BIZET ÉTAIT UNE FEMME
Duo Cathy Heiting/Jonathan Soucasse
Théâtre de Lenche
26 septembre
L’Opéra n’avait pas encore ouvert sa saison avec Carmen de Bizet, sacrée et consacrée bonne femme enfantée
par les hommes, Mérimée, avec cet étrange e féminin de son nom masculin, puis
Bizet, qui mérite plus d’une bizette, non pour sa binette avec binoclettes,
mais pour sa musiquette qui est de la grande, de la belle musique pour la
belle. Le théâtre de Lenche lui brûlait la politesse, avec la complicité d’un
duo à hue et à dia brûlant les planches, nous tirant le fameux opéra-comique
vers un comique-opéra très opérant sur un public opéré, dopé aux endorphines de
l’hilarité par la célérité des deux faisant un pour le bonheur de tous.
Katia von Bretzel, Cathy Heiting pour les fans, accompagnée de son pianiste suédois
Ingmar Brutesohn, Jonathan Joucasse
pour les happy few d’un théâtre heureusement plein, diva divagante, tango
tangante, extravagante, extravertie, extraVerdi, extraparcellisée entre
Purcell, Puccini, Massenet, Bizet, baisers de boléro, flamenco flamboyant et
jazz jasant, nous ont promenés sur les sommets de là (la naturel) aux là-bas
profonds du grave de la mezzo soprano qui n’est pas une chanteuse mezzo mezzo
mais à plein, à pleins moyens vocaux et scéniques. Mais pourquoi le micro avec
une voix macro ?
Elle passe et revient au baroque Purcell avec style, dondonnante
Didon, non sans émotion (mais pourquoi escamoter le « me » de
« remember » ? Voyelle trop fermée pour sa généreuse
voix ?), jouant de son physique avantageux, roulant les yeux, foudroyant
ou couvant du regard le pianiste chevelu, qui se lance et divague sur les
vagues d’un romantisme jazzy avec des variations vertigineuses et virtuoses
ravissant l’auditoire. Elle « flamenquise » avec ardeur, « skate »
avec bonheur, passe avec une vraie émotion à l’air bouleversant « Ah,
laisse couler mes larmes ! » de la Charlotte de Massenet, se donne le
luxe du tragique « Stride la vampa… » du bûcher d’Azucena du Trovatore de Verdi. Et tout cela dans un délire qui laisse
tout de même lire, sous le comique de l’absurde, le sérieux de l’amour du
chant.
À peine quelques mouvements, quelques gags visuels réglés habilement
par André Lévêque et des lumières
de Julien Sayegh et voilà un
grand petit spectacle qui, sans se prendre sérieux, opéra sérieusement et
joyeusement quand tant d’autres œuvrent sérieusement des œuvres dérisoires.
Photo G. Fabre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire