Il dolce tormento
par Éliane Tondut, voix,
José dos Santos, guitare
Léda atomica, 17 décembre 2010
Connue comme talentueuse décoratrice et costumière de théâtre, Éliane Tondut, commence à être reconnue comme une chanteuse pleine de talent et de curiosité. Élargissant son répertoire, elle nous promène aujourd’hui, en plusieurs langues bien maîtrisées, de la musique du premier baroque du début du XVII e siècle à des chants de la tradition sépharade, avec des incursions dans le fado et des pointes brésiliennes.
La voix est bien timbrée, charnue, grave corsé, aigu facile ; bien conduite, elle lui permet de fines nuances de dynamique et de couleur et des sons bien finis.
Elle commence et finira son récital, avec un sensible sens poétique, par de belles mélodies sépharades, au charme pénétrant et nostalgique de cette langue castillane ancienne (sinon musique) amoureusement conservée par les Juifs expulsés d’Espagne (leur Sépharad) en 1492. Trésor immémorial parmi lequel on a même pu retrouver, en plein XX e siècle, de beaux romances (poèmes narratifs octosyllabiques assonancés régulièrement au vers pairs) qui s’étaient perdus dans la Péninsule, romance au masculin qu’une méconnaissance linguistique répercutée à tort même dans des disques, confond avec une romance. On écoute avec bonheur, après la délicate La rosa enfloreze…, le célèbre et mélancolique Adío, querida… que certains rêveraient source de l’« Adio del passato », de Traviata, pourtant bien probablement postérieur. Ce qui est plus touchant, c’est que cet « Adío » sépharade omet le s du correct « adiós » espagnol car les Juifs d’Espagne le sentaient comme un pluriel, abominable pour leur strict monothéisme.
Entre cela, Éliane nous aura gratifiés du ravissant « Se dolce è il tormento… » des Scherzi musicale de Monteverdi avec des diminutions très délicates aux reprises strophiques, puis de l’ensorcelante berceuse d’Arnalta de l’Incoronazione di Poppea. Caccini, contemporain de ce dernier, est tout aussi bien servi avec « Tu che le penne, Amore… ». Autre type de chant baroque plus tardif, plus formel et plus virtuose, l’aria Mentre io godo in dolce oblio d’Alessandro Scarlatti permet à la chanteuse de faire montre d’une belle agilité dans les vocalises et au guitariste de créer un halo harmonique séduisant à la voix.
Portugal, Brésil, autres voyages musicaux où nous aurons suivi avec plaisir les deux interprètes car on ne saurait oublier la guitare présente et si ductile de José dos Santos qui a réalisé brillamment les accompagnements de ces mélodies si diverses: broderies remarquables dans les airs baroques, fantaisies personnelles dans les autres. Un pur moment de passion et de plaisir.
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