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« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 157
Trio Sudaméris
Son concert impromptu du 6 février, en remplacement de Clémentine Coppolani, malade, donne l'occasion de reparler aujourd’hui du Trio Sudaméris de Marseille et de rappeler la sortie de son quatrième
album, FRENCH TOUCH'S , c’est-à-dire, ‘la touche française’, au double sens bien
sûr, de ’la manière française’, mais aussi les touches de piano français, représenté ici brillamment par Robert Rossignol au piano, avec ses complices et compères Jean-Christophe
Gautier à la contrebasse avec le cœur
battant des percussions de Farid
Boukhalfa.
Dans leurs autres
enregistrements, Sudameris Quartet,
trio élargi, et Sudameris live,
on avait goûté leurs
savoureuses et inventives transcriptions pour trio jazz de grands thèmes de
musique dite classique, de l’époque baroque à la musique du XXe siècle.
Ainsi, Le Carnaval de Schumann, le 2e concerto de Rachmaninov, le concerto d’Aranjuez de Joaquín Rodrigo, mais aussi des morceaux de Chopin, Bach, Bizet, Debussy,
pourtant si connus, retrouvaient sous leurs doigts divers une vie inconnue, nouvelle,
palpitante et pourtant toujours reconnaissable et délectable... Ce mélange, ce
cocktail de classique et de jazz, ces thèmes servent de trame à des
arrangements originaux, des fusions avec des standards célèbres et des
improvisations baignées de rythmes du pourtour méditerranéen : c'est devenu
littéralement la « touche », la manière, l’identité, du Trio
Sudaméris.
Le Trio nous revient donc avec son dernier opus French Touch's, enregistré en
public les 8 et 7 juillet à Marseille, dans la vivacité du spectacle vivant, qu'on préférera à "live" puisqu'il s'agit de musique française, enfin presque.
De Rameau à Ravel, du XVIIIe
siècle baroque au XXe, ce CD
embrasse un bel éventail de musiciens français, de Marc-Antoine Charpentier
(son fameux Te deum), Couperin et
Rameau du Siècle des lumières, à Offenbach, Saint-Saëns, Fauré, Ravel, Satie,
Poulenc, mais aussi Gainsbourg avec des incartades et incursions européennes
chez Richard Wagner, Jean Sibélius (le presque), mais touchés de cette touche française.
Mais
ne croyons pas, que, ce panel d’illustres musiciens nommé, ces facétieux
interprètes fantasques nous disent qui est qui et qui est où au fil des morceaux. Ils nous invitent à un jeu de piste où
le mélomane averti se plaît à démêler, sous des improvisations, des paysages
musicaux parfois lointains, la soudain terre et terrain connus du thème traité, à l'identifier.
Ainsi, on peut apprécier comment, des vagues préalables du jazz surgit le motif
bien connu du bercement de la barcarolle des Contes d’Hoffmann d’Offenbach (plage 1).
Robert Rossignol
Mais
quelques mots d’abord sur le fondateur, en 1990, du Trio Sudaméris, Robert
Rossignol. Un sympathique oiseau, ce Robert Rossignol, nom prédestiné pour la
musique. On le voit d’abord plus qu’on ne l’entend, au milieu d’une nichée,
d’une volée de piano, ces drôles d’oiseaux à l’aile fermée avant qu’elle ne
s’ouvre et se déploie pour s’envoler avec la musique.
Robert
Rossignol est chez lui dans les pianos et les pianos sont chez lui, dans son
nid, sa demeure première, son atelier. Car notre homme-oiseau est facteur de
pianos depuis 1979, c’est-à-dire qu’il les fabrique, les répare, qu’il les
vend. Il se trouve désormais à la tête d’une escadrille impressionnante de
pianos, d’un des ateliers les plus
cotés et réputés de la région Provence—Alpes —Côte d'Azur. Accordeur
reconnu, très demandé, c’est par ses réglages de pianos de concert qu’il se
fait d’abord un nom sur toutes les scènes du Sud de la France. Et vous l’avez
peut-être vu, avant un concert ou pendant l’entracte, dialoguer avec les sons,
les écouter, les tester, les diagnostiquer, les caresser ensuite, c’est-à-dire,
accorder un piano aux cordes malmenées par les variations de température du
plein air souvent et prodiguer ses soins, touche par touche, note par note,
d’une oreille absolue, pour faire entrer l’instrument malade ou blessé, la note
indocile dans le juste diapason.
Baignant
dans l’univers du clavier pianistique, Robert Rossignol rejoint en 1995 l’Ecole
des Jeunes Solistes pour y travailler le répertoire classique fondamental
avec Helena Cesaro.
C'est avec ravissement qu'on l'écoute, avec les scansions percussives de Farid Boukhalfa et les grandes ondes pincées de la contrebasse de Jean-Christophe
Gautier, se lancer dans la reconnaissable
« Danse des sauvages » ou du « calumet de la paix » des Indes
Galantes de Rameau, dans ce morceau
rebaptisé plaisamment le « Rondeau du dindon », car notre pianiste Rossignol n’a sans doute pas oublié le
célèbre morceau pour clavier, clavecin de Rameau, « La poule », mais dans ces Indes-là, le dindon est la poule
indigène (plage 3).
Avec
tout son bagage classique, Robert Rossignol se passionne pour le jazz, et, dans
cet univers musical, côtoie tous les grands pianistes tels Keith Jarrett,
Herbie Hancock, Chick Corea, Michel Petrucciani, Ahmad Jamal, Martial Solal et
bien d'autres qu’on a eu la chance d’entendre aussi ici, notamment au Festival International de piano de la Roque
d’Anthéron où se produira aussi notre trio plus tard. Écoutant et fréquentant
ces pianistes et son professeur Roger Menillo, il travaille et cultive son
propre style, très lyrique et harmonique, influencé par la musique de Fauré,
d’une stricte obédience classique et romantique, toujours tonale, et celle de
Debussy qui ouvre des horizons plus larges, des terres inconnues, orientales
parfois, mais Rossignol ne dédaigne pas la musique modale d’avant la tonalité
et la musique au rythme syncopé du jazz, notamment celle de John Coltrane qu'il
affectionne. On appréciera, ici, rebaptisée « Sicile blues », la Sicilienne du Pelléas
et Mélisande, non de Debussy, mais de la suite
orchestrale de Fauré (plage 5).
Ce
sont-là de véritables recréations car Robert Rossignol est aussi un vrai
compositeur. Nous quittons cette FRENCH TOUCH'S du Trio Sudaméris avec cette Berceuse (plage 11), véritable kaléidoscope musical, feu
d’artifice mêlant joyeusement tous les musiciens cités et d’autres.
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