Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

samedi, décembre 06, 2025

La ligne et le pointillé

 

La ligne et le pointillé

Marseille-Concerts

Vanessa Wagner joue Glass & Satie

Opéra de Marseille

30 novembre 2025

(Crédit : Caroline-Doutre)

          Encore un succès pour Marseille-Concerts dû à la magie pleine d’art sans artifice de Vanessa Wagner. Sans solution de continuité autre qu’un bref silence, césure faite musique, comme un morceau d’un seul tenant, sans qu’on en perçoive les raccords, tel un long plan séquence sonore onirique, elle enchaîne, tisse avec fluidité, remontant, avec une liberté post-moderne le temps, d’aujourd’hui au passé, de la fin du XXe et début XXIe siècle des pièces de Philip Glass (Études pour piano entre 1991 et 2012) à celles de la fin du XIXe d’Érik Satie (Première Gymnopédie, 1888, Gnossiennes n°1 et n°3, vers 1890, Trois Pièces froides, 1897), sans qu’on sente les coutures de ce long tissu musical, texte musical ou textile unifié magiquement par son jeu.

Presque toutes groupées par trois, les Études de Philip Glass, Phil Glass pour ses familiers, semblent presque obéir au schéma canonique en musique de l’alternance du tempo vif et lent, la N°3 étant d’une véloce et vertigineuse virtuosité que l’on retrouvera, presque éruptive, dans la N° 18, comme encadrant des plages variées d’un temps rêveur ou impatient qui se contracte ou s’étire comme une respiration timide ou angoissée ou soudainement libérée, en expansion.

Vanessa Wagner en fait fuser finement ou fébrilement l’effervescence, les myriades rutilantes, les fuyantes constellations, les éclaboussures, les grappes de notes, on oserait dire des clusters au sens acousmatique du terme, infinitésimaux, brume ou brouillard de notes comme, au-dessus d’une cascade, parfois, sur la poussière d’eau se pose la lumière irréelle d’un arc-en-ciel.

De cette musique qu’on dirait en peinture divisionniste, pointilliste à l’infini, elle passe tout naturellement, sans hiatus, à la linéarité mélancolique de Satie, l’encore impressionniste Première Gnossienne, empreinte de la nostalgie de l’impossible gnose mystique, contemplative, presque immobile, d’une lenteur quasi liturgique, aux cadences plagales, aux résonances d’église.

Les Gymnopédies, danses rituelles religieuses de la Grèce antique, mais inspirées du roman historique Salammbô (1862) de Gustave Flaubert, sont des valses lentes, et cette Première semble refuser la circularité pour s’étirer en une seule ligne continue. Mais ce sont les Trois pièces froides (« deux Airs à faire fuir et une Danse de travers »), qui, au-delà de l’humour déconcertant de Satie, avec leurs séquences répétitives, d’une monotonie délibérée et leurs infimes modulations, qui sont bien une anticipation de la moderne musique répétitive des Phil Glass et Steve Reich et de l’actuelle école minimaliste américaine.

         Ainsi, avec ce choix significatif de pièces et ce jeu subtil, la filiation de l’héritier minimaliste au lointain ancêtre en simplicité souveraine, sans effet lourdement démonstratif, devient évidence, si ce terme, “ce qui s’impose clairement au regard, à l’esprit”, relevant étymologiquement des yeux, avait un équivalent auditif, une flagrance s’imposant à l’oreille.

         Justement, si l’on sait que les sons et les couleurs se répondent, que musique et peinture ont un registre lexical souvent commun, couleur, colorature, chromatisme, palette sonore ou chromatique, échos, contrastes, vibration, rythme, etc., je crois qu’il faudrait intégrer, dans l’appréciation critique des concerts modernes, à défaut de la vue du visage de l’interprète, quand on en est trop loin, le gain visuel apporté par les écrans qui nous en rapprochent miraculeusement l’image et le détail.

Comme ce jour-là, dans la douce pénombre du foyer Reyer, sur la fenêtre lumineuse de l’écran, s’offrant à mes regards, les mains et avant-bras de la pianiste : juste un bout de manches de sa veste, nuit noire pailletée d’étoiles, qu’elle retrousse parfois, irradiant leurs éclaboussures de lueurs minimales sur les brefs éclats réverbérants des touches touchées de lumière, miroitantes alternativement, du piano. Ces fugaces visions semblaient répondre, en tous les cas correspondre, à cette musique parcellisée, scintillante de Glass, en pointillé, se condensant doucement pour la ligne souvent mélancolique, venue d’ailleurs, aux cadences plagales ou orientalisantes, chatoyantes, de Satie.

Le jeu des sons émanait de l’invisible pianiste, de ses mains comme des colombes délicates, suspendues un moment irréellement, se posant sans peser, s’imposant parfois sur le clavier, avant le vol, l’envol, leur envolée dans les battements d’ailes des doigts avec leur double, reflet, réfraction, dans le miroir noir du couvercle concave ouvert du piano, un jeu à deux mains qui en semblent quatre, plus qu’hypnotique, effet magique de cette vue ondoyante qui se traduit en ondes de musique, bonheur des oreilles et des yeux, moment magique arraché au temps sinon au tempo scrupuleux des œuvres, mais rendu au rêve, à l’extase.

 

P.S. : je n'ai pas ici, dans cette photo, la veste noire à paillettes que portait Vanessa Wagner le jour du concert. 

 

jeudi, décembre 04, 2025

LABEL ODÉON

 

ANDALOUSIE

OPÉRETTE EN DEUX ACTES

de Francis Lopez (1947),

livret de Raymond Vincy et Albert Willemetz

Dimanche 30 novembre 2025

Inépuisable Francis Lopez (1916-1995), l’un des compositeurs les plus populaires du théâtre musical français du XX siècle et inoubliable Luis Mariano, son acolyte interprète et ami basque.

L’opérette Andalousie est créée à Paris, au Théâtre du Châtelet, en 1947. L’œuvre s’inscrit dans la grande veine hispanisante du compositeur, amorcée avec La Belle de Cadix (1945).

Si l’on ne peut discréditer la musique de Lopez, de parents espagnols, du qualificatif d’espagnolade car sa musique puise aux sources authentiques, on peut le dire de ses livrets à intrigue espagnole, présentant sous de riantes couleurs, opérette oblige, une Espagne idéalisée ou caricaturale, dont les passions s’expriment en chansons et danses et où tout finit en fêtes dans un pays qui ne l’est guère, en fête, avec la permanence du troisième dictateur fasciste, Franco, qui, aidé par Mussolini et Hitler, a défait la République et règne impitoyablement sur un pays vaincu. Il a tiré son épingle du jeu à cause de la Guerre froide qui a fait de l’Espagne une pièce maîtresse américaine, stratégique, contre l’empire soviétique. L’historiographie la plus récente estime à 200 000 le nombre de fusillés après la fin de la Guerre Civile. Cela devait être dit en ce cinquantième anniversaire de la mort de ce sanguinaire dictateur fasciste.

         Le livret d’Andalousie a la pudeur de ne pas le situer dans l’Espagne contemporaine franquiste, encore au ban des nations, mais au XIXe siècle sous le règne d’Isabelle II, 1860.

Andalousie se passe près de Séville et au Venezuela. Le fringant marchand d’alcarrazas, cruches d’eau en terre cuite qui gardent la fraîcheur et se boivent à la gargoulette (et non les petites cruches vernissées de la mise en scène, Juanito Pérez est la coqueluche de toutes les filles. Mais il aime Dolorès, une bien aimable Julia Knecht, voix pleine aux aigus percutants comme des uppercuts de fille à qui on ne la fait pas et qui sait se battre, défiant sa mère donneuse de leçons, la digne Doña Victoria, Anny Vogel qui sait aussi faire le coup (de poing) contre les alguazils. 

Les amoureux rêvent, pour abriter leur amour, de châteaux en Espagne, de celui qui se dresse concrètement sur la crête de la colline. Juanito décide de faire fortune en devenant, toréador, torero, matador, donc qui signifie en espagnol, tueur. Avec la facilité des carrières des opérettes, un succès aux arènes de Grenade lui amène un mirifique contrat pour le Venezuela. Habitué de cette scène, Jérémy Duffau, Juanito plein de prestance, a belle et solide voix, mais semble cependant gêné dans les entrées en souples roulades à la flamenco d’un de ses airs.

Donc, conquistador en quête de gloire et d’argent, le voilà parti, non pour Mexico, sinon pour Caracas. L’humble marchand d’eau marche vers le succès et c’est sa fameuse marche, un pasodoble (qui est une marche au départ) qui fut le tube de l’opérette « Ole, torero !», triomphe sur un pauvre animal que je ne partage pas, même en goûtant la musique de Lopez.

Comme il se doit, loin des yeux mais non du cœur de sa belle restée au pays et, près de lui, le cœur et les beaux yeux d’une diva autrichienne, Fanny Miller, et quand elle est incarnée par la belle Laurence Janot, allure et figure de reine—pas seulement de la valse viennoise— on s’étonne que Juanito lui résiste. C’est le sombre sort d’un drame, mais les ressorts d’une comédie : un politicien proscrit au Venezuela, Rodriguez Valiente, aime Fanny qui ne l’aime pas, qui aime Juanito, qui ne l’aime pas, qui aime Dolorès, qui trouve le temps long et le courrier trop lent ou absent, intercepté subrepticement par la diva jalouse.

         Le courrier est lent, mais les nouvelles rapides dans la presse : Dolorès se croit trahie et oubliée par le fiancé lointain devenu célèbre quand elle découvre dans le journal un article qui relate les relations entre le torero et la cantatrice, des people, dirait-on aujourd’hui, qui alimentent la gazette des chaumières jusqu’en Espagne.

Mais une opérette ne le serait pas sans l’amour contrarié, les dépits amoureux, les jalousies, les désirs de vengeance, et un couple de seconds, Fanny/ Valiente, qui deviennent premiers dans l’intrigue contre les jeunes premiers, avec le lot de rivalités artistiques, de quiproquos. Dolorès jalouse, fière et vindicative, miracle de l’opérette a eu une carrière fulgurante aussi : sous le nom de la Estrellita, ‘petite étoile’, elle est devenue une grande étoile dans un cabaret de Séville où tout le monde se retrouve comme dans les vaudevilles.

Valiente, le digne Sébastien Lemoine, à la voix parlée aussi noble que la chantée, désireux de se venger de Juanito, qu'il croit l'amant de Fanny, courtise Dolorès qui feint d’accepter ses avances ; Juanito, sans accepter celles de Fanny, accepte tout de même un dîner avec elle, parallèle à celui de Dolorès et de Valiente, sinon face à face, balcon à balcon.

Couple de jeunes premiers, couple de seconds, et troisième couple, comique, de notre inégalable et espiègle Julie Morgane, Parigote devenue andalouse Pilar, qui trouve dans le Pepe de Nicolas Soulié un égal partenaire inénarrable, que ses dédains font passer par tout un éventail, andalou, d’émotions et de recours cocasses aux sortilèges au poil (barbe) dictés par une narquoise gitane, Christine Tumbarello. L’accorte soubrette, escorte autrichienne de Fanny, Perrine Cabassud, une habituée de l'Odéon, fait couple ou sangsue avec Pepe ou l’insolite Baedeker de Didier Clusel. Avec eux, une floppée de personnages, flippant, comiquement, comme le Carracho de Cédric Brignone, les nécessaires commissaire tremblant et aubergiste de Jean-Luc Épitalon, les consommateurs et alguazils Rémi Chiorboli et Jean-Michel Muscat, qui alimentent l’intrigue de leur présence.

    On saluera la qualité poétique de la voix de Damien Barra dans sa mélopée du rôle pourtant si bref du Sereno, mais indispensable à l’intrigue puisqu’il est le témoin de l’heure du repas chez Dolorès de l’enquête policière. Le Sereno était le gardien, le vigile d’une ou plusieurs rues, drapé dans une cape, une lanterne à la main et une lance dans l’autre qui, s’y promenant toute la nuit, chantait l’heure, le temps qu’il faisait, quelque événement notable, armé d’un sifflet pour une alerte. Il avait aussi les clés des immeubles qu’on lui demandait pour rentrer chez soi. Il était parfois aussi chargé d’allumer et d’éteindre les réverbères. Sous le franquisme, agent d’état, il servit aussi à signaler aux autorités les groupes de gens soupçonnés de réunions clandestines dans un pays où presque toute la population, on l’a découvert aujourd’hui dans les archives, était fichée…

Mais tout finira bien dans le meilleur des mondes de l’opérette, et chaleureusement bien pour un spectacle donné devant un théâtre surchauffé où pas un strapontin n’était inoccupé d’un public enthousiaste. À juste titre.

Deux simples arches rouge brique comme décor praticable sur fond de toiles peintes : l’Alhambra et le Palais de Charles Quint de Grenade ; la Place d’Espagne du Parc María Luisa de Séville ; une ruelle andalouse en perspective, la superbe toile peinte, fontaine, guitare monumentale et éventails, déjà utilisée dans la Belle de Cadix, et une verdoyante perspective tropicale pour Caracas. Et en toile de fond, la puissance tellurique des taureaux sans doute de Goya. 

Les costumes, dont certains déclinés de la couleur des arches, ocre, tabac, sont nombreux, variés et tous remarquables, évitant la caricature coloriste d’une fausse Espagne festive pour touristes nordiques épris de coloriage exotique. On admire les sobres robes rouges ou noires des belles danseuses de la troupe (Annabelle Richefeu, Sophia Alilat, Lorena Debray, Sabrina Llanos) menées de main et pieds de zapateado du maître chorégraphe Felipe Calvarro, digne du mythique maître à danser de Cadix, Luis Alonso, héros de deux fameuses zarzuelas, dont, sans le dire, on emprunte ici, la musique, l’élégant fandango de l’intermède de La Boda de Luis Alonso de Gerónimo Giménez (1897), qui nous vaut un magnifique tableau, zapateado et castagnettes, mais sans citer le vrai compositeur, abusivement intégré à la musique de Lopez, qui en pâlit du coup.

Mais Didier Benetti, à la tête de l’Orchestre et chœur de l’Opéra de Marseille, joue loyalement le jeu et la joie de servir, en un, deux compositeurs, apportant avec grâce, aux oreilles françaises, le compositeur d’Espagne auquel rendait grâces, depuis la France, le compositeur espagnol de France qui nous prodigue avec bonheur boléros, séguedilles, habanera et pasodobles.

Carole Clin est chez elle à l’Odéon et, à la tête de cette troupe, qui semble après tout la sienne, elle règne et règle la mise en scène à la baguette. Elle signe encore un succès et, avec cette harmonieuse qualité, je pense qu’on pourrait parler, sans emphase, pour cette salle unique en France pour l’opérette, d’un label Odéon.

 

ANDALOUSIE

OPÉRETTE EN 2 ACTES

NOUVELLE PRODUCTION

Direction musicale : Didier BENETTI

Mise en scène : Carole CLIN

Chorégraphie : Felipe CALVARRO

Décors : Ateliers Sud Side

Costumes : Opéra de Marseille

Régisseuse de production : Isabelle DOLIVET

 

Dolorès : Julia KNECHT
Fanny Miller : Laurence JANOT

Pilar : Julie MORGANE
Doña Victoria : Anny VOGEL
Greta : Perrine CABASSUD
La Gitane : Christine TUMBARELLO

Juanito : Jérémy DUFFAU

Pepe : Nicolas SOULIÉ

Valiente : Sébastien LEMOINE

Sereno : Damien BARRA

Le commissaire / L’aubergiste : Jean-Luc ÉPITALON

Baedeker : Didier CLUSEL
Caracho : Cédric BRIGNONE
1er Consommateur / 1er alguazil : Rémi CHIORBOLI
2ème Consommateur / 2ème alguazil : Jean-Michel MUSCAT

Orchestre et chœur de l’Opéra de Marseille

Chef de Chœur : Florent MAYET avec Astrid Marc (répétitrice piano)
Pianiste répétitrice : Astrid MARC

Danseuses :

Annabelle RICHEFEU, Sophia ALILAT, Lorena DEBRAY, Sabrina LLANOS 

Photos Christian Dresse 

1.  Un marchand d'eau dont les groupies boivent les paroles ;

2. Place d'Espagne de Séville ;

3. Calvarro et Knecht ;  

4. Fanny en fleur ; 

5.  Soulié et Morgane ;

6. Tablao flmenco ;

7. Le sereno. 

 

mercredi, novembre 12, 2025

FARCE MÉLANCOLIQUE


Falstaff 

Opéra en trois actes de Giuseppe Verdi
Livret d’Arrigo Boïto, d’après Shakespeare

Opéra de Marseille

Dimanche 9 novembre

À quatre-vingt-un ans, auteur de tant de sombres drames durant toute sa vie, devant le succès de son ultime opéra, Verdi déclare avec humour :

« Après avoir sans trêve massacré tant de héros et d’héroïnes, j'ai finalement le droit de rire un peu. »

Effectivement, avec cet opéra-bouffe, sur un ridicule héros vieilli, il clôt sa brillante carrière sur un grand éclat de rire offert au public, non sans doute rire, un peu mélancoliquement aussi, de sa proche fin de vie. Mais, avec une jeunesse inventive extraordinaire, il renouvelle également sa manière, son style. En effet, sans se donner, sans affecter de grands airs, avec une humble écriture vocale comme une conversation qui, en cette fin de siècle et de production pourrait presque renouer avec le primitif « recitar col canto » des origines de l’opéra, bannissant les sublimes arias solistes de bravoure qu’il avait portés à l’apogée du lyrisme, son ultime opéra, d’une grande modernité, se distingue, outre par cette vocalité apaisée, par la complexité harmonique, polyphonique, des ensembles nombreux, portés par une orchestration raffinée, au service du rythme bouffon de l’intrigue comique.

         Le livret est d’Arrigo Boïto, poète, compositeur et librettiste hors pair, déjà auteur à succès du livret d’Otello (1887), aussi tiré de Shakespeare. Boïto adapte une comédie, Les Joyeuses Commères de Windsor, tout en y intégrant des éléments des deux pièces historiques sur Henri IV d’Angleterre, roi de 1399 à 1413, où paraît déjà ce héros peu héroïque, Sir John Falstaff. Dans ces sombres drames historiques, Falstaff est l’ancien favori et compagnon de débauche du prince de Galles, qui le rejette et désavoue cruellement dès qu’il accède au trône : « Vieil homme, je ne te connais pas », lui lance-t-il.

Sans être un personnage historique comme ceux de ces drames, Falstaff, héros inventé, histrion comique, carnavalesque, avait fait le scandale et le succès de ces pièces historiques dramatiques.

         En revanche, dans Les Joyeuses Commères de Windsor, une comédie, Falstaff est un vieux chevalier surnommé « le Ventru », victime comique de ses propres embrouilles. On le découvre dans une auberge avec ses deux acolytes, Bardolfo et Pistola, poursuivis par le docteur Cajus qui l’accuse de l’avoir volé.

RÉALISATION

Hôpital qui rit (jaune) de la charité

         Sans crier gare, en fanfare, sans ouverture, le rideau s’ouvre sur un hôpital : le cœur se serre de la salle —même si on lui doit le salut—trop fréquentée cette année. Un hosto aux dimensions de hall de gare, portes battantes à hublot comme un théâtre ou ciné.

Pris au pied de la lettre, Caïus, « Docteur », semble avoir donné le la doctoral, hospitalier à l’approche clinique de Denis Podalydès, dans ce vaste plateau conçu par Éric Ruff, carrelage noir et blanc scandé horizontalement de lits en fer blanc et des perches verticales de perfusion, « entre asile et sanatorium » dit précisément Podalydès : asile, refuge où l’on enferme, sépare, pour protéger —ou s’en protéger— des individus, fragiles ou aliénés ; sanatorium, centre de soins où l’on redonne la santé, avec une promiscuité d’impatients patients ou clients à long terme de maladies lentes avec, pour horizon la mort. Hosto hospice, livide comme un teint au malade néon, hanté de blafardes blouses blanches du personnel hospitalier, mais dont l’immense verrière se teintera oniriquement, poétiquement, de vivantes couleurs des lumières (Bertrand Couderc, réalisées par Pierre Loof) quand, en flottantes robes rétro (Christian Lacroix), un quatuor, plutôt un quadrille de femmes dansantes, en surplomb, théâtre dans le théâtre baroque, jaugeront et jugeront de haut l’agitation et les agissements des hommes, de Falstaff.

Nous découvrons celui-ci, plus qu’affalé, trônant sur un lit, perfusé au vin, sur le plat du lit en relief, en rebond de son bide, bedon, bedaine, bidouillant un plan pour renflouer sa bourse en séduisant deux femmes qu’il croit séduites par lui, Alice et Meg, grâce au duplicata plus naïf que duplice d’une même missive, d’un « poulet » comme on disait au Grand Siècle d’une lettre d’amour. Car cette salle d’hôpital est le lieu de toutes les opérations, chirurgicales et même boursières avec ses tractations et, de ce lit à celui du bloc opératoire où sera effectivement opéré Falstaff, on comprend, d’un lit à l’autre, le lien, la logique du lieu unique de Podalydès : du lit du malade à celui de la chirurgie esthétique pour faire maigrir Falstaff, ou laboratoire du Docteur Frankenstein, ou autres abominations médicales expérimentales qu’on a connues.

Actualité

On comprend, en riant, en passant : à la différence de tant d’autres, artificiellement et gratuitement déplacées en époque, cette mise en scène part et parle aussi de la nôtre : le jeunisme, le culte du corps de la triomphante jeunesse, le refus de la mort et la peur du vieillissement ; l’âgisme, la mise à l’écart des vieillards inutiles et coûteux pour épargner le budget et s’éviter le trou de la Sécu. lI y a la grossophobie, la phobie des gros, qui frappe d’autant plus qu’augmentent les obèses d’une société trop bien nourrie quand tant d’autres meurent de faim : on pense à l’actuelle et brûlante taxomanie de l’Assemblée Nationale pour faire des économies quand germe l’idée de « taxer les gros », ce qui a été envisagé dans les transports aériens ; à l’évidence, Alice et Meg pourraient s’exclamer « #Me Too , “Moi aussi !” en recevant chacune la même lettre, au nom de la destinataire près, un transfert malheureux du même message à deux distinctes femmes qu’on pourrait faire par un mail imprudent. Ameutées, les femmes, presque chorégraphiées, dominent de loin et haut la meute désordonnée des hommes, préfigurant la ruine du Patriarcat, que prophétise Falstaff lui-même en voyant, écarté du jeu, dans ce triomphe féminin, «la fin de la virilité du monde ». Je pense à la comptine 

Gai, gai, marions-nous,

Mettons-nous donc en ménage,

Marions-nous

Mettons-nous la corde au cou !

chanson traditionnelle devenue « Gay, Gay, marions-nous ! » chez Anne Sylvestre, en découvrant, avec le double mariage de la fin, celui entre Caïus berné et Bardolfo déguisé, souvenir du Songe d’une nuit d’été.

Il est difficile aussi de ne pas penser à une tout autre brûlante actualité, anticipée par cette production : dans la scène de l’opération, Falstaff devient, sinon une poupée, un monstrueux poupon érotique Schein, bien membré avant d’être démembré, dépecé, dans une scène carnassière, gore, en une célébration ou liturgie farandolesque, digne de Titus Andronicus, héritage shakespearien du théâtre sénéquiste de l’horreur.

La mise en scène joue, sans peser, de références culturelles subtiles : Bardolfo, campé avec toute sa présence et son humour de chanteur se rêvant chanteuse, par Carl Ghazarossian, dénudant son bras d’un gant long à la Rita dans la scène mythique de Gilda. Les mouvements chorégraphiés (Cécile Bon) des chanteurs acteurs, tiennent de la comédie-ballet à la Molière et je dirais presque de l’ancien et fameux « Bal des petits lits blancs », ici celui hilarant et délirant des lits roulants, avec soignants et commères en blouse blanche, rappelant celui des médecins du Malade imaginaire.

Mélancolie et force de la farce

Jouisseur, menteur, bouffon bouffi de vanité, vantard, voleur, voulant se jouer de femmes dont il devient le jouet en croyant les enjôler, Falstaff est un vieux chevalier noble qui, même en trahissant sa noblesse morale et la religion par ses actes immoraux comme il l’avoue à ses acolytes, n’en perd pas le souvenir, ni celui de sa jeunesse. Toujours vert dans son cœur, mais blet dans son corps, l’ingénu chevalier sûr de lui en apparence, est tout de même lucide et nostalgique en chantant sa jeunesse comme page mince et svelte « du duc de Norfolk », une minceur que lui rendra l’opération, ou plutôt la dissection onirique, cauchemardesque de la fin, l’inéluctable déficience et défection pièce à pièce, du corps vieillissant qui est le lot de tous. Cependant, sa grandeur touchante, c’est qu’il ne se sent pas encore au moment de la vie où les souvenirs remplacent les projets, puisqu’il projette et persévère dans son plan naïf de séduction des femmes.

         Du monologue d’Iago à celui de Falstaff

Cette boule boulimique ne pense pas qu’avec sa panse. Il a un art de vivre, et des maximes cyniques : il n’est pas interdit d’escroquer, de voler mais l’on doit « voler avec grâce ». Il a un réflexe aristocratique classiciste quand il reproche violemment à ses deux laquais miséreux d’oser prétendre à l’honneur au nom duquel ils refusent de porter ses deux lettres aux deux femmes. Lui, noble, peut parler d’honneur, et se donne le droit de l’accommoder à ses besoins comme la loi, la morale, la religion. Sa grandiose tirade (« L’onore! Ladri! ») est une satire impitoyable de l’honneur par un gentilhomme en contestant l’impératif chevaleresque :

« Quel honneur ? […] quelle baliverne ! quelle farce ! L’honneur peut-il vous remplir la panse ? Non. Peut-il vous souder un tibia cassé ? — Non.

Un pied ? — Non. Un doigt ? — Non. Un cheveu ? — Non. L’honneur n’est pas chirurgien.— Qu’est-ce donc ? : Un mot. Qu’y a-t-il dans ce mot ? — Du vent. »

         L’anti-héros bouffe, réaliste ici, me fait penser au monologue terrible d’Iago, héros du mal dans l’Otello que le même Boïto tirait déjà de Shakespeare, tirade nihiliste sur le Dieu cruel qui fit l’homme à son image, pour le mal, dans un monde sans ciel ni enfer après la mort, mais le néant. Sans cette réflexion métaphysique, la réflexion physique de Falstaff pourrait en être une étape s’il n’était sauvé par la grâce suprême de croire, même ingénument, en l’amour.

INTERPRÉTATION

       Agrégeant sans hiatus deux comédiens, dont un joueur de guitare pour le madrigal poétique de Falstaff à Alice, Laurent Podalydès-Miquel et Léo Reynaud, la mise en scène intègre tout aussi aisément le chœur, admirablement préparé par Florent Mayet, qui font cette foule folle de la fête après les fièvreuses séances hospitalières et policières de la poursuite d’un Falstaff atterré, terré derrière le paravent puis le bac à linge.

Voix sombre opposée à la claire et perchée de Carl Ghazarossian son compère, Frédéric Caton campe un fier Pistola prêt à en découdre sinon au pistolet, à l’épée, disons à la perche de perfusion dans le champ clos de l’hôpital. 

Ancien du CNIPAL, Raphaël Brémard est un Docteur Caïus éperdu à juste titre de la ravissante et gazouillante Nanetta d’Hélène Carpentier mais perdu comme son argent et ses espoirs d’époux face au charme juvénile de latin lover bien chantant du Fenton ardent d’Alberto Robert. Incarnant Ford père autoritaire, époux saisi de doute, mais sans aucun doute vocal, Florian Sempey est magistral dans la scène de la jalousie qui pouvait tourner au drame si, finalement, l’énormité même de Falstaff, sans rien casser, ne rendait tout cocasse.

Les trois commères, dont on a déjà cité la quatrième lumineuse, forment un bouquet égal à celui des fleurs qu’elles méritent aussi : Salomé Jicia, une Alice Ford à la voix longue, large et fruitée ; on retrouve avec bonheur Héloïse Mas (Meg Page) au timbre chaud et charnel, et nous découvrons avec plaisir Teresa Iervolino, voix sombre et ronde, accorte tavernière Mrs Quickly, jouant les maquerelles, qui sait triller avec humour trois fois sa « Reverenza ».

Le héros titre, le baryton Giulio Mastrototaro, est un Falstaff qu’on dirait plastique sans même penser à la panse plastique qu’on lui accole, qui passe avec aisance de la puissance et plénitude verdiennes, qui tonne sa tirade contre l’honneur, à l’agilité d’un baryton bouffe rossinien, osant le falsetto et presque un parlando délicat. Il est aussi irrésistiblement acteur qu’excellent chanteur et le public lui offre un triomphe mérité.

Avec une fougue qui galvanise ses nombreuses troupes, orchestre, chœur et chanteurs souvent moins en solistes qu’en ensembles délicats au rythme vif, requérant une précision absolue, Michele Spotti, à la baguette, manifeste encore une fois, sa maîtrise, son excellence, faisant chatoyer les couleurs instrumentales, mettant en valeur les trouvailles parfois cocasses, trilles des treilles, des vignes du Seigneur de ce Verdi tardif et juvénile, jeune d’esprit et de cœur sinon de corps comme son touchant héros : un bonheur. Quand s’amorce la fameuse fugue finale, digne de Bach, autre credo baroque, « Tutto nel mondo è burla »Le monde n’est que farce ! »), on a presque envie d’entrer dans la danse, vocale et rythmique.

La force de cette farce, dans cet hôpital forcément ambivalent pour guérir, et mourir aussi, puisque notre société fuit la mort, pour y rajeunir parfois du moins en apparence par le bistouri esthétique, c’est que ce spectacle nous interroge, du moins à une certaine période avancée de notre existence sur la suite, l’automne, l’hiver de la vie et les fatales questions : comment continuer à rire, sinon de nous, à sentir du désir quand le corps nous trahit pour le concrétiser ?

Malgré tout, à l’inverse d’Hamlet, l’homme paralysé par le doute, comme son contemporain Don Quichotte, Falstaff est homme d’action et de foi qui douterait plus du monde que de ses propres rêves.

 

Direction Musicale Michele SPOTTI
Mise en scène Denis PODALYDÈS
Assistant à la mise en scène Laurent DELVERT
Réalisation de la mise en scène Jean-Christophe MAST
Décors Éric RUF 
Costumes Christian LACROIX 
Création des lumières Bertrand COUDERC
Réalisation des lumières Pierre LOOF
Collaboration aux mouvements Cécile BON

Alice Ford Salome JICIA
Nanetta Hélène CARPENTIER
Mrs Page Héloïse MAS
Mrs Quickly Teresa IERVOLINO

  Sir John Falstaff Giulio MASTROTOTARO
Fenton Alberto ROBERT
Ford Florian SEMPEY
Docteur Caïus Raphaël BRÉMARD
Bardolfo Carl GHAZAROSSIAN
Pistola Frédéric CATON
Comédiens Laurent PODALYDÈS-MIQUEL,
Léo REYNAUD

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille 

Falstaff de Verdi

Opéra de Marseille

9, 11, 13, et 15 novembre

Production Opéra de Lille. Coproduction Grand Théâtre du Luxembourg / Théâtre de Caen durant la saison 2022-2023 (Éditions Ricordi)

Direction Musicale  : Michele SPOTTI
Mise en scène  : Denis PODALYDÈS
Assistant à la mise en scène : Laurent DELVERT
Réalisation de la mise en scène : Jean-Christophe MAST
Décors  : Éric RUF 
Costumes : Christian LACROIX 
Lumières : Pierre LOOF
Collaboration aux mouvements : Cécile BON

Distribution

Alice Ford : Salome JICIA
Nanetta : Hélène CARPENTIER
Mrs Page : Héloïse MAS
Mrs Quickly : Teresa IERVOLINO

Sir John Falstaff : Giulio MASTROTOTARO
Fenton : Alberto ROBERT
Ford : Florian SEMPEY
Docteur Caïus  : Raphaël BRÉMARD
Bardolfo : Carl GHAZAROSSIAN
Pistola : Frédéric CATON
Comédiens ;Laurent PODALYDÈS-MIQUEL,
Léo REYNAUD

Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

Photos Christian Dresse

1. Falstaff en attente d'opération ;  

2. Lecture des lettres ;

3 et 4 : commères en couleur; commères infirmières ;

5. Falstaff, poupon Shein ;

6. Opération chirurgicale esthétique.

Teaser spectacle :

https://opera-odeon.marseille.fr/programmation/falstaff-1

 

 

mercredi, septembre 24, 2025

ACTORAL : ART PARTOUT, ART POUR TOUS

 La Cômerie, siège d'Actoral/Montévidéo, 202 bis rue Breteuil.

 

Le Festival Actoral 2025


Du 13 septembre au 11 octobre, Marseille

 

Commencé le 13 septembre et finissant le 11 octobre, le Festival Actoral bat actuellement son plein et fête cette année sa 25e édition, un quart de siècle d’existence. À l’origine, sous le patronage expert d’Hubert Colas, dramaturge, metteur en scène, fondateur de la compagnie Diphtong et directeur de l’association Montévidéo, il est consacré aux écritures contemporaines. Délogée de son lieu de fondation, Montevidéo fusionne désormais avec Actoral et ne forme qu’une seule et même entité, vouée, au-delà des écritures, à un large éventail artistique pluridisciplinaire qui mêle théâtre, danse, arts visuels, performances, musique, cinéma et littérature, dans un désir de donner à voir et à entendre la diversité et la vitalité de la création contemporaine multiforme, et de former aussi le public.

Ainsi, chaque automne durant plus de trois semaines, le Festival Actoral invite plus de deux-cents artistes français, et internationaux, à rejoindre Marseille pour s’y produire, se côtoyer, pour construire parfois quelque chose en commun. Et, à la faveur propice de ce festival fusionnel, construire quelque chose en commun, en communication, en communion si possible avec la communauté, le public, en l’engageant, en l’invitant souvent à partager et à participer aux actions, à la scène, sur la scène. Le Festival Actoral, micro société,  manifeste donc un clair souci d’agir dans le macro social et de promouvoir, à partir de l’art sans frontières de genres, la nécessaire réflexion collective.

C’est que le festival est bien plus qu’une simple affiche, une simple programmation de spectacles : il constitue un véritable lieu d’échanges, de débats et de réflexions, à travers le prisme de l’art, autour des enjeux sociétaux actuels. Des tables rondes et des rencontres y sont organisées avec les artistes et des intellectuels, suivies de débats avec le public, pour discuter des questions soulevées par les œuvres proposées. Et pas seulement en vase clos.

En effet, l’implication territoriale du festival se traduit également par une politique d’action culturelle ambitieuse, notamment en direction des jeunes. En partenariat avec des établissements scolaires, des associations de quartier, des universités, Actoral développe une série de projets participatifs : ateliers de médiation, rencontres avec des artistes,  des parcours de spectateurs, des ateliers d’écriture ou encore d’inciter à la découverte des métiers du spectacle vivant. L’objectif est de donner accès à la création contemporaine, de lever les barrières culturelles, sociales ou économiques, et d’éveiller l’esprit critique dès le plus jeune âge.

En travaillant avec des enseignants, des éducateurs, des médiateurs culturels, le festival construit de la sorte des ponts entre la scène et la salle, entre les œuvres singulières et les vécus pluriels de chacun, entre l’art et la vie. Cette dimension pédagogique et citoyenne est au cœur du projet d’Actoral : l’Art dans la cité.

Car le festival, on ne le répétera jamais assez, encourage fortement la participation du public à travers des ateliers de création, où chacun peut découvrir les coulisses des processus artistiques. Ces ateliers offrent aux spectateurs l’occasion de devenir acteurs à part entière de l’événement, en explorant de nouveaux modes d’expression artistique, bien au-delà de ce que la tradition fige souvent dans des formes suscitant, par le respect académique, la distance. Et qui sait, sans doute peut-il susciter des vocations, notamment auprès du jeune public. La fréquentation des œuvres présentes, en gestation, des œuvres non encore figées ni fixées par le succès, des œuvres pas encore devenues canoniques, pas encore muséales, par cette fréquentation conviviale, facile, sans rituel distant et cérémonieux, est une façon fraternelle de créer aujourd’hui le public, mais aussi les artistes de demain.

Sans résumer abusivement les questionnements, on peut formuler quelques questions, qui ouvrent d’autres interrogations : comment l’art, qui n’est pas simplement une représentation du réel, peut-il réagir aux bouleversements sociaux, environnementaux et politiques actuels ? Comment les artistes pensent-ils leur engagement à travers leurs créations ? Et qu’en dit le public invité à réagir, à participer ?

Actoral est un festival d’automne. Cependant, ces activités et les résidences d’artistes proposées par Montévidéo jusqu'à présent, désormais relayées par Actoral, des trois semaines, ont essaimé, tout au long de l'année, par des rendez-vous ponctuels, des graines fructueuses toutes saison du festival d’automne. De la sorte, un programme dédié à la littérature continue de fleurir tous les mois avec des lectures, des rencontres, des débats dans des librairies dans divers lieux de la ville, les mettant pratiquement à portée de tous, notamment la librairie Pantagruel, dans le 7e arrondissement, L’Odeur du temps dans le 1er, Histoire de l’Œil, près du Cours Julien et Mazette à Vauban.

Lieux

Le Festival a un maillage très serré dans toute la ville, les théâtres du centre, théâtre l'Œuvre, des Bernardines, de la Criée, ou tout aussi accessible par les moyens de transports nombreux, le théâtre, de la Joliette, le ZEF - scène nationale de Marseille au Merlan, à l’est de la cité, le SCENE 44 n+n corsino à la Friche de la Belle-de-mai, le théâtre des Calanques au sud et, au nord, le 3 bis f, situé dans le Centre Hospitalier psychiatrique Montperrin. En somme, des théâtres aux quatre coins cardinaux de notre ville.

Il y a aussi les cinémas, la Baleine et le Vidéodrome 2, Cours Julien, les Variétés sur la Canebière. Par ailleurs, Actoral niche aussi dans divers lieux tout aussi emblématiques de la ville, le KLAP - Maison pour la danse de Michel Kéléménis, le siège du BNM, le Ballet National de Marseille, et, pour les arts plastiques, le Frac Sud- Cité de l'art contemporain, la Friche la Belle de Mai, le [mac] musée d'art contemporain, le MUcem. Et je n’aurai garde d’oublier le Centre international de poésie de Marseille à la Vieille Charité.

Tout cela pour dire que ce généreux festival, si général, si divers, si pluriel, est partout à portée de tous dans notre ville.

         Le Festival Actoral étant déjà bien avancé en septembre, avec ses 70 propositions dans divers lieux de la ville, du Mucem aux espaces plus intimistes, offrant ainsi une variété de formats et une diversité d'approches, voici au moins quelques temps fort de la programmation qui se profilent pour octobre

1.    Le cycle "Nouvelles écritures" (Espaces divers, 25 septembre au 3 octobre) Ce cycle propose une série de lectures et d'ateliers en présence d'auteurs et de metteurs en scène qui ont choisi de bousculer les codes traditionnels de l’écriture scénique. Des rencontres avec des dramaturges et des écrivains de la scène contemporaine permettront de découvrir des textes inédits, souvent provocants et parfois poétiques, qui interrogent notre société.

2.    "La Nuit des Arts Visuels" (Friche la Belle de Mai, 2 octobre)
Une soirée immersive dédiée aux arts visuels, où des projections vidéo, des installations interactives et des performances en direct se succéderont
. L’objectif est de questionner les rapports entre image, technologie et identité à travers des œuvres contemporaines aux multiples facettes.

3.    Concerts et DJ sets (disc jockey) (Divers lieux, 6 au 11 octobre)
Le festival se clôturera par une série de concerts et de DJ sets, avec une programmation musicale qui mélange les genres et les influences
. Des musiques électroniques aux sonorités plus acoustiques, ces événements viendront renforcer la dimension festive du festival tout en mettant en avant des artistes innovants de la scène musicale contemporaine.

 

    Actoral est donc une aventure humaine et artistique en constante réinvention Le Festival actoral, en 2025, n’est pas seulement la célébration d’un quart de siècle d’existence. C’est la manifestation concrète d’un projet vivant, mouvant, ouvert sur le monde, offert à tout le monde, dans notre ville monde.

 

Nous quittons Actoral sur une de ses plus fameuses DJ

SAPHIRA DJ, PERFORMEUSE, POÉTESSE

https://www.youtube.com/watch?v=aIr6X6QBXgQ

 

 

resa@actoral.org
www.actoral.org/

 

Émission N°827 de Benito Pelegrín

 


 

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