Benito Pelegrín
Concert Beethoven
par
l’ensemble Pythéas en trio
La Magalone
Le 7 mai
Il y a des lieux privilégiés où la musique se love en un acte d’amour. La belle Magalone en son parc, harmonieuse bastide entre XVII e et XVIII e siècles, façade et fronton classiques avec des réminiscences baroques à l’intérieur, face à la toujours moderne « Cité radieuse » de Le Corbusier, est de ceux-là. Son vaste vestibule d’entrée, scandé de deux majestueux escaliers symétriques, est une sorte d’ancien salon, parfait en salle de musique pour un public d’une centaine de personnes : on y retrouve l’atmosphère et la proportion exacte des concerts d’autrefois. Entre deux siècles aussi, entre encore les fièvres du Sturm und Drang qui vont devenir les frénésies du romantisme, et le classicisme, avec l’architecture hallucinée de sa musique qui annonce le futur, le Beethoven chambriste y est chez lui. L’ensemble Pythéas, en trio, en donna une belle démonstration.
Trois pièces pour ce concert, toutes trois dans des tonalités majeures et des tons d’une sérénité solaire, souvent d’un enjouement et d’une joie contagieuse : un Beethoven sans tourment. La lumineuse Sonate pour violon et piano en la majeur, opus 47, « À Kreutzer », ouvrait le programme. Les instruments ont une âme et une voix : celle de ce piano étonne d’abord, puis, après qu’il entonne un moment, séduit, plus rond, qu’agressivement percussif, chaud, couleur ambrée, aimablement domestiqué de maîtresses mains par Marie-France Arakélian. Dans un tempo sans faille, elle arrondit les longues courbes graves, ondes que le volubile violon ailé de Yann Le Roux-Sèdes en angles, crête de lumineuse écume ou zèbre, zézaye, gazouille, dans un doux duel qui cherche le duo de l’harmonie de deux voix en amoureuse compétition : à trilles du piano, pizzicati du violon, course, séparation, poursuite, rage, orage de passion, bouillonnement, dialogue du grave et de l’aigu alanguis de voluptueuses retrouvailles apaisantes. Cavalcade, vélocité jubilante du dernier mouvement dans la complicité souriante des deux interprètes.
En un seul mouvement, le Trio pour piano, violon et violoncelle en si bémol majeur, WoO 39, adjoint un nouveau compère aux deux artistes, Xavier Châtillon, violoncelliste. À la franchise de la touche d’Arakélian, les cordes frottées apportent leur douceur d’estompe, le violon en auréole, le violoncelle en charmeur soubassement ombreux. De plus d’envergure, le Trio pour piano, violon et violoncelle en mi bémol majeur, opus. 70 N° 2, se déploie en quatre mouvements où dominent allegro et allegretto et permet à chaque interprète des moments solistes où il émerge, se lance dans des cadences tandis que les autres se concertent, commentent, tentent leur tour puis se retrouvent en forces vives. La voix du violoncelle de Chatillon devient du miel, doucement acidulé par l’aigu du violon tandis que le sillage du piano scintille sur les légers panaches des cordes. Largeur du son, générosité du don de trois en un de ce magnifique trio.
Photo:
L'Ensemble Pythéas.
Première dame à gauche, Marie-France Arakélian; violon au centre, Yann Le Roux-Sèdes; violonelle à droite, Xavier Chatillon.
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