Enregistrement 1/10/2017, passage,
semaine du 13-19/11/
RADIO DIALOGUE RCF (Marseille :
89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 292
lundi :
12h15 et 18h15 ; samedi : 17h30
Semaine
47
Le label discographique belge Cyprès, a
une collection AVEC, qui donne l’amalgame étrange AvecYprès ou AVE (C)yprès : peu importe comment on prononce ces
deux mots unis en un, cela fait, en tous cas, une jolie variation de son qui
démultiplie le sens, la sensation. C’est à l’image sonore de cette dernière
livraison, Sillages, Pierre-Adrien
Charpy. C’est un disque que je ne dirai pas singulier, puisqu’il est
composé de deux CD, c’est un élégant coffret, consacré à notre concitoyen
compositeur, Pierre-Adrien Charpy. Ce compositeur à l’œuvre déjà abondante, est
par ailleurs professeur de composition musicale d’après les styles et formes
historiques au CNRR, le Conservatoire de Marseille. Depuis 2015, d’autre part,
il est codirecteur artistique, avec Jean-Marc
Aymes, du Festival Mars en Baroque et vient de rejoindre, lui aussi, avec
son ensemble Da Pacem fondé avec son
épouse la soprano Raphaëlle Kennedy, en
résidence féconde, Musicatreize de Roland Hayrabédian. Belle trilogie
marseillaise qui honore la créativité musicale de notre ville avec également l’ensemble
Télémaque de Raoul Lay, et nous
n’oublions pas non plus Lionel Ginoux.
C’est la musique vivante, d’hier et aujourd’hui : la musique tout court.
Car l’art n’a pas de frontières ni spatiales ni temporelles, ni de genres, ni
d’écoles comme voulurent longtemps le faire croire les maîtres dogmatiques
enfermés en leurs étroites chapelles autant musicales que mentales.
Sillages, titre du coffret, exprime poétiquement un
héritage musical assumé, exprimé par ces incernables traces écumeuses d’un
navire, brassage généreux d’une onde mêlée, ainsi renouvelée. Car les sillages
ne sont pas les rails impeccables mais implacables, géométriques, mécaniques,
du suivisme. Il y a dans Sillages
une liberté ludique, joueuse, jouisseuse, de prendre non seulement « son bien où on le trouve », comme
disaient Montaigne, Molière et même Picasso, mais ce droit de faire bien, de faire sien de ce qui est bien de tous en faisant œuvre tout à fait personnelle, rendue, offerte
à tous, dans un va et vient généreux entre le moi singulier et le nous collectif. Car il n’y a pas d’œuvre sans
récepteur, pas de musique sans auditeur.
C’est
sans doute aussi ce qu’exprime la belle introduction de Didier Lamare qui a pour titre "LA
MUSIQUE DERRIÈRE LA MUSIQUE". En effet, comme on sait qu’il y a des mots dans et derrière et sous les mots et,
derrière les mots, des lettres, des lettres de tout le monde, derrière la
musique, il y a forcément d’autres musiques, et, derrière la musique, des
notes, toujours les mêmes, mais jamais agencées de la même façon. Il n’y a pas
de génération spontanée de la création, qui ne naît jamais du vide. Chez le
compositeur Pierre-Adrien Charpy, il
y a donc toute une mémoire de la musique qui affleure sans que ce ne soit ni de
la citation directe, ni de la parodie, ni du pastiche : c’est la densité
même d’une riche couche sonore nourrie en profondeur d’un passé dans le présent
de la modernité.
Ainsi,
ce premier exemple, un extrait de Vivante
morte éblouie, deux paragraphes de Belle du Seigneur d’Albert Cohen où roule
la houle sur les ondes électroniques éclairées de l’écume lumineuse de la voix
de Raphëlle Kennedy, une lointaine et proche grève de rêve où déferlent
les vagues perlées de mélismes vaguement orientaux :
1)
DISQUE I, PLAGE I
Le
premier CD comprend outre ce premier titre, toujours sur fond électronique, ou
mieux, sur un horizon acousmatique abstrait mais expressif, deux morceaux pour
instruments concrets, la guitare électrique (Nekama), et un autre pour harpe, bel alliage sonore (Sur l’abîme) ; sur un poème d’Andrée Chédid, Ce corps, est un hommage solaire à la Méditerranée au féminin,
celle de la poétesse, de la guitariste Marylise
Florid et enfin, celle d’adoption de la soprano Raphaëlle Kennedy. Nous
y trouvons aussi en finale My soul’s at liberty, pour chœur mixte a
six voix, a cappella. Et le second morceau, Contes
de la pluie et du soleil, en est le plus classique, voluptueusement dévolu au violoncelle
et piano, respectivement par Anthony
Leroy et Sandra Moubarak, et
nous écoutons un extrait du second mouvement :
2)
DISQUE I, PLAGE 3.
Le
second CD reprend une œuvre dont la création eut lieu en 2004 au Festival Musique et Mémoire, qui en fit
la commande à l’Ensemble Da Pacem, exécutée dans la jolie et lumineuse Chapelle
du Corbusier à Ronchamp dans les Vosges. Un lieu de mémoire car, sur les ruines
d’une ancienne chapelle défendue pendant la guerre par des tirailleurs
africains, sans balayer le passé, unissant cultuel et culturel, Le Corbusier
bâtit la sienne consacrant le futur et l’universel comme le religieux sacre
l’éternité. Le morceau répond doublement au lieu, d’abord liant passé et avenir
à travers ascendants et descendants par son beau titre À nos ancêtres, à
nos enfants mais aussi parce qu’il lie, tisse et tresse, dans ce lieu symbolique
de la forêt vosgienne, une solidarité, une fraternité avec la forêt africaine
de ces lointains tirailleurs africains sacrifiés, à travers la participation du
musicien et compositeur venu d’Afrique, Moussa Héma.
Ce sont des joyaux, des
perles de la musique baroque, de Monteverdi à Merula, enfilées, enchâssées dans
des morceaux, des improvisations de musique africaine par Moussa Héma. Ainsi,
les pièces pour soprano, viole de gambe, clavecin et orgue,
instruments classiques d’un ensemble baroque dira-t-on, pour réunir deux termes
faussement antagoniques fraternisent avec le balafon, sorte de xylophone africain.
Nous en écoutons quelques notes :
3) DISQUE
II, PLAGE 5
Nous
nous quittons sur les accents bouleversants de la Nanna de Tarquinio Merula, la bouleversante berceuse de la Vierge à l’enfant
Jésus, pleine de tristes pressentiments,
à laquelle Raphaëlle Kennedy prête sa voix tendre et maternelle :
4) DISQUE
II, PLAGE 6 : FIN ET FOND
Sillages, Pierre-Adrien Charpy, un coffret Cyprès, collection Avec
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