : Cécile Desbois, Armelle Bossière, Adeline Ruel, Lucien Julien-Laferrière, Catherine Weissmann et les maîtresses ! Bravo à eux tous !

Et, comme on avait apprécié dans un précédent livre-disque, Le Violon et l’oiseau, qu’on recommande aussi pour Noël, il y a un souci pédagogique : l’explication du bourdon, nom d’insecte et terme musical et, par ailleurs, un jeu pour faire des acrostiches, une strophe écrite à partir d’un mot, lu verticalement de haut en bas, et dont chaque lettre, horizontalement, donne le premier vers du poème. Et aussi un lien sur les animaux et les formes poétiques : rêvons que cela éveillera des vocations poétiques at animalières chez ces enfants; le voici :

 

www.seuletoile.fr

 

Nous quittons à regret ce livre-disque su la fable de La Fontaine, La Cigale et la fourmi, mis en musique par Saint-Saëns :

 

6) PLAGE 12

 

 

LE BESTIAIRE ABÉCÉDAIRE

livre-disque
Seulétoile

    RCF : ÉMISSION N°578 DE BENITO PELEGRÍN, 9/12/2021

 

L'ALBUM EN GÉNÉREUSE ÉCOUTE ET DES PHOTOS DES ÉQUIPES : 

 

 https://seuletoile.fr/album/le-bestiaire-abecedaire/

 

mardi, décembre 21, 2021

CORPS ET ÂME


Body & Soul Consort

I Put a Spell on You

Ellen Giacone, voix & direction artistique

Label Les belles écouteuses

Traduisons : Body & Soul Consort, c’est ‘Corps et âme mariés’. C’est sans doute un clin d’œil au premier opéra religieux de l’histoire de la musique, la Rappresentazione di Anima e di Corpo, le dialogue entre l’âme et le corps’ d’Emilio de ‘ Cavalieri, qu’on appellera oratorio car il fut donné à dans l'oratoire des Philippins, adjacent à à l'église Santa Maria in Vallicella à Rome en 1600. Car ce disque est aussi savant que simplement séduisant, unissant harmonieusement en musique un sonnet de Pétrarque du XIVe siècle à un poème de Shakespeare en passant par d’autres poètes et musiciens élisabéthains, sans dédaigner des standards de jazz tirés d’opérettes, des comédies musicales américaines. Le tout avec un charme, un naturel et un art qui ne sent en rien l’artifice.

Nous avouons aimer ces jeunes, qui, refusant de se laisser enfermer dans des genres, des étiquettes, voyagent et nous font voyager dans leurs goûts, avec beaucoup de goût. Le sous-titre du disque, c’est I Put a Spell on You, ‘Je t’ai jeté un sort’, de la chanson de Jay Hawkins de 1956. Et il y a du sortilège, de l’enchantement, amoureux, dès le premier morceau, Incantation, les deux quatrains du sonnet de Pétrarque mis en musique, avec une saveur ancienne par Ellen Giacone, dont la voix semble planer sous ou sur les voûtes d’une cathédrale médiévale peinte d’azur et constellée d’étoiles d’argent des cordes sur le tapis de mousse ombreux d’un bourdon étale :

 

1) PLAGE 1

 

Ainsi, sans solution de continuité, sans chercher à causer des surprises faciles, à accuser des contrastes brutaux, ce disque mêle, ou plutôt harmonise, dans le bonheur d’écoute,  les langues, italien, anglais, français, et, du baroque  au jazz, des codes musicaux et des cordes d’hier, de l’ archiluth et de la viole de gambe à celles d’aujourd’hui, de la basse et contrebasse,  sans oublier les cordes vocales de  la chanteuse,  lumineux jet limpide sur la sombre douceur du cornet à bouquin, scandée des pulsations de cœur battant de la batterie. C’est une ode à la liberté de choix, d’interprétation et même d’improvisation.

Écoutons de l’Anglais John Dowland, justement surnommé « dolent », ‘souffrant’ pour la douceur dolente de ses airs d’amours toujours douloureux, un extrait de Come again, ‘Reviens’ (1597), rêvant sur les cordes éplorées comme des larmes du luth, un appel de l’amant à la bien-aimée qu’il rêve de revoir, entendre, toucher, embrasser, et de mourir (on espère de bonheur) avec elle :

 

2) PLAGE 4

 

Cet éclectisme de goût, de bon goût, tient sans doute à cette génération de jeunes habitués à voyager, sans frontières ni mentales ni physiques, ni artistiques. Ainsi, fondatrice de Body & Soul Consort qu’elle crée fin 2018, Ellen Giacone est italo-néerlandaise de naissance, mais a étudié le violon et le piano à Paris avant de suivre un cursus de biologie à l’École Normale Supérieure de Paris et, en parallèle, une formation de chanteuse lyrique, se passionnant pour la musique ancienne. Elle a travaillé avec les meilleurs maîtres.

Srdjan Berdovic, à l’archiluth, auteur des arrangements, des introductions et des interludes est croato-américain. Il compose pour des univers variés, allant de l’opéra de chambre au théâtre, en passant par le documentaire et le film d’animation. Krzysztof Lewandowski, cornet à bouquin, est Polonais, joue un peu partout au sein d’ensembles connus de musique ancienne mais, également, virtuose de la guitare basse, avec des groupes de jazz, de funk et d’autres musiques improvisées. Complétant cette triade de l‘est, le Serbe Srdjan Ivanovic, aux percussions, fuyant tout jeune la guerre avec son père compositeur, compositeur lui-même, a déjà couru le monde, remportant de nombreux concours, prêtant le sien à nombre d’ensembles.

Adrien Alix, viole de gambe et contrebasse, est diplômé des conservatoires parisiens et se produit dans différentes formations baroques connues. Metteur en scène, il monte L’Orfeo de Monteverdi et Dido & Æneas de Purcell avec l’équipe de recherche et pratique « Euridice 1600-2000 ». Il compose et joue au sein du collectif « Le printemps du machiniste » pour la série théâtrale en marionnettes intitulée Les Présomptions. Il prépare actuellement une thèse en littératures comparées et musicologie à propos de poésie et musique dans l’Italie du premier baroque.

Magnifique équipe de jeunes musiciens curieux et créatifs et on s’en convaincra encore avec un extrait de cet air de Stefano Landi, Non si scherza con Amore, ‘On ne badine pas avec l’Amour’, une recréation tout inventive, très jazzy d’aujourd’hui, d’un air plus que d’hier : de 1627 !

 

3) PLAGE 11

 

Un anonyme français de 1609, ne manque pas à la tradition gaillarde et paillarde gauloise : « C’est un amant ouvrez la porte », espérant trouver la belle toute nue :

 

4) PLAGE 7

 

Parmi les grands standards de jazz, et de comédies musicales, illustrés par Ella Fitzgerald ou Frank Sinatra, on trouve Bewitched, bothered and bewildered (1940) ‘Ensorcelé, dérangé et désorienté’ ;  My favourite things (1959), ‘Mes choses préférées’, encore  It’s Oh so quiet (1949) ‘C’est, oh! tellement silencieux’.

Mais nous quittons ce disque sur le célèbre et vengeur Cry me a river, de 1953, ‘Verse-moi une rivière de larmes’ :

 

5) PLAGE 3

 

 

Body & Soul Consort

I Put a Spell on You

Ellen Giacone, voix & direction artistique

 Label Les belles écouteuses

 

Teaser  et portrait d'Ellen Giacone :

 

https://www.youtube.com/watch?v=Lt5I9iakt90

https://www.youtube.com/watch?v=ft6SgsZAojI

I Put a Spell on You | Cité de la Voix : 

https://www.youtube.com/watch?v=7xTTXynyu2w

 

RCF. Émission N°572 de Benito Pelegrín 04/11/2021

 


 

 

vendredi, décembre 17, 2021

 

 

PASSION

Lully, Charpentier, Desmarets

Par Véronique Gens, soprano, direction Louis-Noël Bestion de Camboulas, Ensemble les Surprises, Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, 

un CD label Alpha classic


Présenter ce disque de Véronique Gens, c’est sans doute voler au secours de la victoire tant il a été unanimement célébré. Mais ce serait aussi voler une information aux auditeurs de RCF  ou lecteurs de La Revue marseillaise du théâtre qui n’en auraient pas eu connaissance si je n’en parlais pas parce qu’on en a trop parlé.

Véronique Gens, partie du chant baroque, devenue aujourd’hui une interprète de Mozart des plus prisées sur les scènes internationales les plus prestigieuses, se donnant le luxe d’une incursion chez Wagner, avec à son actif plus de 70 enregistrements, dont de nombreux ont été récompensés par des prix internationaux, revient, avec ce CD, à la musique baroque : elle la sert avec une voix puissante et légère à la fois, au timbre fruité, aux riches couleurs. Ici, en l’occurrence c’est l’opéra français baroque, dominé ou même écrasé au XVIIe siècle par le tyrannique Lully, qui figure avec des extraits de six de ses œuvres, mais on est heureux d’y trouver Charpentier, Desmarets et même un inédit, Pascal Collasse (1649-1709), tiré d’un injuste oubli. Centré sur de fortes héroïnes que la soprano incarne avec une passion qui justifie bien le titre du disque et le sens dramatique qu’on lui connaît et reconnaît sur scène.

Elle prend donc les rôles de ces chanteuses que, nous rappelle dans son intéressante préface historique Benoît Dratwicki du Centre de Musique baroque de Versailles, on appelait alors « premières actrices ». J'y vois la parlante étiquette version française du « prima la parola, dopo la musica », ‘d’abord la parole, ensuite la musique’, qui était l’esthétique de Monteverdi et du premier baroque Italien, qui voulait rendre le texte dramatique intelligible ; le baroque ultérieur inversera la hiérarchie en donnant le primat à la virtuosité vocale au détriment du texte. Le préfacier nous apprend que ces rôles dit de « grande représentation » étaient aussi nommés « à baguette », référence non à celle du chef, qui n’existait pas alors, mais à l’attribut accordé à ces fortes femmes, sceptre de reine ou baguette de magicienne, ou canne de femme âgée, encore que je n’en voie guère dans ces opéras héroïques à machines. Mais je pense personnellement que « première actrice » répond à la hiérarchie théâtrale générale du premier ou second rôle féminin, de première ou seconde dame, en somme, en italien « Prima donna » ou, encore chez Mozart, premier ou second soprano, selon, naturellement, l’importance du rôle, sa puissance vocale et sa couleur. En France, c’était aussi le « Grand dessus ».

Ce sont naturellement ces héroïnes grandioses qui font la chair vocale à laquelle Véronique Gens prête la sienne, ici, à rien moins que Junon, céleste épouse de Jupiter. À l’issue de la Guerre de Troie, l’ombre vengeresse d’Achille demande aux Grecs d’immoler sur son tombeau Polyxène la fille de Priam, amoureuse de lui, qui sera égorgée. Ce qu’on appelle le mariage de Polyxène. L’Andromaque de Racine mentionne ce sacrifice en évoquant la nuit horrible de la prise de Troie. C’est un extrait, inédit d’Achille et Polyxène, opéra inachevé de Lully qui mourut de la gangrène du coup qu’il se donna au pied en battant la mesure, non avec une inoffensive baguette, mais un bâton énorme, et qui fut achevé par son élève Pascal Collasse (1649-1709), dont voici un extrait :

 

1) PLAGE 3

 

         Ce qui manque dans ce beau CD, c’est des éclairages sur ces œuvres et, surtout, sur ces héroïnes tragiques qui en sont la matière et restent des inconnues pour un public ignorant la mythologie et les personnages issus de la vogue des romans de chevalerie comme Amadis ou de l’épopée du Tasse. C’est d’autant plus dommage que le disque, composé d’extraits des opéras, Amadis, Proserpine, Atys, Persée, Alceste, Le Triomphe de l’Amour de Lully, d’Achille et Polyxène de Collasse, de Circé, de Desmarets, Médée de Charpentier, le CD donc est lui-même proposé comme un opéra en cinq actes, successivement titrés I. l’Appel des Enfers ; II. Malheureuse mère ; III. Cruel Amour ; IV. Tranquille sommeil funeste mort ; V. Médée furieuse. Si l’acte II. Cruel amour peut chapeauter inévitablement tous les autres, le connaisseur de ces héroïnes tragiques voit bien que Médée, à laquelle est consacré le cinquième acte, peut aussi figurer comme magicienne dans le premier des Enfers et, même, comme matricide, au second, de Malheureuse mère… Dans celui-ci on ne comprendrait rien aux lamentations de Cérès (Déméter des Grecs) si l’on ne savait que sa fille, Proserpine (Perséphone des Grecs), lui a été enlevée par Pluton (Hadès pour les Grecs), dieu des Enfers, qui en fait sa reine. Pour venger le rapt de sa fille, Cérès, déesse de la fertilité et des moissons, désole la terre, mais on concédera à son désespoir et au bonheur du monde, de lui rendre sa fille tous les six mois, ce qui fait que le retour sur terre de Proserpine en fait la déesse du printemps, de six mois de beau temps, et sa mère, apaisée, est celle du reste de l’année.

         Mais nous écoutons un extrait de l’opéra de Charpentier sur la terrible Médée, magicienne, dont la Criée nous offrait, il y a peu, la pièce originale de Sénèque. Elle a aidé Jason à conquérir la Toison d’Or avec les Argonautes, découpant même son frère en morceaux pour en assurer la fuite en lançant des morceaux que les poursuivants, par piété, recueillent un à un pour lui assurer une sépulture. Trahie par Jason, elle tue la rivale en lui offrant une tunique de feu puis égorge ses propres enfants pour le punir dans ce qu’il a de plus cher :

 

2) PLAGE 19

 

On aime le sens du théâtre éminemment baroque de Louis-Noël Bestion de Camboulas à la tête de son Ensemble les Surprises, auquel les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles apportent un concours très expressif pour les passages choraux. Avec des plages instrumentales, parenthèses très réussies, c’est le somptueux décor musical qu’il déploie pour la voix et de Dominique Gens. Nous les quittons avec un extrait du célèbre monologue de l’Armide de Lully, la magicienne de la Jérusalem délivrée du Tasse, dont l’Opéra de Marseille vient de nous présenter la version de Rossini. Armide veut tuer Renaud endormi mais l’amour l’en empêche :

 

3) PLAGE 13

 

 

PASSION

Lully, Charpentier, Desmarets

Par Véronique Gens, soprano, direction Louis-Noël Bestion de Camboulas, Ensemble les Surprises, Chantres du Centre de musique baroque de Versailles, un CD label Alpha classic

 

 


 

RCF ÉMISSION N°571  DE BENITO PELEGRÍN,

Semaine 45

 

Extrait Youtube :

 https://www.youtube.com/watch?v=VpLn6-QXtkw

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