Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

vendredi, février 24, 2012

MUSIQUES POUR LES COMÉDIES DE MOLIÈRE


Musiques pour les comédies de Molière, Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), CD par la Simphonie du Marais (Hugo Reyne), Musiques à la Chabotterie
Quand on évoque le théâtre français du XVII e siècle, on pense aussitôt au théâtre dit « classique », en en cinq actes, qui se passe en un seul lieu,  en un seul jour, à la versification régulière en alexandrins, et qui ne mélange pas les genres : on est dans la tragédie ou la comédie, mais on ne mélange pas les deux à l’inverse du théâtre anglais de Shakespeare ou le foisonnant théâtre baroque espagnol du Siècle d’Or qui mêlent, comme dans la vie, rire et larmes, drame et comédie, danses chants, musique au texte parlé. Pour ce théâtre français corseté dans ses règles, on pense rarement à la musique. Et, pourtant, il y en avait. Et naturellement, la durée excédait largement les une heure et demie à deux heures d’une représentation dite « classique ».
Certes, on sait que certaines des grandes pièces de Molière, comme Le Bourgeois gentilhomme et Le Malade imaginaire, sont assorties de danses, de musique, de chants, de chœurs, grands divertissements destinés à la cour, riches en moyens, fort onéreux. Mais il n’y a pas si longtemps que, sans ignorer cette pratique, on ne la pratiquait guère, sûrement par manque de moyens (ajouter des musiciens, des chanteurs, des danseurs aux acteurs est d’un prix de revient faramineux) qui excède, malheureusement, les budgets de la plupart des théâtres. Quelques artistes ont osé le pari pour le Bourgeois gentilhomme, avec succès (comme Benjamin Lazar), représenté avec la musique de Lully. Celui-ci, laissant la direction de son orchestre, intervenait même dans le ballet des Turcs, bastonnant joyeusement quelque peu Monsieur Jourdain, joué par Molière, élevé de façon burlesque en Grand Mamamouchi (ce ne sera pas le seul coup qu’il lui assènera).
Car les deux Baptiste, comme on les surnommait, Jean-Baptiste Lully (1632-1687) et Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière (1622-1673), étaient d’excellents collaborateurs, le premier composant les musiques de scène de son compère. Mais, après la rupture entre les deux, en 1672, après sept années de collaboration fructueuse (du Mariage Forcé, 1664 à Psyché, 1671) Lully, par ses intrigues, obtient de Louis XIV le monopole  de l’opéra en France, en fait, il en achète la charge, puisque sous la monarchie, toutes les charges étaient vénales, c’est-à-dire qu’on les achetait fort cher au roi. Cela fait de lui maître absolu du théâtre lyrique français qu’il venait d’inventer, interdisant aux autres musiciens de composer et de faire représenter des opéras tant qu'il serait vivant. Lully condamnait de la sorte, par son coup de force, pratiquement au silence nombre d’autres grands musiciens, les éclipsant, les forçant, au mieux, à des tâches de musique subalterne. Ainsi, le grand Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) ne prendra vraiment son grand essor musical qu’après la mort accidentelle du terrible Florentin Lully (battant ardemment la mesure avec un bâton – la baguette n’existait pas à l’époque), il s’écrasa un orteil qui s’infecta, fut gagné par la gangrène, l’emportant dans la tombe.
Ainsi, après sa rupture avec Molière, non seulement Lully interdit les intermèdes musicaux dans les pièces de l’autre Baptiste mais réussit même à s’arroger la propriété des textes des pièces de Molière pour lesquelles il avait composé de la musique. Il dépossédait donc Molière de ses propres œuvres, on dirait aujourd’hui de ses droits d’auteur.
Cependant, ce dernier, auquel il ne restait que deux ans à vivre, passant outre les interdits de Lully, continua à jouer certaines de ses œuvres si effrontément volées par Lully et s’adjoignit les services de Marc-Antoine Charpentier pour écrire de nouvelles musiques à ses pièces qui se jouaient au Théâtre français, devenu depuis la Comédie française.
Le disque
Un très beau disque récent, aussi érudit dans sa recherche historique et musicologique que divertissant dans son résultat, nous offre donc ce visage inédit (que l’on n’avait pas dit, ou presque) et inouï (que l’on n’avait pas entendu, de Molière. On le doit à la Symphonie du Marais (fondée en 1987), dirigée par Hugo Reyne, paru sous le label Musiques à la Chabotterie, cette magnifique demeure aux strates qui vont du Moyen-âge au XVIII e siècle, devenue un haut lieu de la musique baroque, où cet ensemble a ses assises. Nous trouvons dans ce disque sympathique et beau, des musiques donc composées par Charpentier pour Le Dépit amoureux, La Comtesse d’Escarbagnas (les ouvertures), les intermèdes nouveaux (donc plus de Lully) du Mariage forcé, l’ouverture et la sérénade italienne du Sicilien et, enfin, les musiques pour Le malade imaginaire, dernière pièce du génial dramaturge et comédien, dont on sait, que tuberculeux, il mourut pratiquement sur scène. Et c’est assorti, en bonus, d’un inénarrable bêtisier musical.
Au Malade imaginaire près, le choix des musiques est centré plaisamment sur des conceptions des craintes du mariage à l’époque qui, si elles n’ont pas valeur strictement historique et sociologiques, sont du moins des signes, des symptômes dignes de considération.
Tiré du Mariage forcé, version de 1672, on goûte un savoureux dialogue, un duo entre une basse taille et une haute contre qui discutent, naturellement, du mariage, déplorant le caractère de leurs épouses respectives, « une diablesse » pour l’un, « une traîtresse » pour l’autre, fatalité de la rime ! Il est ensuite question de l’âge le plus opportun de se marier :
Pour le jeune ou pour le barbon/ À tout âge l’amour est bon.
On était barbon (homme mûr à barbe grisonnante) à quarante ans[1], âge dit « canonique » également pour les femmes. Et l’on déconseille d’épouser à un homme de cet âge, une « jeune beauté » car il aura « les cornes en partage ». Molière devait penser à lui qui avait épousé une toute jeune femme, Armande Béjart de vingt ans, probable fille de sa maîtresse Madeleine Béjart, fille incestueuse insinuait-on méchamment.El l’on sait la torture et la précaution inutile du barbon dans l’École des femmes. Cependant, qu’on se rassure, les cornes, plus que le « bon sens » cartésien, sont la chose la mieux partagée dans le mariage, il n’y a pas d’âge pour gagner cet attribut, « Belle ou laide », nous chante-t-on, la femme les distribue à jeune ou vieux (ce qui suppose, sous les lignes, pratiquement, la légitimité du cocuage pour une femme jeune mal mariée).
On recommande aussi un extrait du Mariage forcé, dialogue parlé entre Sganarelle et Marphurius, toujours sur ce problème de mariage et cocuage, mais qui, de plus, est une très plaisante parodie de la philosophie de Descartes. Celui-ci invite à révoque en doute toute idée reçue et même la réalité, qui n’est pas forcément réelle, probablement idéelle. De ces prémisses du syllogisme dans lequel Marphurius enferme Sganarelle, la chute est hilarante : le mariage est, au mieux, probable mais le cocuage, certain. Un autre air renverse tout, en reprenant cette même philosophie : craindre d’être cocu est une idée, pas forcément une réalité. Il est donc extravagant de souffrir pour un mal qui n’est pas réel. On admire autant la beauté de l’exécution musicale que l’excellence comique des extraits de pièces interprétées par ces musiciens acteurs. D’ailleurs, ce programme avait donné lieu à une réalisation scénique qu’on souhaiterait voir voyager.
On ne résiste pas non plus à la contagion du « Trio des rieurs » et, surtout, à un morceau du Sicilien qui anticipe le fameux Duo bouffe pour deux chats de Rossini : 
Heureux matous, / Que votre sort est doux.
Jamais dans les gouttières / Vos chattes les plus fières
Ne mêlent de bémols / À vos gais miaous.
Et puisque ce disque a été enregistré à La Chabotterie, digne lieu pour, sinon les Bottes de sept lieues, du Chat Botté du contemporain Perrault, on goûtera chattemite, en bonus, ou mieux, en gâterie, en chatterie, le bêtisier, miaulant et feulant.

Musiques pour les comédies de Molière, Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), CD par la Simphonie du Marais (Hugo Reyne), Musiques à la Chabotterie

[1] Sur les conceptions sur l’âge à cette époque, je renvoie à mon livre D’un Temps d’incertitude, chap. VI. La longue saison des crépuscules, VII. L’ère des pères, VII. Combats de coqs, soleil couchant, IX. L’âge des barbons, p. 197-246, Éditions Sulliver, 2008. 
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vendredi, février 10, 2012

LA CHARTREUSE DE PARME


LA CHARTREUSE DE PARME
Livret d’Armand Lunel, musique d’Henri Sauguet
d’après La Chartreuse de Parme de Stendhal
Opéra de Marseille, 8 février 2012
Intrigue du roman
Débâcle napoléonienne, Restauration : dans une Italie du nord sous la coupe autrichienne absolutiste un héros de seize ans, Fabrice del Dongo, bel aristocrate; il aura une vingtaine d’année à la fin. Il rentre de Waterloo où il a voulu servir l’Empereur, renié par père et frère, réactionnaires et partisans de l’Autriche. Il très est lié à sa mère et encore plus à sa tante Gina. C’est un Chérubin qui, s’il ne palpite pas pour toutes les femmes, les fait toutes palpiter et pâmer : rêve d’un Stendhal, laid, malheureux en amour mais toujours amoureux, qui s’est projeté dans ses héros de roman, ici Fabrice, Julien Sorel dans le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen dans le roman éponyme. Sa description de Waterloo, du point de vue chaotique individuel, qui ne comprend rien à la stratégie en surplomb de l’Empereur, est célèbre en littérature. Rentré et recherché en Italie, suspect par ses amitiés politiques libérales, après des études de théologies à Naples, il rejoindra à Parme sa tante Gina qui le protège envers et contre tous. Elle entend le faire entrer dans les ordres avec une grande charge, comme Julien Sorel qui hésite entre le Rouge, l’état militaire, et le Noir, l’état ecclésiastique. Charge religieuse mondaine dont sa tante lui explique posément que cela ne gêne en rien sa liaison avec les femmes.


Gina, la Sansévérina
Le personnage le plus intéressant. Gina, comtesse Piétranera, veuve d’un général italien bonapartiste, puis duchesse Sansévérina, cynique épouse par convenance et intérêt d’un vieux duc,qu’elle n’a même pas vu, pour vivre à son aise sa liaison avec son protecteur le comte Mosca, est de la trempe de ces aristocrates au-dessus des préjugés et de leur classe, telle Mathilde de la Mole dans Le Rouge et le noir, peu farouche aux idées révolutionnaires, ouverte aux temps nouveaux : le Prince Salina du Guépard de Lampedusa, qui a la même fascination amoureuse pour son beau neveu Tancrède, lui offrant un mariage opportuniste et politique avec les libéraux, n’a sans doute pas oublié ce modèle. L’aristocratie ne se gênait guère aux mariages quasi incestueux quand il y allait de l’intérêt dynastique ou financier. Sansévérina est scandaleuse d’abord politiquement, puis veuve presque joyeuse, épouse intéressée d’un vieillard, maîtresse affichée de Mosca, et enfin affichant ce népotisme tranquille et amoureux pour son neveu.
Le puissant comte Mosca a une seule faiblesse : il aime follement la Sansévérina, qui aime passionnément Fabrice, son neveu, qui lui, aime Clélia : c’est la fille du Général Conti, gouverneur de la prison, la tour Farnèse où sera enfermé le remuant jeune homme qui a tué un comédien pour une affaire de femme. Les jeunes gens correspondent, lui de sa cellule, elle, de sa chambre avec ses oiseaux en cage aussi, ce qui ronge Gina de jalousie et le comte qui voit l’amour de la femme qu’il aime pour son neveu qui ne l’aime pas, autrement que comme tante. Et là, Stendhal, affaiblissant la puissance de cette intrigue passionnelle et ambiguë entre le couple mûr Sansévérina/Mosca et le beau jeune homme, tombe dans la bluette romantique d’un amour plus puissant que tout entre le jeune prisonnier et la fille du geôlier : de l’eau-forte, à l’eau de rose.
La Sansévérina et Clélia aideront Fabrice à s’évader. Pour sauver son neveu et obtenir son pardon, la Sansévérina se donnera au nouveau prince régnant. Clélia, avait juré à la Madone qu’elle épouserait l’homme destiné par son père si Fabrice était sauf (car on tente de l’empoisonner en prison), et qu’elle ne le reverrait plus : pour respecter ce vœu, ils se retrouvent dans le noir. L’amour a les yeux bandés, mais les mains ont-elles des yeux ? Ils ont un enfant de leurs aveugles amours, qui meurt ; Clélia succombe de chagrin et Fabrice, devenu grand prédicateur, entre dans la chartreuse de Parme pour y finir ses jours et la suit dans la mort, suivi de la Sansévérina qui ne survit pas à son impossible amour pour son neveu.
Si le fond du roman est historiquement exact, les remous révolutionnaires qui suivent les armées de Napoléon, si la ville est exacte, la cour autour de son prince Ernest-Ranuce IV n’existe pas, les personnages sont imaginaires, ainsi que la tour Farnèse où sera enfermé le héros et cette chartreuse fantomatique apparue juste à la fin, qui donne son titre au roman.
L’opéra
Le roman est de 1839, l’opéra, de 1939 : cent ans les séparent. Stendhal dicta son roman en sept semaines ; Sauguet (1901-1989) mit plus de dix ans à écrire sa musique. Après neuf représentations, la déclaration de guerre le relégua apparemment parmi ses ruines. Une reprise en 1968 lors des Jeux olympiques d’hiver à Grenoble, ville de Stendhal, ne put assurer sa restauration. Tout semblait perdu de, sinon ce fantôme de l’opéra, de cet opéra devenu fantôme. Mais le flair et l’obstination du directeur de l’Opéra de Marseille, Maurice Xiberras, ont payé : il a trouvé, sinon toute la partition d’orchestre détaillée, un « conducteur », c’est-à-dire la partition que le chef a sous les yeux, avec les lignes vocales et les lignes des instruments résumées. À partir de là, il a été facile de détailler las parties de chaque instrument et de reconstituer ce que l’on appelle la « grande partition ». Ce qui fait une véritable recréation de cette œuvre à Marseille.
Le livret
Armand Lunel (1892-1977), ami de Darius Milhaud, son concitoyen aixois, avait écrit pour lui le livret de deux opéras, Les Malheurs d’Orphée (1924) et Esther de Carpentras (1926). Celui qu’il donne à Sauguet, en quatre actes et dix tableaux, n’est pas sans mérites dans la nécessaire condensation d’un roman touffu en prose en texte de théâtre lyrique. Il élague tout le substrat politique historique pour ne garder que la substance amoureuse, resserrant l’intrigue à une épure traditionnelle entre le quadrille complémentaire et contrasté entre le couple de jeunes gens et celui d’âge mûr : cela pourrait être un drame sur le vieillissement des corps face à la jeunesse éternelle des sentiments. Malheureusement, le terreau politique marqué du roman sacrifié au terrain amoureux, accusé sans doute aussi par les coupures contraintes lors de la création de cette opéra trop long, rend mal compréhensibles des situations pour ceux qui ignorent le roman de Stendhal et ne peuvent remplir les trous du livret. Ainsi, l’absence de l’occupation autrichienne en Italie du nord n’explique plus la poursuite contre Fabrice et le complot des libéraux dans la loge de la Scala. Par ailleurs, au tout début de la première scène, le Maréchal des logis qui tente arrêter Fabrice, qui s’était rangé sous la bannière de l’Empereur Napoléon, « Au nom de sa Majesté l’Empereur… », forcément celui d’Autriche, est cocasse mais confuse pour l’auditeur innocent.
Le texte ne brille pas littérairement. Dans les premiers tableaux, on sent une hésitation entre la prose et les vers, les rimes ne semblant arriver que par accident mais, par la suite, à partir du duo entre Mosca et Gina dans la loge, lentement, la versification s’affirme, en rimes parfois par trois, mais l’ensemble reste irrégulier, souvent avec des vers blancs seuls, orphelins de la consonance rimique.
La musique
Le compositeur placera le quatuor essentiel dans une typologie romantique des voix du grand opéra : voix aiguës pour les jeunes premiers, ténor et soprano, et grave pour les deux aînés, mezzo et baryton. Les autres comparses, Général Conti, personnages du peuple et soldats, traités dans des scènes plaisantes, relèvent des caractères ou demi-caractères de l’opéra-comique.
Pas d’ouverture. D’entrée, nous sommes plongés dans une vaste scène légère d’opéra-comique (aux dialogues parlés près, ou d’opérette), de genre, entre les soldats, les officiers, Gina, Fabrice puis le Général Conti et sa fille, dans un désordre répondant au quiproquo de l’obtuse soldatesque. Les répliques fusent comme dans une comédie, avec des accélérations soudaines du chant et des ralentis, caractéristiques au moins de la première partie, même dans l’agréable quintette patriotique de la loge (mais sans aucune couleur locale) sur « l’âme de l’Italie »: débit haché à allure de mitraillette parfois pour certains tandis que d’autres s’alanguissent dans de longues phrases.
Le phrasé général respecte la prosodie du texte dans une mélodie continue, très souple, qui semble éviter systématiquement les contours mélodiques d’une aria close, sauf pour les comparses, les gens du peuple, le Général Conti, dotés d’airs d’une grande saveur populaire, archaïsante pour Théodolinde, et  bien chantante pour la sérénade. Parfois, il y a des parenthèses lyriques aux contours proches de l’air à découpe traditionnelle, comme Clélia et les oiseaux, sorte d’air aux pépiements de flûte dans l’orchestre, ou la lettre de Fabrice à Gina. Hors cela, cette grande déclamation ne semble pas très variée, pratiquement toujours syllabique, trop vassale du texte et de son intelligibilité. Si les voix graves, à part quelques aigus, ne posent guère de problèmes, les voix des jeunes héros sont traités dans une tessiture très tendue, avec quelquefois, dans cette musique tonale, des dissonances inattendues et haut perchées qui ajoutent à cette impression de refus de profil mélodique marqué.
Plus intéressant, l’orchestre, peut-être la première voix de l’opéra, d’une grande richesse vraiment mélodique parfois, d’une variété de motifs (jamais de leitmotive), des thèmes brefs, lancinants, obsédants. On goûte un bel effet d’horizon musical lointain avec un clairon en vibrante sourdine qui semble appeler de loin un réveil auquel se superpose une trompette surgie de cette brume qui gagnera le premier plan. Souvent martiale, la musique ne semble guère jouer de la séduction des cordes, et très nourrie en cuivres, ne facilite guère la tâche des chanteurs.
Réalisation
Une seule mention de Napoléon et de Waterloo dans le texte, réduit à une simple intrigue amoureuse, donc pratiquement ahistorique, ont peut-être autorisé la metteur en scène Renée Auphan et sa costumière Katia Duflot, à un déplacement, surtout esthétique, du début du XIXe siècle au début du XX: sans doute deux époques charnières entre ordre ancien et ordre nouveau, le premier après Waterloo et la Restauration monarchique en Europe, le second avant la Grande Guerre, l’effondrement des monarchies, et l’avènement de la modernité. Mais le faste décoratif, les beauté des costumes nombreux, variés, dans des tissus somptueux, robes précédant l’Art Nouveau, le Modern style, moins rigidement corsetées, lignes souples, en volutes, en tube, capelines et voilettes pour les femmes, redingotes et smoking pour les hommes, c’est aussi l’apogée d’une haute société qu’attendent son proche Titanic et son cataclysme mondial.
Intelligence et sensibilité signent la mise en scène d’Auphan. Intelligence pour résoudre les problèmes techniques liés à cette action resserrée, dix tableaux se succédant avec des fins abruptes, sans que la musique laisse guère de loisir pour changer de lieu, de temps, d’atmosphère, et de costume pour les chanteurs. Un seul magnifique décor bâti (Bruno de Lavenère ), cadre de scène d’un rouge pompéien, pour un habile système de panneaux et rideaux rapides permettent les transitions elliptiques temporelles. Absente de la musique, l’atmosphère italienne chère à Stendhal, naturelle, est stylisée par un olivier ; culturelle, par le rouge pompéien des demeures : deux signes ancestraux, millénaires, d’une Italie éternelle face à l’éphémère du temps humain et politique.
On retrouve l’un des symboles de cette Italie dans cette loge de la Scala, à vraie hauteur de loge, avec ses vraies tentures et rideaux bronze à franges d’or, théâtre dans le théâtre face à la salle dominée, où la bonne société venait autant voir que se faire voir : vitrine fastueuse de l’ostentation, du spectacle. Le rideau fermé des complots s’ouvre derrière sur des suggestions de ballet cher à Sauguet. Cette niche en hauteur deviendra cachot de Fabrice dans la tour. D’autres images ont une beauté qui fait sens : la somptueuse fête au palais Sansévérina, avec ces hauts et longs rideaux italiens de fils mouvants, de perles de verre roux ou dorés selon les lumières expressives (Laurent Castaingt) : profondeur, double rideau des intrigues qui permet le souple retrait de la foule. Un éclat bleu sur un lustre : le point du petit jour bleuté et blasé des fins de fête ou l’ombre du jardin de la solitude des deux mélancoliques héros extérieurs. Le grand rideau beige où se dessine une forêt des sentiments et situations inextricables des deux jeunes amants malheureux, seuls sur l’avant-scène, est un moment de grâce dans cette poétisation scénique de l’œuvre.
La sensibilité, c’est la finesse des rapports entre les personnages, leur justesse et ces intelligents contrechamps où, durant les longs monologues de l’un, l’autre continue d’exister par un jeu délicat qui ne parasite pas la longue tirade de l’autre. Remarquables trouvailles de symétries significatives : au lieu d’être dans l’ombre du jardin et de la fête, Clélia apparaît d’abord à une fenêtre, spectatrice distante d’un monde qui n’est pas le sien, d’où lui arrivent les flèches des médisances sur le libertinage de Fabrice, et, sans doute sa liaison avec Gina. Mosca ensuite à la même fenêtre (sans jalousies mais avec elle), c’est la découverte douloureuse de cet amour, la contagion du doute. Pareillement, dans l’avant-dernière scène, sur fond d’un ciel rosé qui joue les tableaux italiens, Fabrice, mollement abandonné, semble servi, sur canapé : c’est Chéri cher à Colette, c’est l’homme objet offert à la dévotion ou dévoration de la Sansévérina, plus amante que tante aimante, penchée amoureusement sur lui, et, le jeune homme enfui, quand c’est elle qui s’y abandonne avec une langueur désespérée sur ce vide du corps désiré, c’est elle qui s’offre à Mosca éperdu à ses pieds.
Interprétation
On doit saluer, d’abord, le choix de la distribution, la vraisemblance physique du quatuor protagoniste, un quadrille de personnes qui pourraient même interchanger les couples sans que cela dépare en rien leur harmonie. Tous si beaux et bons acteurs que, dans l’évidence dramatique de leur rôle, on en oublierait la performance des chanteurs.
Sébastien Guèze a l’allure et la figure d’un adolescent vif, fou, fougueux et romantique, attendrissant. Le rôle de Fabrice est écrasant tant par la durée et la présence presque constante sur scène, que par la difficulté d’une tessiture tendue à l’extrême qu’il aborde avec vaillance, sans jamais de défaillance, d’une voix à la fois légère et sûre, égale, qui s’offre le luxe, même à la fin, d'émouvantes et expressives demi-teintes. Plus qu’une prise de rôle, on dirait une identification avec un personnage qu’il a fait sien définitivement. Auprès de lui, Nathalie Manfrino, touchante, attachante, a le charme et la grâce diaphane qu’on lui connaît et campe d’une voix moelleuse (parfois à l’excès) une douce Clélia dans la fleur de l’âge, trempée de dévotion et mysticisme. Gina, duchesse Sansévérina, avec Marie-Ange Todorovitch a la beauté épanouie de la femme dans sa splendeur, d’autant plus troublante, et émouvante dans sa  maturité lucide qu’elle sait que l’apogée de son âge rime avec proche ravage : d’autant plus déchirée par l’amour et la jalousie face à la jeunesse rayonnante du jeune couple. Dès la première scène, le beau réflexe de se pomponner, en fait une Maréchale interrogeant son miroir sinon le regard de son Fabrice, son sigisbée ou chevalier servant avec plus d’épines que de roses. Sa voix pleine, sensuelle, chaude, est prometteuse de profondes voluptés. Avec un noble panache et élégance, elle porte haut et beau le scandale qu’on colporte petitement à voix basse sur elle. La passion que lui voue l’élégant et racé Mosca de Nicolas Cavallier, au noble phrasé, est bien compréhensible, comme l’on peut comprendre sans grand scandale que cette si belle tante, si tentante, ait pu autrefois déniaiser son joli neveu, toujours attentivement soigneux de la ménager, de ne pas la blesser.
À côté de ce carré fondamental, rôles de demi-caractère, Jean-Philippe Lafont, en forme, est un truculent Général Conti. En une scène, voix soyeuse et chaude, Sophie Pondjiclis est une Théodolinde chez qui la maternité n’a pas éteint mais sans doute nourri la sensualité. Tous les autres personnages, nombreux, sont des figures d’une grande justesse, de Jacques Calatayud à Bruno Comparetti en passant par Éric Huchet, Antoine Garcin, Frédéric Leroy, et la lointaine mais fraîche voix d’Anaïs Constans. Les chœurs remuants de la loge ou statiques du final, sont, comme toujours, parfaitement menés par Pierre Iodice
Mais, dans cet opéra où l’orchestre est un personnage à part entière, complexe, varié, on admire le travail qu’a su accomplir Lawrence Foster, tout récent chef musical de l’Opéra, pour faire, de cette œuvre oubliée, un moment inoubliable.
Opéra de Marseille
La Chartreuse de Parme
d’Henri Sauguet, livret d’Armand Lunel
8, 10, 14 février, 20h ; 12 février, 14h30.


Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Chef du Choeur : Pierre Iodice.
Direction musicale : Lawrence Foster .
Mise en scène : Renée Auphan (assistante : Chantal Graf) ;
Décors : Bruno de Lavenère ; costumes : Katia Duflot ; lumières : Laurent Castaingt.
Distribution :
Clelia Conti : Nathalie Manfrino ; Gina, duchesse de Sanseverina : Marie-Ange Todorovitch ; Théodolinde : Sophie Pondjiclis ; une voix : Anaïs Constans ; Fabrice del Dongo : Sébastien Guèze ; Comte Mosca della Rovere : Nicolas Cavallier ; Général Fabio Conti : Jean-Philippe Lafont ; Ludovic, une voix de ténor : Eric Huchet ; Barbone : Jacques Calatayud ; Le Maréchal des logis, un gendarme : Antoine Garcin ; un gendarme,  une voix de ténor : Bruno Comparetti ; un geôlier, une voix : Frédéric Leroy.
Enregistré et retransmis par France Musique le 28 avril 2012 à 19h30
Photos : Christian Dresse.
1. Complot dans la loge de la Scala : chevelure d’argent debout, N. Cavallier ;
2. La loge : assis, J. - Ph. Lafont ; M. - A. Todorovitch, N. Manfrino, debout, S. Guèz, N. Cavallier ;
3. Manfrino, Clélia, toute grâce, et ses colombes prisonnières comme Fabrice là-haut ;
4. Le couple romantique Fabrice et Clélia ;
5. L’homme objet offert sur canapé : Guèz, Todorovitch.

dimanche, février 05, 2012

JEKYLL


JEKYLL
OPÉRA PHILOSOPHIQUE ET TERRIFIANT
LIVRET, CATHERINE MARNAS, RAOUL LAY, FRANÇOIS FLAHAUT,
MUSIQUE DE RAOUL LAY,
THÉÂTRE LES SALINS, MARTIGUES,
19 JANVIER 2012
La dualité des choses, la double face des êtres ont toujours fasciné l’homme. En témoigne, entre autres, la figure romaine de Janus bifront, ce personnage qui a le même visage à l’endroit et à l’envers, inquiétante image, trouble du double, de la duplicité, qui peut se décliner en antithèse devant/derrière, ombre/lumière, bien ou mal : ambivalence humaine, schizophrénie explorée depuis par la psychanalyse. De ce rêve ou cauchemar d’un solipsiste duo sont nées bien des légendes noires, femme-serpent, loup-garou, etc. Et, folle ambition de la science manipulatrice (même pas encore génétique), tel ce cas posé par R. L. Stevenson en plein siècle scientiste (Strange case of Doctor Jekyll and Mister Hyde, 1885) et proposé depuis dans de nouveaux avatars, au sens précis du terme, changements de visages, dans les virages et rivages de romans et cinéma : ce médecin fou, le Docteur Jékyll, qui, en voulant, par une opération, séparer en lui le bien et le mal, se transforme la nuit en un assassin, Docteur Hyde. En voulant rester propre, la main droite n’ignore plus ce que fait la gauche, sale, solidaires chez le solitaire héros.
Sur toute la mythologie antique des métamorphoses, c’est ici l’ambition folle du savant, sujet qui fait de lui-même l’objet d’expériences démiurgiques : désir de créer, à partir de l’Un, non un second être par parthénogenèse ou clonage du même, mais un Autre radicalement différent, opposé, contradictoire. Je est vraiment un Autre comme dira Rimbaud à la même époque. Le médecin manipulateur de la vie se greffe donc, littéralement et littérairement, sur l’autre grande tradition de géants insurgés de la pensée humaine, Prométhée, Faust, démiurges à défaut d’être Dieu, confrontés puis affrontés au Créateur qui ne tolère pas de rival. Quelques décennies auparavant, c’était la toute jeune Marie Shelley qui donnait forme à ce mythe ancien du savant, le Docteur Frankenstein, créant un être sans Dieu, qui ne pouvait qu’être un monstre ; un peu plus tard, E. T. A. Hoffmann crée sa poupée automate Olympia. Le sommeil de la raison engendrait des monstres pour Goya au début du même siècle, mais les rêves éveillés de la raison scientifique, on n’a plus à le prouver à notre époque, engendrent la monstruosité du mal.
L’œuvre
Sur la réalité des terreurs enfantines et le plaisir enfantin de se faire peur, Raoul Lay, air d’éternel adolescent où pointe encore l’enfance, l’artiste étant l’adulte qui garde encore en lui le nécessaire esprit d’enfance, a bâti avec ses complices ce conte au large spectre, spectral, interprété en partie par des enfants, adressé à des enfants , parlant donc à chacun de nous à divers niveaux.
Pour l’adulte, des références ou des allusions aux écrivains et poètes romantiques allemands, ou franco-allemand tel Chamisso (mis en musique par Schumann) et son héros sans ombre, peut-être Achim von Arnim (mis en musique par Mahler) dont les contes fantastiques, furent traduits en français par Théophile Gautier sous le nom de Contes bizarres (1856), le fantasque et fantastique Dorian Grey de Wilde et, finalement, parfaitement en situation, des extraits pertinents de Freud auquel ce romantisme délétère et névrotique, cette inquiétante étrangeté, sied bien. Pertinence chronologique et thématique des références, bien savantes sans doute, pour sous-tendre cette narration par le maléfique docteur lui-même. Le philosophe François Flahaut, psycho-pédagogue, en projections sur tulle (Laure Desmazières, Michele Guinieri) dans un milieu quotidien qui contraste avec l’insolite de la scène, éclaire en métaphores didactiques tout aussi quotidiennes (la cocotte minute des pulsions) pour le public d’enfants notre fascination du mal, le désir de peur, commentaires simples pour le jeune public, trop élémentaires sans doute pour les adultes, dans un va et vient entre esthétique et éthique trop penchant à la morale moralisante.
D’emblée, d’entrée, si chromatisme signifie couleur, la musique, une brève cellule chromatique obsédante, au violon et violoncelle, trame serrée d’angoisse (angst en allemand, chère à Freud), installe une brume sombre, mystérieuse, ponctuée de tintements de clochettes, pluie d’argent estompé, brouillée de brouillard, sur nappe de cordes frottées, feutrées : climat diffus, atmosphère à la fois inquiétante et envoûtante. Fond de scène fondu du chœur homophonique d’enfants et quelques adultes ; a cappella, une voix de femme lance une lancinante et douce berceuse enveloppante, maternelle, en anglais, du Britten emmitouflé dans ce sfumato sonore efficient. Notes en gammes montantes et descendantes affolées sur tous les pupitres. Même efficacité des clins d’œil à Berg, sans doute au Schönberg des musiques ou ambiances de cabaret viennois, allusions ludiques au baroque, dans des subtilités de timbres d’une musique instrumentée plus qu’orchestrée, servant au mieux ces quelques solistes rigoureux de l’Ensemble Télémaque sous la direction toujours si précise du compositeur et chef, jamais mieux servi que par lui-même. Les voix sont superbement traitées dans leur tessiture : chaleur du baryton Yannis François sur l’égalité du timbre, luminosité et ampleur pour la soprano magnifiée vocalement par la longue complicité artistique entre Lay et Peyré. Il y a une parfaite adéquation de la musique aux moyens des interprètes, une évidente et audible connivence.
Réalisation et interprétation
C’est encore cette proximité, cette connivence ou, mieux, symbiose entre le compositeur et la metteur en scène qui fait la sensible réussite de ce spectacle. Déjà pliés à travailler ensemble, Raoul Lay et Catherine Marnas (qui signe la mise en scène -et la scénographie avec Michel Floraison) Télémaque et Parnas réunis, se sont entourés d’artistes amis habituels, le comédien Frank Manzoni, le danseur Yannis François, du Ballet Béjart de Lausanne, chanteur lyrique de surcroît, et de la soprano Brigitte Peyré, qu’on ne présente plus ici. On sent la cohésion de l’ensemble et l’on admire leur art pour intégrer, dans ce spectacle insolite, la troupe hétéroclite du chœur amateur de 80 choristes, 50 enfants de six à treize ans, des adultes, souvent leurs parents, pour les dix artistes professionnels du plateau. Certes, leur partie est habilement simple, sans complication polyphonique, avec des textes en latin projetés et traduits sur le tulle étrange, mais il faut saluer le sérieux très perceptible de tous et, même, s’émouvoir en souriant de l’émotion ou peur qui saisit et destabilise musicalement certains enfants lors des scènes les plus terrifiantes de poursuite : preuve d’engagement à plein dans une action jouée mais vécue aussi intensément.
Les images, il est vrai, sont belles et prenantes : angoissantes, dans des lumières expressionnistes (Mathieu Pons) où passent les ombres vampiriques de Murnau ou du Fritz Lang de M. le maudit, avec ce cabinet sinon du Docteur Caligari, du Docteur Jekyll, antre ou cave laboratoire devenant amphithéâtre universitaire de dissection, disons d’autopsie aujourd’hui, à la Rembrant et sa Leçon d’anatomie, avec tous ces cols blancs penchés de loin avec une attention de rapaces prêts à fondre sur la table où officie le maître anatomiste ou boucher sur le cadavre exposé. Cela ne pouvait qu’illustrer au mieux la trouvaille du savant, le début de son journal, et sa volonté, deux fioles inverses en main, le Bien et le Mal, de les séparer au scalpel en lui pour échapper à la fatale dichotomie humaine. Dans cette ambiance, la belle voix humaine, du baryton danseur Yannis François en Jekyll, dont tous les gestes sont rythmiquement mimés ou chorégraphiés dans son dos par le comédien Frank Manzoni, commentateur sardonique à la gesticulation double, perd de son humanité qui se glace aux gestes troubles de sacrificateur mortifère.
Même les scènes tendres entre la mère et l’enfant, femme et amant, dans cette pénombre ou, clair-obscur, mélange de lumière et d’ombre, sont inquiétantes, celle de foire et du cabaret, plus colorées, avec la robe rouge de Brigitte Peyré et ses longs gants qu’elle enlève érotiquement, très Gilda de Rita Hayworth, en pleine possession séductrice de ses moyens vocaux, ne dissipe pas l’angoisse et laisse prévoir le pire, comme ce mariage de voluptueuse fleur éclose en blanc, robe ou dépouille filant au ciel du meurtre. Autre habileté technique, les changements à vue, disons, dans l’ombre, des meubles, par des personnages à peine distincts dans le noir, ajoutent à l’effet global de diffuse terreur, non venue d’ailleurs, d’une invisible transcendance, mais d’un homme concret devant nous qui rêve et révèle sa double et terrifiante nature qui interroge la nôtre.
Empruntant à diverses époques, noirs et cols blancs à rabats (dit à la wallonne et fraises) pour les chœurs, avec bel effet de frise, de chaîne de pics de ténèbres enneigées comme horizon, XIXe siècle pour les protagonistes, redingote pour les deux hommes, belles robes pour la femme, les costumes (Edith Traverso et Nina Langhammer) intègrent même les musiciens et le chef, Raoul Lay, vêtu d’un ample manteau jusqu’aux pieds, une rare baguette à la main, semble un sorcier ou un magicien qui fait advenir la magie ensorcelante de cette musique.

Jekyll,
Opéra philosophique et terrifiant
Du 19 au 21 janvier, Les salins, Martigues ; 31 janvier, Gap ; 23 mars, Le Revest ; 11 mai, Saint-Quentin en Yvelines.
Raoul Lay (musique et direction).
Chœur amateur d’enfants recruté et préparé sur chaque territoire de diffusion ;
Catherine Marnas (mise en scène et scénographie avec Michel Floraison) ; Mathieu Pons (lumières) ; Edith Traverso et Nina Langhammer (costumes) ; vidéo (Laure Desmazières, Michele Guinieri) ;
Brigitte Peyré (soprano) ; Yannis François (chorégraphie et chant) ; Frank Manzoni (comédien) ; François Flahault, commentaires en vidéo (Laure Desmazières, Michele Guinieri).
Ensemble Télémaque :
Charlotte Campana (flûte), Linda Amrani (clarinette), Gérard Occello (trompette), Nicolas Mazmanian (piano), Christian Bini (percussions), Jean-Christophe Selmi (violon), Guillaume Rabier (violoncelle), Jean-Bernard Rière (contrebasse).

Photos : Agnès Mellon.
1. Jekyll et son double (Yannis François et, derrière, Frank Manzoni) ;
2. La femme, dans sa splendeur (Brigitte Peyré) ;
3. Femme et mari dans l’horreur (Peyré, Manzoni) ;
4. L’affiche (photo Max Minniti-Bertrand Stephen).




jeudi, février 02, 2012

MACONDO

MACONDO
Musiques latino-américaines
Rouge Belle-de-Mai
28 janvier 2012
Un lieu à découvrir pour ceux qui l’ignoreraient encore : le Rouge Belle de mai a, déjà, la poésie insolite du nom comme si ce « rouge » était un label de la Belle de Mai, ce quartier populaire aujourd’hui bien déshérité, mais frémissant encore d’une couleur qui fut celle des révolutions généreuses, par ailleurs près du Boulevard de la Révolution,  fleurant bon encore le souvenir de ces fêtes d’autrefois, où, au lieu du fade Valentin commercial d’aujourd’hui, on élisait une Belle au mois de mai, et un « Beau », le cap dels jovents, le ‘chef des jeunes’ en d’autres régions, que l’on mariait symboliquement comme un couple idéal  promené sur des chars fleuris, opposé à ceux que formaient le plus souvent une belle mal mariée à un barbon. Un renversement festif qui marquait le triomphe du printemps et de la jeunesse sur la vieillesse et l’hiver.
Eh bien, sur la vieillesse antique de notre ville et le vieillissement social de ce quartier, Corine Barberau a ouvert un lieu original, tout nouveau à partir de l’ancien, où se conjuguent nourritures terrestres et spirituelles, artistiques. Un ancien garage Renault, témoignage émouvant de l’architecture industrielle des débuts du XXe siècle, avec ses minces piliers métalliques qui n’ont pas encore oublié les fins chapiteaux corinthiens de l’Art Nouveau, avec un long comptoir de bar, est une et conviviale salle de restaurant, salon de thé et galerie d’exposition pour des artistes. Derrière, la souriante et chaleureuse Corine propose, pour des sommes modiques, à partir de 17 heures, boissons, apéros gourmands et, le soir, des plats délicieux mitonnés par ses soins. Au sous-sol, une petite scène où attend sagement un piano, des banquettes moelleuses et des tables, et c’est là que des musiciens, jazz, classiques ou variétés certains soirs (voir le lien en-tête), offrent des concerts d’une amicale qualité. Parking aisé place Cadenat et bus 49 vous laissant à la porte.
MACONDO
Ce soir, c’est le groupe Macondo qui nous promène, de cet espace chaleureux, vers la chaleur multiple ou les sommets divers de l’Amérique latine.
Ils étaient deux, les voilà quatre comme les trois mousquetaires. D’abord, d’ici, avec des horizons d’ailleurs, Michel Jonin, et Serge Bedrossian, flûtes et quenas (flûte de Pan) et guitare, déjà bien rôdés ensemble. En 2011, ils ont intégré Manuel Arroyo (d’origine grenadine, né dans la Cordoue non andalouse mais argentine), percussionniste, et, enfin, éclatant sourire féminin de l’ensemble, l’an dernier, la chanteuse Sandra Rivas, Vénézuelienne : les rythmes et mélodies « latinos » par essence des uns et par reconnaissance empathique des autres, deux à deux, quatuor complémentaire.
Ils nous font rêveusement voyager dans le pur folklore « latino » du vaste sous-continent américain, d’authentiques mélodies qui, si elles ont souvent des auteurs identifiés, sont un immense bagage commun originel, permettant à la fois unité et différence, réécriture et réinterprétation originales. Et il faut savoir que ces musiques, transmises parfois simplement par voie orale, sont ici instrumentées de façon personnelle par ces interprètes, créant leur propre partition, et l’on admire, à côté de la voix au velours grave de Sandra, cette seconde voix pratiquement humaine des diverses flûtes de Michel, qui chantent tout autant en soliste, accompagnant en plus la chanteuse, ou Serge, enroulant et déroulant ses volutes, ses torsades, autour, au-dessus ou au-dessous de la ligne vocale, tandis que la guitare de Serge, virtuose, plaque, ponctue, s’émancipe en solos brillants et saillants de personnalité. Ce sont de vraies créations ou recréations, un travail immense sous l’apparente facilité et aisance. Les nuances des percussions de Manuel et de Sandra sont également d’une richesse qu’on ne soupçonnait pas, avec des instruments aussi étranges que simples comme ce long bâton de bambou, cette lanterne bruissante de souffle de vent confidentiel, en plus des maracas amies de longue date.
Les musiciens nous promènent des pampas aux sommets andins, des tropiques luxuriants aux luxueux rythmes caribéens inépuisables, des « bailecitos », petites danses toujours diverses de divers pays, aux valses chaque fois différentes malgré le même moule européen, des videlitas argentines aux chacarreras et takilaris boliviens, aux gaitas vénézuéliennes.
Sollicitée en voix, la flûte volubile, véloce, volette, vibre, vrille en vigne ses aigus, ivre de sommets, de pics pointus, piquette ses notes puis plonge dans des vallées ombreuses en larges vibratos de brume qui se perdent en sfumato sonore aux franges du silence avec la quena archaïque qui dit une nostalgie de toujours. La guitare pince des accords d’argent ou d’or, tandis que Sandra  stylise, ébauche quelques pas de danse, qu’on sait possible débauche infinie de rythmes. Les textes des chansons sont charmants et souvent poétiques, parlant d’hiver pendu aux branches, de flaques d’eau claires annonciatrices de beau temps. Et je n’oublie pas cette Llorona mexicaine mythique, dont je me fis une copla personnelle que voici pour saluer cette aimable compagnie  musicale qu’on a hâte de retrouver :
On parle d’indifférence,
Llorona,
Car on ne me voit pleurer (bis) ;
On peut mourir en silence,
Llorona,
Sans une larme verser.
Pour l'histoire du quartier, de son petit peuple, de ses anciens "balletti", on se reportera au beau livre de Jacques Bonnadier, Tacusssel, 1997.


ROUGE BELLE DE MAI
47, rue Fortuné Jourdan - 13003 Marseille
Tél. 04. 91. 07. 00. 87
Photos : 
1. La salle de restaurant ;
2. L'hôtesse Corine;
3. Le groupe Macondo : 
de gauche à droite, Sandra Rivas, Manuel Arroyo, Michel Jonin, Serge Bedrossian.
4. Livre de Jacques Bonnadier.

mercredi, février 01, 2012

STÉPHANIE D'OUSTRAC À AIX


Portrait de Stéphanie d’Oustrac
Grand Théâtre de Provence
21 janvier 2012

Une grande jeune dame du chant français. Après Avignon, le Grand Théâtre d’Aix recevait Stéphanie d’Oustrac pour un récital Mozart et  Rossini. Marseille l’accueillera en mars pour Le Comte Ory du même Rossini pour lequel elle revêtira le costume masculin d’Isolier, travesti auquel semble la vouer sa voix sombre de mezzo-soprano, tels le rôle fétiche et charmant de Chérubin des Noces de Figaro, ou ceux de nombre d’opéras baroques comme celui de Sesto dans le Jules César de Händel dans lequel elle triompha ici même à Marseille ou celui de Sesto aussi dans La Clémence de Titus de Mozart.
Telle est la convention de l’opéra qui donne aux jeunes gens une voix de jeune femme, quand on ne remplace pas, comme aujourd’hui, dans les opéras baroques, les héros chantés alors par des castrats, à la tessiture féminine grave le plus souvent, par des chanteuses capables d’en rendre la vraisemblance physique et, surtout, de se tirer du feu d’artifice virtuose de ces partitions acrobatiques.
Le paradoxe c’est que Stéphanie d’Oustrac, avec un physique de rêve pour une jeune femme, belle silhouette aux longues jambes, longs cheveux noirs, grands yeux rieurs et sourire assorti, par son talent de comédienne, sait rendre vraisemblable l’invraisemblable mue d’une femme en homme.
Quant aux rôles féminins, qui peut l’oublier dans sa première apparition à Marseille, en Zerlina vive et réactive, nerveuse, joueuse, aussi séductrice que le séducteur Don Juan qui tentait de la séduire, séduisant le public marseillais ? Elle fut aussi sur notre scène une picaresque et coquine Périchole d’Offenbach, passant sans problème des rôles dramatiques comme les deux Sesto et autres à ceux de comédie. Nous la revîmes avec bonheur dans Phaedra de Britten, suivie de la magnifique Didon de Purcell, deux rôles éminemment féminins et tragiques. La presse a été unanime à la saluer dans une Carmen de Bizet dont on a dit qu’elle fait date.
Avec la même aisance et la même crédibilité, à Avignon, elle a été récemment une terrible Mère Marie dans le Dialogue des Carmélites de Francis Poulenc et, ailleurs, La Voix humaine du même Poulenc et Cocteau, c’est-à-dire deux rôles où, dans l’un le féminin se redouble de l’habit religieux de Mère supérieure et, dans l’autre, de l’inutile robe de soirée de la belle maîtresse abandonnée par son amant qui se marie avec une autre. Une heure de chant seule sur scène, au téléphone.
Peut-être en chantant ces deux derniers rôles contemporains rend-elle hommage à son déjà lointain parent Francis Poulenc dont elle est l’arrière-petite nièce, comme elle est aussi arrière petite-nièce de Jacques de la Presle, autre compositeur dont elle a aussi enregistré des mélodies. Ou, plutôt, ce sont eux qui devraient lui rendre hommage tant elle les a servis avec un talent qui laisse béat d’admiration.
C’est que Stéphanie d’Oustrac passe avec la même facilité des rôles tragiques aux comiques, des rôles de garçon à ceux de femme et, avec une telle aisance que l’on remarque à peine qu’elle passe aussi de la tessiture de mezzo à celle de soprano comme dans les deux rôles interprétés de Poulenc, aux terribles aigus. Sa voix est longue, facile, d’un velours sombre dans le grave, soyeuse et radieuse dans les aigus : rien ne trahit l’effort ni l’exploit, tout semble naturel et plein d’aisance même dans le plus ardu du chant, dans les plus folles des vocalises.
Née à Rennes d’une famille aveyronnaise, Stéphanie d’Oustrac se fait vite remarquer par sa ductilité vocale, son art du chant et de la scène et récolte de prestigieuses récompenses. Elle est lauréate des prix Bernac en 1999, des Radios Francophones en 2000, et des Victoires de La Musique en 2002.
La musique baroque annexe son talent et, dès 1998, William Christie lui propose le rôle terrible de l’infanticide épouse bafouée de Jason, Médée, dans Thésée de Lully, dans le cadre de l’Académie baroque européenne d’Ambronay.
Du même Lully et avec le même grand maître américain du baroque français, William Christie, on a pu l’admirer il y a peu à la télévision dans la célèbre et redoutable Armide, et, encore plus récemment, dans la reprise d’Atys, dans la légendaire production qui sonna le grand retour du baroque vocal  français oublié jusque-là. Elle y a été, respectivement, la magicienne amoureuse de son ennemi Renaud et la déesse Cybèle grandiose amoureuse d’un mortel, avec le même sens de la grandeur, de la beauté de la déclamation lyrique et une diction exemplaire. Elle fut aussi la Psyché toujours de Lully et la Médée, cette fois de Marc-Antoine Charpentier.
Si elle a défendu ce baroque français si négligé, elle n’en a pas dédaigné l’italien : elle fut la douloureuse épouse répudiée de Néron, Ottavia, dans Le Couronnement de Poppée de Monteverdi, et la bouleversante Didon du Didon et Enée de l’anglais Purcell.
Dans toutes les langues, la même impeccable diction.
Elle s’est produite sur de nombreuses et fameuses scènes, demandée par des chefs d’orchestre et des metteurs en scène prestigieux, se disputant son talent de chanteuse et de comédienne.
Stéphanie d’Oustrac chante également en musique de chambre baroque avec les ensembles Amarillis, Il Seminario Musicale et notre Concerto soave marseillais de Jean-Marc Aymes avec lequel elle donna un mémorable récital à Aix.
Concert au Grand Théâtre de Provence
 Nous la retrouvions donc à Aix, mais dans cet immense GTP bondé, pour un récital avec l’Orchestre Lyrique Régional Avignon-Provence sous la direction de l’argentin Yeruham Scharovsky, directeur musical et chef de l’Orchestre symphonique de Rio de Janeiro, programme Mozart et Rossini.
D’emblée, avec la Symphonie N°31 en ré majeur, K. 297, dite « Parisienne » de Mozart, le chef donne le ton de son approche musicale : finesse et couleurs délicates de l’instrumentation aux divers pupitres, touches savoureuses des bois et des cuivres, rien de forcé, précis et net mais sans arêtes excessives ni rondeurs molles, aquarelle explosant de jubilation dans les forte. Il y a la langueur sensuelle et la fièvre dans l’ouverture de Cosi fan tutte, la verve pépiante de flûtes cancanières dans l’Ouverture de L’Italienne à Alger  et celle du Barbier de Séville de Rossini. Idéal pour mettre en valeur l’art varié et tout en nuance de Stéphanie d’Oustrac.
Moulée dans une robe noire à la chinoise, fendue aux jambes, avec deux longs coquelicots rouges, yeux de chatte et sourire ironique, elle est si superbement féminine qu’elle est obligée d’annoncer avec beaucoup d’humour les rôles de garçon qu’elle chante : un Chérubin adorable de timidité et d’audace, un pathétique Sesto déchiré entre son amour pour Vitellia et celui pour l’empereur Titus qu’elle lui demande d’assassiner : elle veloute ses nuances, chaque mot, chaque note, chaque ornement deviennent expressifs dans sa voix.
Elle présente chaque fois, avec humour, le morceau, mais même ceux qui ne comprennent pas l’italien l’entendent tant son interprétation est éloquente sans rien d’appuyé. Elle fait comprendre par son jeu le théâtre dans le théâtre, la parodie tragique dans le désespoir – si momentané- de Dorabella. Et, dans la rare cantate de Rossini, Giovanna d’Arco, Jeanne d’Arc, orchestrée pour Teresa Berganza, la grande mezzo qui semble sa référence (difficile de faire mieux !) elle arrive à nous faire sentir, au milieu des ornements les plus diaboliquement rossiniens, la dimension mystique et l’exaltation guerrière de l’héroïne, à la fois femme et homme par l’habit. Pour finir, elle s’offre le luxe d’incarner la coquine et mutine Rosine mezzo du Barbier avec des ornements de soprano : irrésistible de vocalises déroulantes, riantes, enthousiasmantes.
Stéphanie d’Oustrac nous donne rendez-vous à l’Opéra de Marseille pour le Comte Ory, de Rossini les 20, 22, 25, 27 mars, dans le rôle d’Isolier.
Grand Théâtre de Provence, 21 janvier 2012
Concert Stéphanie d’Oustrac, avec l’Orchestre Lyrique Régional Avignon-Provence sous la direction de Yeruham Scharovsky, œuvres de Mozart et Rossini.

CD ET DVD DE STÉPHANIE D’OUSTRAC :
Callirhoé de Destouches, Disque Glossa ; Stabat Mater, Salve Regina de Pergolesi et Porpora, Disque Eloquentia ; Les Serpents de feu dans le Désert, oratorio de Johann Adolph Hasse avec Jérôme Correas et les Paladins, Ambronay Editions. Arianna a Naxos et canzonete d’Haydn, Ambronay Editions.
Médée furieuse, avec ses habituels partenaires de l’Ensemble baroque Amarillis, Naïve,
Ferveur et extase, Amarillis, Ambronay
DVD
Armide de Lully, Fra Musica ; Carmen de Bizet, direction de Jean-Claude Casadesus.
Photos :
1. En déesse Cybèle d’Atys de Lully (photos Pierre Grosbois)
2. Telle qu’en elle-même (Photo Baltel, agence Satirino).

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