Enregistrement
6/6/2016, passage, semaine du 20/6/2016
RADIO
DIALOGUE RCF
(Marseille :
89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE
BLOG-NOTE DE BENITO » N° 228
Lundi,
12h15, 18h15, samedi à 11h45
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… MAIS DOUCEMENT COMPLEXE ET RAFFINÉ, voici
un beau CD des éditions Ambronay qui évoque brillamment aujourd’hui
les fastes d’autrefois de la monarchie française : un
opéra-ballet dans
le goût français imposé par l’italien Lully, composé à
quatre mains par deux grands musiciens officiels de la fin du règne
de Louis XIV, Michel-Richard
Delalande
et André-Cardinal
Destouches,
sans qu’on sache trop qui a fait quoi, Les
Eléments.
Ce sont les quatre éléments chers aux spectacles baroques qui nous
promènent sur l’eau,
l’onde, de son calme à sa fureur, à l’air, en passant par le
feu et sa sacralité, et finissant par la terre dans la paix du
sommeil : autant
d’évocations spectaculaires de décors, d’effets visuels et
musicaux, que nous dirions de nos jours spéciaux, mais qui l’étaient
alors grâce à d’ingénieuses machines qui devaient faire voguer,
voler et surtout danser les personnages tels Neptune et Doris, les
dieux marins, Junon sur son char aérien tiré par des paons, Vénus
forcément ardente, fougueuse, et finalement la terrestre et
printanière Pomone. À ces dieux se mêlent pour leur malheur
quelques humains sauvés in extremis par le deus
es machina,
l’Amour au nom duquel on pardonne tout, même les sacrilèges comme
enlever une vestale à son temple, délit puni chez le Romains par
l’enterrement vivante de la coupable.
Mais
aux personnages de fiction, aux chanteurs et danseurs professionnels,
se mêlaient aussi, pour la danse, des personnes bien réelles et
même royales. On sait le goût immodéré de Louis XIV pour la
danse, se mettant en scène en Roi
Soleil autour de qui gravitaient, dans sa lumière, les planètes
subsidiaires et subalternes
des Grands de sa cour : le peuple supposé des spectateurs
demeurait, au mieux, dans l’ombre de la salle à contempler le
spectacle symbolique de la ronde parfaite, ordonnée, centralisée,
d’une Monarchie de droit divin à l’image du cosmos :
immuable. La
danse donc, réglée comme l’image d’un monde éternel.
Le
grand roi était mort depuis 1715, mais ainsi, en 1721, en pleine
Régence, par ce ballet des Éléments,
on semble perpétuer cette dynastie dansante où la maîtrise du
corps dansé est considérée comme propre d’un monarque qui se
contrôle, en public, aussi physiquement qu’il contient son état :
quant
au contrôle mental, moral, spirituel de ces monarques qui signent
« Car tel est mon bon plaisir », et dont nous savons la
vie privée guère réglée sinon déréglée, on n’en semble guère
se préoccuper tant la monarchie absolue paraît stable sur ses deux
pieds, nécessité absolue du danseur. L’opéra-ballet Les
Eléments
et toute sa charge politique, sociale, symboliques, est donc créé
au Palais des Tuileries, en 1721 avec rien moins que la participation
exceptionnelle à la danse du jeune
Louis XV,
alors âgé de onze ans, et de tous les « jeunes seigneurs de la
Cour » : un dressage festif précoce pour le futur Louis, dit
d’abord le Bien Aimé,
qui finira dans l’exécration de ses sujets, monarque pourtant
intelligent qui sentait venir la fin de la royauté sans rien faire
pour lé prévenir ou éviter, auquel on prête la
fameuse phrase : « Après moi, le déluge… ».
Cet
opéra-ballet connut un immense succès et aura une influence très
importante durant tout ce siècle, puisque, chose rare à cette
époque où les œuvres restaient rarement à l’affiche, il sera
rejoué partout jusqu’en 1781, à huit ans e la Révolution! C’est
dire que cette monarchie dansante continuera à danser même sur le
proche volcan de la Révolution.
Nous
écoutons un ravissant extrait de la plage 8, qui fait bruire L’Eau,
« la mer était tranquille… », chanté par la fraîche
voix de la soprano Eugénie
Lefebvure.
Calme
trompeur comme celui de cette inconsciente monarchie assoupie dans
ses plaisirs égoïstes car, en contraste baroque violent, ombre et
lumière, paix et fracas, voici aussitôt la tempête et son tumulte
dans la plage 9, et nous ne pouvons nous empêcher d'y voir celle de
la future Révolution, qui la réveillera, balaiera et noiera dans le
sang.
Mais,
pour l’heure, goûtons l’efficacité dramatique et musicale de ce
chœur, en fait simplement formé des trois simples solistes, deux
soprani et un baryton, car il s’agit ici, dans ce disque, d’une
version dite « de salon » de cet opéra-ballet, à
l’origine long et imposant, seulement possible dans des salles
adaptées à toute une lourde machinerie qui rendait possible tous
les effets scéniques prodigieux requis par le sujet. Version certes
réduite par son
effectif mais non dans ses effets
séduisants par la grâce des trois excellents solistes, les soprani
Élodie
Fonnard et
Eugénie
Lefebvure,
aux
voix dont les couleurs différentes se mêlent
harmonieusement sans se mélanger confusément,
et le baryton Étienne
Bazola,
solide et virile voix, chacun des chanteurs se partageant à plaisir,
pour le nôtre, divers rôles.
Ils
font partie de l’ensemble baroque Les
Surprises
qui prend son nom de l’opéra-ballet de Rameau
Les
Surprises de l'Amour,
qu’ils ont déjà interprété, sous la direction de Louis
Noël Bestion de Camboulas.
On
écoute avec ravissement
l’entrée sur l’Air où les deux chanteuses nouent et dénouent
avec grâce les vocalises aériennes des zéphyrs, plage 16.
C’est
une reconstitution
en première mondiale,
certes dans une réduction d’effectifs qui, comme à l’époque,
permettait aux œuvres trop imposantes de voyager sans être tenues,
encloses, prisonnières, aux exigences complexes des salles
spécialisées, réservées aux grands effets spectaculaires. C’est
un atout aujourd’hui où les contraintes budgétaires éliminent de
la scène des œuvres trop onéreuses pour être montées
scéniquement, leur préférant des versions, au mieux, allégées.
Et, sans nous prononcer sur la pertinence comparative des réductions
opérées à partir de l’œuvre originale, que nous ignorerions
fatalement puisqu’elle n’existe pas dans le répertoire actuel,
nous nous laisserons charmer par ce que proposent Les Éléments, que
nous quittons avec la belle voix d’Étienne
Bazola,
plage 29,
qui
chante la nuit et le sommeil, passage obligé du Baroque depuis
Cavalli, s’emparant paisiblement de la terre .
Les
Eléments
/ Destouches, Delalande par l’ensemble baroque Les Surprises un cd
des éditions Ambronay
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