Enregistrement 12/4/2018, passage, semaine 14/4//19/5/18
RADIO DIALOGUE RCF (Marseille : 89.9 FM,
Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE
DE BENITO » N° 314
lundi : 18h45 ; mercredi : 20
h ; samedi : 17h30
Semaine
20
Quand
on parle de de Moyen-Âge on considère rarement que c’est une très longue période
de l’histoire de l’Europe, qui couvre près d’un millénaire, dix siècles, qui
vont du Ve au XVe siècle, entre l’Antiquité et
les Temps modernes. On le fait débuter avec la chute de Rome, en 476 avec la
déposition du dernier empereur romain par Odoacre : c’est le lent déclin de l’Empire d’Occident, les invasions
barbares. Le Moyen Âge se termine par la Renaissance et les Grandes
découvertes. Cette immense période est subdivisée entre le haut Moyen Âge (VIe – Xe siècles),
le Moyen Âge (XIe – XIIIe siècles) et le Moyen Âge tardif
ou bas Moyen Âge (XIVe – XVe siècles). C’est
dire si c’est un long moment de notre histoire qu’on peut difficilement
appréhender culturellement dans son immense diversité.
Ainsi, la musique médiévale,
forcément très diverse, n’est pas très courue. Pourtant, il y a quelques
frémissements qui laissent espérer un intérêt pour des pans de ce monde dont
nous sommes issus. Récemment, ouvrant ses frontières temporelles, au titre du
thème marseillais de 2018 sur l’amour, Mars en Baroque avait accueilli, le mardi
13 mars, en l’Église Saint-Cannat, le jeune ensemble APOTROPAÏK pour un concert
intitulé AŸ AMOUR ! Ces jeunes
musiciens nous avaient fait goûter des pièces rarement données en concert, dont
des chants de troubadours occitans, parmi lesquels, le célèbre alors Foulquet de Marseille. C’est pourquoi, après avoir
parlé de la Musique au temps de
Saint-Louis, je suis heureux de saluer, le CD d’un autre tout jeune
ensemble, un disque qui sort des sentiers battus : En
Seumeillant : « Rêves et
visions au Moyen-Âge »
par le Sollazzo Ensemble, aux Éditions Ambronay
Le Sollazzo Ensemble est fondé à Bâle en 2014 par la
vièliste Anna Danilevskaia, qui le
dirige, réunissant autour d’elle cinq musiciens, deux sopranos, Perrine Devillers et Yukie Sato, un ténor, Vivien Simon, un harpiste, Vincent Kibildis, et une autre
vièlistes à archet, Sophia Danilevskaia. Les membres de Sollazzo ont tous
étudié dans des institutions renommées pour leur spécialisation en musique
ancienne : la Schola Cantorum
Basiliensis, de Bâle même, l'Esmuc de Barcelone et le CNSM de Paris. L’année
même de la fondation de l’ensemble, ils sont sélectionnés, choisis, pour
participer au programme du célèbre Centre culturel des rencontres d'Ambronay.
L’année suivante, ils reçoivent trois prix pour leur interprétation de musique
ancienne. Leur premier disque, Parle
qui veut, en 2017, est distingué par de nombreuses distinctions,
Diapason d'Or, CD de l'année de la revue Gramophone,
etc. Gageons que ce dernier CD, exigeant, à peine sorti, aura le même accueil
favorable. Et pourtant, aucune facilité dans le choix de la musique qu’ils
appellent tardo-médiévale, puisée en Catalogne, Italie, France, d’entre les
XIIIe et XVe siècles, de styles et d'esthétiques très
différentes, classée sous la rubrique unitaire de « Rêves et visions au
Moyen-Âge ».
Rêve
qui peut être un cauchemar, comme dans ces visions d’apocalypse, du Jugement
dernier, de ce Cant de la Sibilla catalan
dont je vous lis le refrain obsédant :
« Al jorn del Judici parrà el qui haurà feyt servici ». ('Le jour du Jugement ceux qui
auront bien servi seront récompensés'). Les autres, punis .
J’en résume quelques vers : ‘Un grand feu descendra du
ciel , /brûlant
mer, sources et rivières./Les poissons pousseront de grands cris/
[…] Avant le Jugement viendra l’Antéchrist/et donnera du tourment à tout le monde/et il se fera servir comme Dieu/et fera mourir celui qui ne lui obéira pas.’ Nous écoutons un extrait :
mer, sources et rivières./Les poissons pousseront de grands cris/
[…] Avant le Jugement viendra l’Antéchrist/et donnera du tourment à tout le monde/et il se fera servir comme Dieu/et fera mourir celui qui ne lui obéira pas.’ Nous écoutons un extrait :
1) PLAGE
1
Eh bien, cet air saisissant d’une
de ces sibylles, prophétesses ou illuminées dont les chants existaient dans
toute l’Europe, s’est préservé à Palma de Majorque et on le chante toujours
dans des églises, et notamment dans la cathédrale de Palma, pendant la messe de
minuit. Au milieu de la réjouissance de Noël, un petit garçon ou une petite
fille, brandissant un sabre, vient troubler la fête en rappelant brutalement, en
ce début heureux, la fin terrible de tout.
« Le chant de la Sibylle de Majorque » a été inscrit par l'UNESCO du patrimoine
culturel immatériel de l’humanité.
Certes, cette pièce est bien
connue. Mais parmi les morceaux les plus saisissants, à cheval entre les XIVe
et le XVe siècles, il y a deux chants dits « des Fumeurs », du nom
d’une société secrète. Bien sûr, ce ne sont pas des fumeurs de tabac, qui ne
fut importé d’Amérique par les Espagnols qu’au XVIe siècle. Mais il
n’est pas interdit de penser qu’on pouvait aussi fumer, inhaler des fumées de
plantes hallucinogènes. En tous les cas cet air étrange, semble bien exprimer
une sorte de transe, de délire en sourdine. Voici le refrain de la strophe,
traduite de l’ancien français : ‘Le
fumeux fume en la fumée/De fumeuses spéculations ». Et le couplet :
‘Car il enfume sa pensée/ Le fumeux fume en la fumée/ Car il lui plaît fort de
fumer/Jusqu’à ce qu’il soit satisfait’.
Nous en écoutons un extrait, à
mi-voix, dissonant, planant :
2) PLAGE 7
Le disque nous promène donc
dans un Moyen Âge non de rêve de quelque reconstitution plus ou moins
fantaisiste, mais, explique-t-il, de la rêverie la plus innocente à la chanson
à boire paillarde en passant par la vision mystique, comme cette italienne Magdalena degna da laudare , ‘Madeleine, digne de louange’ ou
la sombre litanie mortuaire exprimée aussi par des dissonances, Litania mortourum discordans,
d’une époque qui connut les horreurs de la Peste noire qui ravagea l’Europe. La
mort délivre aussi de l’amour, comme dans Morte
m'a sciolt' d’amore ('La Mort m'a libéré d'amour') tiré de Pétrarque. Il y a des morceaux souriants,
lumineux, comme La bella stella ,
‘La belle étoile’, le plaisant Or sus, vous dormez trop. Mais nous
quittons ce beau CD sur l’amusant En ce
gracieux temps de Jacob de Senlèche, où vous entendrez le rossignolet et
ses cris, « Oci, Oci » avec ceux du coucou, naturellement,
« cocu, cocu » :
3) PLAGE 11
En Seumeillant : Rêves et visions
au Moyen-Âge
, Sollazzo Ensemble
, 1CD Éditions Ambronay Durée
du CD : 62'34''
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