Enregistrement 3/4/2017,
passage, semaine du 17/4/29/4/17
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de
Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE BENITO » N° 267
lundi : 12h15 et 18h15 ; samedi : 17h30
Semaine 15
Avec le retour du printemps, renaissance de la nature, cycle
naturel, revient celui de Pâques, cycle spirituel, de la Résurrection pour les
chrétiens. On ne m’en voudra pas de revenir, à mon tour, sur des sujets déjà
abordés, thèmes anciens mais toujours d’actualité.
Qu’on le veuille ou le déplore, nous vivons le multiculturalisme, cette coexistence en
un même temps, un même lieu, dans un même pays, de gens et de cultures
d’origine diverses. Cela n’est pas nouveau. L’Histoire nous apprend qu’avec le
temps, les cultures les plus diverses, apparemment, affrontées, confrontées,
finalement, s’enrichissent de leurs
différences, se fondent, se confondent. C’est une loi et de la nature et de l’humanité culturelle et cultuelle quand
elle n’est pas contrariée par le nationalisme et le fanatisme.
Mais, ce phénomène d’hybridation, qui s’est fait lentement
au cours des millénaires, des siècles, se produit à notre époque d’accélération
vertigineuse du temps, parfois en quelques années, non sans brutalité : le
temps de la communication et celui de l’assimilation n’étant pas les mêmes, il
y a conflit. D’où le choc entre les cultures et le repli défensif de chacune,
parfois, sur ce qu’on estime à tort ou à
raison son identité : c’est ce qu’on appelle le communautarisme.
Le communautarisme
finalement, est le contraire de ce que semble dire ce terme puisque, au lieu de
mettre en commun sa richesse
particulière, de la donner à tous, on s’enferme dans sa communauté particulière, singulière, identitaire et, pour préserver
sa soi-disant identité, on la cultive
tellement à l’excès, qu’elle devient une barrière, une frontière, qui nous rend
encore plus étrangement étranger, qui empêche la communication sinon la
communion avec l’Autre : bref, on s’enferme
dans le ghetto de sa différence. Et pourtant, pour peu qu’on veuille un peu
gratter sous l’apparente banalité des choses, dans nos pratiques sociales usées
de tant d’usage, on découvre que nous sommes, que nous vivons, même en plein XXIe siècle, tributaires
d’héritages ancestraux multiculturels.
Pâques en est un
exemple. Mais écoutons d’abord une expression populaire de la douleur
humaine face à la douleur humaine et
divine du Christ marchant au sacrifice. Il s’agit d’un chant du flamenco,
une saeta, une ‘flèche’, improvisée
avec ferveur au passage de la procession du Vendredi saint. Chant âpre et
torturé, torsadé de mélismes, scandé par de lugubres tambours militaires et
suivi de trompettes dissonantes pour traduire la violence de la marche au supplice
de Jésus. C’est chanté, dans un très vieux disque du début du XXe s, repris par
Chants du Monde, par la mythique Niña de
los peines, tiré du
volume 3 de l’anthologie Grand cantaores
du flamenco :
DISQUE I, PLAGE 4
Dans cette déploration déchirante qui reproche amèrement à
Pilate sa lâcheté, on sent bien que se mêle vocalement, dans le creuset de
l’identité andalouse, l’Orient et l’Occident musical. Or, on l’oublie, même si
on le redécouvre tragiquement par les persécutions contre les Chrétiens
d’Orient, le christianisme est une religion née au Moyen-Orient. On écoutera la beauté de ce chant, en syriaque ou
araméen, la langue de Jésus, un office de Pâques de la Résurrection du Christ
de l’Église melchite, hymne tirée du Grand
Canon de saint Jean Damascène, de Damas, par sœur Marie Keyrouz dans un disque Harmonia mundi, Chants sacrés de l’Orient :
DISQUE II, PLAGE 9
Ce
n’est pas très différent de la vocalité mélismatique du flamenco.
La fête chrétienne de Pâque est issue de la tradition
religieuse juive. La Pâque juive ou
Pessah, commémorait la sortie
d'Égypte des Hébreux esclaves jusque-là, leur passage de la Mer Rouge et la
naissance d'Israël en tant que peuple : symboliquement, elle devenait la
fête de la libération et de la fin de l'asservissement de l'homme par l'homme.
Le calendrier utilisé pour fixer la date de Pâques était le calendrier juif, qui, en fait, était
babylonien. La résurrection de
Jésus-Christ, le lundi de la Pâque chrétienne, tombait le 14e jour
du mois de Nissan en même temps que Pessah, la Pâque juive. Au début de la
chrétienté, les deux fêtes coïncidaient naturellement. Puis les chrétiens
cherchèrent à se démarquer de la religion juive.
Au moment de la conversion au christianisme de l’empire
romain polythéiste, Constantin 1er convoqua le concile de Nicée en
325. C’est là que fut décidé que, pour les chrétiens, Pâques se fêterait le premier dimanche après la pleine lune qui suit l'équinoxe de printemps, date où jour et
nuits sont égaux. Et, pour éviter toute confusion, la Pâque chrétienne
devait être décalée d'une semaine les années où l'équinoxe correspondait
justement à la Pâque juive, à Pessa'h.
Mais,
Pâque juive ou chrétienne, le facteur
commun c’était, depuis la nuit des temps, une fête également païenne, une fête
du printemps, de la renaissance de la nature après la sorte de mort de l’hiver.
Les cultures se mêlent, s’emmêlent avec le temps. Bel
exemple même dans le quotidien au
sens le plus précis du terme : les jours, la semaine, dans notre culture
religieuse pourtant judéo-chrétienne, sont une survivance du paganisme ancien, du polythéisme antique.
Le dimanche, dies dominicus, jour du
Seigneur, est chrétien, le samedi, sambati dies, est d’origine juive, tous
les autres jours sont tirés du panthéon
païen des Romains : le lundi
est le jour de la déesse Lune (Monday des Anglais), le mardi, le jour du dieu Mars, mercredi, jour de Mercure ; jeudi, celui de (Jove) Jupiter et, vendredi (venerdi), celui de Vénus. Quant aux Anglais, encore, il
on fait du dimanche (Sunday), le
jour du Soleil. En songez que le mois de juillet est celui de Jules (César) et
celui d’août, celui d’Auguste…
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