Mozart : Symphonies Nos. 29
& 40, Oboe Concerto
Il Pomo d'Oro : Orchestra
Maxim Emelyanychev: conductor
Ivan Podyomov : hautbois
Un CD Aparte
https://open.spotify.com/intl-fr/album/7obgkx8USRfG1ofheOm4Em
Je ne connais pas le précédant enregistrement de Maxim Emelyanychev, à la tête de l’orchestre Il Pomo d’Oro, intitulé —en anglais cela va de soi pour un pianiste et chef russe, The beginning and the end, ‘le début et la fin’ Il est vrai que c’est le jeune chef du Scottish Chamber Orchestra et du Pomo d’Oro au nom italien, d’origine non précisée mais formée de brillants experts de musique baroque. Ce premier CD mettait en miroir la première et la dernière symphonie de Mozart. Mais, à écouter celui-ci, qui confronte la 29e symphonie avec la si connue 40e, cela donne une grande envie de les entendre. Ces deux enregistrements sont, nous dit-on, les prémices d’un vaste projet : une intégrale des grandes symphonies de la maturité de Mozart, mises en regard, en écho plutôt, avec des œuvres de jeunesse. Évidemment, on peut se demander où commence et finit la jeunesse d’un enfant prodige, déjà auteur d’une symphonie à sept ans sur les quarante et une qu’il composera durant sa brève vie puisqu’il meurt à trente-cinq ans à peine, ce qu’on nomme, pour le courant des mortels, le début de la maturité.
Il est vrai que la première symphonie de ce CD, la 29e, en A major (La majeur) composée en 1774, à dix-huit ans, sans que je donne à ce terme un sens qualitatif, est juvénile, joyeuse, fraîche, pimpante, et servie je dirais aves les mêmes termes par le chef et l’orchestre si juvénilement agile. Je ne crois pas être démenti si l’on écoute la vivacité enjouée de ce début, son rythme, son tempo Allegro moderato primesautier, plein de joie de vivre :
1) PLAGE 1 I Allegro moderato
Mozart est dans sa ville natale de Salzbourg, où son père Leopold est violoniste à la cour depuis trente et un ans, rêvant logiquement de voir son fils lui succéder dans le confort d’un poste peu brillant mais sûr pour gagner sa vie. Mais en 1772, l’accession au trône du Prince-archevêque Colloredo, d’origine italienne, va déranger le confort et la sympathie dont jouissait Mozart fils, protégé de la cour, complaisante à la jeune gloire locale que l’Europe avait célébré tout enfant. Moins sensible à ses charmes, le nouveau Prince s’accommode mal de ce remuant prodige qui a sans doute l’insolence et l’impatience de sa célébrité encore vive en lui, qu’il désire faire vivre hors les limites de cette ville, puisqu’on l’invite ailleurs à faire jouer ses œuvres.
Les musiciens n’étaient alors que des serviteurs ; le caractère autoritaire ou tyrannique de Colloredo entend soumettre à la domesticité le fougueux jeune homme auquel la cour permettait des absences servant sa carrière. Cependant, occasionnellement, Mozart en quête de nouveaux publics, réussit à fuir Salzbourg : on le trouve à Munich, à Mainnheim puis à Paris avec sa mère, qui y meurt en 1778. Mais, lié par son contrat, il est rapidement contraint de revenir dans la ville sous la férule de ce maître détestable, indifférent à son génie qui fait pourtant rayonner Salzbourg à l’étranger. C’est encore là qu’il compose ce Concerto pour hautbois, en C major (Do majeur) ici interprété par le brillant soliste russe également, Ivan Podyomov, premier hautbois du Royal Concertgebouw Orchestra. Voici avec quelle vivacité il ouvre le 3e mouvement Rondo allegretto, ludique et piquant :
2) PLAGE 6
En 1781, Mozart déserte Salzbourg et se rend à Munich pour la création de son Idoménée, roi de Crète qui y triomphe. Au lieu de rentrer sagement à Salzbourg, il passe par Vienne, capitale politique et musicale dont il rêve. Il s’y installera finalement, puisque, en mai de cette même année, l’intraitable Colloredo, étranger aux succès de son musicien officiel, le démet officiellement de ses fonctions. Mozart y trouve sa liberté mais aussi l’angoisse d’un créateur, souvent assailli par ses créanciers, sans l’assurance financière d’un mécène ou protecteur pour vivre et nourrir sa famille, livré aux aléas de commandes dans une ville, certes éprise de musique, mais où abondent d’autres musiciens de talent dont la vogue suit le caprice changeant des modes.
Le disque est accompagné, en trois langues, d’un intéressant livret technique sur les œuvres signé par Yann de Vaugiraud. Cependant, je regrette que, même en passant, sur le plan biographique, il sacrifie, comme jadis Rémy Stricker ou Dominique Fernandez au mythe du mythe psychanalytique d’un œdipien Don Giovanni archétypal du conflit de Mozart avec son père comme s’il avait été l’auteur du livret. Or, comme tous les compositeurs, Mozart n’écrit aucun texte, il n’y aura, en gros, que Berlioz et Wagner pour écrire leurs propres livrets. Mozart prend celui proposé par Da Ponte qui ne fait que suivre, parfois à la lettre, celui du Don Giovanni Tenorio de Bertati/Gazzaniga, donné huit mois plutôt à Venise, qui ne fait que suivre celui scénarisé du lointain original espagnol attribué à Tirso de Molina, sans aucune preuve aujourd’hui attestée.
Mozart n’a pas besoin de ces légendes parasites comme celle, détestable, du film par ailleurs somptueux Amadeus de Miloš Forman (1984), colportant abusivement son faux conflit avec Salieri, alors le grand compositeur officiel de la cour de Vienne. Le cinéaste y peint un discutable Mozart, niais petit oiseau qui ne sait pas comment il chante, alors qu’il n’est que de lire sa correspondance avec son père, dont une épigraphe, extrait d’une lettre, figure judicieusement ici en tête du livret, ou à sa sœur Nanerl, pour voir la conscience aiguë qu’avait Mozart de son travail, de sa recherche, quelle que fût sa facilité remontant à l’exigeant dressage musical de son enfance. Que le père Léopold Mozart soit mort vingt jours après la création de l’opéra (qui ne s’est pas écrit en un jour tout de même !) est certes une triste coïncidence mais sûrement pas une mécanique de cause à effet d’un fils adulte, depuis longtemps émancipé du père et père lui-même depuis 1782, même si seuls deux de ses six enfants ont atteint l’âge adulte.
Avec la charnière encore salzbourgeoise et juvénile, du Concerto pour hautbois, ce beau CD se clôt avec fièvre sur la grandiose, 40e Symphonie, en sol mineur écrite en1788, trois ans avant sa mort à l’apogée de sa brève gloire viennoise. C’est une œuvre dramatique et puissante, empreinte d’un sombre sentiment de fatalité, dont il est impossible que vous n’ayez pas entendu, au moins grâce à la publicité, ce début sur lequel nous nous quittons :
3) PLAGE 8
ÉMISSION N°709 DE BENITO PELEGRÍN
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