RADIO DIALOGUE
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE
BENITO » N° 168
MARS EN BAROQUE 2015 (3)
PORTRAIT DE JEAN-MARC AYMES
Photo Marie-Ève Brouet |
Des yeux
rieurs, un sourire d’enfant, une dégaine, une allure d’éternel
adolescent : on a du mal à croire que Jean-Marc-Aymes, qui sonne comme
« aime », un nom qui le définit bien, depuis près d’un quart de
siècle,
s’est imposé comme une évidence, une « audience » devrait-on dire si
ce terme était pour l’oreille ce qu’évidence est pour les yeux, dans le paysage
musical marseillais. De même, ce globe-trotter, qui parcourt le monde sur les
ailes de la musique semble a priori si marseillais, même dans le soleil de
son accent,
qu’on peine à imaginer qu’il n’est pas de chez nous, de Marseille. Bon, il
n’est pas de très loin, de Narbonne, voisine méditerranéenne, et il a vécu à Port-la-Nouvelle avant de jeter son ancre
permanente près de notre Vieux-Port après tant d’escales musicales.
Originaire de l’Aude,
de l’intérieur des terres, sa famille ancienne va rejoindre les bords de la
Méditerranée ouverte à tous les horizons où travaillent son père dentiste et
sa mère, pianiste et organiste, qui accompagne des
offices et encourage le petit garçon dans une vocation précoce, qui manifeste
un vif besoin de musique très tôt. À cinq et six ans, il adore Beethoven
dont il écoute en boucle les symphonies, dévore des dictionnaires des grands
musiciens. Réussissant le concours d’entrée du Conservatoire, grâce à des
horaires aménagés, il poursuit de belles études classiques et, à seize ans, se
retrouve autonome à Toulouse. C’est là qu’il a la chance de tomber sur un
professeur d’Histoire de la musique, spécialisé dans la danse, mais qui lui
révèle cette musique baroque, déjà redécouverte pendant les années 60, mais qui
connaît un renouveau musicologique puissant dans les années 70 grâce à des
ensembles comme la Chapelle royale et les Arts florissants qui sont désormais,
si l’on peut le dire pour des "baroqueux", des classiques dans l’histoire de cette musique sinon de notre
temps, pour notre temps.
Dans
l’atmosphère plutôt conservatrice des Conservatoires de cette époque, cette
ouverture sur le Baroque, la musique de la fin du XVI e siècle
jusqu’à plus de la moitié du XVIIIe, est une fenêtre ouverte sur
l’air frais et un horizon nouveau. Bac en poche et Prix de piano en main, notre
jeune Jean-Marc se lance en 1980 dans l’étude passionnée du clavecin,
l’instrument-roi de cette musique, mais aussi de l’orgue. Et, à partir de là, il ne
va cesser d’explorer, d’exploiter, ce continent longtemps perdu de la musique
baroque, de défricher et déchiffrer ses terres redevenues vierges à force d’un
silence forcé de près de deux siècles et d'une résurgence un peu forcenée à notre époque.
La pointe de
la musicologie baroque d’alors se situe dans les Pays-Bas. C’est encore la
chance : la rencontre d’un professeur hollandais auquel il tient à rendre
hommage, William Jansen, qui le met sur la piste de Girolamo Frescobaldi, musicien
italien (1583-1643) dont
il entreprendra l’enregistrement intégral de la musique pour clavier. Frescobaldi
est donc une rencontre qui le marque et à laquelle il laisse sa marque : ainsi, le quatrième
et dernier volume (Fantasie, Recercari & Canzoni Franzese, Fiori
musicali),
se voit décerner un Diapason 5 étoiles. Et l’ensemble de cette intégrale a
d’ailleurs reçu un accueil enthousiaste de la critique internationale : deux
diapasons d’or et 5 Goldberg (volumes 1 et 3), Joker de la revue belge Crescendo pour le volume 1).
Mais,
revenons en arrière : après une maîtrise sur le compositeur contemporain Ligetti, et un projet de thèse,
malheureusement non mené à terme sur la rhétorique musicale, nous retrouvons le jeune
Jean-Marc Aymes à Bruxelles pour un diplôme supérieur de clavecin. Revenu à
Toulouse, il joue avec l’ensemble La Fenice fondé par Jean Tubery, condisciple au lycée Saint-Sernin. Il y rencontre des
personnalités françaises
illustrant le baroque, la soprano Isabelle Poulenard mais aussi notre Aixoise Sylvie
Mocquet,
gambiste, et notre marseillais Roland Hayrabédian, fondateur de
Musicatreize, qui défend la musique contemporaine, avec lequel Aymes collabore
toujours. En effet, la musique moderne, au XXe siècle renoue
avec le clavecin, instrument ancien redécouvert comme nouveau pour ses
possibilités expressives, et, portant avec une attention aiguë à l’interprète, créant de la sorte de
fructueuses rencontres musicales.
Photo : Catherine-Peillon |
Autre
rencontre décisive, toujours à Toulouse, grâce à Jean Tubery, celle de la soprano argentine María Cristina
Kiehr, qui
a déjà une belle carrière de chanteuse baroque, avec de nombreux disques à son
actif. Installé à Marseille en 1991 sur un coup de cœur, avec également le concours de Sylvie Mocquet,
ils s’apprêtent pour un concert, et fondent leur ensemble, désormais célèbre
dans la galaxie baroque, Concerto soave. Ils préparent un disque et Michèle
Doucet,
des Musées de Marseille, pour l’enregistrement, leur donne asile au Palais
Longchamp. Ses merveilleuses fontaines deviennent donc les eaux baptismales
marseillaises d’un ensemble qui fait rayonner, par ses concerts dans les plus
grands festivals et ses enregistrements, le nom de notre ville dans le monde
entier.
Concerto soave |
À Marseille,
Jean-Marc Aymes intègre le CRAB, Centre Régional d’Art Baroque dirigé par la
mezzo Mireille Quercia, par ailleurs membre de Musicatreize. Ils montent des opéras baroques remarquables au théâtre
Gyptis, l’Incoronazione di Poppea de Monteverdi, Orlando de Hændel, mis en scène respectivement par Andonis Vouyoucas et la regrettée
Françoise Chatôt, et Il Mondo della luna de Haydn par Richard Martin au Toursky, avec de brillants jeunes solistes du riche vivier intrnational du CNIPAL, Centre National d'Insertion Professionnelle d'Artistes Lyriques, longtemps fleuron du prestige lyrique marseillais dans le monde, malheureusement disparu aujourd'hui par le lamentable désintéressement des institutions. Hélas, les moyens ne
suivent plus. Le Festival mars en Baroque prend le relais du CRAB et Mireille Quercia
lui en passe la direction en 2007.
En septembre 2009, Jean-Marc Aymes est nommé
professeur de clavecin du Conservatoire Supérieur de Musique et de Danse de
Lyon et passe de la sorte son expérience et sa culture à des disciples, invités
cette année avec d’autres jeunes dans le cadre du 13 e Festival Mars en Baroque 2015.
Site de Mars en baroque : www.marsenbaroque.com
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http://www.deezer.com/artist/155716
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