Enregistrement 15/5/2017, passage, semaine du 22/5/27/5/17
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM,
Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE
BENITO » N° 273
lundi :
12h15 et 18h15 ; samedi : 17h30
Semaine
21
Brasier
d’étoiles
Voici un disque que l’on a du
bonheur à saluer. Oui, l’art non plus n’a pas de frontières et meurt en vase
clos, faute d’oxygène universel. Justement, voici un disque d’ici, par des
artistes d’ici, des talents et un génie d’ici, qui dépasse tout régionalisme,
tout nationalisme étriqué pour, partant
d’ici, parlant d’ici, parle de nous et parle à tous, convoque, de chez
nous, un universel d’art et d’amour, poésie, musique, chant et piano. Il vient
de sortir sous le label Maguelone et
s’appelle, nom significatif, cosmique, Brasier
d’étoiles. C’est le nom d’un ensemble de neuf poèmes d’Alain Borne (1915-1962), cycle de mélodies pour
soprano et piano, mis en musique par Lionel Ginoux, jeune compositeur marseillais. Les interprètes en
sont, pour la voix, Jennifer Michel,
jeune soprano de Nîmes qui a fait ses classes dans le regretté CNIPAL de
Marseille (Centre National d’Insertion Professionnelle d’Artistes Lyrique), que
l’on applaudit sur de nombreuses scènes lyriques, notamment à l’Opéra de
Marseille et qui nous fit la grâce d’illuminer de son timbre notre concert de
Noël au temple Grignan, le 4 décembre 2016. La pianiste, c’est Marion Liotard qui y fut longtemps
maître de chant et remarquable accompagnatrice très sollicitée.
Mais la première partie de ce
disque de mélodies est consacré à un compositeur marseillais aux origines
corses, sans doute le plus grand, Henri
Tomasi (1901-1971) que l’on peut qualifier, sans emphase, de génie, à
l’œuvre immense, où la quantité ne cède en rien à la qualité, qu’on ne cesse de
découvrir ou de redécouvrir, avec une surprise émerveillée.
Et
ce n’est pas seulement parce que, en effet, Tomasi a touché à tous les genres : musiques instrumentales,
orchestrales ou solistes, pour les instruments les plus variés ; œuvres
vocales, des chansons du folklore corses recueillies et harmonisées aux
compositions grandioses pour chœur et orchestre ou piano, en passant par les
œuvres pour voix seule et piano ou a cappella. Les œuvres scéniques abondent,
de la musique de film, pour son et lumière, aux pièces radiophoniques et
ballets (13 opus) et pas moins de onze opéras dont nous avons eu la chance, à
Marseille, d’admirer, il y a trop longtemps, au moins trois indiscutables
chefs-d’œuvre, Don Juan de Mañara,
d’après Milosz, L’Atlantide, d’après
Pierre Benoît, et un passionné Sampiero
Corso.
Grand compositeur français qui honore
son pays, joué dans le monde entier, on ne l’honore guère en France. C’est
pourquoi on se réjouit que ces jeunes interprètes lui prêtent leur talent et
leur enthousiasme dans ce disque qui contient quatre mélodies du cycle Cantu di Cirnu nom grec de l’île, ‘Chants corses’ des mélodies
écrites entre 1929 et 1933 sur des poèmes de Santu Casanova (1850-1936). Nous écoutons aussitôt, par la
lumineuse Jennifer Michel accompagnée au piano par Marion Liotard, un extrait du Cantu di malincunia (1933),
‘Chant de mélancolie’ :
1) PLAGE 1
À côté de ces chants corses, on trouve également un
poétique Chant de la fée des îles et
quatre Chansons de Geishas (1935) sur des poèmes de René Dumesnil (1879-1967). Voici un
bref exemple, un bref extrait de Fête à Katushita, qui fut dédié à
la grande Janine Micheau :
2) PLAGE 7
On découvrira avec ravissement les autres mélodies de
Tomasi.
Lionel Ginoux,
vit et travaille à Marseille. Jeune encore, il a déjà une œuvre abondante
derrière lui jouée en France et à l’étranger, pour orchestre (symphonies,
concertos), chœur, ensemble instrumental, opéras de chambre (Vanda, Médée Kali,) et de très nombreuses mélodies. Comme Henri Tomasi en
son temps, sans être inféodée à aucune école, son œuvre, aux formes très
diverses, se caractérise par une liberté d’écriture où prime un lyrisme à la
fois rythmique et sensible. Un
brasier d’étoiles est à l’origine
un cycle
de huit mélodies,
dédié à Marion Liotard, la pianiste, sur les poèmes d’Alain Borne, auquel s’ajoute une
neuvième dédiée à l’interprète Jennifer Michel. Nous en écoutons un extrait,
qui nous permet d’apprécier le long ambitus vocal, dramatique ici, assumé par la
jeune soprano solaire dont la voix a mûri en médium sans perdre de sa légèreté
dans l’aigu. Voici :« J’ai vécu sans amour comme vivent les pierres… » :
3) PLAGE
17
Brasier d’étoiles, ardente constellation nocturne, est semé de sombres
harmonies, de dissonances, avec un traitement parfois subtilement jazzy du
piano, violentes vibrations des graves, gros bouillons d’arpèges, trilles
obstinés, sur une ligne vocale cantabile parfois hérissée d’aigus comme les
crêtes écumeuses d’une mer tourmentée. La pianiste Marion Liotard, rompue à la
subtilité de l’accompagnement, au Brasier d’étoiles et ses
fulgurances ombreuses, orageuses, fait dérouler et déferler les flots presque
wagnériens, orchestraux de ce piano de Ginoux, conçu à sa mesure : c’est un capitaine inexpugnable de
force dans la tempête, un phare pour la voix. À part la mélodie 4,
« Dis-moi… », d’une délicatesse intimiste, debussyste par la couleur
transparente et la ligne simple de la voix et du piano rêveur, et la 6, trouée
de silences étranges, l’ensemble est d’une violence qui n’exclut pas la
langueur sensuelle parfois, servie par la voix charnue de Jennifer Michel.
.
Nous nous quittons sur « je
voudrais… », dernière mélodie du cycle :
4) PLAGE
18
Label Maguelone
Brasier d’étoiles, mélodies, d’Henri
Tomasi et de Lionel Binoux, Jennifer Michel, soprano, Marion Liotard, piano,
Préface de Jean-Marie Jacono, spécialsite de Tomasi
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