LYRICOPÉRA
Airs d’opéra et mélodies
coréennes
Temple Grignan
4 novembre 2017
De son LyricOpéra, Marthe
Sebag a su faire, au fil des années, une vivante institution du paysage musical
marseillais, sans aucune aide institutionnelle, et qui est en danger de mort
faute de subvention d’aucune sorte. Avec une volonté têtue d’offrir à de jeunes
artistes une scène et un public, et une nécessaire rétribution, elle nous a
donné le luxe de bien belles découvertes de chanteurs dont beaucoup, désormais,
font une enviable carrière lyrique en France et à l’étranger. Par ailleurs,
au-delà d’un répertoire d’airs d’opéras sans doute trop fréquentés, elle a
ouvert le panorama musical de son public de fidèles non seulement à l’opérette,
française et américaine, mais, également, à la mélodie plus rare venue de
Russie, de Chine et, dans le dernier concert, de cette Corée, dont l’actualité
politique internationale nous fait frémir, mais ici de bonheur.
À l’affiche, de ce concert,
des airs et duos d'opéra de Mozart et de Rossini en première partie et, en
seconde, de prenantes mélodies coréennes par Wooyeon Lee, soprano et Jiwon
Song, baryton, tous deux de Corée, accompagnés par Marion Liotard au piano, experte partenaire de grandes et célèbres
voix, créatrice aussi de musique
contemporaine, longtemps maître de chant du regretté CNIPAL dont ces deux
jeunes chanteurs furent de la dernière promotion.
Avec un piano très
orchestral, le concert commence par la dynamique et ironique première scène des
Nozze di Figaro de Mozart entre Figaro occupé à mesurer
la grandeur de la chambre offerte par le Comte pour leurs noces et une Suzanne
qui en mesure les occultes et petites intentions. C’est très vif, mais la
résonance du lieu dans les tempi rapides perturbe un peu l’écoute des voix.
Passant du valet au maître berné, Jiwon
Song, plein d’allure devient le Comte humilié et ruminant la vengeance,
récitatif expressif, « hai già vinta la causa… », aria détaillée avec
une féroce élégance, voix puissante, étincelante d’harmoniques et l’on comprend
son Premier Prix remporté au concours international d’Arles de cette même
année.
Wooyeon Lee lui succède dans l’air final de Vitellia de La clemenza di Tito, « Non pui
di fiori… » , ‘Finies les
fleurs…’ où la haineuse intrigante, instigatrice du complot contre Titus dans
lequel elle a aventuré la vie de son amant Sextius, fait un sincère examen
de conscience et, au lieu du mariage, s’apprête à marcher au supplice. Air en
rondo terrible par la tessiture avec des graves corsés hérissé d’aigus tendus,
fleuri de vocalises, dont la jeune chanteuse, lumineuse voix égale sur toute sa
longueur, timbre fruité, se tire avec aisance. Les mêmes qualités pour les mêmes
difficultés de l’air de Fiordiligi de Cosí
fan tutte, « come scoglio… », voix ronde, graves et aigus
également beaux et abordés avec une saine franchise, éludant sans doute un peu
les notes piquées de la cadence. Dans une alternance entre airs solistes et
duos, Jiwon Song sera encore un
élégant et confidentiel Don Giovanni pour
la sérénade, très entraînant avec cette belle Zerlina de « Là ci darem la
mano. » Comme autre duo aux vocalises d’une superbe agilité, ils nous
gratifieront du duo entre Rosina et Figaro
du Barbiere di Siviglia de Rossini.
En seconde partie, les
mélodies coréennes de leur pays sont
une belle découverte. Le baryton chantera des airs traditionnels et la soprano
des mélodies contemporaines mais dont les thèmes se sont ancestralement
transmis. Le premier air par Jiwon
Song (de Baek Gzeonghwan) est un
chant de bateliers dont le texte a quatre cents ans avec un rythme marqué, à
l’évidence, du halage, du travail de la rame, sensible aussi dans les Bateliers
de la Volga, la trace universelle du travail des hommes, puis de la fête
ensuite. C’est très puissant. Plus de douceur féminine dans le poétique,
mélancolique chant de séparation, très lyrique Vent qui souffle dans les lotus (de Kim Joowon, 1915-2000)
par Wooyeon Lee, musique très occidentalisée. Même sentiment avec Cœur nostalgique (Kim Dowhan) d’une finesse à la fois schubertienne mais d’une
générosité vocale de chanson napolitaine qui permet au baryton de déployer la
splendeur de sa voix. Par la soprano, Lien
(Lee Wonju) est la mélodie qui
remporta un concours, au piano très nourri, exprimant absence et attente, et la
chanteuse ménage un crescendo d’une grande envolée pour finir dans un
pianissimo d’une grande douceur dans la tenue absolue de la ligne, la maîtrise du
souffle, de la voix. Au baryton de chanter à pleine belle voix, avec une joie communicative,
la liesse populaire, bruyante, dansante, d’un air traditionnel anonyme des Chutes d’eau de Bakyon. Lui succédant,
la soprano distille une mélodie chantée depuis plus de six-cents ans, mais dans
son dernier avatar musical (Kim Dongjin),
Nouvel Arirang, qui oppose des
affects dans une saveur orientale plus marquée. Enfin, en duo émouvant, les
deux jeunes chanteurs terminent leur concert en exhalant tendrement, et même
douloureusement, La Nostalgie du Mont
Kumkang (Choi Youngsup), montagne sacrée pour tous les Coréens, mélodie
créée en 1962, date terrible
de la séparation du pays en deux : Corée du Nord et Corée du sud.
Avec tous les styles de
musique dans ses doigts, Marion Liotard, attentive accompagnatrice, existe
aussi en égale partenaire des solistes dans une osmose d’une appréciable
sympathie.
Temple Grignan, 4 novembre
Airs d'opéra et mélodies
coréennes
Wooyeon LEE soprano, Jiwon
SONG baryton, Marion LIOTARD piano.
Mozart : extraits de Don Giovanni,
Le Nozze di Figaro, Cosi fan tutte, La clemenza di Tito ; Rossini
: Il barbiere di Siviglia ; mélodies coréennes
Marthe Sebag
06 32 94 65 40
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