TRAFALGAR
NELSON
Comédie de Jean Robert-Charlier
Opéra de Marseille,
4 novembre 2015
Il y a , certes, un
sujet : comment, pour complaire à une fille écolo et férue d’utilité
sociale, désireuse de partir en mission humanitaire pour l’Afrique avec une vertueuse
famille verte, végétalienne, obtient de la sienne, carnivore et carnassière, à
l’image de la mère avocate avide d’argent, de pouvoir et de fourrure, de
l’inviter et de jouer pour un soir, le temps d’un repas, les végétariens, pour
caresser ces bonnes gens dans le sens, sinon du gazon, du poil animal, qu’ils
défendent bien sûr.
On concédera, au
comique de situation, un comique verbal de répétition bien mis en scène et
rythme (Jean-Pierre
Dravel, Olivier
Mace), et quelques
tirades (celle du mari vert) bien venues. Cela ne vole pas bien haut, c’est au
ras des pâquerettes, d’agriculture écolo ou OGM, c’est une moisson, un tissu de
clichés éculés de la beaufitude bourge ringarde par ailleurs d’un autre
temps : peur des bolcheviques, des gauchistes qui n’existent plus et, en
outre, une outrancière satire des défenseurs écolo de la planète et de la cause
animale. On passerait même à la rigueur sur la platitude de cette montagne
d’énormités réactionnaires au bénéfice du rire, même jaune.
Mais là où le bât (de l’âne) blesse, c’est
l’actrice principale, Chantal Ladesou,
pour laquelle cette comédie sans grande finesse semble avoir été taillée sur
pièce, à sa mesure ou démesure, hélas ! qui, alors que tous les acteurs
parlent normalement, à part la mère verte dans des scènes d’hystérie en
situation, s’invente une diction artificielle, une bouillie, un mâchouillis, de
mots incompréhensibles : elle râle, rage, rugit, graille, grimace, grogne,
grommelle, grasseye : c’est gras et gros, grossier. Comme les gens s’esclaffent,
souvent avant même qu’elle ait ouvert la bouche, on en conclut qu’ils rient du
ton et non de la chanson.
On devine des références comiques derrière
cette laborieuse diction lourdement fabriquée, les dérapages vocaux contrôlés
de Jacqueline Maillan, les grimaces géniales de de Funès, mais c’est outré et
outrageant pour ces grands acteurs dont nous n’avons ici que la caricature de
la caricature : la caricature au carré.
L’Amiral Nelson fut le vainqueur de la bataille
navale de Trafalgar contre Napoléon alors allié aux Espagnols, il y perdit la
vie. Mais cette pièce, ainsi traitée, maltraitée, c’est la défaite même du délire. Ce n’est
même pas du théâtre de Boulevard, mais du Boulevard du Crime du texte assassiné. Quant
au pauvre lapin, qui donne son nom à la pièce, mêlé et malmené dans l’affaire,
qu’allait-il faire dans cette galère ?
Nelson, de Jean
Robert-Charlier.
Opéra
de Marseille
4
novembre
Mise en scène : Jean-Pierre Dravel, Olivier Mace.
Distribution : Chantal Ladesou, Armelle, Eric Laugerias, Thierry
Samitier, Clémence Ansault, Simon Jeannin, Simon Larvaron.
OPÉRA DE TOULON
6 décembre, 17h00
Tél.: 04 94 92 70 78
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