AUTANT EN APPORTENT LES VENTS
Dans l’orchestre, on classe les instruments aérophones, c’est-à-dire, dont le son
provient d’un souffle d’air, qu’il soit donné par un instrumentiste ou une
mécanique comme c’est le cas pour l’orgue, pour l’accordéon ou par une poche
d’air pour la cornemuse.
Il peuvent être fabriqués en toutes matières, même en cristal ou en
plastique. Mais, dans l’orchestre classique, on distingue en gros les bois
et les cuivres. La différence est
une couleur de son et un type d’émission de l’air distincts.
Les instruments
de la famille des bois ont une anche, simple ou double ; une anche est une petite lamelle de
roseau introduite à l’extrémité de
l’instrument que l’instrumentiste fait vibrer en soufflant.
Les cuivres ont une
embouchure, comme la trompette et ce sont les lèvres du musicien qui font
vibrer l'air.
Les principaux bois sont la clarinette, le hautbois, le
basson, la famille des flûtes, à bec ou traversière ; les principaux
cuivres on les connaît, la trompette,
le cor, le trombone, le tuba, etc.
Certains ont de lointains ancêtres, d’autres sont apparus plus
récemment. Ainsi, la clarinette a été inventée en Allemagne à la fin du XVIIe
siècle d’après un instrument de son temps, le chalumeau, qui a subi diverses améliorations jusqu’à
aujourd’hui. Le saxophone,
utilisé surtout dans le jazz, a été inventé par un facteur d’instrument belge, Adolphe
Sax, en 1846.
Quelques disques récents nous offrent l’occasion d’entendre certains
de ces instruments au mieux de leurs possibilités expressives.
Ainsi, le label indé !SENS,
toujours original dans ses productions et toujours dans des présentations aussi
soignées que la réalisation technique, nous présente un visage musical mal
connu de Robert Schumann, sa
production intégrale de Musique de chambre avec vents de 1849.
Pauvre et grand Robert à la vie courte et tourmentée (1810-1856) ! Atteint
de troubles psychiques indéterminés, il mourra dans un asile psychiatrique.
L’année 1849 est pour lui des plus douloureuses affectivement et
professionnellement, il vient de perdre des amis très chers, Chopin peu avant
puis Mendelssohn si proche ; il est refusé à des concours de chef
d’orchestre. Et pourtant, comme si les malheurs excitaient son génie, c’est une
année faste du point de vue de sa création. Notamment, il commence à explorer
la qualité expressive des vents dans la musique de chambre. Evidemment, on
pense plutôt à l’air libre pour des instruments à vent très sonores comme le
cor mais c’est une palette d’une grande délicatesse de touche que donne
Schumann à cet instrument qui venait pourtant à peine de recevoir une
innovation technique importante.
Rien qu’à écouter les Romances
opus 94 en la mineur pour
piano et hautbois interprétées avec
une grande délicatesse par Hélène Tysman et le hautboïste Alexandre
Gattet, on n peut que se laisser bercer et gagner par la grâce toute mélancolique de cet esprit qu’on a
du mal à croire malade.
Notons
que cette excellente pianiste tient le piano, instrument de prédilection de
Schumann, dans tous les morceaux du disque. Nous trouvons aussi, le
clarinettiste Philippe Berrod,
dans les Fantasie Stücke,
opus 73, ‘Pièces fantaisistes ou fantasques ‘ encore en la mineur ;
nous le retrouvons dans les Märchenerzälungen (’Récits de contes’), en si bémol majeur, opus 132
avec l’altiste David Gaillard,
qui illustre une face à la fois savante et populaire du romantisme allemand qui
explore, ici en musique, l’âme populaire germanique à travers ses légendes. Les
Fünf Stücke im Volston, ‘Cinq pièces dans le ton populaire’ encore en la
mineur, opus 102, confirment cette veine attentive au terroir. À l’origine pour
violoncelle et piano, seule transposition du disque, elles sont ici jouées au
basson par Marc Trénel.
Ensuite,
l’Adagio et l’Allegro de l’opus
70, en la bémol majeur, est consacré au cor à trois pistons, relativement
nouveau à l’époque, que Schumann adopte habilement et qu’André Cazalet nous rend de très
convaincante et délicate. Un disque encore remarquable du panel du label
Indésens.
Autre joyau de la collection Indesens, toujours
mis en valeur par une remarquable qualité sonore, toujours dans la palette
expressive des vents, le dernier disque consacré au Marseillais Henri Tomasi – Concertos pour trompette et pour
trombone – Noces de cendres – Eric Aubier, Fabrice Millischer.
On ne peut que se répéter en parlant de Tomasi dont on
redécouvre avec bonheur l’immensité de l’œuvre, la générosité de son
inspiration, la richesse de l’expression dans tous les domaines. Henri Tomasi a
touché tous les genres : musiques instrumentales, orchestrales ou solistes,
pour les instruments les plus variés ; œuvres vocales, des chansons du folklore
corses recueillies et harmonisées aux compositions grandioses pour chœur et
orchestre ou piano, en passant par les œuvres pour voix seule et piano ou a
cappella. Les œuvres scéniques abondent, de la musique de film, pour son et
lumière, aux pièces radiophoniques et ballets (13 opus) et pas moins de onze
opéras dont nous avons eu la chance, à Marseille, d’admirer, il y a trop
longtemps, au moins trois indiscutables chefs-d’œuvre, Don Juan de Mañara, d’après Milosz, L’Atlantide, d’après Pierre Benoît, et le
passionné Sampiero Corso. On n’oubliera pas l’austère oratorio, si lyrique, le Silence
de la mer sur le texte de Vercors , l’éblouissant
et solaire Retour à Tipasa sur celui de Camus : un alliage rare de la meilleure
littérature et de la plus belle des
musiques.
Ce petit dernier, le cinquantième disque
d’Indesens, est consacré, (comme le premier d’ailleurs) à Henri Tomasi,
fidèlement interprété par Eric Aubier, mais également par Fabrice Millischer au
trombone, et l’Orchestre d’Harmonie de la Garde républicaine dirigé par Sébastien Billard et François Boulanger. Alexandre Baty, et Frédéric Mellardi
viennent en renfort pour la Suite pour trois trompettes.
Selon
Benoît d’Hau, créateur d’Indesens, ce programme épouse parfaitement « le
cheminement esthétique d’Henri Tomasi, dans sa recherche de lumière, et d’un
lyrisme qui jamais ne se coupe de sa résonance intime avec l’humain. Le
compositeur affirme que la véritable force de l’homme consiste à l’aimer
« en pleine conscience de ses faiblesses ».
En écoutant ces concertos, présentés en « premières mondiales » dans
ces orchestrations pour grande formation d’instruments à vents, on ne peut
qu’être convaincu des croyances d’Henri Tomasi.
Le « Nocturne » (Andantino) du Concerto pour trompette, est à cet égard, d’une troublante pureté mêlée à
une farouche énergie. En outre, d’un bout à l’autre du CD, la personnalité sonore
d’Indesens transparaît avec acuité. On retrouve avec plaisir cette exquise
transparence absolument dépourvue de toute froideur. Au contraire, les
instruments sont pleinement incarnés, ils ont du corps, et l’écoute globale
affiche un relief excellent.
La voix, soupir, murmure, souffle, cri, chant, c’est le corps fait
instrument. L’on saluera donc la Compagnie musicale Les Lunes du Cousin
Jacques pour son premier disque,
Éditions HORTUS, G-H Hændel Théâtre intime, qui fait dialoguer la voix, moelleuse, bellement
fruitée et flûtée d’Aurore Bucher,
soprano, avec la flûte à bec de la cantate Nel dolce dell’ oblio ou la met en regard avec des sonates pour cet
instrument, servi en virtuose par le directeur de l’ensemble et soliste Benoît
Toïgo. La soprano se voit gratifiée
de la première mondiale de deux airs inédits, l’un très bref, simplement
accompagné au clavecin par Frédéric Hernandez, Son d’Egitto, ‘Je suis d’Égypte’ qui, plus qu’une aria achevée, semble une ébauche
que l’on imagine aisément pour Giulio Cesare ou Tolomeo, à sujets égyptiens ; l’autre, plus élaboré, Non posso dir
di piu, ‘Je ne peux rien dire de
plus’, sur un rythme lent de sicilienne, entrecoupé de soupirs, rappelle l’un
des airs, de regrets, de l’infidèle Morgana d’Alcina. On regrette que les textes, même s’ils sont
convenus dans leurs paroles, exprimant des affects très répertoriés du baroque,
ne soient pas donnés dans le livret car la diction de la chanteuse s’estompe
vite dans les vocalises. Diego Salamanca prête la grâce arachnéenne du théorbe et du luth, pincements de cœur
des affects exprimés.
Ce premier disque est intelligemment composé et rappelle une
pratique courante de l’époque baroque : la nécessité pour les compositeurs
d’avoir d’avance des réserves d’airs et des morceaux tout prêts afin d’honorer
le nombre de commandes, d’où, également, les transpositions d’un genre, d’un
instrument à un autre, et même ce qui n’est pas plagiats mais naturellement
emprunts de gens qui, tout comme Molière ou Bach, prenaient leur bien là où ils
le trouvaient. En sorte que notre Caro Sassone, le ‘Cher Saxon’ des Italiens
(s’il ce surnom est bien celui qu’on lui donnait), le cher Anglais des
Britanniques, et le plus Napolitain des compositeurs d’opéras baroques, assume
et résume à lui seul, la musique de son temps : Händel ou Hændel,
l’Européen.
S’agissant de Vivaldi, l’on a toujours peur d’entendre des œuvres
trop entendues dont on craint qu’elles soient usées de trop d’usage. On est
vite rassuré par ce disque, 6 concertos pour flûte, Vivaldi, par la
Simphonie du Marais dirigée par Hugo
Reyne, brillantissime soliste de ce
disque, le dixième album du label Musique à la Chabotterie, qui continue sur sa belle lancée. Nous retrouvons
ici, avec bonheur, les bien connus Concerto en do mineur (RV 441)
Concerto en la mineur (RV 440)
,
Concerto en la mineur (RV
108)
, Concerto en ré mineur (RV
565), mais il faut avouer que l’on ne résiste pas à La Tempesta di mare, la célébrissime ‘Tempête en mer’ (RV 433)
,
annoncée et animée par un bruitage tout théâtral, Il Gardellino ‘Le Chardonneret’ (RV 428)
préludé par un adorable
gazouillis interprété au « flageolet d'oiseau, un instrument destiné à
enseigner aux oiseaux domestiques » à l’époque ! La Notte, ‘La Nuit’ (RV 439)
fait rêver et le Largo fait même frémir. Bref, Venise, sa théâtralité, ses
rythmes berceurs ou rageurs, sa lagune étincelante ou brumeuse, sa lumière, ses
ombres. Sur des instruments d’époque, cinq flûtes, savamment distillés selon
les morceaux, une musique venue de loin mais si proche par ce disque roux
d’aujourd’hui, comme le Prêtre fameux, rendu avec amour et même humour.
On rappellera aussi d’autre disques relativement récents sur les
vents dont on a déjà parlé : bon vent!
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