Enregistrement
11/4/2016, passage, semaine du 2/5/2016
RADIO
DIALOGUE RCF (Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de
Berre : 101.9)
« LE
BLOG-NOTE DE BENITO » N° 223
Lundi,
12h15, 18h15, samedi à 11h45
LES
FIGURES DE L’AMOUR
DANS
L’ŒUVRE D’ANDRÉ CAMPRA
En
début d’année, je présentais le disque Les
Muses rassemblées par l’Amour,un CD des aixoises FESTES D’ORPHÉE, « Les Maîtres Baroque
de Provence », vol. V, un inédit discographique du grand
compositeur d’Aix, André Campra, une idylle chantant la fin de la
peste en Provence, qui fut créée en 1723 et plus jamais donnée
depuis, sauf en extraits. Voici maintenant que l’excellent label
provençal
Parnassie du marais,
apporte une autre belle contribution à la connaissance et
reconnaissance aujourd’hui de ce musicien, par ailleurs toujours
bien présent dans son catalogue, avec un beau CD appelé Les
Figures
de l’amour/André Campra.
On
le doit à l’ensemble baroque
Parnassie du marais,
dirigé par la claveciniste
Brigitte Tramier,
avec au violon
Claire Létoré,
Sabine
Weill,
flûtes et hautbois, Sylvie
Moquet
à la viole de gambe et, en soliste vocale Monique
Zanetti,
avec quelque cinquante disques à son actif, une figure bien connue
du chant baroque qu’elle enseigne par ailleurs au Conservatoire
d’Aix où travaille aussi ce quintette de dames qui sont également
des solistes réputées. Dans ce disque, voisinent des pièces
instrumentales, interprétées aux claviers par Brigitte Tramier, de
Lambert
Chaumont
à l’orgue, d’Henri
Dumont et
Couperin
au
clavecin, et de Forqueray
et Jacquet
de la Guerre
par les divers pupitres de l’ensemble. C’est le fond contextuel
de la musique au temps de Campra tête d’affiche du disque.
D’origine
italienne, André Campra est né à Aix 1660 et mort à Versailles en
1744, après une vie bien remplie : il occupe diverses charges,
dont celle de maître de musique de Notre-Dame de Paris et de maître
de chapelle du prince de Conti. Auteur d’opéras à succès et de
musique religieuse, il est un maillon essentiel entre Lully et Rameau
et un trait d’union entre la musique française et italienne. Les
morceaux présentés ici, tirés de son opéra comme Le
Carnaval de Venise
(récemment donné à la télé) ou de cantates dramatiques profanes
(L’Heureux
jaloux, Didon)
ou religieuses (Joseph) qui sont des opéras en réduction, a permis
ce florilège. Il nous offre donc les figures, les faces, parfois les
doubles faces, les visages, les rivages et les virages de
l’amour, ses
ravages, ses rives et dérives
: une promenade amoureuse à travers les sentiers fleuris d’un
jardin à la française bien peigné, même s’il affecte parfois le
doux désordre faussement pastoral et tendrement bucolique, semé de
roses mais aussi d’épines, avec ses déchirements passionnels et
jaloux, la fuite et l’abandon, ses rêves impossibles, sa douceur
fraternelle et même ses élans mystiques, comme une compensation à
l’impossibilité des amours humaines ivres d’absolu.
À
Monique
Zanetti,
délicate voix, où nichent des gazouillis d'oiseau,
sont confiés ces airs tendres ou tendrement âpres : sur le ruban
lisse et soyeux de la tenue de la voix, elle tresse et trousse les
fanfreluches, enrubanne les jolis nœuds de trilles ailés. Mais elle
exprime aussi le drame que la douceur de sa voix rend encore plus
aigu.
Mais on peut en apprécier le dramatisme dans la rubrique « Amour jalousie » (plage 10), mettant en
jeu un amant blessé par une ingrate beauté, affect exprimé par un
rythme expressif saccadé, suffoquant.
Certes,
au Grand Siècle et au tournant du XVIIIe
siècle libertin, la rhétorique amoureuse exprime dans l’élégance
souriante le beau visage de l’amour. Mais le noir côté de la
passion et ses déchirements, la cruauté de l’abandon, s’y
expriment aussi avec une violence que nulle galanterie ne peut
farder. Ainsi,
la tragique figure de Didon. Tirée de l’Éneide
de Virgile, la légendaire et belle reine de Carthage, suicidée par
amour après l’abandon d’Énée qu’elle avait recueilli après
la destruction de Troie, est presque un passage obligé de l’époque,
qui a donné lieu à d’innombrables opéras en Europe et à une
infinité d’airs, de cantates. Didon ne pouvait manquer en France
d’avoir un écho concret avec les grâces et disgrâces successives
des favorites de Louis XIV et Louis XV. Favorites qui étaient toutes
loin de mourir d’amour comme la Lavallière recluse en un couvent. Mais l’exil de la
favorite, sa chute après son ascension glorieuse, la condamnait
aussi à une mort sociale. On comprend alors dans cette cantate de l'antique Didon (plage 20), l'actualité que pouvaient avoir ses intemporelles imprécations, appelant les vents à contrarier la fuite d’Énée
sur ses vaisseaux, noblesse déchirée des récitatifs, très longs, expliquant l’action et concision cruelle de l’air, très
court, qui exprime l'affect, le désespoir furieux de Didon en volées de vocalises tempétueuses voyant
voler sur les flots les vaisseaux de son amant infidèle (plage 23)
Mais
ce disque alterne, avec le chant, de belles plages instrumentales,
d’une grande fraîcheur, avec le pépiement d’oiseau des flûtes
désinvoltes et joyeuses de Sabine
Weill sur
les traits langoureux
de
la viole de gambe dorée de Sylvie
Moquet,
sur la ponctuation d’argent, le scintillement lumineux du clavecin
de Brigitte
Tramier.
La flûte affûte presse et tresse ses guirlandes autour de la tige
tutrice de la voix humaine de la viole tandis que le clavecin
mousseux, bouillonne, fredonne. La musique est presque visuelle et
l’on devine souvent les pas des danseurs au son élégamment
rustique des musettes sur un bourdon de viole tel un fredonnement de
bourdon voletant, faussement sombre, gourmand de miel musical
rafraîchi par l’onde fraîche du clavecin, clair ruisseau de
certaines vignettes bucoliques. Mais ici, un extrait du Carnaval
de Venise,
c’est un sombre moment de l’intermède des esprits follets de
l’Orfeo (plage 13), en italien comme il convient, chantant le désespoir d'Eurydice, dans les enfers, croyant ses appas méprisés par un Orphée qui lui refuse ses regards sur l'interdit fatal du dieu qu'elle ignore, humain sentiment de femme, d'épouse, mais coquetterie mondaine qui causera sa perte irrémédiable et l'impossibilité pour le demi-dieu de la musique de la ramener au monde des vivants.
Éternelle variété et variations de l'amour, intermittences du cœur exprimées dans la permanence élégante et sensible de ce CD où règnent les dames.
Après Aix exaltée par Campra dans le disque des Festes d'Orphée Les Muses rassemblées par l'Amour dont figurent ici quelques extraits, nous avons, par ces artistes aixoises et ce label voisin, Campra exalté par Aix.
Les
Figures
de l’amour/André Campra.
On
le doit à l’ensemble baroque
Parnassie du marais.
La riche production discographique de Parnassie du marais dans le site : parnassie.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire