La
Grande Duchesse de Gérosltein
Opéra-bouffe en 3 actes et 4 tableaux
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy ,
Livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy ,
musique de Jacques Offenbach
Marseille, théâtre Odéon,
25 mai 2019
Non pas fantastique et dramatique comme celle de John Ford, mais forte
d’une équipe homogène, fosse, plateau, direction cavaleuse de scène (Jack
Gervais) et chanteurs, c’est la chevauchée fantasque, fantaisiste, menée
par Bruno Conti, sans cravache ni éperon brutal, la baguette pour badine
badine, au grand galop d’un orchestre comme la cavalerie légère de la joie. Car
on dirait que le Cheval blanc de l’Auberge a depuis fait des petits en rose : sa
hure hilare emmanchée d’un balai, c’est tout un bataillon de chevaux-légers qui
défilera sur scène, des tuniques bleues, sans doute moins du western que de
l’Est imaginaire de cette principauté qui semble guigner vers l’azur Monaco, avec
son
armée de soldats en shorts et casque
colonial estival et un bataillon, avec leurs képis mimis sur leurs
blanches jupettes, de gendarmettes aux jolies gambettes et le reste pas trop
bête, comme dit Mistinguett, « c’est vrai ! »
Sans se gendarmer, tout ce joli monde
guerrier siglé GD, Grande Duchesse ou GensD’arme, semble de pacifiques Casque Bleus onusiens, même sous cet énorme canon
comme on les aime : en peinture et caricature, trônant plus que tonnant,
sur ce camp militaire —ou de vacances— avec, surmontées de panaches, ses tentes
invitant plus à la détente et au repos du guerrier avec ces canons féminins
qu’à la guerre en dentelle d’amour : fleuries pour la fleurette à conter. Leur
contrepoint physique ironique anime plaisamment en chœur l’hymne
du Général Boum à sa propre gloire mais, quand le verbalement belliqueux
va-t-en- guerre monte sur ses grands chevaux claironnant le chant du départ au
combat, cela ne les emballe guère, et ils freinent des quatre fers, tremblant
sur leurs guiboles : rythme impeccable de guerre mais une armée guère
implacable.
D’accord, la
guerre mais ce n’est juste qu’un divertissement trouvé par le machiavélique
ministre Puck pour occuper l’esprit mélancolique de la Grande Duchesse Dorothée
à marier qui ne se marre pas, tricotant nerveusement dans un coin sous l’ombrelle
de son chapeau comme une anglaise attendant le tea time, l’heure du thé et de vérité : le choix d’un époux. Et
celui de la parade militaire, de la revue. On salue au garde à vous le génie de
son ministre Puck et du Boum Général en chef, ingénieux à éviter les batailles
et, si la noble dame déclame et proclame avec tout l’appétit gourmand de Marie-Ange
Todorovitch « Ah,
que j’aime les militaires ! », on voit vite que c’est bien vifs
qu’elle les préfère, bien pourvus et non mutilés ni handicapés, même si Fritz (Kevin Lamiel) le simple et simplet fusilier a un
handicap du cap en ne comprenant pas les avances fort poussées de la belle
souveraine qui l’invite au duo. Avant même sa
grisante guerre éclair, c’est la promotion éclair : de simple soldat il monte,
escalade tous les degrés de la hiérarchie, caporal, sergent, lieutenant,
capitaine puis Général en chef, le chef sur le champ orné par la Grande
Duchesse du plumet arraché illico presto au titulaire, au grand dam de Boum qui
en fait un ramdam.
Pauvre coq
déplumé, rouge de colère éclipsé par le bleu, militairement et
sentimentalement, car son cœur par ailleurs fait boum-boum pour la fiancée du
fusilier, on comprend que, vert de rage, alors qu’il avait auparavant triomphalement
chanté ses couplets avec toute l’énergie tonique et tonnante de Philippe
Fargues loufoque, il suffoque d’avoir été humilié devant ses hommes : il
passe à la conjuration avec l’insinuant et insidieux ministre, un Jacques
Lemaire (« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos
têtes ? ») qui sait susurrer ses phrases d’assassine façon ; il
n’est pas, pour rien nommé Puck, fantasque farfadet intrigant de Shakespeare,
dont la follette apparence est aussi le revers du pervers. Troisième larron ou
luron de la conjuration, on ne sait tant Dominique Desmons, en Prince Paul, futur consort ne s’en sort pas
à tant attendre, constant, le mariage repoussé avec constance par la Grande
Duchesse, a d’innocente ou inquiétante douceur à chanter —ou
de sournoise habileté à manipuler des marionnettes. Il sera rejoint dans la
conspiration contre Fritz par son conseiller, l’élégant Baron Grog (Jean-Luc
Épitalon) en apparence très froid mais sûrement chaud lapin quand la pauvre
Dorothée, entêtée de lui mais dépitée, découvrira qu’il a une portée d’enfants et
un autre en préparation avec une épouse légitime.
Pas de chance en
amour pour cette pauvre dame riche et noble si majestueusement et drôlement campée
par Marie-Ange Todorovitch, pétulante, pétaradante d’ardeur dans son
amour pour les militaires, solennelle à exalter la mystique «du sabre, du sabre,
du sabre de papa » ; comment résister au velours sensuel de sa voix,
invite envoûtante à la volupté dans son aveu : « Dites-lui qu’on l’a
remarqué… ». On traiterait presque d’ignoble à tant ignorer ses avances
amoureuses ce serin de Fritz qui, tout serein et imperméable, chante joliment
dru et clair mais n’y voit guère dans ce jeu transparent. Bon, on ne comprend
pas mais on lui pardonne quand même à voir et entendre sa belle modeste cantinière
incarnée si brillamment par la souriante et chaleureuse Charlotte Bonnet.
Et Antoine
Bonelli dans tout ça ? Il se taille un habituel succès sans même
chanter, en Népomuc aussi fourni en
cheveux que la scène en chevaux pour le galop musical final (« À cheval ! »),
au pas (pas) militaire de ces plus fringants cavaleurs qu’arrogants cavaliers
et agiles pouliches, dans une cavalcade folle qui dynamite la salle par son dynamisme
énergisant. Oui, à cette image : que la guerre est jolie !
Marseille, Théâtre
Odéon
25 et 26 mai
La Grande Duchesse de
Gérolstein
de Jacques
Offenbach
Opéra-bouffe en 3 actes
et 4 tableaux
Livret de Henri MEILHAC et Ludovic HALÉVY
Livret de Henri MEILHAC et Ludovic HALÉVY
Fritz Kévin AMIEL
Général Boum Philippe FARGUES
Baron Puck Jacques LEMAIRE
Prince Paul Dominique DESMONS
Baron Grog Jean-Luc ÉPITALON
Népomuc Antoine BONELLI
Général Boum Philippe FARGUES
Baron Puck Jacques LEMAIRE
Prince Paul Dominique DESMONS
Baron Grog Jean-Luc ÉPITALON
Népomuc Antoine BONELLI
Chœur Phocéen, Orchestre de l’Odéon
Photos
Christian Dresse
1.La Grande Duchessse s'ennuie (Todorovitch, Desmons);
2. Dorothée et son armée;
3. Les conspirateurs (Desmons, Lemaire, Fargues);
4. Épitalon, Bonelli, Desmons, Todorovitch, Fargues, Lemaire;
5. Bonnet, Amiel;
6. "À cheval!"
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