RADIO DIALOGUE
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
« LE BLOG-NOTE
DE BENITO » N° 141
(SANS LES EXEMPLES MUSICAUX, ÉVIDEMMENT)
(SANS LES EXEMPLES MUSICAUX, ÉVIDEMMENT)
Marseille a la chance
de compter un très grand nombre d’artistes talentueux et il est normal d’en
parler, de les mettre en valeur, évidemment sans chauvinisme local, sans esprit
de clocher ce qui serait les desservir par un parti pris régionaliste qui ne
serait pas très flatteur pour eux, et guère non plus pour une prétendue critique
plus subjective et affective qu’objective et honnête. C’est pourquoi c’est un
plaisir de parler et faire entendre Alain Aubin, contre-ténor, compositeur, chef de chœur qui honore Marseille de son
talent multiple comme Marseille
doit se sentir honorée que ce longtemps
globe trotteur de la musique et du chant se soit fixé ici, chez nous, chez lui,
pour nous faire partager les diverses facettes de son talent.
C’est son dernier
disque, toujours original, qui nous en donne
l’occasion, un enregistrement qui comprend vingt-trois superbes mélodies du grand
compositeur argentin Carlos Gustavino (1912-2000), malheureusement trop peu connu en France. Ce CD de
près d’une heure est joliment nommé Jardín de amores, ‘Jardin
d’amour’, des amours. Et c’est bien un acte d’amour d’Alain Aubin et de son
partenaire pianiste Nicolas Mazmanian,
parfait accompagnateur et délicat soliste dans ces parties indissociables du
dialogue entre le piano et la mélodie, d'autant que le compositeur donne aussi la part belle au piano. On apprécie
aussi cette fantasque pochette de Max Minniti qui présente les deux artistes,
le chanteur et le pianiste, les deux compères, dans une pluie versicolore, multicolore de fruits
exotiques et de chez nous : Marseille, la multi-colorée, colorée, tournée
vers l’au-delà des couleurs et
merveilles d’outre-mer.
Alain Aubin, au départ hautboïste, instrumentiste
spécialisé dans le hautbois, donc parfait musicien, se définit comme
contre-ténor, c’est-à-dire, un chanteur en général baryton, qui a travaillé la
voix de tête, de fausset, une tessiture d’alto, la plus grave des
voix féminines, ce qui a donné lieu, à notre époque, à une spécialisation des
contre-ténors dans les rôles longtemps oubliés des castrats des opéras
baroques. Et c’est dans cette spécialisation qu’Alain Aubin, qui a gardé de son
hautbois originel la couleur étrangement boisée de son timbre, s’est d’abord
fait connaître, internationalement.
C’est Philippe
Herreweghe, prestigieux chef d’ensemble
« baroqueux » qui découvre sa voix alors qu’il n’était encore
qu’hautboïste à l’Opéra de Marseille. Ses brillants débuts à la fameuse Chapelle
Royale que dirige Herreweghe le consacrent comme spécialiste des musiques
anciennes. Ses premiers rôles sur scène sont dans le répertoire du premier
baroque, l’Orfeo de Monteverdi, Calisto de Cavalli, puis du second baroque virtuose, Rodelinda et Tamerlano de Händel, à Royaumont. Et voilà
notre Alain local parcourant les grandes scènes européennes : on l’entend
dans ces rôles à Vienne, Bruxelles, Rome, au fameux San Carlo de Naples. En
France, on le voit sur nombre de
scènes lyriques, à Lyon, Montpellier, Paris, Bordeaux,
Montpellier, etc.
On invite à l’écouter dans la première de ces mélodies de Guastavino (plage 1), qui sont classées par
cycles, textes de très grands poètes latino-américains et espagnols, ici le grand Rafael Alberti, Se equivocó
la paloma, ’La colombe se trompa’, elle se
trompait, elle prit le nord pour le sud … » aux
étranges couleurs.
Mais très vite, dès
96-97 la curiosité musicale d’Alain Aubin le pousse vers la musique
contemporaine qui découvre les possibilités inouïes (qu’on ignorait jusque-là)
du timbre singulier de contre-ténor. Il participe à la création de GO-gol de Michaël Lévinas, mis en scène par Daniel Mesguisch (Opéra de
Montpellier et Festival Musica de Strasbourg). Il collabore avec le
compositeur et metteur en scène Roberto De Simone. Ce dernier l'invite à chanter plusieurs fois au San Carlo
de Naples, et compose pour sa voix, en 2004, le rôle de la Reine Sofia, dans Il
Re Bello (à
Florence où naquit ce qu'on nommera plus tard l'opéra). Il le fait aussi débuter à l’Opéra de Rome dans un spectacle
réunissant Il Combatimento di Tancredi e Clorinda du baroque Monteverdi et L'Histoire
du soldat du moderne
Stravinsky : baroque et contemporain, les deux versants de la vocation de
notre Marseillais.
Puis, en 98, il
rencontre Peter Eötvös qui lui confie le rôle d’Olga, dans son opéra en russe Trois
Sœurs, d’après
Tchékov, à l'Opéra de Lyon sous la direction de Kent Nagano, un succès éclatant. Il
chante ce rôle au Châtelet, à Bruxelles et au WienerFestWochen, à Vienne. La
captation de cet événement a été diffusée plusieurs fois sur les chaînes ARTE
et MEZZO, (DVD DeutschGrammophon). En 2000, il crée au Châtelet, le concerto
pour violon et contre-ténor de Gijan Kancheli, en duo avec Gidon
Kremer, (dir. K.
Nagano).
Écoutez-le encore prêter sa voix à la complainte d’un meneur de troupeaux solitaire, El San pedrino, avec juste le regret, s'il prononce bien l'espagnol, qu'il néglige la couleur argentine de ll et y prononcés là-bas comme des j français.
Mais ces succès
internationaux ne lui font pas oublier Marseille. Il y collabore souvent avec Raoul
Lay, et
l’ensemble
Télémaque (qu'on ne présente pas ici, vieille connaissance de ce blog). On le voit dans El Amor Brujo de Manuel de Falla (La Criée), à
l’Opéra, au GMEM, au Théâtre
Gyptis, au MUCEM dans le cadre de MP2013, et il est désormais artiste
associé du Théâtre Nono pour la saison
2014-2015, pour L'Ostinata, spectacle lyrique, et il compose la musique de Purgatorio, installation lyrique et
théâtrale mise en scène par Serge Noyelle, mettant en jeu plus de deux cents chanteurs, danseurs, musiciens et comédiens. Il allie de la
sorte sa double casquette de chef de chœur populaire et de compositeur. Rappelons : on lui avait commandé,
pour la
cérémonie d'ouverture, de MP2013 Aoïdé!, oratorio pour grand chœur,
solistes orgue et cuivres créé à la cathédrale de la Major le 12 janvier. Et, dans le même cadre, il avait
composé El Cachafaz de Copi, un
opéra tango pour quatre instruments, trois chœurs et dispositif
électroacoustique pour Catherine Marnas. Ses compositions, mélodies, musiques
de scène, sont innombrables, et rappelons le final de La Massalia, pour mille choristes, en 1999, commande de la Ville de Marseille pour le
26e centenaire.
On le reverra en 2015,
où l’opéra de Marseille et le GMEM l’invitent pour une carte blanche, pour laquelle il a choisi d'interpréter Beseit, cycle de Heinz Holliger sur les poèmes de
Robert Walser.
Addenda : il aurait fallu une autre émission et d'autres documents pour parler d'Alain Aubin compositeur. Voici juste quelques notes encore sur cette partie, partition, de sa généreuse carrière.
Fratris Solis, 'Frère soleil' (ode à François d’Assise) est sa
première composition, enregistrée en 1993 chez Sonpact. La Cité des Arts de la
rue, Lieux Publics lui commande
en 2006 la création musicale “N’écoutez pas!”
Depuis, il a composé la musique
pour chœur et la musique de scène de Sainte Jeanne des abattoirs de Bertolt Brecht, (Théâtre de la Passerelle Gap, Châteauvallon, La
Criée, Les Salins de Martigues, CDN de Montreuil et CNBA de Bordeaux). Cette
expérience avec des amateurs lui a permis d’élaborer un langage musical adapté
à la transmission orale qu'il poursuit avec une abnégation et une passion de missionnaire de la musique pour tous.
Le Centre Culturel
Français de Phnom Penh l’a accueilli en résidence l’été 2008, avec Catherine
Marnas, pour une création musicale sur le
conte Khmer Les deux Perdrix, mêlant voix, musique électronique et instruments
traditionnels. Cette invitation s’est renouvelée en 2010 pour L’Affaire
de la rue de Lourcine de
Labiche.
Il a composé en
2011 la musique du Verfügbar aux Enfers de Germaine Tillion, des chants polyphoniques sur des poèmes de Ghérasim
Luca et la musique de Romeo
et Juliette de
Shakespeare pour le Théâtre Gyptis avec la regrettée metteure en scène Françoise
Chatôt.
Cette complicité se poursuivit en
2013 avec la musique de scène de Macbeth et seule la disparition prématurée et irréparable de cette grande dame que l'on pleure encore, a interrompu une collaboration dont elle était enchantée avant d'enchanter le public.
Récital au Gyptis avec Jean-Paul Serra au clavecin |
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