Festival international de Piano
de
la Roque d’Anthéron (21 juillet/ 22 août 2012)
Réduire le Festival de Piano de La
Roque d’Anthéron à quelques feuillets, c’est résumer la forêt à un arbre et
l’arbre à une feuille : 80 concerts en un mois, plus de 400 artistes : le
clavier dans tous états, du clavecin au piano-forte en passant par l’orgue et
l’organe vocal de chœurs le jazz, les ensembles concertants,
symphoniques…L’aristocratie mondiale du clavier démocratiquement offerte en un
éventail qui embrasse de la musique baroque à la contemporaine en divers lieux,
mais une atmosphère unique pour des lieux variés.
D’abord, le berceau : le
Parc du Château de Florans et ses 365 platanes : le doigté, le tact végétal de la nature en écho
visuel à la touche délicate du piano. Le ciel, rougi par le couchant, à travers
les ramures sombres des arbres du parc, c’est une amoureuse chair rosie sous la
dentelle noire de la soie. Avec l'ombre avancée, les cigales mettent une
progressive sourdine au profit des grenouilles des fontaines et les oiseaux,
étonnés, entonnent des chants nouveaux pour le jour tout neuf des projecteurs.
Sous la conque acoustique, nid inversé, comme fait de coquilles d'œufs géants,
posé sur la scène, grand oiseau noir prêt à l'envol, le piano ouvre son aile
luisante de corbeau striée par les cordes brillantes.
La Roque a essaimé dans deux lieux
tout aussi naturels : les carrières de Rognes et l’Etang des Aulnes, la pierre
dorée et l’eau argentée. Coupée à angles vifs dans le beurre calcaire de la
colline, la carrière étage ses cubes creux de ville géométrique virtuelle, dont
les surfaces virent du jaune à l’or, au roux, dans la lumineuse patine
progressive des crépuscules d’été. Des pins hirsutes griffonnés sur leur crête,
quelque brouillonne broussaille tombant avec des nonchalances de chevelure,
adoucissent la rigueur géométrique des lignes pures. Ici règne le jazz.
Les Aulnes se nichent dans un creux de la Crau, à Saint-Martin. Longue ligne de lauriers-roses, de peupliers verticaux au bout, le plan d’un vaste pré, une inflexion douce du relief et, en contrebas, un étang buvardant de ses eaux plates les teintes mourantes du soleil, lumineux miroir ensuite à un astre pour nous disparu. A gauche, une belle bastide restaurée ; à droite, une grange aménagée où la musique est chez elle. Ce sont les trois poins cardinaux de ce festival qui a aussi d’autres lieux dans les villages provençaux d’alentour, Lourmarin, Cucuron, Lambesc, Saint-Cannat, Mimet, Gordes, Aix-en-Provence….
Les Aulnes se nichent dans un creux de la Crau, à Saint-Martin. Longue ligne de lauriers-roses, de peupliers verticaux au bout, le plan d’un vaste pré, une inflexion douce du relief et, en contrebas, un étang buvardant de ses eaux plates les teintes mourantes du soleil, lumineux miroir ensuite à un astre pour nous disparu. A gauche, une belle bastide restaurée ; à droite, une grange aménagée où la musique est chez elle. Ce sont les trois poins cardinaux de ce festival qui a aussi d’autres lieux dans les villages provençaux d’alentour, Lourmarin, Cucuron, Lambesc, Saint-Cannat, Mimet, Gordes, Aix-en-Provence….
Hommage à Brigitte Engerer
Miracle de l’art, de la
discographie, nous pourrons, sans nous lasser, mais avec une intense émotion,
continuer toujours à écouter le phrasé moelleux, l’émotion, la dévotion,
l’intériorité de la grande Brigitte Engerer qui, programmée comme chaque année
au Festival, nous a quitté le 23 juin. La semaine même de sa mort, elle donnait
un récital à Paris. Depuis des années, elle luttait contre la maladie mais ses
mélodies, sous ses doigts, elle nous les offrait comme des cadeaux en souriant,
en riant, en nous bouleversant.
Nous n’oublierons pas, il y a deux
ans, Les Harmonies poétiques et religieuses de Liszt, qu’elle avait données dans
la cloître si adaptée de l’abbaye de Silvacane de la Roque, il y a deux ans. Pour
lui rendre un dernier hommage, le Festival international de Piano de la Roque
avait demandé à ses plus proches amis et élèves de jouer pour elle, les 23, 24,
25 et 31 juillet.
La première soirée d’hommage fut
animée par trois de ses anciens élèves du Conservatoire National Supérieur de
Musique et de Danse de Paris : Sélim Mazari, Varduhi Yeritsyan et Jonas Vitaud, jouèrent Mendelssohn, Schumann et
Brahms. La deuxième soirée réunit, au théâtre des Terrasses de Gordes, Boris
Berezovsky,
partenaire privilégié de Brigitte Engerer, au piano qu’ils ont tant partagé, et
Henri Demarquette
au violoncelle : Messiaen, Saint-Saëns et Rachmaninov au programme. La
troisième soirée à l’abbaye de Silvacane, voyait la rencontre de l’alto de Gérard
Caussé et du piano
de Jonas Vitaud
pour un salut à sa passion de la musique de chambre, la musique partagée avec
d’autres musiciens. Enfin, la dernière soirée d’hommage à la grande pianiste
trop tôt disparue réunissait la lumineuse Anne Queffélec et le fidèle Boris Berezovsky avec l’Orchestre régional de Cannes
Provence Alpes Côte d’Azur dirigé par Philippe Bender.
Un festival largement et
juvénilement trentenaire
Trente-deux ans déjà de festival,
comme un symbole démultiplicateur… Les platanes sûrement tricentenaires du Parc
de Florans, ont dû en retenir, en plus de 30 ans, des noms de pianistes
célèbres dans le monde entier ! Comme un immense clavier
international, résonnent les noms d’Argerich, Ashkenazy, Cassard, Duchâble, Engerer, Keffelec, Planès, Pennetier, Lupu, Richter, Ciccolini, qui y a fêté l’an dernier son
quatre-vingt-cinquième anniversaire et qui revient cette année encore,
Rigutto, Berezovsky, Lugansky, Magaloff, Sokolov, Volodos, Freire, Pires, etc, tout le gotha du piano
mondial. Mais on n’oubliera pas ceux dont les arbres du parc virent les
premiers pas ou presque, telle la toute jeunette alors Hélène Grimaud, Angelich, et aujourd’hui Neuburger et autres : car la
constellation d’étoiles de premières grandeur du firmament confirmé, s’enrichit
chaque année de 30% de jeunes, débutants ou presque, auxquels le festival donne
une chance d’envol, d’essor, avec près de cent concerts dont la moitié inédits…
Qui aurait dit, des premiers 300 spectateurs des concerts du
début, qu’ils seraient, trois décennies plus tard, presque 300 fois plus
nombreux ? Ni René Martin, le directeur artistique (créateur aussi de la Folle
journées de Nantes
et autres lieux du monde), ni feu Paul Onoratini, fondateurs, ne pouvaient imaginer
l’évidence d’un tel succès, dont Jean-Pierre et Michel Onoratini, qui président aujourd’hui aux
destinées du festival, se réjouissent tout en veillant jalousement à garder
l’esprit, le génie du lieu, agrandi mais non grossi ni alourdi, qui garde,
malgré sa jauge désormais de deux milles places, un caractère intime et bon
enfant avec ses bénévoles heureux d’accueillir ce public large et varié. Ce
festival intime et grandiose est fidèle à sa vocation première, fièrement
républicaine : un art d’élite pour tous. D’ailleurs, les pelouses du parc,
fleuries de nappes, de paniers de pique-nique avant les concerts, donnent à ce
festival un petit air de Glyndebourne populaire, ce fameux festival anglais où,
à l’inverse, ce sont les Rolls-Royce et les Bentley qui débarquent, avec des
valets de pied en grand apparat,
la gentry britannique pour banqueter sur riches nappes blanches et candélabres
d’argent, avant d’aller entendre la musique. À la Roque, concerts pour tous les
goûts et toutes les heures, parfois dès 16 heures selon le lieu, et les
fameuses désormais Nuits du piano à thème finissant après minuit : toute
la littérature du piano servie par d’illustres noms qui voisinent avec des
jeunes prometteurs.
Cette année on fêtera le 150 e anniversaire de la naissance de Claude Debussy, né en 1862 (mort en 1918). Un disque récent sorti pour cette occasion, Musique de chambre avec vents, label indé !SENS, nous berce voluptueusement avec le Prélude à l’après-midi d’un faune dans la transposition pour la flûte affûtée doucement de Vincent Lucas, et le piano perlé et caressant d’Emmanuel Strosser. On retrouve le climat alangui, langoureux, sensuel, érotique, de ce faune sur le fameux poème de Mallarmé, que Debussy mit en musique entre 1891 et 1894. Avec cette musique, vague de l’âme et désir du corps, solaire, pleine d’arabesques des rêveries sensuelles, le faune s’étire, songe, s’allonge et l’on rappellera l’incroyable scandale que déchaîna, en 1913, la version chorégraphique qu’en donna le grand danseur Nijinski : il dansait le solo et le plaisir solitaire qu’il mimait avec des mimiques amoureuses, donnant le la à la révolution musicale, chorégraphique et culturelle des Ballets russes, l’un des signaux de la Modernité, juste la veille de la Grande Guerre.
Le mardi 31 juillet, sur les bords rêveurs de l’Étang
des Aulnes, Jean-Efflam Bavouzet
commence la première partie de l’intégrale des œuvres pour piano de Debussy
et le, samedi 4 août, dans le même lieu, le tendre et disert Philippe
Cassar lui consacrera un récital qui
nous rappellera la mémorable intégrale qu’il avait donnée en un seul jour, il y
a quelques années, à l’Opéra de Marseille. Entre temps, le 1 août, la Nuit du
piano, au Parc de Florans, avec ces deux interprètes, complètera cette
passionnante intégrale du piano de Debussy.
Si
l’on commémore en hommage les anniversaires de la mort de grands artistes, on
fête ceux de leur naissance (l’an prochain, ce sera le 200 e
anniversaire de la naissance de Verdi et Wagner, tous deux nés en 1813), il y a
un centenaire de naissance d’un très grand compositeur qui semble passer
inaperçu : Jean Françaix
(1912-1997). Avec un X à la fin : mais enfin, il illustre bien que nul
n’est prophète en son pays puisque, joué ailleurs, il ne l’est guère chez lui.
C’est un musicien dans la lignée de Debussy et Ravel, insouciant des modes et
courants musicaux, suivant le sien, si français dans une musique faire de
mesure, de pudeur et d’humour : « Musique sérieuse sans
gravité », disait-il, c’est-à-dire, sans lourdeur. Dommage qu’il soit
absent de La Roque. Fort heureusement, le label indé !SENS encore lui rend l’hommage
d’un beau disque par l’Octuor de France : Jean FRANÇAIX (1912-1997), MUSIQUE DE
CHAMBRE
Renseignements
- Location : Festival de Piano - Parc
du Château de Florans, 13640 La Roque d’Anthéron
Tél
: 04 42 50 51 15 - Télécopie : 04 42 50 46 95
e-mail
: info@festival-piano.com
Programme
détaillé sur : http://www.festival-piano.com
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