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Les liaisons dangereuses
Lettres en musique, Anne-Marie Dragosits,
Clavecin Kroll 1770
Label Encelade
Voici un disque comme on les aime, combinant, avec un grand raffinement, les arts n’ayant pas de frontière, musique et littérature, musique de clavecin du XVIIIe siècle, avec un clavecin du facteur lyonnais Christian Kroll, de 1770, contemporain des musiques interprétées et de ce chef-d’œuvre, Les Liaisons dangereuses, (1782), roman sulfureux par lettres.
Anne‑Marie Dragosits propose un parcours musical articulé autour de la passion et du duel psychologique entre Valmont et la Marquise de Merteuil, les héros principaux du roman, manipulateurs pervers des autres. Elle extrait des pièces du répertoire français pour clavecin de compositeurs connus, Balbastre, Couperin, Forqueray, et de moins connus Barrière, Février, de Mars, du Bury, Fiocco, Royer, Moyreau, pour mettre en vibration les affects baroques qu’exprime cette musique avec la tonalité émotionnelle des extraits de vingt lettres qu’elle a choisis, avec un penchant compréhensible pour celles des personnages féminins.
Tout comme notre local Marquis de Sade, qui a laissé un adjectif dans le monde de la psychanalyse, et même la culture populaire, sadique, qui, malgré une jeunesse turbulente, n’eut guère le loisir de vivre les vices et sévices qu’il imagine avec vingt-sept ans de prison sur ses soixante-quatorze années de vie, terne officier artilleur dans de tristes casernes provinciales, Choderlos de Laclos (1743-1806), époux fidèle et père aimant, se rêva peut-être libertin comme ses héros, mais sans le vivre.
Son roman épistolaire, Les Liaisons dangereuses, (1782) est un monument de perversité libertine, et une peinture d’une société aristocratique décadente, parasite, rongée d’inutilité, sans doute d’ennui, dont certains membres, faisant du mal une esthétique, sous le masque mondain de l’éthique religieuse, semblent n’avoir d’autre plaisir qu’à faire le mal, le malheur des autres, par des intrigues machiavéliques raffinées, d’une malignité secrète, même pas au service d’une éclatante et grande ambition dans le monde, mais pour assouvir de petits intérêts personnels, désir et vengeance, des sentiments inavouables de l’ombre.
Voici comment, à travers une pièce de Claude Balbastre, Anne-Marie Dragosits, nous peint la marche fière et menaçante de la Marquise de Merteuil, noire araignée tissant sa toile :
1) PLAGE 1
Voici, avec Couperin, son alter ego en manigance, Valmont, papillon séduisant mais dangereux, courant au vertige :
2) PLAGE 5
Le roman est le duo pervers de deux nobles manipulateurs, roués, libertins, l’un, ce Vicomte de Valmont, séduisant et abandonnant ouvertement les femmes, faisant triomphe du scandale, l’autre, son pendant féminin, la Marquise de Merteuil, obligée, par sa condition de femme, au masque social de la moralité, agissant par force dans l’ombre, et forçant au silence ses amants en les tenant par un subtil système de chantage où ils auraient plus à perdre s’ils voulaient la perdre en révélant au public ses secrètes amours. Elle avoue à Valmont être « née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre ».
Se donnant les mêmes droits que les hommes, mais en secret, elle prend, et abandonne ses amants quand elle le veut. Or, il y en a un qui lui a fait l’affront de la quitter le premier, pour se marier à sa jeune cousine, l’innocente Cécile de Volanges, tout juste sortie du couvent.
Pour se venger de l’infidèle, la Marquise requiert le concours de Valmont, ancien amant qu’elle a quitté, qui rêve de la reconquérir, s’offrant comme prix s’il parvient à séduire et engrosser sa jeune cousine Cécile avant le mariage avec l’amant abandonneur.
C’est par Couperin que Dragosits nous peint l’ingénue Cécile victime du complot ourdi par le duo de libertins :
3) PLAGE 2
Valmont, pour lors, se distrayant à séduire la sage et fidèle Présidente de Tourvel, réussit tout de même à violer secrètement l’ingénue Cécile. Elle est promise en mariage à l’ancien amant, plus âgé, de la Marquise, mais elle est amoureuse du touchant et amoureux Danceny, son jeune professeur harpe, jeune couple aux amours sacrifiées par l’autorité parentale les vouant à d’autres unions que celle du cœur.
C’est encore Couperin qui sert à présenter le juvénile mais vaillant chevalier Danceny :
4) PLAGE 3
À l’occasion du loisir d’un séjour à la campagne où tout ce beau monde oisif se retrouve, dans le château de la tante de Valmont, celui-ci réussit à affoler et séduire la vertueuse et pieuse Présidente de Tourvel, qui ne devait pas être très heureuse dans son ménage avec un homme forcément plus âgé.
Elle est évoquée noblement par une pièce de Forqueray qui s’appelle La Couperin :
5) PLAGE 4
Fier de sa victoire, Valmont s’en vante imprudemment à sa complice Marquise, lui demandant de lui payer le prix promis, c’est-à-dire son retour en grâce auprès d’elle, contre son contrat rempli auprès de la jeune Cécile qu’il a dépravée. Mais la Merteuil soupçonne le libertin d’être tombé amoureux de sa proie, la douce Madame de Tourvel, et lui demande, lui impose une rupture, lui dicte une lettre cruelle qui, scandée par « Ce n’est pas ma faute » termine ainsi :
« Adieu, mon Ange, je t'ai prise avec plaisir, je te quitte sans regret.»
La malheureuse Madame de Tourvel en mourra après que Danceny aura tué Valmont en duel. Cécile retournera au couvent, et la Merteuil, démasquée, défigurée par la petite vérole s’enfuira on ne sait où. Les méchants sont punis, morale obligée de l'époque qui se veut hypocritement vertueuse. Mais les victimes le restent.
Nous quittons cet album dans une somptueuse présentation, un tableau sans doute de Boucher sur « Le noble ferraillement du clavecin » selon Wanda Landovska, qui traduit le duel :
6) PLAGE 16 : FIN
Émission N°816 de Benito Pelegrín 01/07/2025
https://www.rcf.fr/culture/la-culture-en-provence
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