Enregistrement 5/1/2015,
passage, semaine du 12/1/2015
RADIO DIALOGUE
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE
BENITO » N° 158
Les Vêpres de Notre-Dame
de Paris
de Philippe Hersant,
un CD sous direction de Lionel Sow.
Avec la Maîtrise de Notre-Dame de Paris.
Solistes : Alain Buet, baryton, Robert Getchell, ténor ;
L’Ensemble de cuivres anciens de Toulouse
(Jean-Pierre Canihac, Marie Garnier : cornets ;
Jean-Noël Gamet, Daniel Lassalle, Frédéric Lucchi : sacqueboutes ).
David Joignaux : cloches ; Olivier Latry : grand orgue ; Yves Castagnet : orgue de choeur.
Vieille dame
toujours jeune, la cathédrale Notre-Dame de Paris fêtait, l’année écoulée, son
850e anniversaire. Or, tous les 50 ans, la religion catholique
célèbre ce qu’on appelle un jubilé. Pour commencer ces festivités, les autorités
ecclésiastiques
de Notre-Dame
avaient programmé les célèbres Vêpres de la Vierge de Monteverdi le 30 juin
de l’année dernière dont j’ai ici même parlé à l’occasion de la sortie d’un
Cd exceptionnel :
Ambronay
(Harmonia Mundi), Vespero
della beata Vergine
de Claudio Monteverdi, dirigé
par Leonardo García Alarcón, à la
tête du Chœur de Chambre de Namur et de la
Capella Mediterránea.
Pour clore le jubilé, elles
ont commandé une œuvre à un compositeur vivant bien connu Philippe Hersant, Les
Vêpres de Notre-Dame de Paris, qui paraissent sous forme d’un CD édité par la
Maîtrise Notre-Dame de Paris.
La
parenthèse ouverte par les Vêpres anciennes de Monteverdi est donc close par
celles de Philippe Hersant, non sans un effet évident et sonore de
miroir : le compositeur contemporain proclamant lui-même sa filiation
montéverdienne, parodique au moins pour l’une de ses œuvres, un opéra, Le
Château des Carpates,
d’après le roman de Jules Verne. Par ailleurs, grand historien de la musique,
Hersant glisse ici de subtiles réminiscences médiévales du Livre Vermeil de
Montserrat
(de la fin du XIVe siècle), un livre qui prend son nom de sa
couverture vermeille en velours trouvé dans le monastère catalan de Monserrat,
et qui contient toutes sortes de chants et danses dédiés à la Vierge à l’usage
des pèlerins venus au santuaire. Mais il trouve aussi son bien aussi chez Guillaume Dufay du siècle suivant, sans oublier
les postérieurs et baroques Gesualdo ou Monteverdi, bien sûr, qui ont également exprimé la
dévotion mariale, qui sont des références en la matière. Philippe
Hersant a de la sorte intelligemment puisé dans la tradition canonique de la musique liturgique
occidentale, avec quelques repères chez ces grands compositeurs anciens, et,
dans cette logique historique, il a également tenu à colorer
l’orchestration de ses Vêpres de la Vierge Marie avec des instruments
anciens, mélange heureux de saveur ancienne d’un langage personnel moderne
pimenté de ces références délicates. Il livre ici, pour le monument qu’est Notre-Dame, un
ouvrage monumental
d’une durée d’une heure et quart mobilisant la Maîtrise de Notre-Dame de
Paris au
grand complet, c’est-à-dire le chœur d’enfants, plus deux chanteurs, un baryton
et un ténor, le célèbre ensemble de cuivres anciens Les Sacqueboutiers de
Toulouse
(la sacqueboute est l’ancêtre du trombone), trois sacqueboutes et deux cornets, des cloches et deux orgues,
le grand orgue et celui du chœur.
Nous en goûtons la teneur et saveur dès l'introduction, Toccata & Invitatoire, très poétique
bouillonnement, effervescence, efflorescence des orgues, avec l’éclosion
lumineuse des cloches qu’il faut imaginer dans le bourgeonnement, la floraison
de pierre de la cathédrale gothique, avec le scintillement de lumière des
grands vitraux. Une page magistrale de ce disque :
Philippe Hersant
Quelques
mots sur le compositeur Philippe Hersant, qu’il ne faut pas confondre avec le patron
de presse de même nom. Il est né le 21 juin 1948 à Rome, mais c’est un
compositeur français qui a fait des études de lettres et de musique à Paris. Il
est auteur d’une œuvre très variée, qui a reçu de nombreuses distinctions trop
longues à citer toutes : Grand Prix de la Musique Symphonique de la SACEM (1998) qui lui a accordé
diverses récompenses, il est consacré compositeur de l’année par deux fois
(2005, 2010) par les Victoires de la Musique classique,
etc. Il a composé pour la voix, pour le théâtre, pour le cinéma.
Respectueux
des contraintes formelles imposées par le jubilé, Hersant construit son œuvre,
sur le modèle traditionnel de l’Office des Vêpres tel qu’il se donne à
Notre-Dame. Ainsi, les Vêpres sont structurées en huit sections très équilibrées
: après une Toccata instrumentale comme une introduction et ouverture avec le
chœur qui implore l’aide de Dieu, l’Ave Maris Stella, hymne de supplique à la
Vierge ‘étoile
de la mer’ et
le Magnificat, hymne de gloire à Dieu, également introduit par une Toccata
instrumentale, chantés en latin; forment un portique harmonieux, encadrant les Psaumes
121 et
126,
séparés par une autre Toccata et le Cantique aux Ephésiens chantés en français. Les
textes français des Psaumes et du Cantique sont extraits de la
célèbre traduction de la Bible dite de Port-Royal (1667) par le janséniste Louis-Isaac
Lemaistre de Sacy qui
l’écrivit pendant ses deux ans de prison à la Bastille, lors du conflit entre les jansénistes, qualifiés de "huguenots dans l'Église catholique", et l'orthodoxie religieuse voulue par le pouvoir centralisé qu'instaurait la monarchie.
De l’Ave Maris Stella, l’on admirera et l’on
sera touché par la pureté cristalline de ces voix d’enfants invoquant la Vierge
comme une étoile de la mer, une phare, un guide lumineux et salvateur dans les
ténèbres de la vie, et il faut encore imaginer cette lumière pure dans la nef
ombreuse de la vaste cathédrale que le petit cortège angélique parcourt de
l’entrée au chœur. Un moment de grâce faisant penser aux enluminures naïves du
Moyen-Âge et, justement ici, à ce Llibre Vermell de Montserrat ou à certaines des plus délicates Cantigas de Santa María d'Alphonse X le Savant
En parfaite adéquation au
genre et au lieu, le vaste vaisseau de pierre de Notre-Dame de Paris, cette œuvre, évitant la
grandiloquence, mêle la grandeur, sans doute solennelle du jubilé et de cet
espace sacré, à des plages plus intimes de douceur, comme des chapelles plus
recueillies jalonnant l’immense nef impressionnante. On savourera les
accents de la Toccata III qui prélude au final du Magnificat, auréole, mandorle musicale qui enveloppe, drape dans ses plis le recueillement de ces stations, de ces plages, de ces pages plus marialement et délicatement méditatives.
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