Enregistrement 3/3/2014, passage, semaine du
31/4/2014
RADIO DIALOGUE
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE DE
BENITO » N° 122
Lundi : 10h45 et 17h45 ; samedi : 12h45
N. B. : JE CONTINUE À METTRE EN LIGNE LÉS ÉMISSIONS DIFFUSÉES PENDANT MON LONG VOYAGE. LES EXTRAITS MUSICAUX PEUVENT SE TROUVER EN LIGNE.
Requiem K. 626,
Clarinet Concerto K. 622 par le Chœur de Chambre de Namur et le New Century
Baroque Orchestra, sous la direction de
Leonardo García Alarcón, label Ambronay
Un Requiem est une
« messe des morts », une prière de l’église pour le repos de l’âme
des morts. Elle chante donc le deuil ici-bas de ceux qui restent mais qui
espèrent là-haut, ailleurs, la paix pour ceux qui s’en vont, qui meurent.
Ambiguïté fondamentale : ombre et lumière, deuil et larmes et
espoir ; perte et résurrection.
Genèse de
l’œuvre : légende et réalités
Celui que Mozart commence
et n’achève pas, interrompu par sa propre mort à la fin de l’année 1791, a
frappé romantiquement et romanesquement les esprits par cette
circonstance : comme si le compositeur avait pressenti sa propre mort, et
chanté ses propres funérailles, chant interrompu par sa disparition prématurée.
Des légendes se sont formées, fondées sur les conditions qui présidèrent à
l’éclosion de cette œuvre.
Durant son dernier été,
par un étrange émissaire, un homme mystérieux de noir vêtu, dit-on, Mozart
reçoit la commande d’un Requiem
que le comte Walsegg-Stuppach (1763-1827), mélomane et franc-maçon, désirait
faire exécuter à la mémoire de son épouse, morte en février. Mozart traîne à
l’exécution comme saisi, rêve-t-on aussi poétiquement, d’un pressentiment que
la conclusion de cette messe des morts serait aussi le point final de sa
vie : après quelques ébauches, il n’y revient qu’à la mi-septembre, mais
jamais de façon continue, comme le fil pointillé d’une vie qui s’achève ;
il s’y penche encore le 20 novembre, interrompu par la maladie qui l’emporte le
5 décembre, laissant donc son Requiem très inachevé.
Voilà donc la partie
romanesque, certes émouvante, sur la genèse d’une œuvre finale inachevée,
tronquée comme la vie de ce génie né en 1756 et mort en 1791, à 35 ans. Or, si
Mozart, après deux années noires en 1789 et 1790, est emporté par une maladie
foudroyante à la fin de 1791, cette ombre que nous projetons rétrospectivement
sur son ultime année de vie, est loin d’être marquée par la maladie, la mort,
elle rayonne au contraire de vitalité, de créativité : pour son ami
virtuose Anton Stadler il a écrit le lumineux Concerto pour clarinette de basset. Il a reçu deux commandes très importantes
qu’il mène de front dans l’urgence, celle d’un opéra seria pour célébrer le
couronnement de l’empereur Léopold II
comme roi de Bohème, La Clemenza di Tito (KV 621, crée le 6 septembre 1791 à Prague), au
succès très mitigé, et celle de Die Zauberflöte, ‘La Flûte enchantée’ (KV 620, 30 septembre
1791), qui sera un succès éclatant. Il a par ailleurs composé une cantate
maçonnique, son véritable point final de son œuvre (Laut verkünde unsre
Freude KV 623, 15 novembre
1791).
Mais il meurt et laisse
son Requiem inachevé. Pour n’être
pas contrainte de rembourser l’argent avancé pour la commande, sa femme
Constance fait appel à divers élèves de Mozart pour l’achever à partir des
morceaux déjà composés par son mari, confiant l’essentiel à Franz Xaver
Süssmayr, que le compositeur avait
lui-même employé comme collaborateur pour sa Clémence de Titus écrite dans la hâte.
En sorte que, à
l’exception de l’Incipit
et du Kyrie, totalement de la
main de Mozart, Süssmayr a complété le reste à partir des ébauches du maître.
Ainsi ce que l’on entend en général sous le nom de Requiem de Mozart, n’est de lui qu’en partie, complété par
son élève (Sanctus, Benedictus, Agnus Dei) et corrigé par d’autres.
Version de Leonardo García Alarcón
Un très beau disque
Ambronay, Requiem K. 626, Clarinet Concerto K. 622 par le
Chœur de Chambre de Namur et le New Century Baroque Orchestra, sous la direction
de
Leonardo García Alarcón, avec en solistes vocaux Lucy Hall, soprano, Angélique Noldus, mezzo-soprano, Hui Jin, ténor, Josef Wagner, baryton-basse, revient à la vérité historique et
mozartienne et nous restitue le Requiem, du moins, ce qu’il en reste d’authentiquement signé de la main de
Mozart. En voici un extrait, le Kyrie eleison, ‘Seigneur, aie pitié’ :
Nous apprécions, dans
cette direction d’un chef plié à la musique baroque, la vivacité, la vitalité
qu’il donne à cette partition, la libérant de tout pathos, de toute lourdeur
romantique. Il en privilégie la lumière, l’espoir, estompant, peut-être à
l’excès, les ombres, les voiles funèbres du deuil. Mais on est emporté, parfois
transporté par la fougue et l’éclat que sa direction dynamique mais précise
donne au New Century Baroque
Orchestra dont il exalte les
couleurs, et les effets dramatiques, au sens théâtral sinon sépulcral du terme,
qu’il tire du Chœur de Chambre de Namur et des solistes, très engagés, très vivants : théâtre de la vie et
non rideau final de la mort.
« Qui voudrait ajouter
des bras à la Vénus de Milo ? », proclame le chef argentin Alarcón pour
justifier son option d’enregistrement sans les ajouts des élèves de Mozart,
mais pourquoi pas si on les retrouvait ? On pourrait cependant le chicaner
et le prendre à son propre jeu : certes, il élague les végétations, les
excroissances, mêmes belles, dont la bonne volonté de Süssmayr, qui n’est pas
sans mérites, a complété l’œuvre tronquée du maître. Mais lui-même, de son
propre aveu, s’autorise toutes les libertés puisqu’il s’arroge le droit de
compléter quelques parties instrumentales que
Mozart a laissé inachevées comme celles des trombones dans le « Domine,
Jesu Christe » et dans les trompettes du « Dies Irae », ‘jour de
colère’ du Jugement dernier. Mais cela est fait avec beaucoup de sûreté
musicologique et, au-delà de ces « bras » instrumentaux collés,
contradictoirement à son propos, à l’œuvre mutilée ou inachevée, il y a une
vérité artistique du résultat.
Et, finalement, ce n’est pas la théorie, c’est
le résultat qui compte et justifie l’entreprise et l’on peut l’applaudir sans
réserves pour la volupté de l’audition.
Le
Requiem étant
forcément réduit, amputé de ses habituels éléments allogènes, ce disque est
magnifiquement complété par le
célèbre Concerto (K. 622) dit
pour clarinette destiné et dédié à son ami Anton Stadler en cette même année de 1791. En réalité,
il s’agissait d’une clarinette de basset, instrument baroque aujourd’hui
disparu, mais, pour ce disque, Benjamin Dietjens le joue sur une clarinette de basset
réalisée spécialement pour l'enregistrement d'après une gravure de l'instrument
de Stadler lui-même.
Si ce Requiem
semple plus chanter la
vie que déplorer la mort, la grâce mélancolique de ce concerto, même dans sa
joie, semble parfois un certain sourire mouillé de larmes. Nous nous quittons
sur son deuxième mouvement, un merveilleux adagio, que l’on invite à écouter et
réécouter.
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