L’HEURE DU THÉ
Récital des solistes du CNIPAL
Opéra de Marseille
Février 2010
Trois par trois, le CNIPAL nous présente mois après mois ses solistes stagiaires. Cette fois-ci, deux nouveaux qui semblaient parrainés par le sourire de Bénédicte Roussenq, déjà présente l’année dernière et bien appréciée ici, dans un programme allemand, du lied à l’opéra.
Bénédicte, belle voix de grand soprano, on le répète, longue tessiture, timbre chaleureux, médium corsé, aigus éclatants sans perdre d’une couleur dorée somptueuse, fait de sensibles progrès et on la voit, de récital en récital, explorer un vaste répertoire convenant à ses moyens vocaux et à son tempérament dramatique. Après un lied de Brahms partagé en couplets avec ses camarades, on la devine impatiente de se lancer dans le grand air d’Agathe du Freischütz de Weber, dont elle fait vivre le récit en détails et replis, mais avec un certain manque d’onctuosité dans la douceur; ses aigus sont insolents d’aisance dans l’aria, cependant, la voix manque de légèreté dans les passages rapides, conséquence peut-être des forte trop généreux. On devine son avidité à se mesurer aux Wagner « blonds » et « le rêve d’Elsa » de Löhengrin avec sa progression vers l’héroïsme lui convient assez bien, mais dans l’air de Mariette de Die tote Stadt de Korngold, tout en demi-teintes et mezzo forte, il y a une plénitude ronde du timbre, une maîtrise des nuances, un art d’amener les aigus, de toute beauté. On souhaite que cette belle artiste n’abandonne pas Mozart, la santé de la voix, surtout pour les grandes et, peut-être lui conseillerait-on amicalement de ne pas trop montrer la composition de ses rôles et de cacher l’art par l’art.
À ses côtés, Céline Laly, a un soprano léger d’une beauté diverse : elle a une présence d’un indéniable charme souriant, et sa voix est assortie à sa personne élégante sans maniérisme. La voix est souple, aisée, aérienne, et le timbre, lumineux, raffiné, doté d’un vibrato serré, très agréable, joli effet perlé, dans le médium et le mezzo forte, mais qui tend à une certaine stridence dans le forte de l’aigu, ce qui devrait sans doute s’adoucir en homogénéisant les registres. Les emplois ici choisis pour elle, tant les lieder de Brahms, notamment le second, À travers le givre en adéquation avec la transparence cristalline de sa voix, la servent bien et elle les sert bien : sa douceur naturelle et son timbre ravissant lui permettent de colorer poétiquement l’air humoristique d’Ännchen du Freischütz et, surtout celui du marchand de sable d’Hänsel und Gretel, alors que le Je ne t’aime pas de Weill, écrit pour Lys Gauty, chanteuse de music-hall, réaliste, semble moins convenir au charme un peu irréel de son timbre.
Joliment entouré par ces belles dames dans une même robe pour rendre les symétrie/dissymétrie plus charmantes, le baryton Philippe-Nicolas Martin, se produisait aussi pour la première fois. Sous la fougue et l’engagement du jeune chanteur, très passionné, doté d’une voix égale en volume, sans doute percevait-on une compréhensible anxiété qui expliquait peut-être que, dans les quatre lieder de Brahms, il privilégiait le son au détriment de la couleur, de la nuance, revenant à ses rassurantes notes forte ou mezzo forte. Dans Immer leiser wird mein schlummer… (Cinq lieder, opus 105), traduit, de façon involontairement humoristique dans le programme par « Mon sommeil se fait de plus en plus silencieux » (faut-il entendre que le narrateur ronfle de moins en moins ?) au lieu de mon « Mon sommeil devient de plus en plus léger », leise, étant un terme courant dans les partitions allemandes pour dire, ‘doux’, ‘léger’, le tempo adopté est un peu rapide pour le propos du texte, évanescent comme le voile et le rêve dont il est question. Même passion, sans doute à contrôler pour préserver le timbre, dans son interprétation de l’Arlequin d’Ariadne auf Naxos de Richard Strauss, de la part de ce chanteur qu’il faudra réentendre pour mieux en cerner les qualités.
Pour clore ce récital, les trois interprètes se partagèrent avec un bonheur communicatif le tango-habanera déchirant de Kurt Weil, Youkali, la fin des utopies. Au piano, Marion Liotard fit montre d’un contagieux plaisir de jouer, certes à la fête pianistique avec Brahms.
Photos :
1. Bénédicte Roussenq ;
2. Philippe-Nicolas Martin ;
3. Céline Lally.
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