Enregistrement 19/4/2018, passage, semaine 21/5//26/5/18
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« LE BLOG-NOTE
DE BENITO » N° 316
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h ; samedi : 17h30
Semaine
21
Voici un disque ambitieux : Naissance
de Vénus, 1 CD label Paraty par le
chœur mixte Arsys Bourgogne, sous la direction de Mihály Zeke. Ce
programme exigeant et rare nous promène dans un domaine rarement exploré, celui
de pièces chorales a cappella, sans accompagnement donc, composées par des musiciens
du XXe siècle sur des « chansons » françaises, disons de
courts poèmes. Les textes vont du médiéval Charles d’Orléans pour Debussy
jusqu’à des poèmes du surréaliste Éluard mis en musique par Francis Poulenc, en
passant par Ronsard pour Florent Schmitt, Jules Supervielle pour Darius Milhaud,
des chants paysans d’Auvergne pour Joseph Canteloube. Maurice Ravel écrit ses
propres textes, quant à Olivier Messiaen, il écrit aussi ses poèmes mais,
dit-il « pour moitié en français surréaliste, pour moitié en langue
inventée ».
Chaque époque s’invente un passé idéal.
La Renaissance, à l’évidence, redécouvrait l’Antiquité, qui fascinera
encore par ses modèles artistiques le XVIIe siècle et partie du
XVIIIe déjà moderne, mais le néo-classicisme s’inspire en ses lignes
de la rigueur géométrique redécouverte avec les fouilles de Pompéi et
Herculanum et l’on sait que la Révolution française se voyait dans les
farouches exemples de vertu de la République romaine. Le XIXe siècle,
historiciste exploite le filon du Moyen-âge, existant déjà mais en fera
pratiquement une mode, ce qu’on appellera le « style troubadour »
dont témoigne la littérature, même les meubles, et l’architecture, avec un
renouveau du gothique, dont des monuments sont sauvegardés, restaurés par Viollet-Le-Duc,
qui créée parfois plus qu’il ne recrée. Cependant, il faut souligner que la
musique qui se joue à ces époques-là est toujours pratiquement strictement
contemporaine on n’interprète que la musique du présent. On cite comme un cas
Mozart qui se passionne pour des musiques de Bach, qui fait une nouvelle
orchestration pour le Messie de
Händel, mais ces deux compositeurs ne le précédaient que de deux décennies, le
premier étant mort six ans avant sa naissance, le second trois ans après. C’est
donc le XIXe siècle qui se penche enfin sur le passé musical, qui
redécouvre et restaure le grégorien, la musique de la Renaissance et la musique
qui précède la tonalité fixée au XVIIe siècle, la musique que l’on
appelle modale. Par ailleurs, le nationalisme qui fera hélas des ravages au
siècle suivant au niveau politique, a malgré tout l’intérêt, dans le domaine
musical, de réfléchir sur ces « écoles nationales » et des formes, à
l’origine populaires, comme ces chansons, qui sont élevées à un rang
indubitable de niveau artistique parfois même sophistiqué. Ainsi, Debussy (1862-1918)
dont la musique est, pour son temps, révolutionnaire et ouvre des recherches
pour l’avenir, exalte ce patrimoine passé et s’en inspire. Ainsi, il met en
musique entre 1898 et 1908 Trois chansons
de Charles d’Orléans, le duc qui se tourna vers la poésie alors qu’il était
emprisonné à Londres après avoir été capturé par les Anglais lors de la
désastreuse bataille d’Azincourt de 1415. Nous coutons un extrait de la seconde
Quand j’ay ouy le tambourin, évoquant
le poète réfractaire à l’appel, décidé à ne pas se lever si tôt même pour aller
au mai, à la fête comme les autres, et cela nous évoque aussi Brassens et sa
chanson où le héros affirme « le jour du14 juillet , je reste dans mon lit douillet : la
musique qui marche au pas, ça ne me regarde pas. » Voici donc un ancêtre
médiéval récalcitrant à la musique grégaire :
1) PLAGE 2
Le
chant choral en France n’a pas la vigueur ni même le prestige qu’on lui connaît
dans d’autres pays. La dissolution par la Révolution des congrégations
religieuses avait entraîné la fin des maîtrises qui y cultivaient une tradition
musicale chorale. Le terme même de « choriste » pâtit d’une
réputation fâcheuse, semblant désigner un chanteur qui n’a pas accédé au rang
noble de soliste, alors que la musique ne se fait jamais seul. Nous avons, chez
nous l’ensemble Musicatreize qui
défend la musique contemporaine, souvent la création et, à Toulon, l’ensemble
les Voix Animées, animées par Luc Couadou, attaché à la musique
polyphonique de la Renaissance et à des recréations inventives de chansons
populaires contemporaines. C’est pourquoi il faut saluer et remercier le chœur Arsys Bourgogne,
l’un des rares chœurs professionnels, dirigé par Mihály Zeke depuis 2015, de réveiller avec ferveur un pan ambitieux de
la musique française peu connu. Le chœur est composé de seize chanteurs :
quatre sopranos quatre altos pour les femmes, quatre ténors et quatre basses pour
les hommes, effectif qui a l’intérêt de varier effets et couleurs.
Le titre du CD, un peu racoleur,
commerce oblige, Naissance de Vénus,
avec une belle photo de belle dame de dos dans l’onde, est tiré de l’un des
poèmes de Jules Supervielle, de l’ensemble des quatre pièces brèves mises en
musique par Darius Milhaud
(1892-1974), dont le premier vers commence par de belles allitérations en m et
r, « Je sors du marin murmure ». Nous l’écoutons par les voix féminines :
2) PLAGE 19
Et comme nous
sommes pour la parité, nous cédons la parole, la voix, aux hommes qui, ici,
chantent « le jeune homme » Vent
qui pousse la conque marine de Vénus :
3) PLAGE 20 ’
Bien sûr, en un temps si court, les
choix sont souvent cruels. Ravel mériterait aussi, avec ses propres, textes, de
figurer ici, tout comme le miraculeusement inventif Messiaen et ses Rechants et sa langue imaginaire. Mais
on peut à loisir les écouter dans ce disque vraiment original. Cependant nous
nous quitterons sur un extrait du deuxième des Chants paysans de
Haute-Auvergne de Joseph
Canteloube, cette « Chaîne de bourrées » narrative qui conte la
mésaventure d’une sorte de Perrette sinon au pot au lait, avec une
oie et un pied d’agneau : Va, va petite fille, / Va, va te laver !/
Quand tu seras proprette,/ Alors tu danseras » :
4) PLAGE 23
Naissance de Vénus, Arsys
Bourgogne ; direction : Mihály Zeke. 1 CD Paraty.
Claude Debussy (1862-1918) :
Trois chansons de Charles d’Orléans. Maurice Ravel (1875-1937) : Trois
chansons. Florent Schmitt (1870-1958) : À contre-voix op. 104 (extraits).
Francis Poulenc (1899-1963) : Un soir de neige. Olivier Messiaen
(1908-1992) : Cinq Rechants. Darius Milhaud (1892-1974) : Naissance
de Vénus. Joseph Canteloube (1879-1957) : Cinq chants paysans de
Haute-Auvergne (extraits).
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