Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

Ma photo
Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

lundi, juin 16, 2025

 

IL TROVATORE

Giuseppe Verdi,

Opéra de Marseille

10 juin 2025

Troubadour, non trouvère

L’Opéra de Marseille a terminé sa brillante saison du centenaire par le brillantissime Trovatore de Verdi que, par facilité phonique, on a improprement traduit en français par le Trouvère.

Le mot espagnol Trovador et l’italien Trovatore signifient en réalité ‘troubadour’ et non « trouvère : les trouvères étaient du nord de la France, héritiers tardifs des troubadours du sud. Les trouvères chantaient en langue d’oïl, qui a donné le « oui » en français, ce que les troubadours exprimaient en langue d’oc, le « oui » des idiomes occitans comme le provençal. Les troubadours étaient des nobles ce qui rend improbable que Manrico, le gitan supposé, le soit.

    Suivant fidèlement le drame romantique triomphal de l’espagnol Antonio García Gutiérrez, né la même année que Verdi (1813-1884), cet opéra en quatre actes fut créé tout aussi triomphalement à Rome, en 1853, sur un livret de Salvatore Cammarano (1801-1852), qui mourut un an avant la création. Le texte fut achevé par son collaborateur Emanuele Bardare, sans doute d’après la seconde version d’El trovador de 1851, complètement en vers, la première, en prose et vers datant de 1836. Verdi l’avait dévoré avec passion, en langue originale. Son admiration pour le dramaturge espagnol fut fidèle : d’une autre de ses pièces de 1843, Simon Boccanegra, encore une histoire d’enfant enlevé, il tirera un opéra en 1857.

Comme Il trovatore, qui semble définir sa nouvelle typologie de voix, moins légères que celles du bel canto précédent, cet opéra accentue aussi une charnière vocale dans son œuvre, puisque, renversant la hiérarchie des tessitures de l’opéra romantique qui place le ténor en tête, il avait anticipé avec Macbeth (1847) et Rigoletto (1851),  la dramatisation apportée par une voix sombre dans Simon Boccanegra, donnant aussi le premier rôle à un baryton entouré de voix graves, avec le couronnement cette fois comique du baryton dans Falstaff (1893), et si le rôle-titre d’Othello (1887) est un ténor, on sait qu’il voulait l’intituler Iago, du nom du cynique baryton.

L’œuvre : légende de sa fausse incompréhensibilité

         On se plaît à vanter autant la richesse mélodique de cette œuvre, la beauté de ses airs et de ses chœurs, qu’il est de bon ton d’en dénigrer l’histoire qu’on prétend rocambolesque à l’excès. Mais il est toujours plus facile de ricaner, d’ironiser sur le livret prétendument incompréhensible que de prendre la peine de le lire, sinon de consulter l’œuvre originale dont il est tiré, ce que j’ai fait.

Ce qui est incompréhensible, c’est qu’on imagine Verdi, homme au sens théâtral aigu, s’enthousiasmant pour une pièce incompréhensible. Attentif aux succès théâtraux de son temps, ayant appris le triomphe de ce drame à Madrid, il avait acheté même un dictionnaire d’espagnol pour en lire l’original. L’avisé compositeur ne prend ses sujets que dans des pièces à succès comme La Forza del destino (1862) tiré de La Fuerza del sino de l’espagnol Duque de Rivas, Rigoletto, adapté de Victor Hugo, Traviata, de la Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils et de Shakespeare pour Macbeth, Otello et Falstaff : il est donc absurde d’imaginer une erreur de jugement ou de goût dramatique dans le choix de cette pièce romantique, certes compliquée, mais guère plus que le théâtre goûté à cette époque-là. Donc, ce drame est sombre, mais il faut en éclaircir la fausse obscurité qu’on lui oppose.

Le Prologue est essentiel pour la compréhension de l’œuvre. Au lever du rideau, Ferrando, capitaine de la garde du Comte de Luna, dans le palais forteresse de l’Aljafería de Saragosse, narre à ses soldats un drame ancien : vingt ans auparavant, une gitane, surprise auprès du berceau du fils puîné du Comte de Luna père, prétendant en faire l’horoscope, accusée de l’avoir ensorcelé, est brûlée vive. Sa fille, pour venger sa mère, enlève le bambin et l’on retrouve les restes d’un enfant brûlé sur les lieux mêmes du supplice de la gitane, sa mère.

Dans le camp des gitans, vingt ans plus tard, lors de son récit halluciné, Azucena, la fille, obsédée par la scène de sa mère conduite au bûcher, laisse échapper que, dans son égarement de l’horreur du supplice, ivre de vengeance, elle a jeté son propre fils dans les flammes et non celui du Comte qu’elle avait enlevé, le destinant au sacrifice vengeur. Manrico, qu’elle appelle son fils, s’alarme, traversé du doute qu’il n’est pas son vrai fils mais la vieille gitane, le rassure. Cependant, à la fin de leur scène, elle lui reproche de n’avoir pas donné le coup de grâce, lors d’une bataille entre camps ennemis, au jeune Comte de Luna qu’il avait à sa merci et Manrico lui explique qu’il l’a épargné parce qu’une voix venue du ciel lui a soufflé : « Ne frappe pas ! » L’auditeur attentif comprend que c’est la voix inconsciente du sang, qui évite à Manrico, tout ignorant qu’il est de la parenté avec le Comte, et réciproquement, de devenir fratricide. 

Trio archétypal de l’opéra romantique : le trio primordial, le baryton empêcheur de tourner rond des amours du ténor avec la soprano. Pour corser le schéma, ce sont deux frères qui ignorent qu’ils le sont, rivaux amoureux de la même femme, ennemis politiques dans cette guerre civile qui déchire l’Aragon du XVe siècle. L’opéra escamote le conflit de classe entre les nobles et les gitans, qui commencent à arriver en Espagne à cette époque, par la Biscaye. Quant à Léonore, même en l’ignorant d’abord, éprise du fils d’une bohémienne, elle trahit sa classe et prend parti pour les rebelles.

Les simplifications du librettiste Cammarano, qui meurt d’ailleurs sans terminer le livret, obligées par la nécessaire condensation qu’exige la musique, réduisent de beaucoup la complexité psychologique et dramatique de l’œuvre originale. Par ailleurs, comme dans le théâtre classique et ses règles de bienséance, le librettiste confie à ces deux grands récits de Ferrando et d’Azucena les événements passés essentiels à la compréhension du drame présent qui déterminent l’action, le jeu et ses enjeux. Ajoutons les ellipses temporelles de faits passés en coulisses (la prise de Castellor, la défaite des rebelles, la capture de Manrico), dites en passant qui, dans la complexité du chant, rendent difficile en apparence la linéarité de l’intrigue. Dans la tradition baroque, le récit, le récitatif qui explicite la trame du drame sur un accompagnement minimal secco ou obligato, avec simplement un clavecin ou un minimum orchestral, permettait de suivre parfaitement l’action, traitée ensuite en ses effets et affects par les arias les plus complexes. Le problème, ici, c’est que Verdi, confie ces deux narrations essentielles, qui exposent le nœud de l’action, à des airs qui en rendent confuse l’intellection, ainsi compliqués de vocalises l’essentiel du récit de Ferrando en ouverture, orné d’appogiatures (notes d’appui) haletant, haché de soupirs (brefs silences entre les notes) tout frissonnant de quartolets (quatre notes par temps). Cette expressivité musicale extraordinaire joue contre le sémantisme ordinaire du récit d’exposition. Même plus simple, le récit d’Azucena est une longue allusion à un événement cauchemardesque.

Défauts du livret, donc, mais compliqués par un chant lyrique où librettiste et compositeur ont leur part mais que la musique sublime transcende largement et que les surtitres aujourd’hui permettent largement de dépasser pour peu qu’on y veuille prêter attention. On met au défi le spectateur de comprendre Rodogune de Corneille, Britannicus de Racine, s’il n’a pas compris les immenses tirades historiques érudites, précises ou allusives, bourrées de noms propres, du premier acte d’exposition. Bref, Il trovatore, contrairement aux sottes et rapides affirmations sempiternellement ressassées, n’est pas plus invraisemblable qu’Hernani de Victor Hugo où l’on voit Charles Quint rival en amour d’un hors-la-loi, ou Ruy Blas, le valet devenu ministre tout-puissant et amant de la reine d’Espagne et le liste serait longue des libertés prises avec la vérité historique sur la scène, comme le Don Carlos de Schiller repris aussi par Verdi au mépris de la réalité des faits. Mais la vraisemblance des situations n’est pas ce qui règle ce théâtre romantique. Pas plus que certaines de nos séries policières, dont on remarquera que le ressort essentiel en est pratiquement toujours aussi la vengeance.

Tout aussi difficile à concrétiser en opéra, la toile de fond historique précise, les guerres civiles dynastiques d’Aragon. Le drame El trovador, est précisément daté, il se déroule entre les années 1390 et 1412, sur vingt-deux-ans, ce qui donne vingt-deux ans à Manrico, second fils du vieux Comte de Luna, quelques mois de plus à l’héritier du titre.

Guerres civiles

         La première version du Trovador est créée à Madrid en 1836. Le triomphe est tel que, pour la première fois en Espagne, l’auteur, inconnu jusque-là, est appelé sur scène pour y être applaudi, ce qui nécessite de lui enlever son uniforme militaire et de lui passer une redingote, plus neutre, pour saluer le public. Antonio García Gutiérrez avait quitté sans permission son campement militaire cantonné loin de Madrid pour assister à la première de son œuvre. Le jeune auteur, un farouche républicain défenseur des libertés toute sa vie, vient juste de s’engager dans l’armée de la régente María Cristina qui, faute de mieux, s’appuyant sur les libéraux, s’oppose à Don Carlos, qui a déclenché la première des trois guerres carlistes (1833-1840), revendiquant le trône. Il était frère de l’horrible réactionnaire Ferdinand VII, qui avait rétabli en 1814 l’Inquisition abolie par Napoléon en 1808, puis par la régente en 1824. En mourant, le roi nomme pour héritière et reine sa fille de deux ans, Isabel II ; le non moins réactionnaire Infant Don Carlos, incarnation de « l’Espagne noire », conteste le testament au nom de la loi salique franque des Bourbon, qui interdit aux femmes le trône, qu’il revendique. L’Espagne laissait les femmes régner, Isabelle I de Castille l’ayant suffisamment prouvé qui, au prix aussi d’une âpre négociation, aux limites de la guerre, avec son époux Ferdinand, roi d’Aragon, obtient de rude lutte l’égalité absolue des deux, formalisée officiellement par la fière devise partout gravée :

                  Tanto monta, monta tanto/Isabel como Fernando,

                  ‘Elle monte, monte autant/ Isabelle que Ferdinand’

         Paix postérieure du ménage des Rois Catholiques presque béatifiés par le premier or des Amériques offert au pape Borgia espagnol.

Mise en scène

         On rend grâce à Louis Désiré de ne nous avoir pas peinturluré la couleur locale espagnole. Il semble voir l’Espagne au prisme du noir, des noirs variés du peintre Soulages. Aux Chorégies d’Orange de 2015, j’avais qualifié sa Carmen de « Nocturne goyesque » (déjà avec les éclairages de Patrick Méeüs), le Don Quichotte, 2024, à Marseille, était aussi dans la noirceur du deuil des rêves évanouis dans les décors et costumes cette fois de Diego Méndez Casariego et les mêmes lumières lumineusement éteintes de Patrick Méeüs. Encore à Marseille par la même équipe, en 2016, leur Traviata et, en 2018, Lohengrin, baignaient d’ombre ou du soleil noir de la mélancolie. Les Huguenots de 2023, dont nous retrouverons ici les agressives chaises acérées, ne pouvaient qu’être noirs par le sujet avec de solaires ouvertures d’un monde riant massacré.

Trois et quatre temps

         Sans couleur locale espagnole précise comme dans le boléro des Vêpres siciliennes et la « Chanson sarrasine » d’Éboli dans Don Carlo, ou le premier acte de La traviata dans lequel, en dehors du grand air de Violetta, la musique affecte des allures de danse hispanique autant sinon plus que de valse, mon oreille espagnole remarque la subtilité du compositeur, fasciné par l’Espagne : hors les personnages nobles comme Eleonora et le Comte, les autres, qu’on peut considérer « populaires », Ferrando, Azucena et même Manrico dans « Di quella pira… », chantent des airs à 3 temps, le rythme caractéristique de tout le folklore espagnol, apparentés même par leur ornementation agile en fin de phrase à des danses comme la séguedille si, pour les deux premiers, l’on accélère le rythme.

         Ombre donc et musique intemporelle pour l’épure des passions universelles d’un trio de personnages archétypaux et d’une gitane plus complexe entre haine et amour maternel, filant entre ses mains, comme une fatale Parque, le long fil rouge de l’intrigue, un châle rouge du feu du bûcher où périt sa mère, qu’elle serre au début comme l’enfant autrefois perdu promis au feu. Étranges capes blanches  des gitans comme un voile d’innocence sur leur noire réputation. Bleu nuit d’Eleonora entre l’ombre de la cape, et blanc de sa tenue de novice promise au couvent. Mais, à la l’exception près du manteau gris de Manrico, nécessaire distinction avec le manteau noir du Comte symétrique dans certaines scènes, la gamme essentielle est le noir comme les manteaux capes des hommes qui mettent en valeur des torses nus, des visages blafards et des mains blanches comme une fresque du Greco. Ou, plus tard, les chemises blanches des militaires coiffés de képis gris. Ce n’est que l’obscurité absolue de l’époque les nuits sans lune, que nous ne connaissons pas de nos jours, qui explique, comme dans tant d’autres œuvres situées autrefois, la méprise de l’héroïne entre ses deux prétendants dans la cour du château.

Château, cour, camp gitan, l’action se circonscrit dans un cirque angoissant de panneaux concaves comme des cuirasses d’acier à l’échelle d’une forteresse pour un combat de titans, dans un fond qui, reprenant la phrase de Baudelaire sur Goya, pourrait être « un cauchemar plein de choses inconnues ».

         C’est en effet un cauchemar que va narrer et mimer Ferrando, capitaine des gardes, tandis qu’au fond grouille une masse indécise de soldats dans le noir troué d’éclats contrastants, torses, visages, mains, des parties dénudée de leur corps. Au-devant, affrontés, deux hommes brutaux, deux fauves, abondante chevelure dénouée, dans un parallélisme et une presque gémellité déjà révélatrice de la fraternité secrète. Ils cèdent la place à la narration terrifiante du vieux soldat étrange, témoin du passé, concrétisée par l’insolite pyramide noire qu’il forme avec deux têtes étranglées de soldats entre des bras, supposées des deux enfants.

Les panneaux mobiles dessinent des espaces variables, intimiste comme la chambre d’Eleonora au fond coloré de tapisseries mudéjares ou la plus vaste entrée du couvent, et ouvrent ce champ clos oppressant d’une fenêtre sur des champs desséchés vite embrasées par la présence obsédante du feu, du bûcher.

Interprétation

Dans cet opéra, qui demande quatre grandes et belles voix, qui semblent imposer la nouvelle typologie verdienne alliant puissance et souplesse ornementale, les rôles secondaires, mais nécessaires, sont quelque peu sacrifiés, ce qui dit leur mérite à exister, même en courant comme le messager affolé dans la forteresse assiégée, Arnaud Hervé. Le baryton Norbert Dol offre au vieux gitan cette noblesse physique que les Espagnols prêtent toujours à la race supposée descendant fièrement de « Pharaon ». Digne d’un meilleur sort, le ténor Marc Larcher campe avec élégance vocale et physique un Ruiz qu’on désire entendre davantage.       

         Le géant Patrick Bolleire, même existant scéniquement par son gabarit, entre dans le récit acrobatique d’ornements de Ferrando et se tire des redoutables vocalises haletantes avec honneur.

Insolite pour cette ductile actrice, danseuse, chanteuse, que l’on voit et imagine toujours en nobles et luxueux atours, Laurence Janot est ici Iné(s), la confidente d’Eleonora, dame d’honneur de la reine d’Aragon ou, plutôt, et plus hispaniquement juste, sa duègne, qui prodigue en vain, d’une belle voix inquiète, des conseils de prudence à la dame folle d’amour. La duègne, vieille fille forcément, tante, sans dot pour le mariage ou le couvent, réduite à devenir la gardienne de la vertu de la nièce commise à ses soins, vêtue d’un habit monacal, était une institution en Espagne. Qui, sous la forme moins sévère du chaperon, durera longtemps dans les grandes familles.

Monde féminin, monde masculin

Le baryton roumain Șerban Vasile est un Comte de Luna dramatiquement exact. Moins charmeur dans son grand air, où il reconnaît lui-même « la tempête de son cœur » que seule Eleonora apaise, servi par un timbre sombre, il exhale plutôt une puissance, une violence, une âpreté de grand fauve féodal prêt à la conquête violente de la femme— qu’on verra plus tard dans Scarpia— qu’il veut même arracher à Dieu. Du palais de l’Aljafería de Saragosse, forteresse à l’extérieur, mais à l’intérieur délicate dentelle de pierre, il n’a que la façade défensive et offensive, qui passe dans la puissance brute de sa voix, sans le raffinement d’une époque où les aristocrates chrétiens, fascinés par la culture arabe, dont seule survivait l’inexpugnable encore Grenade, s’habillaient souvent à la mauresque et entretenaient des harems.

Loin de l’éthique courtoise troubadouresque de son temps qui sacralise la Dame, maîtresse du jeu d’amour, la femme objet est pour lui conquête, butin, repos sans doute du guerrier, qu’il ne cherche pas à mériter, à charmer avec le luth et des vers mélancoliques d’amour, comme Manrico, par ailleurs aussi héros du tournoi.

Celui-ci, le ténor roumain Teodor Ilincăi est un Manrico crédible dans les deux faces du rôle, amoureux et héroïque, à l’ample voix virile et tendre, qui fuse sans effort apparent, comme une évidence solaire. Le premier air d’Eleonora nous le peint comme triomphateur d’un tournoi, vaillant chevalier, mais chevalier servant, c’est-à-dire vassal d’amour en troubadour modèle, au service de la Dame qu’il vient secrètement chanter sous ses fenêtres dans la meilleure rhétorique courtoise. Cette violence ou héroïsme de fonction guerrière n’empêche pas la nature affective d’un amant courtois et d’un fils aimant envers Azucena qu’il courra sauver au péril de sa vie, qu’il laissera dans l’affaire, héros doublement vaincu par l’amour et les armes.

On salue la trouvaille scénique de nous éviter le chœur bohémien des enclumes, parenthèse trop divertissante dans le drame, par une danse dramatique en rond autour du corps de Manrico blessé ou mort, exorcisme ou magique conjuration sanitaire, qui explique sa sorte de résurrection. C’est un moment tout de même heureux pour le remarquable Chœur de l’Opéra de Marseille préparé par Florent Mayet, qui aura son revers nocturne et lugubre dans l’angoissant « Miserere ».

Mais, faute de faits d’armes déroulés en coulisse hors les affrontements avec le Comte, Manrico semble se mouvoir dans un monde féminin, quand il chante sa Dame, et lorsque les Bohémiens, rattachés au monde naturel par leurs bâtons comme armes (mais les forges d’acier ?)  chantent aussi, la femme, «la zingarella ».

Monde affectif fait pour le bonheur qui est l’opposé du monde noir qu’on dirait « masculiniste » —ou d’affectation viriliste— du Comte, toujours entouré de ses hommes avec force embrassades mâles mouvantes ou émouvantes, et grand renfort de tapes sur le dos, de secrets amoureux ou érotiques sans doute à l’oreille, ou à mi-voix, affirmation masculine sans risque dans l’esprit de meute de soudards. Plus qu’à la tête de soldats, le Comte semble le meneur d’une bande, qui appelle à mon esprit le « bando » espagnol médiéval, c’est-à-dire le clan qui n’exclut pas les intérêts et les dépendantes compromissions mafieuses.

L’objet du litige, c’est la femme, que j’ai rêvée parfois en République espagnole, disputée aux rouges légaux par les rebelles noirs du fascisme. Elle est incarnée en douceur par Angélique Boudeville, timbre riche, onctueux voix ronde, ample, facile, qui se déploie dans sa première scène sans peine, mais peine ensuite un peu dans les ensembles et gomme en force excessive les nuances de son air extatique et mélancolique de « D’amor, sull’alli, rose… » bien que le concluant sur sa dernière note par une superbe « messa di voce », filant le son piano et l’augmentant sans faille, sans cependant revenir au diminuendo.

            Mais la révélation de cette production est sans conteste l’Azucena d’Aude Extrémo, qui entre pour la première fois dans ce rôle moteur de l’intrigue comme si elle l’avait toujours habité, se jouant de la tessiture qui embrasse du la bémol grave de contralto aux aigus de soprano, voix large, égale, aisée, à la technique magistrale, mais portée par un sens dramatique et une présence scénique qui en font une incarnation de la gitane d’une évidence confondante.  

Dans la vivante fosse marseillaise, où il semble avoir trouvé un nid tout naturel dans un orchestre solidaire de l’Opéra de Marseille et un public marseillais qu’il a conquis, Michele Spotti, a une direction vibrante, ardente, fougueuse, chef par ailleurs rassurant aux chanteurs dans les ensembles par ses gestes précis, et c’est avec justice qu’il reçoit une ovation unanime du public qui conclut, avec cette dernière, la triomphale saison du centenaire de l’Opéra de Marseille.

Coproduction Opéra de Saint-Etienne / Opéra de Marseille

Mise en scène : Louis Désiré

Assistant à la mise en scène : Cyril Cosson

Décors et costumes : Diego Méndez-Casariego

Lumières : Patrick Méeüs

Assistante aux lumières : Nolwenn Annic.

 

Leonora : Angélique Boudeville

Azucena : Aude Extremo

Inez : Laurence Janot

Manrico : Teodor Ilincăi

Il conte di Luna : Șerban Vasile

Ferrando : Patrick Bolleire

Ruiz : Marc Larcher

Il messaggero : Arnaud Hervé

Un vecchio zingaro : Norbert Dol


Chœur de l’Opéra de Marseille

Chef de chœur : Florent Mayet

Orchestre de l’Opéra de Marseille

Direction musicale : Michele Spotti


Photos Christian Dresse :

1. Récit de Ferrando ;

2. Azucena évoquant le bûcher et gitans ;

3. Manrico, Eleonora ;

4. Soldats du Comte 

5. La duègne Inés ;

6. Comte et amis ;

7. Azucena identifiée par Ferrando.

samedi, mai 10, 2025

COLLOQUE HISTORIQUE

Nos ancêtres

...les Grecs

Colloque national d’histoire et d’archéologie
14 et 15 mai 2025 

 

Communiqué
de presse

L’ALCAZAR – BMVR 58 Cours Belsunce 13001 Marseille

MUSEE D’HISTOIRE Centre Bourse. 17 Cours Belsunce

A.C.C Art, Culture et Connaissance acc.marseille@free.fr

700 ans séparent Homère de Vercingétorix. 600 ans encore séparent Protis qui fonda Marseille, de César qui l'assiégea.

Alors, qui sont véritablement nos ancêtres ?

"C'est une métaphore" affirmait Elisabeth Badinter à propos de la formule célèbre d'Ernest Lavisse "Nos ancêtres les Gaulois". Chaque Français doit s'y reconnaître. Elle fait partie du roman national et de la part de légendes qu'il porte pour souder autour de lui une nation qui n’était jusque-là qu’un "agrégat inconstitué de peuples désunis" affirmait Mirabeau en 1789.

Alors ne sommes-nous donc pas tous avant eux, et avant tout, les enfants de Périclès, de Phidias, Platon et Aristote. Les enfants de la Grèce antique, fils et filles de Protis, et de Gyptis aussi bien sûr ?

C'est sur cette part de notre double identité, par Zeus, et par Toutatis dirait Astérix, en nous interrogeant aussi sur ce que les Gaulois ont pu acquérir des Grecs, que se pencheront dans l'antique fille de Phocée les intervenants de ce colloque "Nos ancêtres ...les Grecs" sans lesquels nous ne serions pas ce que nous sommes.

De brillantes études ont été faites depuis longtemps par des historiens, des archéologues ou des linguistes sur le thème de cette rencontre entre deux mondes, jusque-là étrangers l’un à l’autre, d’où émergea alors l’histoire de notre cité : celui de la Grèce antique et celui de la Gaule celtique. Le colloque « Marseille grecque et la Gaule », organisé en 1990 par le Centre Camille Julian de l’Université de Provence, avait rassemblé les études des meilleurs spécialistes et ses actes, publiés deux ans plus tard, constituent un ouvrage essentiel pour tous ceux que passionne notre histoire et ses origines.

En retrouvant aujourd’hui quelques-uns des meilleurs spécialistes actuels des traces, dans notre région et plus haut à travers la Gaule, de ce temps,

, nous espérons, avec la note de plaisir et d'humour que notre titre affiche, offrir au grand public de partager l'histoire très sérieuse de cette époque fondatrice de l'installation, au départ de Massalia, des Grecs et leur culture sur nos côtes et notre continent. Notre propos se voudra aussi pédagogique que possible pour concerner le plus grand nombre, les jeunes en particulier, leur rendant le monde qu’elle ouvre plus familier, suivant l’exemple de ceux qui participèrent à l’aventure du Gyptis, reconstitution de l’épave d’un bateau grec du sixième siècle avant J.-C. découverte à Marseille, entreprise par Patrice Pomey, du CNRS, et poursuivie par Pierre Poveda et Marie-Brigitte Carre, présidente de l’association Arkaeos, avec leur équipe. Et dans le domaine de la reconstitution historique et de l’histoire vivante nous n’oublierons pas les jeunes passionnés d’histoire antique qui font revivre à Marseille depuis quelques années la garde rapprochée

d’Alexandre le Grand : les Somathophylaques.

vers 600

avant J.-C., à

l’heure où naissaient Rome et Marseille et s’instaurait à Athènes la démocratie

Nos ancêtres ...les Grecs

Colloque à l’ALCAZAR et au MUSEE D’HISTOIRE 58 et 17 cours Belsunce 13001 Marseille Direction scientifique Jean-Noël Bret et Manuel Moliner Organisation A.C.C (Art, Culture et Connaissance) Demande de dossier pour la presse : acc.marseill@free.fr

10h

10h 30

11h 15

12h

12h 45 14h 45

15h 30

16h 15

17h 17h 45

A la mémoire de Patrice Pomey et Henri Tréziny

PROGRAMME

Mercredi 14 mai 2025

Jean-Marc COPPOLA, adjoint à la Culture de la Ville de Marseille (sous réserve)

Jean-Noël BRET, président de l’association A.C.C Manuel MOLINER, archéologue de la Ville de Marseille

ingénieur de recherche CNRS, archéologue sous-marin, spécialiste de l’architecture navale antique.
Des bateaux grecs à Marseille : les navires de Protis

professeur émérite à l’université d’Aix-Marseille, philologue, spécialiste de la culture et la poésie antiques. Membre de l’Académie de Marseille. Hellènes de Massalia et Celtes d’alentour : des relations complexes

archéologue de la Ville de Martigues, conservateur en chef du Patrimoine spécialiste en archéologie protohistorique.
A l'origine de Marseille grecque : l'oppidum celtique de Saint-Blaise. Histoire et détours d'une découverte

assistant de conservation au musée d’Histoire de Marseille, spécialiste de l’activité du port antique.
Le limen kleistos (port fermé) du Lacydon, le plus ancien port de la Gaule

ingénieur chargé de recherche Inrap, archéologue spécialiste de la ville antique.
La carrière de calcaire de la Corderie : la pierre qui bâtit Massalia ?

archéologue de la Ville de Marseille, responsable du dépôt archéologique municipal. Correspondant de l’Académie de Marseille.
La ville grecque et ses nécropoles

archéologue de la Ville de Marseille.

Le banquet massaliète

Ouverture Introduction

Pierre POVEDA

Didier PRALON

Jean CHAUSSERIE-LAPREE

Pause déjeuner

Xavier CORRÉ

Philippe MELLINAND

Manuel MOLINER

Lucien-François GANTES Discussion

9h 30 10h

10h 45

11h 30

12h 15 14h 15

15h

15h 45

16h 30 17h 15

17h 45

Fabrice DENISE Sylvain BORZILLO

Muriel GARSSON

Coline RUIZ DARASSE

Pause déjeuner

Michel BATS

Luc LONG

Bastien DUBUIS

François HERBAUX Rafael VEREECKEN

directeur du musée d’Histoire de Marseille

Accueil et présentation du musée d’Histoire

conservateur du cabinet des Monnaies et Médailles de Marseille.

Les modèles grecs de la monnaie gauloise et leur diffusion depuis les ateliers de frappe massaliètes

conservateur du Patrimoine, directrice du musée d'archéologie méditerranéenne de Marseille, chercheur associé au CNRS.
Le Trésor des Marseillais à Delphes. Architecture, iconographie et polychromie, une proposition de reconstitution

chargée de recherche au CNRS, l’Institut Ausonius, Université - Montaigne, spécialiste des langues d’attestation fragmentaire, tel le gaulois.
Quand les Gaulois écrivaient avec l’alphabet grec. Langue et écriture dans les Bouches-du-Rhône aux IIe-Ier s. av. J.-C.

REPRISE A L’ALCAZAR

archéologue, directeur de recherche honoraire au CNRS, spécialiste de civilisation grecque et colonisation phocéenne en Méditerranée occidentale. Olbia de Ligurie et autres établissements massaliètes de Provence

conservateur en chef du Patrimoine, archéologue sous-marin (CNRS- UMR514). Membre de l’Académie de Marseille.
Les épaves massaliètes, grecques et étrusques du littoral méditerranéen français et de l’embouchure du couloir rhodanien

archéologue, responsable de recherches archéologiques à l’Inrap et protohistorien dans le département de l’Aube.
De Vix à Lavau : un peu de Grèce en Gaule profonde

journaliste et écrivain spécialisé en vulgarisation scientifique.

Pythéas, explorateur du Grand Nord

archéologue sous-marin et guide-conférencier, membre du conseil d’administration de l’association Les Somatophylaques
L'histoire vivante : les Somathophylaques. Présentation et projection

Jeudi 15 mai 2025
SEANCE MATINALE AU MUSEE D’HISTOIRE

Discussion. Conclusion (Clôture 18h 30)

Le Gyptis

 

samedi, mars 22, 2025

 

BAGUETTE ENCHANTÉE POUR VOIX ENCHANTERESSES

 

Martin Wåhlberg à la tête de l’Orkester Nord,

MOZART, Die Zauberflöte

Singspiel en deux actes,

Un somptueux coffret de trois CD Aparté

 

         Le baroque bénéficie au classique : son souci historique des sources, des effectifs et de l’instrumentation des œuvres, le retour à des instruments d’époque, nous ont donné des écoutes, des visions et versions vraisemblables, pour nos oreilles d’aujourd’hui, des œuvres d’autrefois, décroûtées, allégées des sédiments d’une tradition alourdie d’un romantisme tardif, anachronique donc. Bien sûr, on a connu des exécutions de musique ancienne, baroque, glacées et raidies par cette nouvelle exigence théorique, devenue parfois un dogmatisme esthétique. Bien sûr, même dans l’enthousiasme de la découverte ou redécouverte de cette nouvelle vague ou vogue interprétative, cela n’a jamais suffi à justifier à elle seule une interprétation. Mais sans doute les nouvelles générations de musiciens ont-elles intégré ces théories ou informations historiques pour en faire une pratique toute naturelle dégagée de toute pédantesque démonstration, en somme, vivante.

         C’est le cas de cette version de la Flûte qui, à l’intérêt d’une enquête musicologique externe, joint le charme d’une quête toute intime de l’œuvre, rafraîchie dans l’orchestration, rajeunie dans sa vocalité : ancienne, certes, à notre esprit, mais comme toute neuve à nos oreilles.

         Dans la riche préface du coffret qu’il signe, Martin Wåhlberg s’y montre un passionnant chercheur des sources littéraires et culturelles du livret de l’entreprenant Emanuel Schikaneder, entrepreneur de spectaculaires productions scéniques, souvent d’inspiration française, dans son Theater auf der Wieden, situant ce conte de fées philosophique dans une tradition culturelle lumineuse du Siècle des Lumières (dont on oublie qu’il est aussi le siècle du roman gothique noir). Animés théâtralement de divers bruitages, chants d’oiseaux, tonnerre, etc, il offre dans sa version l’intégralité des dialogues parlés dont il nous est malheureusement difficile de parler faute, sans l’ignorer, d’en connaître suffisamment la langue. Mais néanmoins, à l’oreille tout de même de linguiste, éclairé par la notice de Catharina von Bulow, on peut saluer l’intelligence d’utiliser les accents personnels des divers chanteurs aux nationalités différentes, comme aujourd’hui dans toute distribution, pour en faire sens théâtral et universel. Ainsi, les facétieuses francophones Dames (Julie Gossot, Natalie Pérez, Aliénor Felix), la Reine de la nuit, Pauline Texier, venues d’un autre monde ou planète, et l’esclave Monostatos (Olivier Trommenschlager), forcément forcé à venir d’une autre terre. C’est une véritable mise en scène sonore conçue par ce chef et son équipe.

Naturellement, rompu à la musique scénique de la fin du XVIIIe siècle, le chef s’est interrogé aussi sur le nombre de musiciens dont pouvait bénéficier la première de l’œuvre et il a déniché et déchiffré une copie de 1792, contemporaine à quelques mois près de celle de la création du 30 septembre 1791, avec de précieuses didascalies musicales, phrasé, coups d’archet, sans compter des éléments musicaux nouveaux dont pas moins qu’une petite fantaisie pour flûte, destinée à être jouée par Tamino pendant l’épreuve du silence. L’effectif orchestral, réduit avec vraisemblance, se compose de six violons, deux altos, deux violoncelles sur lesquels planent les instruments à vent.

Ces instruments anciens de ces musiciens spécialisés sont un écrin de rêve à la vocalité, librement ornée, d’un panel de chanteurs également choisis en regard de l’âge des créateurs de l’époque examiné par notre chef chercheur minutieux. Ainsi, le rôle de Pamina est confié à une soprano de seize ans, le rôle ayant été créé en 1791 par Anna Gottlieb, âgée de dix-sept ans déjà première Barbarina des Noces de Figaro à seulement douze ans. Et la Reine de la Nuit pourrait, sans invraisemblance, être sa mère.

Tout cet appareil ne suffirait évidemment pas à faire les mérites de cette version aérienne, où rien de pèse ni pose de l’érudition, de l’information historiciste. Tout serait à citer de la distribution, par bouquet maçonnique de trois, des délicieuses Dames nommées, des espiègles Trois garçons (Felix Hofbauer, Ludwig Meier-Meitinger, Benedikt Eberl), bien opposés à la vigueur virile desTrois Prêtres, Kristoffer Emil Appel, Filip Eshetu Steinland (par ailleurs second Prêtre), le solide Eric Ander cumulant à lui seul les rôles du Sprecher, Premier Prêtre, Premier Homme d’Arme.

Monostatos, rôle comique souvent donné à une voix mince, asexuée, est ici solidement incarné en mâle trémolant de désir sexuel par l’ardent Olivier Trommenschlager, tenté, avec vraisemblance par le viol.

         Manuel Walser campe un Papageno aussi solide en appétit et voix que voletant oiseleur dans ses vocalises ailées, aisées, dans son dernier air qui semblent le renouveler, auréolé d’un léger glokenspiel tout nouveau à l’oreille. Sa Papagena, Solveig Bergersen, belle oiselle, loin d’être une oie blanche est une accorte et piquante compagne bien en accord avec lui.

         La marche des prêtres, délivrée de tout rythme martial douteux, a des lointains de  de procession solennelle apaisante. Le Sarastro de Bastian Kohl, tout en noblesse humaine, est ici plus un père attentif et attendri par ces enfants qu’un patriarche marmoréen, rocailleux, caverneux, cavernicole de la tradition.

        La  Reine de la Nuit, dans son premier air enveloppante, tendre, mère éplorée et implorante séduit naturellement Tamino, et dans le deux, laisse éclater une fureur acérée comme la lame assassine qu’elle donnera à Pamina, hérissée de notes piquées, plantées pleinement dans l’aigu, comme des rafales de mort.

         Tamino (Angelo Pollak), de son air du portrait fait de lui le portrait d’un héros juvénile qui, après l’effroi de l’effrayant serpent, touché par la grâce, déploie le rêve d’amour d’une voix presque angélique, poétique, extatique, d’une légèreté pourtant incarnée, semblant se chanter à lui-même, s’enchanter, nous enchantant.

         Seul bémol à cette homogène distribution, la Pamina de la toute jeune Ruth Williams. Adorable dans les dialogues, si elle semble une jeune, fraîche et fragile fleur éclose à peine issue du bouquet des Trois enfants, innocente héroïne de conte de fées, sa gracieuse voix pure, sans vibrato, dans son air suicidaire manque sans doute trop de chair pour faire vibrer la nôtre. Sans mésestimer la douleur des enfants et des adolescents, malheureusement si souvent tentés ou atteints par le suicide, cette voix y paraît trop enfantine. Mais il est vrai que ce très beau disque rend la Flûte à l’enfant Mozart.

 

Orkester Nord

Direction musicale : Martin Wåhlberg


Tamino : Angelo Pollak

Pamina : Ruth Williams

Papageno : Manuel Walser

Papagena : Solveig Bergersen

Sarastro : Bastian Kohl

Monostatos : Olivier Trommenschlager

La Reine de la Nuit : Pauline Texier :

Première Dame : Julie Gossot

Deuxième Dame : Natalie Pérez

Troisième Dame : Aliénor Felix

Sprecher, Premier Prêtre, Premier Homme d’Arme : Eric Ander 

Deuxième Prêtre : Kristoffer Emil Appel

Deuxième Homme d’Arme, Troisième Prêtre : Filip Eshetu Steinland

Trois garçons : Felix Hofbauer, Ludwig Meier-Meitinger, Benedikt Eberl

Vox Nidrosiensis

mardi, mars 04, 2025


L’ORFEO

Livret d’Alessandro Striggio, musique de Claudio Monteverdi

(Mantoue, 1607)

 Création à l’ Opéra de Marseille,

2 mars 2025

SOUS LE SIGNE D’ORPHÉE, LE BAROQUE

Cet Orfeo sera à coup sûr l’une des plus belles signatures du Festival marseillais de Mars en Baroque en cette insigne année où notre Opéra signe et fête ses cent ans, y présentant ce que l‘on considère comme le premier vrai opéra (appellation tardive) de l’histoire de la musique, que le librettiste et le compositeur dénominent « Fabula in musica ». C’en est la création sur cette scène.

Poésie et musique : harmonie conflictuelle

La musique fut toujours singulière et plurielle, exécutée par un soliste pour une collectivité y participant ou non. Jusqu’à ce que l’imprimerie sépare bien tard le texte de la musique, la poésie était chantée, accompagnée d’un instrument, la lyre en particulier pour les Grecs : nous leur devons ainsi cet emblème du lyrisme, personnifié par Orphée, mythologique poète chanteur qui attendrissait les pierres et les bêtes par la beauté de son chant, et même les Enfers en y voulant en vain arracher Eurydice. Fils du roi de Thrace et de la nymphe Calliope, l’une des neuf Muses, Orphée est promu par sa légendaire musique au rang de demi-dieu, fils d’Apollon citharède, chef des Muses, comme dans le livret, le dieu étant lui-même poète et chanteur s’accompagnant d’une cithare. Il métamorphosera son fils désespéré de la perte d’Eurydice en constellation de la Lyre.

Même les épopées, comme les tragédies, étaient en partie chantées et récitées, comme le Romancero espagnol qui en garde encore un trésor de strophes. De la sorte, quand il y avait narration, récit, le chant pouvait nuire à la compréhension du texte, appelant la répréhension de l’Église quand il s’agissait de textes religieux canoniques rendus incompréhensibles par l’extatique efflorescence vocale d’un chant virtuose fait d’entrecroisements de lignes vocales savantes et d’entrées décalées des voix sur le même texte de la sorte brouillé. Une bulle du pape Jean XXII la condamne déjà en 1322 :

         « Certains disciples d’une nouvelle école, mettant toute leur attention à mesurer les temps, s’appliquent par des notes nouvelles à exprimer des airs qui ne sont qu’à eux. Ils coupent les mélodies, les efféminent par le déchant, les fourrent quelquefois de triples et de motets vulgaires, en sorte qu’ils vont souvent jusqu’à dédaigner les principes fondamentaux de l’Antiphonaire et du Graduel, ignorant le fonds même sur lequel ils bâtissent, ne discernant pas les tons, les confondant même, faute de les connaître. Ils courent et ne font jamais de repos, enivrent les oreilles, et ne guérissent point les âmes. »

Le Concile de Trente (1545-1563) qui lance la Contre-Réforme catholique, face aux vives critiques des protestants qui en dénoncent la sensualité, réprouve aussi les excès de la polyphonie de la musique religieuse confiant à Palestrina une simplification. De leur côté, des artistes et érudits du salon du Comte Bardi, à Florence, à la fin du XVIe siècle, travaillent, discutent et se disputent sur cette parole intelligible d’un nouveau théâtre musical, sur la nécessité de coller aux paroles que l'on doit parfaitement comprendre afin de suivre aisément l'action.

C’est donc un conflit musique/parole ancien qui, en ce siècle baroque qui commence, siècle du théâtre, donne le primat au texte, prima la parola, dopo la musica : la parole d’abord, la musique après. Rappelons que cette querelle esthétique, constante jusqu’au XXe siècle, fait le thème d’un opéra de Richard Strauss, Capriccio, (Munich en 1942) inspiré de Prima la musica e poi le parole, ‘la musique d’abord, les paroles ensuite’ de Salieri. C’était déjà la querelle en France entre gluckistes et piccinnistes au XVIIIe siècle entre les partisans de l’Italien Piccini, au chant orné, et les tenants de Gluck donnant le primat au texte.

À cheval entre XVIe et XVIIe siècles, sans abandonner totalement la prima prattica de la polyphonie ancienne, Monteverdi entre dans la monodie nouvelle du nouveau style florentin, dont Peri, Caccini et d’autres compositeurs revendiquent, avec de vives polémiques, l’invention[1], donnant lieu à une floraison vertigineuse de créations de théâtre en musique, une musica rappresentativa, une ‘musique théâtrale (dramma per musica), à sujet mythologique, dans une monodie appelée favellare en armonia, recitar col canto, ‘parler en chantant’, une parole ponctuée d’un accompagnement simplifié pour ne pas la brouiller. Tous ont conscience d’avoir inventé un genre nouveau et s'en réclament férocement les auteurs. On connaît la course de vitesse entre Peri et Caccini pour faire représenter leur Euridice sur le même livret de Rinuccini, le premier réussissant sa représentation le 6 octobre 1600 à l'occasion du mariage d'Henri IV et de Marie de Médicis, Caccini  la sienne deux ans plus tard mais après avoir édité sa propre partition en septembre 1600, suivie en 1601 de ses fondamentales Nove musiche, 'Nouvelles musiques', réaffirmant  et ajoutant dans son traité de 1614  et "nouvelle manière de l'écrire" dont il fut le premier. Mais c’est Monteverdi qui illustrera de façon éclatante ce genre nouveau, encore hybride avec son Orfeo de 1607.

Nouveau "dramma per musica"

Notons que, dès les années 40 du siècle, on se lasse du tedio del recitativo, de ‘l’ennui du récitatif’ continu qu’on parsème alors de "mezz'arie" moitié d’airs, ouvrant le pas à l’opéra vénitien puis napolitain, inspirés souvent du théâtre espagnol.

La comedia espagnole, qui se joue en langue originale non seulement dans le vaste Royaume de Naples-Sicile et dans le Milanais espagnol, devient une inépuisable source de livrets. La théorie du théâtre nouveau de Lope de Vega (1609) et sa prolifique production nourrissent les cénacles littéraires de Florence et les auteurs de livrets qui y puisent sujet, scènes ou pièce entière, se proclamant, comme argument de vente dans un « dramma per musica » désormais presque à l’échelle industrielle comme à Venise, « œuvre à l’espagnole », c’est-à-dire, avec mélange de genres, rire et drame, et peu à peu libéré d’argument traditionnellement mythologique, prétexte à pièces à machines onéreuses, avec , sauf dans les cours princières, progressive disparition des chœurs par économie pour désormais un théâtre public payant. Le librettiste de l’Incoronazione di Poppea de Monteverdi Busenello, se proclamait lui-même « lo spagnuolo », ‘l’Espagnol’. Quant à Cavalli ses deux grands succès européens, Il Giasone et Xerse, dont Händel rependra le sujet, sont tirés de pièces de Lope de Vega et Calderón.

MOI, JE SUIS LA MUSIQUE…

Cependant, si l’Orfeo est effectivement sur deux versants musicaux, c’est bien le livret de Striggio qui formule d’entrée l’esthétique baroque des affects avec le premier personnage, la Musique, Euterpe en grec. Venue de son Permesse, montagne où les Muses allaient se baigner, passé le couplet d’envoi de politesse aux nobles princes présents, elle chante ses pouvoirs sur les passions humaines :

Io la Musica son, ch'ai dolci accenti
        Sò far tranquillo ogni turbato core,
        Et hor di nobil ira, et hor d'Amore
        Poss'infiammar le più gelate menti.

Moi, je suis la Musique et, de mes doux accents,

Je peux tranquilliser le trouble de tout cœur

Ou de noble colère ou bien d’amour,

Je peux enflammer les plus glacés tempéraments.

MISE EN ESPACE ET INTERPRÉTATION

La scène de notre Opéra semble trop vaste espace même pour une simple mise en espace du plateau grignoté à jardin par les cordes violons, luth, harpe, chitarrone, clavecin et, à cour, par les vents, trombones, cornets, l’orgue régale et un autre théorbe dont le mât émerge de la masse, sa coque oblongue de navire parfois caressée par le rayon cuivré délivré par la coulisse mouvante d'une sacqueboute. Menés par Jean-Marc Aymes debout devant son clavecin, seize instrumentistes en deux blocs contrastés, conjurés ou conjugués, avec un avantage sonore inévitable pour l’entrée, tambour et trompettes, pour les vents de la fière et fracassante forcément fanfaronnante sonnerie des Gonzague de la cour de Mantoue. Mais la tendre réponse des cordes, devient un motif, qui sans être encore un leitmotiv, reviendra en douce ritournelle jusqu’à la clôture de l’acte, lui donnant une forme close parfaitement achevée.

Certes, dans le volume important de notre Opéra, cette délicate première musique baroque n’est pas de la musique volumineuse qui fuse, impossible à refuser par l’oreille, qui s’impose même à l’excès ; au contraire, c’est une musique qui infuse, diffuse doucement ses charmes, qui invite à aller au-devant d’elle, à la chercher même et à s’en laisser enfin bercer.

Le fond de scène est sombre, noir, éclairé de rougeur pour l’acte des Enfers (qui étaient glacés et brumeux pour les Grecs). Le gros du remarquable chœur de l’Opéra, en vêtement disparates contemporains, bien entré dans cette musique bien sortie de leur répertoire habituel (chef Florent Mayet), assorti musicalement sans hiatus aux « baroqueux » professionnels, semble apparemment une masse assez informe écrasée sur ce fond, mais prend subtilement forme et personnalité quand, s’avançant avec fluidité sur le plateau, un groupe s’en détache et visualise pour nous la souvent imperceptible polyphonie à cinq, à trois, puis deux voix, puis une, le coryphée soliste gardant la ligne de la musique et du texte de l’action qu’il commente. On entend et visualise de la sorte l’architecture interne impeccable de cette musique du premier acte avec les reprises non seulement des ritornelli, des refrains populaires dansants, des thèmes et textes par les chœurs qui donnent le sentiment de sortes de da capo internes mais à l’échelle chorale.

Tous, bergers puis esprits infernaux, Davy CornillotOlivier CoiffetSamuel Namotte et Estelle Defalque, ont une parfaite maîtrise de ce style de chant qui, sur les fins de phrases ou mots importants, se ponctue d’une sorte d’anticipation du trille, une vieille ornementation grégorienne, une note tremblée, non piquée mais arrondie, le quilisma, que —je ne sais plus si Caccini le dit— dans la ligne de chant, éclot comme une « fleur mélodique ».

Gabrielle Varbetian est une nymphe bien séduisante. En élégante robe rouge, Lise Viricel a tout d’une belle et gracieuse Musica, à la jolie ligne très mélodieuse mais un peu gracile pour un espace excessif. Louise Thomas fait une Eurydice pleine de charme, trop tôt perçue, trop vite perdue. Jolie trouvaille, la scène du mariage et du bandeau liant les époux, qui, sur leurs yeux, anticipe l’interdit du regard imposé plus tard par Pluton à Orphée.

Remplaçant Marie-Christine Kiehr, cofondatrice avec Jean-Marc Aymes de Concerto Soave, malade, sa remplaçante en Messagère, la mezzo Maria Chiara Gallo, a dans le port et la voix toute la douleur et couleur du drame qu’elle apporte au milieu de la fête, la mort d’Eurydice piquée par le serpent. Avec Orfeo, c’est le seul vrai personnage de la fable. Son célèbre récit, discrètement orné, est un modèle parfait de ce recitar col canto dont Caccini et d’autres compositeurs se disputent l’invention. On en oublie toujours la fin : sa peine de la mort de sa compagne et son désespoir sur son sort personnel (‘odieuse à tous, odieuse à moi-même'), les porteurs de messages funestes restant à jamais maudits sinon tués, comme pour exorciser la mauvaise nouvelle.

Au lieu d’être femme, Speranza, l’Espérance, qui décampe aux portes des Enfers, est campée par la voix masculine large, sonore et chaude du contre-ténor belge à nom espagnol, Logan Lopez Gonzalez. C’est lui qui lit en frissonnant devant l’entrée l’écrit fatal repris de l’Enfer de Dante :

« Lasciate ogni speranza, voi qu’entrate » , ‘Abandonnez tout espoir, vous qui entrez. »

L’enfer est bien pavé, sinon de bonne intentions, d’excellents chanteurs aussi. Charon, Caronte, c’est la basse Jean-Manuel Candenot, mais peut-être déjà trop séduit par le chant d’Orfeo pour être très effrayant, la compassion l’emportant sur la mission d’inflexible nocher du fleuve Styx interdisant sa barque au « chanteur désespéré ». Mais, dans le Royaume des Ombres règne un couple infernal divin : l’élégante Proserpine de Julie Vercauteren, voix soyeuse, sensuelle, large, et l’on comprend que son Pluton bien assorti d’époux, Alexandre Baldo, chaleureusement caverneux à souhait, ne lui refuse pas sa requête de rendre Eurydice au bouleversant chanteur, à l’interdit près du regard fatal. Couple heureux, amoureux, ayant surmonté l’épreuve du rapt de Proserpine, déesse de la belle saison par Pluton qui l’amène aux Enfers, mais cédant et concédant aux prières de sa belle-mère éplorées, Cerès, de lui rendre sa fille six mois par an, ce qui explique notre alternance de belles et mauvaises saisons.

En Apollon citharède, qui va transcender son fils Orphée en constellation de la Lyre pour le consoler, Imanol Iraola fait puissamment rayonner vocalement le personnage plus que la personne, bien dépassé par un fils trop grand. Et quand on dit grand dans le rôle d’Orfeo, pour l’émouvant baryton Romain Bockler, c’est que les mots nous manquent.   Sa prière, son ardente supplique désespérée à Charon, « Possente spirto, e formidabil nume », ‘Puissant esprit et dieu terrible’, est une page impressionnante qui, à elle seule, pourrait être un condensé de toute la rhétorique déjà baroque de cette époque. Dans cette tirade d'une redoutable longueur, Romain Bockler déploie une voix longue, sonore, souple ; il la plie sans apparent effort qui suppose un long travail de longue haleine, de souffle, d’intériorisation de toute cette virtuose et vertigineuse orfèvrerie vocale ancienne, pour nous l’extérioriser, nous l’offrir toute neuve, comme jaillie à l’instant de sa source, de sa création.

Oui, création, sans grand faste scénique, ce fut une fastueuse création que le public, muet durant tout le spectacle, frappé sans doute par la nouveauté, salua soudain, par une explosion libératrice d’applaudissements.

 

Orfeo, fabula in musica 

Alesssandro Striggio, Claudio Monteverdi

Création à l’Opéra de Marseille
Co-production Concerto Soave / Opéra de Marseille
Concerto Soave : 16 instrumentistes
Direction : Jean-Marc AYMES

Mise en espace : Jimmy BOURY

Régisseur de production : Jacques LE ROY

Orfeo : Romain BOCKLER

Messaggiera : Maria Chiara Gallo

Euridice : Louise THOMAS

Proserpina : Julie VERCAUTEREN

Plutone : Alexandre BALDO

Caronte : Jean-Manuel CANDENOT

Apollo : Imanol IRAOLA

Musica : Lise VIRICEL

Ninfa : Gabrielle VARBETIAN

Speranza : Logan LOPEZ GONZALES

Pastore / Spirito Davy CORNILLOT, Olivier COIFFET ; Samuel NAMOTTE 

Pastore : Estelle DEFALQUE

Chœur de l'Opéra de Marseille

Chef de Chœur : Florent MAYET

Pianistes : Astrid MARC et Fabienne DI LANDRO

 

Photos Christian Dresse

1 . Mariage d'Orfeo et Euridice ;  

2. Arrivée de la funeste Messagiera ;`

3. Déploration des bergers ;

4. Le devin couple infernal Proserpina et Pluton ;

5. Eurydice perdue : celui qui a vaincu l'Enfer ne s'est pas vaincu lui-même.

 

 

 



[1] Je renvoie à mon livre D’un Temps d‘incertitude, Sulliver, 2008, en particulier le chap. III, Nouveau : moderne ; manifestes de la nouveauté.


Rechercher dans ce blog