Enregistrement 22/3/2018, passage, semaine du 16/4/18
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« LE BLOG-NOTE
DE BENITO » N° 312
lundi : 18h45 ; mercredi : 20
h ; samedi : 17h30
Semaine
16
Voici
assurément un joli disque à porter au crédit du label Polymnie. Comme une
galante dédicace, il s’appelle Pour la Duchesse du Maine
par l’Ensemble La Française, constitué de Marie Remandet pour le chant, de Shiho Ono, violon, Jean-Baptiste Valfré, violoncelle, Kazuya Gunji, clavecin et Aude Lestienne, traverso, c’est-à-dire flûte traversière baroque. On nous
y offre deux cantates françaises, Médée, de Nicolas BERNIER (1664-1734) et Ariane
de Thomas-Louis BOURGEOIS (1676-1750), entourant un beau Concert
de Chambre Jean-Joseph MOURET (1682–1738). La cohérence de ce
programme de baroque français à cheval entre les XVIIe et XVIIIe
siècles en est la dédicataire, contemporaine de ces musiciens, qui naquit à
Paris en 1676 et y mourut en 1753. Cette Duchesse du Maine, de son nom Anne-Louise-Bénédicte de
Bourbon, dite d’abord « Mademoiselle d’Enghien » puis
« Mademoiselle de Charolais », puis duchesse du Maine, par ailleurs
Princesse consort de Dombes. Il faut le savoir, car cela déconcerte les lecteurs
de Mémoires, de romans, d’histoire de l’Ancien Régime peu familiers de cette
époque-là, qui se cassent la tête à déchiffrer qui est qui, les nobles
portaient successivement le titre le plus haut dont ils héritaient durant leur
vie. Ainsi, Louis II de Bourbon est appelé ensuite duc d’Enghien, puis Prince
de Condé, héros fourvoyé qui, après avoir battu à Rocroi l’armée espagnole
invaincue depuis près de cent-cinquante ans, passa au service de l’Espagne et finit en un
demi-exil imposé par son cousin de sang, Louis XIV.
La
duchesse du Maine est sa remuante petite-fille, et bien petite puisqu’on moque sa petite
taille héréditaire, la surnommant, fille du premier Prince du sang, du titre ironique de « Poupée
du sang ». Par contre, sa hauteur, disons, sa morgue, est inversement
proportionnelle à sa taille. Jugez-en : en 1692, à seize ans,
on la marie au duc du Maine, et vit cela comme une humiliation. Qui est ce duc
du Maine qu’elle ne cessera de persécuter et de blesser publiquement de ses
railleries ? Il n’est rien moins que le fils, adultérin il est vrai, de
Louis XIV et de sa favorite, la Marquise de Montespan mais que son père a légitimé,
donc, reconnu. En effet, le roi, qui voit mourir successivement tous ses fils,
les Dauphins en titre, craignant de voir sa lignée disparaître avait, par testament, donné la
préséance à ses bâtards légitimés, écartant ainsi les princes de sang
Bourbon, la famille de la duchesse. Ce petit duc, infirme, pied-bot, était le
fils préféré de Louis XIV. Il avait été élevé avec les autres bâtards royaux,
tendrement, en secret, par la Veuve Scarron, qui le chérira toute sa vie. La
veuve Scarron ? C'est la future Madame de Maintenon quand elle aura la faveur du roi. Et mesurez la distance de
notre méchante duchesse avec ce grand roi : il n'hésite pas à épouser cette Veuve Scarron,
protestante d’abord, à l’enfance misérable puisqu’elle dut souvent mendier pour
vivre et nourrir sa famille, épouse et veuve d’un poète scandaleux paralysé, par ailleurs frondeur.
Elle se dévoua tant pour les bâtards du Roi qu’il en tomba amoureux et en fera
son épouse morganatique, épousée en secret. On avait aussi prêté à sa mère Anne d'Autriche, espagnole, un mariage secret avec le plébéien Cardinal Mazarin, italien : même si cela est improbable, ce probable amour platonique entre une Espagnole et un Italien, qui firent la grandeur et la solidité de la France que les Grands, lors de leur Fronde, rêvaient déjà de se partager, dit assez un refus du préjugé de classe et la compréhensible méfiance envers la noblesse dont héritera Louis XIV qui se vengera de cette ambitieuse noblesse en la domestiquant à Varsailles.
On sait le nombre de favorites ou
maîtresses éphémères abandonnées par ce roi volage avant de se fixer, relativement, avec Madame de Maintenon. La figure des lamentations des femmes antiques abandonnées hante le Baroque mais prends un corps singulier en France depuis le terrible séparation obligée du jeune monarque avec l'amour de sa vie, Marie Mancini, qui inspira déjà les Bérénice de Corneille et Racine. Écoutons un extrait de la Médée, de Nicolas BERNIER,
interprété par la soprano Marie Remandet. Elle a
aidé Jason à conquérir la Toison d’Or avec les Argonautes, en commettant
plusieurs crimes. L’ingrat l’abandonne et elle s’abandonne à sa fureur, se
reprochant son amour :
1) PLAGE 5
Créuse,
la princesse que va épouser Jason sera la première victime de Médée après l'abandon de l'ingrat et elle
tuera ses propres enfants, qu’elle a eu avec Jason, vengeance suprême contre un homme,
un père fier de sa lignée. Oublions les fils morts de Louis XIV, les Dauphins
qui devaient lui succéder, dont il se murmurait qu’ils furent empoisonnés par
le Duc d’Orléans qui, cassant son testament en faveur des fils bâtards, prit la
Régence à la mort du roi en 1715. Eh bien, notre
vipérine duchesse, colérique, violente, menaçant son pauvre mari qui n’était
pas à la hauteur de ses ambitions, espérant un moment qu’il serait régent, dépitée de voir ses ambitions déçues, le pousse à entrer dans une
conspiration contre le Régent en 1718 pour donner la Régence au roi d’Espagne. Ils
seront arrêtés et prisonniers un an.
Puis la
bouillante Duchesse, qui se morfondait dans la vieillissante cour de Versailles, se retira en
leur château de Sceaux dont elle fit une véritable cour artistique et un
haut-lieu culturel pendant plus de cinquante ans, créant des fêtes nocturnes
restées célèbres, les Grandes Nuits.
Musicienne, chanteuse, passionnée par les arts et les sciences, elle adore
aussi le théâtre, monte des pièces dont elle interprète le rôle principal. Et,
parmi les rôles d’héroïnes antiques tragiques alors à la mode, il y a donc les
belles abandonnées, Didon par Énée, qui se suicide, Médée, l’infanticide et
voici Ariane, sœur de Phèdre qui, par son fil aide Thésée à tuer le Minotaure
et à sortir du labyrinthe. Cela n’empêche pas Thésée de l’abandonner sur
le rocher d’une plage déserte. Mais, plus heureuse que les autres, elle est
sauvée par un dieu, Bacchus, escorté de ses bacchantes et ménades qui dansent au
son de ces trompettes éclatantes. Écoutons, dans un extrait de la cantate Ariane de Thomas-Louis
BOURGEOIS, Marie Remandet dont on remarquera la technique virtuose du chant baroque, d’un
vibrato contenu, mais qui ne se sent pas tenue à la prononciation restituée à
la mode :
2) PLAGE 18
La
piquante Duchesse, dans sa cour, prit comme emblème l’abeille (la mouche à
miel) et la devise tirée de l’Aminta du Tasse : « Piccola si,
ma fa pur gravi le ferite » (‘Petite certes, mais elle fait de graves
blessures’). Malicieusement, elle créa en 1703 l’Ordre de la Mouche à miel, parodie des ordres de chevalerie et de
l’Académie avec trente-neuf membres, une ruche symbolique avec elle comme reine
de plaisantes cérémonies qui dureront jusqu’en 1730.
On
salue donc ce jeune groupe issu du CNSMD de Lyon et du Conservatoire Royal de
Bruxelles. Leur disque manifeste leur curiosité. Ils promènent aussi un concert-spectacle avec la comédienne Florence BEILLACOU
, La nuit de la Duchesse. Le temps d’une soirée, l'ensemble la
Française et l'actrice ressuscitent la vie
trépidante d’Anne Louise Bénédicte de Bourbon Condé, duchesse du Maine, femme
du monde, mécène et conspiratrice.
Nous les quittons avec ces joyeux
« Tambourins » extraits du Concert de chambre du musicien
attitré de Sceaux, Jean-Joseph Mouret, originaire
d’Avignon :
3) PLAGE 13
label
Polymnie, Pour la Duchesse du Maine
par l’Ensemble La Française .
Nicolas BERNIER (1664 - 1734)
Cantate Médée
Livre Quatrième, Paris 1703
Quoy tu trahis Médée ?
Tirans des rivages
Courons, courons
Ingrat ta cruelle inconstance
Dieux quel indigne amour
Beautez fuyez
Jean-Joseph MOURET (1682 - 1738)
Concert de Chambre
Premier Livre, Paris 1734
Ouverture
Venissienne
Air
Rondeau
Passepieds
Sarabande
Tambourins
Chaconne
Thomas-Louis BOURGEOIS (1676†1750)
Cantate Ariane
Livre Premier, Paris 1708
Sur un rocher affreux
Déserts où m’abandonne un ingrat
Cette amante
Milles trompettes
Dans cette affreuse solitude
Une cruelle perfidie
Cantate Médée
Livre Quatrième, Paris 1703
Quoy tu trahis Médée ?
Tirans des rivages
Courons, courons
Ingrat ta cruelle inconstance
Dieux quel indigne amour
Beautez fuyez
Jean-Joseph MOURET (1682 - 1738)
Concert de Chambre
Premier Livre, Paris 1734
Ouverture
Venissienne
Air
Rondeau
Passepieds
Sarabande
Tambourins
Chaconne
Thomas-Louis BOURGEOIS (1676†1750)
Cantate Ariane
Livre Premier, Paris 1708
Sur un rocher affreux
Déserts où m’abandonne un ingrat
Cette amante
Milles trompettes
Dans cette affreuse solitude
Une cruelle perfidie
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