Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

samedi, décembre 28, 2019

ENFER DIVIN


ORPHÉE AUX ENFERS

Opéra bouffe en deux actes
Livret d’Hector Crémieux et Ludovic Halévy

COPRODUCTION
Théâtre Municipal de l’Odéon / Opéra Grand Avignon / Grand Théâtre de Reims



Marseille, théâtre de l’Odéon

14 décembre 2019


         Par la qualité de la mise en scène de Nadine Duffaut, des décors d’Éric Chevalier, des costumes de Katia Duflot, de la direction musicale enflammée d’Emmanuel Trenque, l’interprétation d’une troupe brûlant les planches, cet Orphée aux Enfers, était comme un cadeau anticipé de Noël.

L’Œuvre

L’opéra-bouffe hilarant d’Offenbach et consorts, Orphée aux enfers, créé pour sa première version en 1858, en 1874 pour la seconde, est une irrésistible parodie de l’Orphée et Eurydice, célèbre opéra de Gluck créé à Vienne en 1762, en italien, remanié, en 1774 en, français, à Paris, dont Berlioz tira version en 1859 pour la grande contralto Pauline Viardot García, avec un énorme succès dont témoigne l’hommage bouffe que lui rendit Offenbach. Il en parodie des passages, dont le fameux lamento « J’ai perdu mon Eurydice », entonné en écho par Diane, Vénus et Cupidon.

         Dans cet opéra-bouffe, le mythe est plus que mité, dynamité. Pour mémoire mythologique oublieuse : Orphée, demi-dieu de la musique a tout pouvoir sur la nature, les animaux sauvages le suivent en douceur, sa voix attendrit même les pierres. Il a épousé la nymphe Eurydice ; piquée par une vipère, elle meurt. Désespéré, il n’hésite pas à descendre aux Enfers pour convaincre, en vaincre les dieux par la beauté de sa musique et de son chant et ramener au jour sa chère femme, qu’il perd en se retournant malgré l’interdit du dieu. Orphée et Eurydice, sont le couple amoureux idéal.

         Ici, c’est le couple bourgeois rongé par l’habitude, un mari et une femme fatigués l’un de l’autre. Orphée est chez Offenbach un médiocre compositeur, un violoniste dont Eurydice, quel supplice, si elle est piquée, c’est de rage : elle est à cran contre le crincrin de son violoneux de mari. Eurydice déteste Orphée qui le lui rend bien, chacun cocufiant l’autre.  


Réalisation

         On aime, dans les réalisations de Nadine Duffaut, avec la densité culturelle, alliée au sens musical, la sensibilité sociale. Les décors d’Éric Chevalier à cet effet sont parlants avec des vitrines d’enseignes commerciales du temps :  une rue fin XIXe ou début XXe siècle, un atelier de la jeune fée électricité, un salon de coiffure masculin féminin, une épicerie si l’on s’en souvient bien, et la boutique du luthier Orphée, premier Prix de violon du Conservatoire. Sur cette rue ou place, chacun passe, chacun va, pas drôles de gens que ces gens-là, petit monde d’un autre monde, pas celui du grand ni des dieux,  modestes travailleurs vaquant ou allant à leurs occupations, des boulangers, un vitrier, un balayeur, une bonne d’enfant poussant le berceau, des membres de l’Armée du Salut, une religieuse, un curé, une chanteuse des rues à la Piaf, un photographe paparazzi, genre espion à lunettes noires ou inspecteur échappé d’une série, Bogart par le feutre, Colombo par l’imperméable avachi (Jacques Freschel promu en Charlot à la fin).
À moins qu’il ne soit en mission de filature conjugale car filant l’adultère voici, couleur cocu, canaille jaune canari, ou plutôt serin, guère serine, l’Eurydice pimpante d’Amélie Robins, jolie comme les boutons d’or et bleuets invisibles qu’elle cueille de l’absent champ de blé : d’emblée, pas besoin de presse à scandale, elle s’empresse, coquine coquette et cocotte cocottante, d’une lumineuse voix guère intime, de mettre le public dans la confidence en publiant ce qu’il ne faut pas publier :
         « N’en dites rien à mon mari !» hi-hi.


Ah, ah ! la friponne file le parfait mais occulte amour avec Aristée, berger d’Arcadie « ivre de mélodies » dont l’archaïque couplet a de sournoises douceurs du miel de ses abeilles, en fait faux pastoureau mais vrai maître des Enfers, le sardonique Pluton auquel Marc Larcher, déguisant traîtreusement sa voix de ténor puissant, donne de mielleuses demi-teintes innocentes : la ténébreuse beauté du diable chrétien (inconnu des Grecs) pour le diable au corps d’Eurydice dans ces païennes et mythologiques amours. On ne sait plus à quel sein, pardon, saint, se vouer dans ce méli-mélo cultuel et culturel.


Orphée le luthier, lutinant (musicale fatalité) une nymphe, survient pincé par sa femme qui en pince pour un autre. L’épouse volage retourne la situation : l’Eurydice peu ménagère s’avère une mégère guère apprivoisée prête à bouffer son Orphée d’époux : sauf la touffe artiste de ses cheveux qui ne bouge pas d’un poil, le pauvre demi-dieu doit sentir ses poils se hérisser devant l’hystérie agressive de sa conjointe qui le fait reculer de peur. Lyre du mythe oblige, lyriquement, il a beau clamer et déclamer son chant, s’il attendrit la nature, et nous tant la voix de Samy Camps est bellement rivale du fallacieux berger, sa femme excédée, exaspérée, exagérée (lui reprochant ses vers hexamètres) n’en est guère attendrie. Quelle scène, grands dieux, le beau gosse et la belle garce ! On serre les poings, compte les points. Décidément, Eurydice ne s’en laisse pas conter et touche la corde sensible, celle du violon d’Orphée, atteint dans sa fibre. Touché mais pas coulé, le benêt, le berné, brandit l’arme fatale et finale, non l’instrument du mythe mais son violon, et menace la vipère (qui n’en sera pas piquée) de son dernier concerto d’une heure et quart. La voilà pantelante, suppliante à ses genoux avec des aigus de détresse de soprano colorature stressée tandis que le jeune premier d’époux, ricanant de sadisme, se gratte le violon non sur le toit mais sur le sexe de bonheur orgiastique tel un Elvis déchaîné entamant une danse guerrière tandis que son concerto, assez concertant, est joliment joué derrière un drap sur scène par la violoniste de l’orchestre, mercenaire pour les beaux yeux et la bourse du bel Orphée.


Tout est, naturellement, à un train d’enfer mené en sous-main infernale par le machiavélique Pluton au noir sourcil et à l’éclatante dentition carnassière qui a soufflé à Orphée souffrant l’involontaire crime parfait : mettre un piège à loup contre l’amant dans lequel, voulant le protéger, tombe son amante. Sacré Diable ! Le voilà dévoilé à nous tel qu’en lui-même, pétant le feu, peu platonique Platon, pardon, Pluton sorti de sa caverne infernale, béret rouge, lavallière flambante et veste flamboyante sur sexy pantalons en cuir noir, tel un fougueux meneur de revue (non crrigé), entouré de ses boys et girls, loubards très hard gay et rock gothique et lubrique, à voile et vapeur infernale.


Et voilà Eurydice interdite partant, non pour le vert paradis des amours enfantines mais pour l’alléchant enfer des adultes plaisirs non interdits. Épouse enfin parfaite —elle est morte—elle laisse poliment ce mot d’explication à son époux :

 « Je quitte la maison parce que je suis morte,

[Aristée est Pluton] et le diable m’emporte. »


Son mari qui n’en est guère marri, il en chante et danse de joie. Mais voici, empêcheur de danser en rond, un personnage apparu au lever du rideau, L’Opinion publique, trouble-fête, toujours  

« Prête à sortir de la coulisse, / Comme un deus ex machina ! »

C’est la douche écossaise, froide sur Orphée brûlant d’amour pour une autre. Mais cette Opinion publique, l’avez-vous bien vue, si vous l’avez entendue noblement proclamer qu’elle fustige l’adultère entre époux —mais seuls ceux sur scène, rassurez-vous public au bras de votre maîtresse ou amant ? Regardez-la bien : blondasse Marylin, ruban canaille de guingois et robe à la guimauve rose pour affaires peu moroses d’adultères de la sale scène immorale et non de la salle pleine de spectateurs douteux, c’est, voix de velours sur le fer féroce des paroles morales, Marie-Ange Todorovitch, démarche langoureusement chaloupée, impériale, impérieuse Opinion Publique (ppppp, allitération inévitable) un peu pute tout de même, non ? disons cagole ou mère maquerelle. Sous son aile en tous les cas, prenant Orphée au chantage du qu’en dira-t-on dans sa bourgeoise clientèle qu’il risque de perdre, elle le traîne, elle l’entraîne non vers les enfers odieux mais vers le paradis des dieux olympiens pour réclamer de Jupiter qu’il lui rende Eurydice, non certes pour raccommoder un couple qui n’existait plus, plus lié par la haine que l’amour, mais juste pour ce grandiose défi immortel, unique, paradoxal, d’un époux voulant retrouver sa femme :

« Pour l'édification de la postérité, il nous faut au moins l'exemple d'un mari qui ait voulu ravoir sa femme. »



D’Orphée à Morphée il n’y a qu’une lettre, et la montagne à gravir : on grimpe dans l’Olympe où les dieux, sans grande vigueur olympique roupillent, ronflent : « ron, ron, ron », bercés par Morphée le dieu du Sommeil puisqu’en ce lieu, en somme, le seul bonheur, c’est le somme. Sans sommier :  affalés les uns sur les autres, accoudés à des tables de bistrot de petit déjeuner. Arrive à pas de loup, l’Amour, Éros en grec, Cupidon en latin, casquette vissée sur la tête. Fonction amoureuse oblige, il « a fait l'école buissonnière », gavroche galopin, garnement dégingandé, poulbot pas pied bot, bondissant comme un ressort puisque, bien dansante et chantante, Julie Morgane l’incarne. Digne fils de sa mère Vénus qui a découché (et couché avec qui ?)  laquelle rente en tapinois (sans tapin indigne d’une déesse), attirant dans son sillage lascif, venu du rivage des songes tant il est somnolent, son amant peu flambard, le Mars guère martial de Mikhael Piccone, dans la lune lunetté, béat, hébété, bouche bée non devant Hébé absente, mais devant la divinité de Cythère, la belle Perrine Cabassud.


Tout le corps complet des dieux est réveillé par la sonnerie de cor (beaucoup de cornes en ces lieux) de la chasseresse Diane, aux voluptueuses formes flamencas de Caroline Géa, moins pudique que lubrique, pleurant à grand renfort de Kleenex, « tontaine tonton », son Actéon voyeur de ses bains exhibitionnistes intimes, transformé en cerf dix cors par Jupiter jaloux de la réputation terrestre de sa chaste fille, dévoré par les chiens de la belle déesse. Elle se récrie, récusant le donneur de leçons guère exemplaire, éveillant les soupçons de sa divine épouse, la dondonnante Junon de Jeanne-Marie Lévy.


Jupiter, tonnant pas détonant, tonitruant de longues tirades morales majestueuses qu’il faut être vraiment un dieu pour les mémoriser, c’est Philippe Ermelier, qu’on dirait jupitérien s’il ne l’était déjà. Il prêche (non par l’exemple) à ses enfants le respect des apparences car la licence des dieux fait cancaner les mortels, étalée dans la presse à scandale. Mars ? « Présent ! », en bon soldat en première ligne, non du front mais des affronts à la morale sur le tableau d’honneur ou déshonneur des faits et méfaits de ces divinités, selon la plainte fondée ou non de Vulcain, le forgeron mari boiteux de la Vénus qui les a dénoncés à Jupiter, Jupin pour ses intimes. Minerve (Davina Kint).

ouvre avec éclat le bal du réquisitoire des frasques amoureuses du patelin paternel. Il va en prendre pour son grade, en pleine gueule : il a fait l’appel, mais reçoit en riposte le rappel à toute allure par ses enfants, de ses célèbres métamorphoses pour séduire les femmes : « Ah ! Ah ! Ah ! » Les femmes ? Il manque, hypocrisie bourgeoise, à son palmarès (à plume et à poil, le dieu des dieux), sa métamorphose en aigle pour enlever le plus beau des mortels, Ganymède, dont il fit son échanson, chargé de servir aux dieux le nectar et l’ambroisie qui les rendent immortels.


Quand les dieux boivent, Emmanuel Trenque, sans trinquer heureusement, au risque soporifique de ces saponeuses subsistances. Certes, de sa baguette, il leur verse l’ivresse insipide, un peu sirupeuse, de l’ambroisie qui arrose le nectar mais il se réserve pour les boissons de la réserve infernale, plus corsées que ces fades agapes olympiennes guère olympiques, qu'il mènera à train d'enfer. Car humains, trop humains, ces dieux, de ce dispendieux menu lassés, monotonement écologique mais peu économique, rêvent de nourritures terrestres et font la grève du zèle divin et la révolte gronde et cela justifie bien l’anarchie révolutionnaire et pétitionnaire de quelque dérapage et décalage.


Bipède ailé en vélocipède, Mercure, Éric Vignau, très facteur IIIe République, vient dévoiler au céleste dieu des dieux la dernière de l’infernal Pluton : l’enlèvement d’une mortelle, Eurydice. Celle-ci, remisée en un boudoir, boude et bout infernalement. Elle, qui frétillait d’impatience érotique pour son diabolique amant, s’impatiente maintenant de sa chaste solitude forcée depuis deux jours où Pluton l’a plantée et se demande si elle n’a pas misé sur le mauvais cheval, le croyant étalon, et fait un mauvais coup de Bourse pour avoir gagé sur celles d’un Pluton absent, chaud lapin qui lui en a posé un. Elle est à bout :

« Je vais regretter mon mari ! »


Dans ce salon, cabinet particulier très Second Empire, un lunaire Jacques Lemaire campe un plus mélancolique que flegmatique John Styx, stylé majordome anglais, déchu de son trône de Béotie, mais non béotien grossier, chantant sa rengaine nostalgique comme il irait revoir sa Normandie, sa royauté perdue qu’il n’oublie pas, bien qu’atteint de l’Alzheimer mythologique de l’ivresse du Léthé, fleuve infernal de l’oubli. Victime aussi des charmes de l’intraitable Eurydice. 


En mission impossible aux Enfers, démasquant le rapt de Pluton, Jupiter sans encore s’y frotter, se pique de la piquante personne : ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés… La coquine ! (mais il est vrai qu’avec les traits et la voix de la Robins…) Pour la conquête amoureuse anonyme, l’hypocrite inaugure une autre de ses métamorphoses, quelle mouche le pique ? Il se fait grosse mouche car, sans jouer la mouche du coche, le dieu d’en haut veut moucher le dieu d’en bas, le battre au poteau de la prédation amoureuse. Et le voilà tout miel pour attraper Eurydice, battant des ailes, entonnant un bourdon, un fredon de frelon pour séduire la frêle belle en apparence. Et c’est le plus beau duo, « bezeu, bezeu » du monde : qui prendra qui ? Mais le piège féminin fait mouche. C’est naturellement la fine mouche qui prend la grosse à son jeu.

   "L’Enfer, c’est les autres", disait Sartre : ici, tout le monde s’y rue. Les manifs, ça paie : ayant fait touche, Jupiter, touché, dans sa toute clémence, lève l’interdit, invite à s’encanailler dans le chaud royaume de Pluton devenu Méphisto. Non seulement ses enfants les dieux mais aussi les dieux et idoles du ciné, Cléopâtre, Robin et Robine des Bois, Charlot, Sitting Bull, indiens et pirates, sans oublier Elvis Presley et un adorable petit Cupidon blond avec son carquois. Ce cabaret d’enfer n’est guère infernal, plutôt égrillard, paillard, buveur et danseur de french cancan, un « galop infernal », dans une bacchanale folle, surprise, menée par Eurydice, devenue une bacchante déchaînée en tenue légère de Lola Montez ou de Marlène, bas résilles, guépière et haut de forme, en formes superbes et voix magnifique aussi acrobatique que son final en apothéose sur les épaules des danseurs remarquables du Ballet de l’Opéra Grand Avignon (Éric Bélaud). Le Chœur Phocéen (Rémy Littolff) entonne avec ivresse :

« Vive le vin ! Vive Pluton ! »

Rien de tel que l’enfer pour savourer la vie. Mais savez-vous ce que devint Orphée, le vrai, le mythique, après la perte définitive d'Eurydice? Pour ne pas trahir son aimée, il se désintéressa des femmes, préféra les garçons. Et savez-vous ce qu'il advint? Les bacchantes, furieuses, le dévorèrent… Donc, notre Amélie furibarde prête à mordee à belles dents son époux qui n'est pas un dur à cuire, était dans le vrai du mythe. Il l'a échappé belle le pauvre Samy!


ORPHÉE AUX ENFERS
Marseille, Théâtre de l’Odéon
14 et 15 décembre

Direction musicale : Emmanuel TRENQUE.
Mise en scène : Nadine DUFFAUT
Décors : Éric CHEVALIER. Costumes : Katia DUFLOT.
Lumières :  Philippe GROSPERRIN

DISTRIBUTION
Eurydice : Amélie ROBINS
L’Opinion Publique : Marie-Ange TODOROVITCH
Junon : Jeanne-Marie LÉVY
Cupidon : Julie MORGANE
Diane : Caroline GÉA
Vénus : Perrine CABASSUD
Minerve :  Davina KINT
Orphée : Samy CAMPS
Aristée / Pluton : Marc LARCHER
Jupiter : Philippe ERMELIER
Mercure : Éric VIGNEAU
John Styx : Jacques LEMAIRE
Mars : Mikhael PICCONE 

Chef de Chœur : Rémy LITTOLFF
Orchestre de l’Odéon
Artistes du Ballet de l’Opéra Grand Avignon . Direction de la danse :  Éric BELAUD
Danseurs
Arnaud BAJOLLE, Anthony BEIGNARD, Bérangère CASSIOT, Béryl DE SAINT-SAUVEUR, Noëmie FERNANDEZ, Joffrey GONZALES 

Photos © Chrisian Dresse:
1. Eurydice et Orphée (Robins, Camps) ;
2. Eurydice et le photographe (Robins, Freschel);
3. Pluton et ses hard loubards  (Larcher et danseurs);
4. Eurydice et Styx ( Lemaire, Robins);
5. La fine mouche et le bourdon (Robins, Ermelier) ; 
6. L'Opinion publique et Orphée (Todorovitch, Camps) ;
7. Le mythe dicté par Jupiter;
8. Elvis, Mars et autres dieux;
9. Charlot, Jupiter, Eurydice entourant Diane (Freschel, Ermelier, Robins, Géa);
10. Charlot,  Eurydice en Lola Montez bacchante, Cupidon (Freschel, Robins, Morgane).

mardi, décembre 17, 2019

SURPRISE DE HAYDN RETROUVÉ


Enregistrement 22/11/2019

RADIO DIALOGUE RCF

(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)

N° 404, semaine 46



Raphaël Pidoux /Jeune Orchestre de l'Abbaye aux Dames : Joseph Haydn Concertos pour violoncelle, NoMadMusic

      Un disque lumineux et sympathique : lumineux par la musique de Haydn, sympathique parce qu’il est interprété pas le JOA, le Jeune Orchestre de l'Abbaye aux Dames, créé en 1996, formation, unique en Europe, qui permet à de jeunes musiciens internationaux en fin d’études et en début de carrière, de se frotter à la musique classique sur instruments d’époque. Un prix a couronné leur jeu libre et rigoureux. Dans un souci d’authenticité, ils jouent, comme autrefois, pour retrouver un esprit de liberté, mais avec une rigueur chambriste, sans chef d’orchestre : « chacun est leader et chacun a une part de responsabilité au sein de l’ensemble », dit Raphaël Pidoux qui signe avec eux cet enregistrement. Ce violoncelliste célèbre, primé trois fois par les Victoires de la Musique, nous avons la chance de l’entendre souvent au sein du trio Wanderer au Festival de piano de la Roque d’Anthéron. Il est par ailleurs professeur de violoncelle aux deux Conservatoires de Paris et se voue, comme un une mission, à la transmission de son expérience.

            Ce disque est consacré à deux des six concertos pour violoncelle de Haydn qui n’ont été retrouvés ou authentifiés qu’au milieu du siècle dernier, en 1951 et 1961. Le premier est un concerto de jeunesse. Joseph Haydn, âge de 21 ans, entre alors au service du prince Esterhazy, et lui demande d’engager d’autres de ses amis musiciens, dont un violoncelliste virtuose auquel il dédie ce concerto. Heureuse époque où les puissants du monde entretenaient musiciens et orchestres, mettant leur fortune au service de l’art, non sans faire, il est vrai, des artistes, des serviteurs, des domestiques, même si l’art ne se peut jamais domestiquer. Ce concerto est en do, une tonalité aussi solaire que le sol, et vous allez juger de la vivacité de cet ensemble, dans lequel Raphaël Pidoux, l’aîné des musiciens, le maître qui abdique la baguette, semble aussi juvénile que ses élèves. C’est brillant, pétillant, et l’on vibre à l’ivresse du violoncelle qui entre en jeu :

1) PLAGE 1

Les cordes, vous le savez, vont de l’aigu, le violon à la contrebasse, la plus grave, avec les tessitures intermédiaires, de l’alto, plus grave que le violon, et, plus grave encore que l’alto mais moins que la contrebasse, il y a le violoncelle, dont la tessiture moyenne le fait souvent comparer à la voix humaine. Et l’on peut goûter la rondeur caressante, la chaleur que lui donne Raphaël Pidoux dans cet autre extrait  du même concerto de Haydn, qui prend l’allure dansante d’un vague menuet très lent, adagio :

2) PLAGE

Nous quittons Haydn et ce beau Cd sur un extrait du second concerto, en ré, tout d’élégance, un chant lumineux :

3) PLAGE 5 



Raphaël Pidoux /Jeune Orchestre de l'Abbaye aux Dames : Joseph Haydn Concertos pour violoncelle, Label NoMadMusic


SUR LES VESTIGES, SCHUBERT


Enregistrement 22/11/2019
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 403, semaine 46


            Noémi Boutin et le Quatuor Béla, D’Adamo Sur vestiges, Schubert : Quintette en ut majeur, D. 956, un CD NoMadMusic. Voici un disque séduisant et dérangeant. Séduisant, car il a à son programme le bouleversant Quintette en ut majeur, D. 956, immense quintette à cordes composé par Schubert durant l'été 1828, deux mois avant sa mort : il ne l’entendit jamais exécuter. Dérangeant car, pour y arriver, il faut se laisser immerger, submerger, emporter par Sur vestiges, que le quatuor Béla, ces quatre garçons dans le vent, ont commandé au compositeur contemporain franco-argentin Daniel d’Adamo, né en 1966 : un autre quintette pour permettre d’adjoindre à leur formation, deux violons, alto et violoncelle, le violoncelle de Noémi Boutin. Inversant la chronologie, cette œuvre puissante devient en sorte un douloureux prélude d’aujourd’hui à cette musique d’hier et de toujours. Cela faisait partie d'un concert spectacle que nous n'avons pu voir, malheureusement. Mais l'impression en est forte à la seule audition, sa finalité après tout. Nous n'en pouvons exprimer les sensations, fortes, troublantes, en sons plus qu'en sens.

Sur vestiges

De quel monde enfoui émergent ces vestiges ? Frissons, frémissements, froissements, frôlements feutrés, feulements de fantômes : c’est une confuse effusion affolée de cordes et jamais cordes frottées ne méritèrent mieux leur nom. Pincements, trilles, trémolos qui font trembler, sombres grondements, glissandi glauques, angoissants, aveuglés, soudain de tutti lumineux finissant dans le fugato, la fuite effrénée, éperdue, d’un univers de ruines qui débouchera sur la lumière diaprée de Schubert. Écoutons un extrait trop court de ce palpitant Vestiges de Daniel D’Adamo :
1) PLAGE 1 
Quintette en ut majeur
Comme après un cauchemar ou la marche angoissée dans une étouffante forêt touffue on débouche sur une lumineuse clairière, le quintette de Schubert. Cordes cordiales, cordes sensibles, accordées plein cœur, touchant le nôtre par le quatuor Béla et Noémi Boutin. Ce léger motif caressant du premier mouvement semble fuir sur les ailes du rêve ; il en émane un allegro joyeux mais que le ma non troppo, ‘mais pas trop’, teinte, modère de mélancolie, avant la course fiévreuse de présages d’orages et le retour déchirant du motif. Un extrait, bien trop court :
2) PLAGE 7
Le second mouvement, c’est l’adagio, un lent, un impondérable rideau de soie s’ouvrant, émergeant du silence ou des songes, ponctué des pizzicati du second violoncelle comme des pas menus sur la pointe des pieds, une indécise brume flottante, impalpable musique venue d’un ailleurs très lointain, on en retient sa respiration comme on retient un rêve évanescent qu’un souffle pourrait évanouir. Un extrait :
3) PLAGE 8 
Les troisième et quatrième mouvements, seront comme un réveil joyeux où Schubert, souriant dans la détresse, semble vouloir effacer d’un revers de corde l’indéfinissable nostalgie, la mélancolie du précédent mouvement, et nos jeunes interprètes s’en donnent à cœur joie, pour la nôtre. Mais nous les quittons sur les accords nostalgiques du second que leur jeunesse a su si bien traduire :
4) PLAGE 8  
Noémi Boutin et le Quatuor Béla, D’Adamo Sur vestiges, Schubert : Quintette en ut majeur, D. 956, un CD NoMadMusic





mercredi, décembre 11, 2019

SÉLECTION DE DISQUES


Enregistrement 8/11/2019
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 398, semaine 44

Quatuors Varèse/ Toumanian Mek
        Voici une sélection de disques récents qui peuvent être d’appréciables cadeaux. En voici deux dont le facteur commun est d’être interprétés par des quatuors à cordes.  
      Dans la terminologie musicale, un quatuor, ensemble intermédiaire naturellement entre le trio, ensemble à trois musiciens et le quintette, à cinq, désigne donc :  un ensemble de quatre chanteurs ou instrumentistes, mais aussi une composition musicale à quatre parties solistes, a cappella ou avec accompagnement, et, enfin, une œuvre de musique de chambre pour quatre musiciens, de genre et forme très variés.     Les deux disques sont joués des quatuors à cordes, c’est-à-dire, canoniquement, deux violons, cordes aiguës, un alto, plus grave et un violoncelle, encore plus.
            Le premier disque est gravé par le Quatuor Varèse, un ensemble multi primé qui se voue à défendre justement la musique pour quatuor. Leur CD, label NoMadMusic unit des quatuors de Dvorak, Puccini et Debussy sous la date commune de l’année de composition : 1893.

           Comme sa célèbre 9e symphonie dite « Du nouveau monde », le quatuor du Tchèque Dvorak expatrié, semble largement ouvert sur les grands espaces américains, qui ont tant inspiré le musicien. À écouter ne serait-ce que quelques mesures de la plage 1, l’on croirait entendre un galop de cheval sur un paysage du Far West :
1) PLAGE 1
            Le nom de Puccini est rattaché essentiellement à ses opéras même si les connaisseurs apprécient aussi sa messe si lyrique. On sera plus surpris de découvrir ici son quatuor Crisantemi, chrysanthèmes, à la mémoire du fils du roi d’Italie, un morceau funèbre mais si nostalgique et langoureux que Puccini l’utilisera dans sa sensuelle Manon Lescaut. Un bref extrait nous berce et bouleverse :
2) PLAGE 5 

 Quatuor Varèse, Dvorak, Puccini et Debussy, 1893.

Quatuor Varèse
François Galichet, violin
Julie Gehan Rodriguez, violin
Sylvain Séailles, viola
Thomas Ravez, cello
Date: 2019
Label: NoMadMusic
https://nomadmusic.fr/fr/label/1893
 

            Le second CD séduira, en particulier, nos concitoyens d’origine arménienne : toujours label NoMadMusic,  il s’agit, par l’ensemble Toumanian Mek : Music From Armenia , titre en anglais…Le disque, qui aurait séduit aussi Charles Aznavour, mais qui connaissait bien ce répertoire, est consacré à la musique de l'Arménie.
            Le nom de l’ensemble est plaisamment symbolique : Tumanian Mek fait référence à Hovhannès Toumanian, un des plus grands écrivains arméniens. Mek, signifie 1, et c’est le numéro de la rue Toumanian à Erevan où est né David Haroutunian, premier violon et fondateur de cet ensemble qu’il baptise.
          C’est une magnifique découverte de la musique arménienne pour ceux qui ne la connaîtraient pas. Les musiciens connaissent Aram Khachaturian (1903-1978), présent ici par une pièce de ballet. On connaît aussi Komitas (1869-1935) qui a fouillé dans les racines folkloriques de la musique arménienne. Voici un passage d’une danse tirée de ses Miniatures  sont des plus séduisantes. Mais hors ces deux musiciens connus, on découvre un quatuor inédit compositeur contemporain, Ruben Altunyan (1939) et trois chants amoureux de Sayat-Nova (1712-1795), un barde fameux dans le Caucase. Mais on ne résistera pas à la elle découverte de la nostalgie de Gusan Sheram (1857-1938) chanté avec un charme envoûtant par un chanteur compositeur , Dan Garibian.


Enregistrement 14/11/2019
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 400, semaine 45
      À l’approche des fêtes, continuons de proposer une sélection de disques pouvant faire un joli cadeau.
         Sorti à l’aube de l’été, voici un disque de quoi réchauffer l’âme en cette aurore de l’hiver, label NoMadmusic, B-Side, contenant des œuvres de Mozart Händel, Kabalevsky, Monti par la bien nommée Camerata Alma viva.  Mot italien, Camerata signifie : « groupe de gens vivant harmonieusement ou poursuivant un intérêt artistique ou intellectuel commun », nous rappelle le livret du disque. Mais rappelons, nous, que c’est aussi, la chambrée, ensemble de personnes qui couchent dans une même chambre, dont dérive le mot « camarade », gens unis amicalement. Mais à l’évidence, les camarades de cet ensemble suisse international, constitué de neuf nationalités différentes pour les seize musiciens du groupe, peuvent aussi se réclamer du sens de Camerata de la fin du 16e siècle à Florence où la fameuse Camerata de’ Bardi, le salon du Comte Bardi, unissant intellectuels artistes et musiciens, inventa ce que nous appelons aujourd’hui opéra.
            L’adjectivation Alma viva, qui colore et nuance le mot Camerata, est facile à comprendre : ‘Âme vivante’, un enrichissement, une multiplication du nom âme, qui donne « animer », par vivante, donc, pleine de vie. Et quelle vie ! Bref, un nom Camerata Alma viva qui est un programme et, pratiquement un manifeste. À preuve, écoutons un extrait du Divertimento en Fa Majeur K. 138 de Mozart, et l'on peut juger de l’alacrité électrique, de la vivacité énergisante de leur interprétation :  

1) PLAGE 

 Formée en 2009 à Genève, la Camerata Alma Viva est née du désir d’élèves de Gabor Takacs de sa classe de Quatuor à cordes de jouer debout et sans chef. Sans chef, mais ce n’est pas l’anarchie puisqu’un tel égalitarisme, chacun sur le même pied, suppose une maîtrise individuelle de la musique et de l’instrument absolue pour assurer la cohésion sans faille, l’harmonie de l’ensemble, sans quoi la musique ne serait pas possible. Pour cela, la Camerata Alma Viva a un entraînement, je dirai même une philosophie : le groupe se plie à des méthodes de travail physiques et mentales audacieuses, inspirées par les techniques de quatuor, les échauffements de théâtre, l’improvisation, le QiGong, la méditation, la respiration, et l’art de l’écoute.
En tous les cas, le résultat est des plus dynamiques, exaltant même. La première partie du CD réunit les trois délicieux Divertimenti de Mozart, composés en 1772 à l’âge de seize ans, véritables joyaux joyeux du répertoire pour cordes, pleins de fougue et même de fraîche fureur juvénile : en Fa Majeur K.138, en Si b Majeur K.137 et en Ré Majeur K.136.
La seconde partie présente tous les arrangements originaux du groupe, très virtuoses, très recherchés en sons et couleurs, réalisés par le violoniste Eric Mouret :  
Händel, Passacaglia ; Kabalevsky, Valse. Et nous nous quittons, arrangée aussi par Mouret sur cette Czardas, danse hongroise, de Monti, qui commence comme une lente caresse voluptueuse et finit comme un coup de cravache dans l’ivresse vertigineuse d’un grand galop : 

2) PLAGE 13  
 
label NoMadmusic, Camerata Alma viva., B-Side, de Mozart Händel, Kabalevsky, Monti.












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