Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

vendredi, mai 31, 2019

LA CHEVAUCHÉE FANTAS(TI)QUE



La Grande Duchesse de Gérosltein
Opéra-bouffe en 3 actes et 4 tableaux
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy ,
musique de Jacques Offenbach
Marseille, théâtre Odéon,
25 mai 2019

         Non pas fantastique et dramatique comme celle de John Ford, mais forte d’une équipe homogène, fosse, plateau, direction cavaleuse de scène (Jack Gervais) et chanteurs, c’est la chevauchée fantasque, fantaisiste, menée par Bruno Conti, sans cravache ni éperon brutal, la baguette pour badine badine, au grand galop d’un orchestre comme la cavalerie légère de la joie. Car on dirait que le Cheval blanc de l’Auberge a depuis fait des petits en rose : sa hure hilare emmanchée d’un balai, c’est tout un bataillon de chevaux-légers qui défilera sur scène, des tuniques bleues, sans doute moins du western que de l’Est imaginaire de cette principauté qui semble guigner vers l’azur Monaco, avec son armée de soldats en shorts et casque colonial estival et un bataillon, avec leurs képis mimis sur leurs blanches jupettes, de gendarmettes aux jolies gambettes et le reste pas trop bête, comme dit Mistinguett, « c’est vrai ! »

Sans se gendarmer, tout ce joli monde guerrier siglé GD, Grande Duchesse ou GensD’arme, semble de pacifiques Casque Bleus onusiens, même sous cet énorme canon comme on les aime : en peinture et caricature, trônant plus que tonnant, sur ce camp militaire —ou de vacances— avec, surmontées de panaches, ses tentes invitant plus à la détente et au repos du guerrier avec ces canons féminins qu’à la guerre en dentelle d’amour : fleuries pour la fleurette à conter. Leur contrepoint physique ironique anime plaisamment en chœur l’hymne du Général Boum à sa propre gloire mais, quand le verbalement belliqueux va-t-en- guerre monte sur ses grands chevaux claironnant le chant du départ au combat, cela ne les emballe guère, et ils freinent des quatre fers, tremblant sur leurs guiboles : rythme impeccable de guerre mais une armée guère implacable.

D’accord, la guerre mais ce n’est juste qu’un divertissement trouvé par le machiavélique ministre Puck pour occuper l’esprit mélancolique de la Grande Duchesse Dorothée à marier qui ne se marre pas, tricotant nerveusement dans un coin sous l’ombrelle de son chapeau comme une anglaise attendant le tea time, l’heure du thé et de vérité : le choix d’un époux. Et celui de la parade militaire, de la revue. On salue au garde à vous le génie de son ministre Puck et du Boum Général en chef, ingénieux à éviter les batailles et, si la noble dame déclame et proclame avec tout l’appétit gourmand de Marie-Ange Todorovitch « Ah, que j’aime les militaires ! », on voit vite que c’est bien vifs qu’elle les préfère, bien pourvus et non mutilés ni handicapés, même si Fritz (Kevin Lamiel) le simple et simplet fusilier a un handicap du cap en ne comprenant pas les avances fort poussées de la belle souveraine qui l’invite au duo. Avant même sa grisante guerre éclair, c’est la promotion éclair : de simple soldat il monte, escalade tous les degrés de la hiérarchie, caporal, sergent, lieutenant, capitaine puis Général en chef, le chef sur le champ orné par la Grande Duchesse du plumet arraché illico presto au titulaire, au grand dam de Boum qui en fait un ramdam.  

Pauvre coq déplumé, rouge de colère éclipsé par le bleu, militairement et sentimentalement, car son cœur par ailleurs fait boum-boum pour la fiancée du fusilier, on comprend que, vert de rage, alors qu’il avait auparavant triomphalement chanté ses couplets avec toute l’énergie tonique et tonnante de Philippe Fargues loufoque, il suffoque d’avoir été humilié devant ses hommes : il passe à la conjuration avec l’insinuant et insidieux ministre, un Jacques Lemaire (« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? ») qui sait susurrer ses phrases d’assassine façon ; il n’est pas, pour rien nommé Puck, fantasque farfadet intrigant de Shakespeare, dont la follette apparence est aussi le revers du pervers. Troisième larron ou luron de la conjuration, on ne sait tant Dominique Desmons, en Prince Paul, futur consort ne s’en sort pas à tant attendre, constant, le mariage repoussé avec constance par la Grande Duchesse, a d’innocente ou inquiétante douceur à chanter —ou de sournoise habileté à manipuler des marionnettes. Il sera rejoint dans la conspiration contre Fritz par son conseiller, l’élégant Baron Grog (Jean-Luc Épitalon) en apparence très froid mais sûrement chaud lapin quand la pauvre Dorothée, entêtée de lui mais dépitée, découvrira qu’il a une portée d’enfants et un autre en préparation avec une épouse légitime.
Pas de chance en amour pour cette pauvre dame riche et noble si majestueusement et drôlement campée par Marie-Ange Todorovitch, pétulante, pétaradante d’ardeur dans son amour pour les militaires, solennelle à exalter la mystique «du sabre, du sabre, du sabre de papa » ; comment résister au velours sensuel de sa voix, invite envoûtante à la volupté dans son aveu : « Dites-lui qu’on l’a remarqué… ». On traiterait presque d’ignoble à tant ignorer ses avances amoureuses ce serin de Fritz qui, tout serein et imperméable, chante joliment dru et clair mais n’y voit guère dans ce jeu transparent. Bon, on ne comprend pas mais on lui pardonne quand même à voir et entendre sa belle modeste cantinière incarnée si brillamment par la souriante et chaleureuse Charlotte Bonnet.  

Et Antoine Bonelli dans tout ça ? Il se taille un habituel succès sans même chanter, en Népomuc aussi fourni en cheveux que la scène en chevaux pour le galop musical final (« À cheval ! »), au pas (pas) militaire de ces plus fringants cavaleurs qu’arrogants cavaliers et agiles pouliches, dans une cavalcade folle qui dynamite la salle par son dynamisme énergisant. Oui, à cette image : que la guerre est jolie !
Marseille, Théâtre Odéon
25 et 26 mai
La Grande Duchesse de Gérolstein
de Jacques Offenbach
Opéra-bouffe en 3 actes et 4 tableaux
Livret de Henri MEILHAC et Ludovic HALÉVY
Direction musicale Bruno CONTI
Mise en scène 
Jack GERVAIS 
La Grande Duchesse Marie-Ange TODOROVITCH
Wanda Charlotte BONNET
Fritz Kévin AMIEL
Général Boum Philippe FARGUES
Baron Puck Jacques LEMAIRE
Prince Paul Dominique DESMONS
Baron Grog 
Jean-Luc ÉPITALON 
Népomuc 
Antoine BONELLI 
Chœur Phocéen, Orchestre de l’Odéon
Photos Christian Dresse
1.La Grande Duchessse s'ennuie (Todorovitch, Desmons);
2.  Dorothée et son armée;
3. Les conspirateurs (Desmons, Lemaire, Fargues);
4. Épitalon, Bonelli,  Desmons, Todorovitch, Fargues, Lemaire;
5. Bonnet, Amiel; 
6. "À cheval!"



mardi, mai 28, 2019

FLEURS SANS PARFUM



LA DAME AUX CAMÉLIAS

d’après le roman et la pièce Alexandre Dumas fils

Marseille, Théâtre de la Criée,

18 mai 2019

I. L’œuvre

Le roman

De son roman autobiographique La Dame aux camélias (1848), Alexandre Dumas fils fera un mélodrame en 1851, qui touchera Verdi. Alexandre Dumas fils était l’amant de cœur de la courtisane Marie Duplessis qui inspire le personnage de Marguerite Gautier, maîtresse un temps de Liszt, morte à vingt-cinq ans de tuberculose. Le jeune et alors pauvre Alexandre, offrira plus tard à Sarah Bernhardt, pour la remercier d’avoir assuré le triomphe mondial de sa pièce qui fait sa richesse, sa lettre de rupture avec celle qu’on appelait la Dame aux camélias, résumant l’un des aspects cachés du drame vécu :

         « Ma chère Marie, je ne suis pas assez riche pour vous aimer comme je voudrais, ni assez pauvre pour être aimé comme vous voudriez… »



Noble mais fausse rupture comme il y a de fausses sorties au théâtre, puisque Armand Duval, dans le roman, s’accommodera assez aisément du vieux duc, qui loue même la maison de campagne qui abritera ses amours non tarifées avec la courtisane amoureuse qui l’embrasse triomphalement :



« Ah, mon cher, vous n’êtes pas malheureux, c’est un millionnaire qui fait votre lit. »




La phrase de rupture réelle est reprise dans le roman. Ainsi, ne pouvant ni l’entretenir, ni être entretenu par elle, Alexandre deviendra célèbre et riche avec son drame qui raconte le sacrifice de la courtisane, exigé par le père de son amant, redoutant que les amours scandaleuses de son fils avec une poule de luxe ne compromettent le mariage de sa fille dans une famille où la morale fait loi. Et l’argent : on craint que le fils prodigue ne dilapide l’héritage familial en cette époque, où le ministre Guizot venait de dicter aux bourgeois leur grande morale :  

« Enrichissez-vous ! »

Aussi s’étonne-t-on qu’Arthur Nauzyciel prétende, dans sa mise en scène, vouloir « faire émerger des dimensions parfois cachées », dont « la place de l’argent », pourtant effrontément présent, ne serait-ce que dans la cynique longue tirade comptable de Prudence sur le train de vie minimum d’une courtisane qu’elle détaille, qui occupe les cinq premières pages du chapitre XIII du roman. Marguerite elle-même ne masque guère, le moins qu’on puisse dire, de ses gains et dépenses, face à ce que les deux femmes estiment la modeste rente d’Armand, encore moins riche que

« Tous ces jeunes gens ayant 20 ou 30 mille francs de rente à Paris, c’est-à-dire à peine de quoi vivre dans le monde qu’ils fréquentent »

qui ne suffirait même pas à payer le loyer de l’appartement et les domestiques de Marguerite.  

Car le roman est d’une cruelle crudité financière sans fard. C’est l’entremetteuse et profiteuse Prudence, cocotte sur le retour, de ces amies « dont l’amitié va jusqu’à la servitude mais jamais jusqu’au désintéressement », qui énonce longuement au jeune amoureux idéaliste les exigences du train de vie fastueux d’une courtisane : trois ou quatre amants sont au moins nécessaires pour en entretenir une seule. Marguerite, fort cotée, pour subvenir à ses immenses besoins, en a deux officiels, le Comte G. et le vieux Duc richissime, qui voue un platonique amour filial à la courtisane lui rappelant sa fille morte. Armand Duval, l’amant novice, en est d’abord réduit à guetter qu’ils sortent de chez elle pour y entrer la retrouver. Ce seront d’ailleurs les seuls à son enterrement. 

Ni Prudence donc, ni même Marguerite, ne cachent au jeune amant de cœur la nécessité des amis de portefeuille : Marguerite dépense 100 000 francs (de l’époque) par an, en a 30 000 de dettes ; le duc lui en octroie annuellement 70 000 (somme qu’elle refuse honnêtement d’augmenter), et l’on peut supposer que le comte G. pourvoie au reste, mais le compte n’y est pas dans la fuite en avant des dépenses. Alors, le malheureux Armand avec ses 7 000 ou 8 000 francs de rente paternelle par an peut se rhabiller, pauvre et nu avec ses beaux sentiments…

Fière de son plan campagnard, sa cure d’amour et d’air frais avec le « cher enfant », Marguerite fait financer la location de la maison de campagne par le duc, refusant tout de même, par élégance morale, de lui faire assumer les frais du séjour à l’auberge voisine d’Armand, qu’elle paie elle-même, pour préserver les apparences et la dignité du vieil amant. Elle n’invite Armand à demeure un certain temps que parmi d’autres de ses amis, causant la rupture avec le duc qui s’en scandalise en arrivant de manière inopinée au milieu d’un repas où il fait figure de barbon grincheux trouble-fête.  Pour renouer le fil et le filon financier de la liaison avec Marguerite, le vieux Duc exige le sacrifice de l’Armand de cœur que Marguerite, brûlant la chandelle de sa santé et de ses finances par les deux bouts, affiche désormais comme amant officiel, commençant à vendre secrètement ses biens pour ne pas vivre mal ce qu’elle pressant derniers moments de sa vie.




Demi-monde fastueux et miséreux

Mais, contrairement à l’image pathétique laissée par Verdi d’une Violetta mourant pauvre et abandonnée, la Marguerite du roman finit ses jours endettée mais non ruinée. C’est par la vente aux enchères de ses meubles et objets précieux chez elle, rue d’Antin n° 9, le 12 mars 1847, que commence l’histoire dont le premier narrateur remontera le fil, louant la clémence de Dieu qui « l’avait laissé mourir dans son luxe et sa beauté avant la vieillesse, cette première mort des courtisanes. » Les créanciers n’ont pas été moins indulgents, qui ont attendu sa mort pour mettre en vente ses biens pour récupérer leurs créances. Les femmes du monde accourent à la vente en quête d’une bonne affaire, avec la curiosité malsaine de pouvoir enfin visiter la demeure, purifiée par la mort de la pécheresse, et ce cabinet de toilette « d’une femme entretenue », à la « collection » éblouissante d’objets en or et argent. Sans doute payés par leurs maris. Qui dilapident leur dot, dans ces dépenses aussi luxueuses que luxurieuses, ostentatoires qui sont aussi de prestige social, qui soutiennent un nom, une position qu’on peut faire fructifier dans les affaires. Bourgeoisie triomphante, pudibonde côté cour mais dépravée côté jardin, jardin même pas très intérieur, cultivé au grand jour des nuits de débauche officielles avec des lionnes, des « horizontales », des hétaïres, des courtisanes affectées (et infectées) au plaisir masculin que les messieurs bien dénient à leur femme légitime. Sans compter le menu fretin inférieur des grisettes, des lorettes, racoleuses de Notre-Dame-des-Lorettes.


Alexandre Dumas, digne fils de son géniteur, qui disait tout fier de son rejeton marchant sur ses pas qu’il « usait les vieilles chaussures et les vieilles maîtresses de son père », tous deux ayant la même « pointure », s’était fait une spécialité de scandale de la description du monde de la galanterie parisienne. C’est sans doute à sa pièce Le Demi-Monde (1855) que l’on doit le terme de demi-mondaine pour définir ces prostituées de haut vol, pratiquement toutes issues du peuple mais que leur luxe et souvent leur raffinement final feront arbitres des élégances, imposant même leur mode aux femmes du monde les plus huppées, aux aristocrates, courtisanes anoblies souvent par des mariages prestigieux.

Qu’on songe, pour ne s’en tenir qu’aux strictement contemporaines, à Lola Montès, l’Irlandaise fausse danseuse espagnole, sans doute amante, entre autres, des Dumas père et fils, parcourant toute l’Europe, multipliant scandales et mariages, bigame, séduisant Wagner, Liszt (contraint de fuir ses fureurs), des princes, devenue comtesse de Lansfeld, entraînant à Munich émeutes, révolution en 1848 et la chute de Louis 1er de Bavière, son amant protecteur, contraint d’abdiquer, avant de finir, après avoir écumé les États-Unis et même l’Australie d’une pièce à sa gloire, ruinée et confite en dévotion.

Sans allonger la liste des horizontales finissant bien debout plus titrées que maltraitées comme la pauvre Marguerite, on croit rêver à lire la vie de la Païva, de sa lointaine et misérable Russie, épousant et divorçant d’aristocrates allemand, anglais, et gardant son nom du titre de marquise portugaise qu’elle conserve après la ruine de cet autre malheureux époux. De ses immenses et innombrables propriétés, on peut juger par le somptueux hôtel particulier du 25 Champs-Élysées, aux grilles noires et dorées, dont Dumas père disait sarcastiquement, lors de sa construction :



« C’est presque fini, il manque le trottoir ».

Demeure vite appelée par les rieurs non payeurs, jouant sur son nom : « Qui paye y va ».
Même Napoléon III.

La chair est chère, dirait-on. Mais sûrement rentable, chacun y trouvant son compte, en banque pour la courtisane entretenue, en prestige social, précieuse monnaie d’échange pour l’homme dont le train de vie se mesure à celui qu’il offre à sa maîtresse officielle, affichant par-là, pour les affaires autres que d’amour, qu’il est solvable et fiable. D’où la surenchère avec les concurrents, et le triomphe des amours-propres et non de l’amour. Marguerite Gautier, avec une amertume lucide, l’explique à son jeune amant, fauché à cette échelle de valeurs monétaires vertigineuses :

« Nous avons des amants égoïstes qui dépensent leur fortune non pas pour nous comme ils disent, mais pour leur vanité. […] Nous ne nous appartenons plus. Nous ne sommes plus des êtres mais des choses. Nous sommes les premières dans leur amour propre, les dernières dans leur estime. »

Un amant de cœur, une fleur à la main, une larme à l’œil comme dit Marguerite, faisant secrètement antichambre tandis que le « payeur » (comme disait déjà Ninon de Lenclos) est encore dans la chambre, c’est donc comme une revanche de l’amour sur l’amour-propre épidermique.

Il faut dire aussi que la jeune Marie Duplessis/Marguerite, prise en mains par son premier amant aristocrate, en reçut éducation et manières (elle joue au piano l’Invitation à la valse de Weber, même si elle avoue buter sur un passage en dièse), alors que, six ans auparavant, elle ne savait pas écrire son nom comme elle le confesse sans fard à Armand. Elle est spirituelle, lit Manon Lescaut, et ne rate pas une première à l’Opéra ou au théâtre, terrain de chasse certes, où elle ne passe jamais inaperçue malgré son élégante discrétion, un noble amant se doit aussi d’être fier de la femme qu’il affiche à son bras, trônant camélias sans parfum (qu’elle ne supporte pas) à la couleur comme un signe, blancs pendant les vingt-cinq jours du mois et rouges les autres, avis aux amateurs, et sachets de bonbons sur son giron. Elle tiendra un salon littéraire au corsage et politique. D’ailleurs, le fidèle Comte de Perregaux l’épouse à Londres, la faisant comtesse même si lassée, elle rentre à Paris, reprend son ancienne vie et meurt l’année suivante, après un an d’amour avec Alexandre Dumas fils qui l’immortalise en Marguerite Gautier.


Elle habitait Boulevard de la Madeleine, mais Dumas fils lui donne un « magnifique appartement » rue d’Antin.



II. Le spectacle

         Beauté plastique

Ce qu’on ne niera pas, c’est la beauté de l’ensemble de ce qu’on a du mal à nommer pièce, où lumières de rêve ou de violence crue, plafond immense d’un rouge Second Empire à capitons comme les deux canapés, se baisse d’oppressante manière à certain moment, comme rétrécissant l’espace et l’oxygène de la phtisique, qui cherchait l’air de la campagne, dont on aura des vues défilantes, déferlantes d’arbres en vidéo occupant tout le fond de la scène ainsi ouverte sur la liberté. Même indiscutable attrait des films blanc et noir, gros plans de l’héroïne, mais scènes d’orgie redoublant sans doute celle vaguement, vaporeusement entrevue longuement, trop, à travers le rideau transparent du début, où l’on devinait plus qu’on ne voyait, dans la lenteur des gestes suspendus des rêves, des arabesques, un onirique magmas de corps nus amalgamés, confus enlacement, enroulement, déroulement de bras, jambes, qui ne s’identifieront qu’en roulant et se séparant en couples, dans un salon où règne un immense phallus, androgynisé par des rondeurs callypiges. Des images d’enfilade couloir, de porte de chambre de malade où agonise Marguerite seront la seule notation réaliste d’un spectacle fuyant, à l’évidence des images, la réalité.




Narration contre action

Narration dans la narration, le roman de Dumas fils a un double narrateur, comme Manon Lescaut (dont le volume signé permet au premier narrateur d’identifier Armand qui lui racontera ensuite son histoire) dont on oublie toujours, détaché de son contexte, que ce n’est qu’un épisode rapporté des Mémoires d’un homme de qualité de Prévost, déjà une aventure, une mésaventure amoureuse contée par un héros malheureux à un ami compatissant. Le spectacle ici présenté, à part quelques phrases que je ne situe pas du roman, bien connu, peut-être de la pièce que j’ignore, Marguerite parlant de deux « moi », qui semble bien moderne, le clin d’œil de l’opéra où elle voit La Traviata (anticipée par la musique discrète du prélude), c’est essentiellement le texte fidèle du roman qui est utilisé, sollicité en continu. Avec le trouble, parfois, d’avoir l’impression d’entendre des phrases fortes de la Traviata traduites en français.

Certes, on est heureux d’entendre le texte, l’œuvre originale qui, à travers ensuite le théâtre et, essentiellement, l’opéra de Verdi, a fixé Marie/Marguerite/Violeta, « la Dame aux camélias », dans l’imaginaire collectif universel. Mais le théâtre est actes, action : la narration, son contraire. Le dynamisme kinésique de l’une s’oppose au statisme, à la stase, sinon extase de l’autre. Aussi, toute charmeuse et confidentielle qu’elle soit, la voix off qui égrène le texte du roman de Dumas contraint les comédiens du plateau, pour n’en pas perturber l’écoute, à des arrêts sur image, le metteur en scène étant assez habile, pour éviter une « lecture animée », imagée, de ne pas leur faire jouer une illustration pléonastique de ce qui est dit par cette voix hors-jeu, leur jeu devenant alors une sorte de chorégraphie érotique sophistiquée, dans une lenteur onirique, très belle, mais qui disperse l’attention du spectateur dans cette immense scène panoramique. Et finalement, ce contrepoint gestuel du public d’amis nus de Marguerite, s’il charme au début par la surprise, répété, devient une mécanique gratuite parasitant en pluriel le jeu singulier de l’interprète de la femme publique. De la sorte, sans fonction locutoire, figé dans l’immobilité apparemment à l’écoute du récit qui se débite de loin, l’Armand Duval campé, ou plutôt planté au milieu de la scène, de Hedi Zada semble bien placide, flegmatique, absent du drame. Il faudra attendre enfin une scène de dispute entre les deux amants légendaires, chacun sur un canapé, éloignés comme des navires en partance contraire, pour qu’il s’anime émotionnellement et, piège de la narration continue, le cri qu’il pousse à sa lettre de rupture, qui ne lui est pas concédée mais énoncée de haut par la voix off, semble paradoxalement décontextualisé.

On comprend que le metteur en scène a voulu éviter le piège de la lecture imagée, dépouillant le spectacle, aussi dépouillé que les acteurs nus, des oripeaux d’époque historique, le réduisant littéralement, sinon littérairement, à la chair. Mais le texte lui-même ne s’incarne guère quand ils ont la parole par un parti-pris de débit distancié, pratiquement neutre, comme récité, celui du père étant un sommet de distante froideur. La Marguerite de Marie-Sophie Ferdane, toute blondeur et puissance physique, avec une large voix décalée (déclassée ?) aux accents quelque peu faubouriens, loin de l’image romantique éthérée de la poitrinaire, ne répond pas à ce qu’on sait de Marie ou Marguerite, grande mais brune fragile, le propos du metteur en scène n’étant pas le réalisme, encore moins sentimental, d’où la gêne de se demander si l’on est touché  de ce qui vient d’elle à nous par son jeu, pris dans cette glace généralisée, ou par ce qu’on projette sur elle de ce que l’on sait de la pathétique héroïne, délibérément lavée de « pathos » selon la note d’intention de Nauzyciel. Cependant, à l’inverse, les images fixes en gros plan de cinéma de son visage, sans recherche ici d’esthétisme, son regard perdu est le vrai truchement muet du pathétique prétendument évacué.

Jolie trouvaille économique, les quelques mimodrames, comme le jeu de doigts sur le dossier du canapé faisant exister le piano absent. Pareillement, le texte narré circule, est repris souvent par les comédiens, un fluide passage de relais assurant habilement de la sorte par la parole une multitude de personnages avec un nombre limité d’acteurs, devenant de la sorte spectateurs ou narrateurs de leur propre vie, mais, quand c’est l’héroïne qui est ainsi diffractée en texte, dispersée chez les autres, elle est diluée d’autant, dépossédée ainsi d’une part de sa parole. C’est intéressant intellectuellement, mais glace et lasse par le système trop visible.


Longueur

Une pièce a des actes, des entractes, une respiration ; un roman, des chapitres, des pauses délibérées du lecteur —ou du sommeil qui le gagne— des pauses nécessaires à l’attente, à la rêverie de l’émotion, mais, tiré un peu d’une pièce et beaucoup d’un roman, faire un spectacle de près de trois heures sans interruption, c’est peut-être exiger beaucoup du public le plus patient alors que, justement, la narration, et tout ce qui va de soi avec un personnage aussi connu de « la Dame aux camélias », permettait des ellipses, de faire l’économie de passages inutiles au déroulement, comme le voyage à Londres après la rupture, si j’ai bien suivi, ce que je ne puis assurer.

Le metteur en scène a voulu prendre avec son sujet, sa pathétique héroïne, une telle évidente distance que, même au premier rang, on se sent très loin de ce qu’on voit. À gommer à l’excès, comme il le revendique, « le pathos », il efface le pathétique, le sentiment, la nécessaire sympathie du public envers l’héroïne. Pour éviter le piège du naturalisme, tout est si « dénaturalisé » que, même en état de nature, de nudité, toute cette chair étalée manque finalement de corps et les fameuses fleurs, les camélias de la Dame, sont bien des fleurs sans parfum. 

Théâtre de la Criée
 17 et 18 mai
La Dame aux camélias
D’après le roman d’Alexandre Dumas fils

Mise en scène :  Arthur Nauzyciel, assistant Julien Derivaz.
Avec Pierre Baux (M. Duval), Océane Caïraty (Nanine), Pascal Cervo (Le Docteur / Olympe), Guillaume Costanza (Arthur de Varville), Marie-Sophie Ferdane (Marguerite Gautier), Mounir Margoum (Gaston Rieux), Joana Preiss (Prudence Duvernoy), Hedi Zada (Armand Duval)
Adaptation : Valérie MréjenArthur Nauzyciel, Pierre-Alain Giraud. 
Scénographie : Riccardo Hernandez.  Lumières :  Scott Zielinski .Réalisation, image et montage film :  Pierre-Alain Giraud.  Son :  Xavier Jacquot.  Costumes :  José Lévy.  Chorégraphie : Damien Jalet.
Production Théâtre National de Bretagne
Coproduction Les Gémeaux – Scène nationale de Sceaux, Théâtre National de Strasbourg, les Théâtres de la Ville de Luxembourg, Comédie de Reims, Le Parvis scène nationale Tarbes Pyrénées. Avec le soutien de l'ENSAD de Montpellier (FIPAM).
Photos ©Philippe Chancel

 

vendredi, mai 17, 2019

THÉÂTRE ESPAGNOL DU SIÈCLE D'OR ET OPÉRA BAROQUE



CONSERVATOIRE DE MARSEILLE
 Conférence 
de
  Benito PELEGRíN
suivie d'un concert
entrée libre
Vendredi 23 mai,
18h 
Théâtre espagnol du Siècle d'Or et opéra baroque
Le vers de romance de la comedia et le recitativo secco de l’opéra baroque italien

     À l’exception des États pontificaux et de Venise, depuis la fin du XIIIe siècle, presque toute la Péninsule italienne est dominée par l’Espagne jusqu’au Traité d’Utrecht de 1713, qui ne rompt pas pour autant les liens qui sont dynastiques.
     Si l’effervescence culturelle italienne nourrit toute l’Europe, le bouillonnement du Siècle d’Or espagnol est aussi sensible en Italie. À la naissance florentine du dramma per musica (L’Orfeo de Monteverdi, 1607) correspond Arte nuevo de hacer comedias en este tiempo (1609), la théorie théâtrale de Lope de Vega qui codifie versification et affects. Le théâtre baroque espagnol se joue dans toute l’Italie, en langue originale ou traduit. Le fertile Lope de Vega est passionnément étudié, loué, dans les cénacles érudits italiens. Ses succès, et ceux d’autres dramaturges espagnols comme Calderón, alimentent les scénarios de la Commedia dell’Arte et autres scènes, notamment lyriques. Des recherches récentes ont répertorié l’importance de ces emprunts thématiques espagnols par les librettistes italiens.
      Cependant, reprenant ses recherches anciennes, c’est au niveau structurel et formel que Benito Pelegrín s’attachera pour montrer que la théorie de Lope, sa polymétrie, dont le romance pour les récits (relatos), peut expliquer la naissance du recitativo (« récit» en français) suivi de l’aria qui va scander ce qu’on appellera plus tard opéra : deux procédés d’écriture rapide qui expliquent la rapidité d’exécution de ces œuvres baroques, parlées ou lyriques, par leurs prolifiques auteurs (quelque mille pièces répertoriées de Lope de Vega). 

Benito Pelegrín est un grand spécialiste du baroque et du néobaroque. Passionné de musique, il a écrit le livret de l’opéra Colomba, créé en première mondiale en 2014 à Marseille. C’est aussi un traducteur prolifique : il a notamment contribué au rayonnement de l’œuvre de Baltasar Gracián en France. Il écrit régulièrement pour le théâtre et se fait depuis de nombreuses années le chroniqueur de la vie culturelle régionale dans les journaux et sur internet. 

CONFÉRENCE SUIVIE D'UN CONCERT
Par des professeurs et des élèves du Conservatoire
 
  Christine Lecoin, direction et clavecin
Eleonora de la Peña, soprano 

Musiques issues des échanges culturels entre l’Espagne et l’Italie
 Sanz, A. Scarlatti, D. Scarlatti, M. De Falla, F. Tárrega, J. Rodrigo, avec :
  • ✓  Haruko Tanaka, Daphné Pratali Piton, Maria Tomilova, Victor Chollat Namy, Naémie Rochwerger, étudiants des classes de clavecin de Caroline Huynh Van Xuan et Christine Lecoin
  • ✓  Carmen Confalonieri, étudiante de la classe de mandoline de Vincent Beer Demander
  • ✓  Arliss Bruyas-Baudin, étudiant de violon de la classe de Cécile Jeanneney
  • ✓  Juliette Gaudin, étudiante de violoncelle de la classe de musique de chambre de Jean-
    Claude Latil
  • ✓  Alice Aniksztejn, Yé Deng, Anaëlle Ouaknine, étudiants de la classe de guitare de Philippe Azoulay
  • ✓  Rachel Nguon, étudiante de la classe de violon d’Yves Desmons
  • ✓  Valentin Raffenne, étudiant de la classe de contrebasse de Blandine Lafond Rive
  • ✓  La Maîtrise du CNRR, direction Anne Périssé dit Préchacq
  • ✓  L'Ensemble de guitares du 2d cycle du CNRR, direction Agnès Condamin
  • ✓  Rosalie Dubois, Mezzo-soprano étudiante d’Isabelle Vernet
  • ✓  Eleonora de la Peña, soprano
  • ✓  Christine Lecoin, direction et clavecin
Christine LECOIN, premier prix du Concours International de clavecin de la Fondation Spivey (USA), est une concertiste reconnue. Elle est également professeur de clavecin au Conservatoire National à Rayonnement Régional de Marseille, ainsi qu'à la Cité de la Musique de Marseille. 
 
Artiste invitée :
Eleonora DE LA PEÑA. Cette artiste lyrique, soprano s’est déjà produite sur des grandes scènes telle que le  Théâtre de l’Opéra de Rome, opéra d'Oviedo. Elle a récemment tenu le rôle de Giannetta dans l’Elisir d’amore à l’Opéra de Toulon.

mercredi, mai 15, 2019

UN KARAOKÉ AU SUBLIME NIVEAU




Enregistrement 2/5/2019

RADIO DIALOGUE RCF

(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)

N° 371, semaine 18


TOURNE-DISQUE



AMADEUS par le quatuor féminin Zaïde

La Flûte enchantée par le Quatuor à cordes Zaïde K. 620, label NoMadMusic


Voici un disque dont on dira, sans doute un peu facilement, mais justement, qu’il chante. Et qui nous fait chanter de bonheur
 Et pourtant, cette version de La Flûte enchantée, n’est pas chantée. Elle est simplement —mais peut-on dire « simplement » quand c’est du Mozart, même quand il fond l’expression la plus simple à la plus savante comme dans cet opéra œuvre ? Oui, simplement musicale. Et peut-on encore parle de simplicité, sinon souveraine, de cette étrange version musicale, relevée de variations magnifiques, par le brillant quatuor à cordes féminin, Zaïde ?  Ce joli quadrille féminin s’est donné le nom, déjà programmatique, d’un opéra de jeunesse de Mozart.  Écoutez :



1) PLAGE 3 



         Vous avez sans doute reconnu l’air populaire, la chansonnette de Papageno. Oui, répétons, la simplicité souveraine, suprême élégance de Mozart. Cette partition, une transcription inédite de l’opéra, date de 1801, pratiquement contemporaine de Mozart, mort dix ans avant. Elle est d’une remarquable fidélité, avec les nécessaires transcriptions des cordes vocales, aux cordes frottées des instruments. Mystère de la gestation. Dix ans après la première en 1791, la Flûte , mort le compositeur, résonne donc encore, ce qui est exceptionnel en son temps, et dans une version qui la diffuse, comme œuvre infuse déjà dans la mémoire musicale de son temps. Miracle d’un succès continu, que Mozart n’aura pas connu, de son ultime opéra.

         On avance amoureusement dans cette œuvre, en pays ami où l’on reconnaît le paysage humain qui nous parle sans mot dire, pure émotion de les retrouver tous, à l’exception que l’on regrettera, de l’adorable Papagena : pages perdues ? Car, jusque-là, on suit parfaitement la trame de l’opéra, l’épopée sentimentale de tous les personnages.  

Cette version a été retrouvée chez un antiquaire, et le Quatuor Zaïde fête ses dix ans avec cet enregistrement inédit sur cette partition qu’on rêve, rétrospectivement maintenant aussi, comme un dixième anniversaire de la création, hommage à Mozart mort, hélas.

Mais revenons à cette année 1791, fatale et merveilleuse par la mort du compositeur et son testament immortel : Mozart végète, malade et sans travail.

Mozart est franc-maçon ; son frère en maçonnerie Emanuel Schikaneder, directeur d’un théâtre de quartier, lui avait soumis un livret qu’il avait écrit pour des acteurs chanteurs plus que de grands chanteurs, lui-même étant un amateur, d’où le rôle simple vocalement simple (mais quelle sublime simplicité encore !) de Papageno qui lui écrit Mozart. C’est donc une féerie inspirée de contes orientaux à la mode alors, ouvrage naïf et populaire qui n’enchante d’abord pas Mozart.



         La thématique maçonnique est bien connue : le thème trinitaire, le mi bémol majeur avec ses trois bémols à la clé, ses trois accords de l’ouverture, les trois Dames, les trois Garçons, ; les trois épreuves des deux héros Tamino et Pamina dans le Temple de Sarastro sont empruntées au rituel d'initiation de la franc-maçonnerie : c’est le parcours de l’ombre (La Reine de la Nuit) à la lumière, vers le Bien.  Il y a aussi un serpent, le méchant Monostatos pour les forces du mal et, entre Bien et Mal, les bien terriens Papageno et Papagena.

Bref, au seuil de la mort, c’est l’enfant Mozart qui remonte, s’exprime, dans l’enchantement d’une musique sublime et populaire : elle s’adresse au plus haut et au plus simple de l’homme. Et de la femme, cela va sans dire ! que dire ici puisque nous devons cette version de La Flûte enchantée, au quatuor à cordes féminin. Voici d’ailleurs leur approche de la Reine de la Nuit, les terribles accents meurtriers de ses imprécations sur les stries d’éclairs des cordes aiguës :



2) PLAGE 14 :



On va lui opposer aussitôt la noblesse du sage Sarastro qui fait frémir les cordes graves :



3) PLAGE 11 



Mais il faut entendre aussi la joie dansante du Prince Tamino jouant de la flûte enchantée qui lui a été confiée :



4) PLAGE  



Et comment n’être pas ému au désir de suicide de Pamina  se croyant abandonnée? « Ach, ich fülh’s, es ist verschwunden… », ce lamento descendant dans la gamme du désespoir ?



5) PLAGE 17 



Ce beau disque, est complété par un quatuor à cordes de Mozart dédié à Haydn, le numéro 14, K 387. Par ailleurs, il est agrémenté d’un joli abécédaire mozartien : de À à Z, des thèmes explicatifs en rapport avec le compositeur. On ne le quittera pas sur le thème de la mort de Pamina mais sur celui de la vie, exprimé encore par Papageno rêvant d’une petite femme, rêvant tous deux d’une couvée sans fin d’enfants :



6) PLAGE 19 



On admire vraiment le musicien inconnu qui a fait de cette chanson touchante, par ses variations, une œuvre virtuose, originale. Œuvre de qualité, servie avec bonheur, pour le nôtre.


AMADEUS par le quatuor féminin Zaïde Charlotte Maclet (premier violon), Leslie Boulin Raulet (deuxième violon), Juliette Salmona (violoncelle) et Sarah Chenaf (alto). La Flûte enchantée et le Quatuor à cordes K. 620, label NoMadMusic

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