OPÉRA ET OPÉRETTE
LyricOpéra
Temple Grignan,
5 mars 2016
Marseille, si riche en
événements musicaux dont il est malheureusement impossible de rendre compte de
tous quand on est un simple individu sollicité de toutes parts, à côté des
grosses machines comme les scènes institutionnelles tel l’Opéra, réserve
d’heureuses surprises en des lieux plus discrets mais néanmoins dignes de tout
intérêt, comme le Temple Grignan, certes lieu sacré par sa vocation
religieuse, mais consacré également par les concerts qui s’y donnent, divers
mais d’excellente qualité. Facile d’accès, en
plein centre ville, c’est une salle agréable, à la bonne acoustique, dotée d’un
orgue très apprécié par les professionnels et le public. C’est en cet endroit que
niche douillettement LyricOpéra sous la baguette d’une modeste bonne fée, Marthe Sebag, qui, depuis des années, invite,
reçoit, dorlote de jeunes grands artistes qu’elle présente à un public qu’elle
a su affectivement fidéliser. Tenant la billetterie à l’accueil, elle présente
ensuite le concert devant un piano rangé et câliné comme un paisible animal
domestique sagement ensommeillé, attendant la caresse de l’officiant qui le
réveillera pour son plaisir et le nôtre. Après le bonheur de la parenthèse, de
l’offrande musicale, l’aimable hôtesse nous invite au rituel convivial, à
passer dans la vaste pièce à côté pour échanger nos impressions avec les
artistes, partager un verre avec eux, en dégustant les savoureux canapés au
caviar d’aubergine, tapenade, etc, qu’elle a elle-même minutieusement préparés.
Temple Grignan : du culte à la culture, et même culinaire avec le talent
de Marthe Sebag, capable autant de s’émouvoir à la beauté d’une voix, d’une
représentation lyrique, que de vous donner ces recettes personnelles, comme le
Coca Cola au gingembre !
Ce samedi-là, comme
d’habitude à 19 heures, elle nous invitait à écouter un itinéraire amoureux entre opéra et opérette et
Europe/Amérique de deux jeunes artistes, la soprano Sterenn Boulbin et le ténor Rémi Beer-Demander, deux voix légères et charmantes
bien assorties, accompagnés, soutenus au piano avec un sourire de plaisir
partagé, par leur aîné grand pianiste Vladik Polionov, que l’on a déjà entendu avec
bonheur à l’Opéra de Marseille et dans la région.
Après des études
musicales très complètes en Normandie et Paris, Sterenn Boulbin, au joli prénom
breton d’étoile, par ailleurs pianiste plusieurs fois primée en piano (elle
nous régalera d’un duo à quatre mains avec l’accompagnateur ravi) s’est
perfectionnée et affirmée dans notre région auprès de professeurs éminents et
lors de nombre de concerts. Elle nous offre ici la délicatesse d’une voix
légère, égale, d’un timbre lisse, aux larges aigus, qui traduit l’expressivité
du récit que Bellini accorde à sa Juliette (I Capuletti ed I Montecchi) et maîtrise les grands arcs de
l’air, les grands sauts, les fusées, gammes et autres sortilèges du bel canto
romantique. Elle se joue ensuite des morceaux plus léger d’opérettes, poétique
dans la María, la Juliette du West side story de Bernstein en duo avec son Tony de
ténor, primesautière dans Yes de Maurice Yvain, espiègle dans Je te veux de Satie, sensuellement libertine
dans le rêve concrétisé de la Belle Hélène qui fait fuir de peur le timoré Pâris face à sa
féminine faim de fraîche et mâle chair, campé avec humour par Rémi-Beer
Demander.
Ce n’est pas un
inconnu dans ce lieu puisqu’il s’y était déjà produit avec l’ensemble a capella
Calísto dans le
répertoire polyphonique de la Renaissance. Passé de Toulouse à Paris pour ses
études musicales, il gagne aussi ses galons universitaires en Histoire et
Histoire de l’Art, assistant même un commissaire d’exposition à rien moins que
Venise, au fameux Palazzo Grassi. Beau parcours déjà d’une carrière jeune mais
solide de choriste mais aussi de soliste auprès de chefs célèbres, passant avec
aisance de la musique baroque à la contemporaine en passant par la romantique.
Son timbre est délicat, raffiné, soyeux mais, vaillamment, il joue le jeu du
programme imposé avec deux chansons napolitaines fameuses Core’ngrato, et Torna a Surriento, où la tradition a fixé la couleur de forts ténors. Mais il les
aborde intelligemment avec ses moyens, sans tricher, osant même des nuances
expressives et musicales, qui nous laissent le regret, cependant, d’une
prononciation hésitant entre le napolitain et l’italien, mais il est vrai que
même les grands ténors de la péninsule n’osent les interpréter avec l’accent
local requis. Même prudence dans les deux airs de Roméo (Roméo et Juliette de Gounod) qui ne sont pas dans sa
voix mais dans le programme amoureux de la programmation, qu’il sert avec une
belle musicalité. Allègrement, il entre dans le jeu de la comédie musicale avec
Sterenn et l’on apprécie le sens de la comédie de ces interprètes autant
acteurs que chanteurs, comme ils le prouveront avec le bis du duo de l‘ivresse
du Pays du sourire.
Leur compère et
complice Vladik Polionov, semble
autant d’amuser que ses jeunes partenaires en les accompagnant avec une
souriante souplesse et se lancera dans un brillantissime ragtime de Scott
Joplin, d’une communicative allégresse. Marie-Claude et Gérard Monchablon se chargeaient aimablement de
projections illustratives pour ce sympathique et convivial concert.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire