ÉCLATANTS TABLEAUX
Œuvre fameuse pour piano, leur plasticité et leur pittoresque a permis diverses couleurs musicales aux Tableaux d'une exposition de Modeste Moussorsky, ici transposés pour orgue et trompette, par Vincent Grappy, orgue, et Guy Touvron, trompette, label Hortus.
C'est en 1874, l'année même de la création de son opéra Boris Godounov à Saint Petersbourg, que Moussorgski compose sa plus grande œuvre pour piano : Tableaux d'une exposition.
En février 1874, Vladimir Stassov (1824-1906), critique d'art, journaliste, archéologue
conseiller littéraire et esthétique au sein du cénacle musical qu'il avait
lui-même appelé le Groupe des Cinq
réunissant Mili Balakirev, César Cui, Alexandre Borodine, Modest
Moussorgski et Nicolaï
Rimski-Korsakov, organise à Saint-Petersbourg une exposition. Il y réunit un
certain nombre de dessins et de peintures de Viktor Hartmann (1834-1873), peintre, illustrateur, sculpteur et
architecte, mort quelques mois plus tôt d'une rupture d'anévrisme, à l'âge de
39 ans. Viktor Hartmann avait été introduit par Stassov dans le cercle de
musiciens amis et tous en sont profondément touchés. En effet, Hartmann était
devenu très proche d'eux, et en particulier de Moussorgsky, qui en éprouve un
grand choc émotionnel.
Après avoir été plusieurs fois visiter l'exposition consacrée à son ami, Moussorgski décide de lui rendre hommage par une suite de morceaux pour piano (qu'il désigne d'abord par le simple nom Hartmann). Il compose très vite, lui habituellement si lent qu’il n’achèvera quasiment aucune de ses grandes œuvres, et il écrit à Vladimir Stassov, le critique organisateur, et faisant ce parallèle :
« Hartmann bouillonne en moi comme bouillonnait Boris : je peux à peine aller assez vite pour gribouiller sur le papier ; les sons et les idées sont suspendus dans les airs. »
Il compose ses Tableaux d'une exposition en six semaines. La musique évoque la visite imaginaire d'une collection d'art. Les titres des différents mouvements font allusion à des œuvres d'Hartmann présentées à cette exposition.
Moussorgski s’inspire des dessins et aquarelles que Hartmann avait exécutés surtout pendant les voyages de l'artiste à l'étranger. On y trouve ainsi la Pologne ; la France y est très présente (Tuileries, Limoges, le marché, Catacombes de Paris) et l'Italie. Le mouvement final est associé à un projet architectural pour la capitale de l'Ukraine, Kiev. Mais c’est autant une musique affective que descriptive, devenue intemporelle, colorée, touchante. L’œuvre devient vite célèbre et subit diverses orchestrations dont une de Ravel ce qui légitime cette version où l’orgue de Grappy, dialogue avec la trompette souveraine de Touvron.
Dans l’épisode, le tableau italien, Il vecchio castello, ‘Le vieux château’, passent des modalités, ces couleurs médiévales dans la noblesse de l’orgue sur lequel s’élève la nostalgie des temps passés de la trompette. Mais, à côté de cet exemple d’orgue et trompette en majesté, en grande pompe, on savoure leur commune délicatesse, leur tendre espièglerie, dans le pépiement impatient et joyeux du Ballet des poussins dans leur coque, minuscule caquètement d’une trompette complice sur un orgue joliment duveteux.
Outre ces fameuses pièces de Moussorgski, ce disque est heureusement complété par Quatre esquisses et Six études en forme de canon de Robert Schumann. Mais on ne peut qu’admirer la grandiose et joyeuse fin des Tableaux, La Grande porte de Kiev, qui pourrait être ene entrée triomphale où éclate dans un magnifique spectre sonore de la trompette, le fameux motif initial, ici final, dit Promenade qui fait la jonction, la fonction de guide continu de la visite à ce musée amical et musical de l’exposition.
Modeste Moussorgski, Tableaux d'une exposition, transposées pour orgue et trompette, par Vincent Grappy, orgue et Guy Touvron, trompette, label Hortus.
Dix mouvements et six interludes : |
Enregistré le 19/11/2020, diffusé le 4/12/2020
Podcast (après Méditation romantique)
https://rcf.fr/culture/livres/meditation-romantique-avec-francois-meyer-et-jean-christophe-aurnague
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