Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

mardi, novembre 13, 2018

GRANDE GUERRE ET MUSIQUE


Enregistrement 5/11/18, Culture en Provence
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 343, semaine 45

11 novembre : commémoration du centenaire de l’Armistice de la guerre de 14-18.
Le 14 juillet 2014, symboliquement, pour commémorer le centenaire de la Grande Guerre, j’avais parlé des trois premiers CD de la débutante collection lancée par les éditions Hortus : Les Musiciens et la Grande Guerre.  Nous avons suivi pratiquement pas à pas cette collection, trente-deux enregistrements en date du 11 novembre 2018, centenaire de l’Armistice où l’immense collection va se clore tout aussi symboliquement.
Étrange sentiment à l’annonce de cette fin : d’un côté, on éprouve comme un soulagement avec le souvenir de la fin de ce conflit cataclysmique, et, en même temps, nous avons la sensation d’une perte de ce monument pierre à pierre, disque à disque érigé, qui nous a accompagnés pendant quatre ans, évoquant, dans la paix musicale, la guerre. La guerre par les musiciens qui l’ont chantée, pour l’exalter d’abord dans la folie nationaliste meurtrière des lendemains que l’on croit vainqueurs et chantants, puis, en déchantant quand la guerre s’installe dans l’insoutenable durée, révélant son atroce visage finalement l’abominable pour tout le monde, dans ses horreurs que même la musique ne parvient pas à transcender.
Cette gigantesque anthologie s’était donnée pour but généreux et ambitieux, de faire découvrir ou redécouvrir l’univers sonore des compositeurs, interprètes et musiciens ayant vécu et subi cette guerre, mobilisés, immobilisés dans leur œuvre, souvent blessés, souvent tués, exécuté expéditivement comme l’héroïque Albéric Magnard,  mort coupable simplement de patriotisme, dont la musique innocente inaugurait la collection. Il y avait ceux restés hors du front à cause de leur âge, de leur faiblesse constitutive comme Ravel, ambulancier malheureux, ou de leur maladie, comme Debussy, qu’on appelait alors, Claude de France, dans un nationalisme inévitable quand la patrie est en danger, mais nationalisme, hélas, généralisé aux nations, qui amena cette catastrophe mondiale.
D’autres livraisons discographiques avaient généreusement élargi l’horizon et, passant, dépassant les odieuses frontières, prétextes aux revendications territoriales meurtrières, nous ont offert un beau panorama de compositeurs français, anglais, australiens du même camp, mais aussi allemands de l’autre, qui avaient pressenti ou senti la catastrophe abattue aussi sur eux, alors qu’ils étaient tous liés, alliés ou pas, par la fraternité universelle de la musique, même sans se connaître.
Mais la guerre se déclare (et par qui et pourquoi ?) et l’on devient l’ennemi officiel de celui qui est du mauvais côté de la frontière. Et réciproquement : à chacun sa vérité, sa justice. « Plaisante justice qu’une rivière borne, disait déjà Pascal : vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. »
         Cette anthologie exceptionnelle, au long de ces quatre années, disque à disque, parfois non sans résistance intime à l’évocation de tant de malheur, nous a contraints à voir, revoir, à ne pas oublier, en même temps que ce temps de douleur humaine, de guerre, ce que l’art le plus épuré, la musique des hommes, même difficilement audible dans le fracas des armes, porte d’inextinguible l’espérance à l’humanité.
         Ainsi, du haut de ces 33 volumes déjà parus, la collection, labellisée par la Mission du Centenaire en 2014, constitue un corpus patrimonial impressionnant, cohérent dans sa pluralité diverse. C’est un recueil de plus de deux-cents œuvres, dont près de quarante inédites, de cent-vingt compositeurs de douze nationalités différentes.
         Voici donc un rapide aperçu des deux derniers reçus.
         Inédit, du volume XXXII Ode à la France de Jacques de la Presle, sur des paroles de René Dorin, écoutons un extrait du Cri de guerre de le 6e Division d’Infanterie par le Chœur Fiat Cantus dir. Thomas Tacquet :
1) DISQUE 1, PLAGE 10
Seule l’horreur de la guerre peut justifier ces horribles paroles, improvisées dans la tranchée, aspirant, invitant au carnage et à la mort.
Nous quitterons cette magnifique collection Hortus avec le CD, harpe, sur ces arpèges doux de Jacques Ibert :
 2) DISQUE II, PLAGE 1 
Éditions Hortus, collection les musiciens et la Grande Guerre



La harpe consolatrice
Ibert - Tournier - Renié - La Presle - Roussel - Fauré 
Pendant la Grande Guerre, la harpe par sa sonorité douce, légère et à connotation féminine est associée dans l’imaginaire aux infirmières tentant de calmer les souffrances des victimes. Les jeunes compositeurs mobilisés vont nous offrir dans leurs œuvres une vision intimiste, délicate mais souvent aussi profonde et émouvante. La grande harpiste Henriette Renié représente toutes ces femmes qui traversèrent discrètement la guerre dans la souffrance et les difficultés tout en défendant l’art à l’égal des hommes. 
Kyunghee Kim-Sutre, harpe
Programme détaillé
HORTUS 731 | CD DDD ℗ Hortus 2018 | T.T. 72'26 
 Les Musiciens et la Grande Guerre, disque 31 
 Jacques Ibert (1890-1962) 
 Six pièces  
1.Matin sur l’eau4'38
2.Scherzetto3'51
3.En barque, le soir...9'15
4.Ballade5'35
5.Reflets dans l’eau5'46
6.Fantaisie8'47
 Marcel Tournier (1879-1951) 
 4 Préludes  
7.Tranquille1'54
8.Pas trop vite1'40
9.Lent2'19
10.Allegretto2'14
 Henriette Renié (1875-1956) 
 6 Pièces brèves  
11.Conte de Noël1'33
12.Recueillement1'32
13.Air de danse0'55
14.Invention dans le style ancien1'03
15.Rêverie1'32
16.Gavotte0'47
 Jacques de La Presle (1888-1969) 
17.Le Jardin Mouillé 6'17
 Albert Roussel (1869-1937) 
18.Impromptu op. 21 6'36
 Gabriel Fauré (1845-1924) 
19.Une châtelaine en sa tour op. 110   



 
Ode à la France
Debussy - Bridge - Pierné - La Presle 
La musique pour chœur exprime le plus souvent les sentiments d’une foule unie. Cette expression collective prend une connotation religieuse dans des œuvres permettant d’espérer le retour à la paix (A Prayer). Elle dépasse aussi le sentiment religieux pour s’inscrire dans l’histoire et l’unité nationale comme dans L’Ode à la France de Debussy ou Les Cathédrales de Pierné, une fois exprimé un véhément Cri de Guerre. 
Delphine Guévar, soprano  
Flore Merlin, piano  
Benjamin Carré, piano  
Luca Montebugnoli, piano  
Boché Kaëlig, ténor  
Florence Mestais, récitante  
Choeur Fiat Cantus, choeur  
Thomas Tacquet, direction


Les Musiciens et la Grande Guerre, disque 32 
 Claude Debussy (1862-1918) 
1.Ode à la France op. L. 141 12'53
2.Noël des enfants qui n'ont plus de maison 2'35
 Gabriel Pierné (1863-1937) 
 Les cathédrales  
3.Prélude9'29
4.Chanson picarde1'54
5.Chœur alsacien1'05
6.Reims4'12
7.Épisode des Églises3'30
8.Épisode des Flandres1'50
 Franck Bridge (1879-1949) 
9.A Prayer op. 140 18'21
 Transcription pour choeur et piano
 Transcription : Frank Bridge
 Jacques de La Presle (1888-1969) 
10.Cri de Guerre de la 6e division d’infanterie

dimanche, novembre 11, 2018

VOLUPTÉ D’INTELLIGENCE



Récital

MARIE-NICOLE LEMIEUX, CONTRALTO,

ROGER VIGNOLES, PIANO

Poèmes de Goethe et Baudelaire

Marseille-Concerts

La Criée, 5 novembre


         Volupté d’une voix pleine, ronde, longue, égale, aisée, graves de velours mais aigus satinés ; intelligence sensible de l’interprétation, intelligence raffinée du choix des textes et de l’équilibre du récital, pendant plus d’une heure trente d’un temps suspendu par la magie de son art, Marie-Nicole Lemieux, avec le concours de Roger Vignoles au piano, a tenu sous son charme d’une simplicité souveraine le public de la grande salle de la Criée. Magie d’une interprète d’exception, souriante, dialoguant, blaguant avec les spectateurs dont elle canalise même les applaudissements vers les séries de compositeurs et les articulations thématiques des poèmes, pour ne pas perdre la concentration et les atmosphères qu’elle a voulu nous offrir.
Photo : courtoisie d'agence
Allemande, la première partie sert des poèmes de Gœthe sertis en lieders par de grands compositeurs, respectivement Schuman, deux lieds, Schubert, trois, Beethoven, deux, Fanny Hensel-Mendeslssohn, deux et Hugo Wolf, trois. La seconde nous convie en Baudelaire, poèmes mis en musique par Chausson, Fauré (deux), Déodat de Séverac, Charpentier, Debussy (deux) Duparc (deux).
 Magnifique promenade entre le lied germanique et la mélodie française du XIXe siècle. Et bonheur de voir défiler les textes sur un écran en langue originale, plus la traduction pour les allemands. En effet, que seraient ces musiques et textes, servis par cette voix, si l‘on ne pouvait en suivre les mille inflexions et couleurs vocales sertissant ces mots ? Par ailleurs, à écouter ce chant, à lire ces poèmes, on découvre, avec certes un peu d’attention, des intentions subtiles de l’interprète orfèvre en la matière.  
Échos subtils entre poèmes
Ainsi, elle commence son récital sur Gœthe par la fameuse chanson de Mignon, extraite des Années d'apprentissage de Wilhelm Meister : « Kennst du das Land? », abréviation de  « Connais-tu le pays// des citronniers en fleur, / Et des oranges d’or dans le feuillage sombre… ? », qui séduisit un grand nombre de compositeurs, dont Beethoven et Schubert. C’est la version de Schuman qui prélude cette partie allemande qui se clôt par celle de Wolf. Le récital se fermera sur un bis qui offrira l’adaptation française d’Ambroise Thomas, « Connais-tu le pays où fleurit l’oranger ? », de son opéra Mignon, douce et charmante cantilène, mais dont le piano souriant (réduction de la partition d’orchestre) pâlit, pâtit, même à distance, de celui frémissant d’angoisse des deux devanciers germaniques.
« Dahin », « là-bas »
Mais, au-delà de la musique, je ne peux m’empêcher de trouver, aux vaines envolées du rêve de Mignon qui ouvrent et ferment la première partie, l’écho de l’impossible envol de l’Albatros de Baudelaire (Chausson) qui prélude la seconde. Schuman, déjà dramatisait les montées déchirantes de la jeune femme sur « dahin », ‘Là-bas’, qui sombre encore davantage dans le drame avec la noirceur de Wolf pour dire cette vaine Invitation au voyage déjà baudelairienne où l’on retrouve aussi cristallisé dans un point focal de l’évasion, d’un ailleurs meilleur, « Là », ce désir de partir, de voyager avec l’être aimé : « d’aller là-bas vivre ensemble », dans les deux cas, de fuir et trouver dans cet utopique « là-bas », un lieu printanier de soleil et de paix  où :

« Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
            Luxe, calme et volupté. »

Même les évocations, entre songe et souvenirs d’un passé en lambeaux de la visionnaire Mignon, cette salle, ces marbres, sont d’une vie antérieure de la rêveuse et amnésique héroïne. Intelligence entre les lignes : La Vie antérieure de Baudelaire, mise en musique par Duparc, avec ses « vastes portiques » est un subtil écho final du récital à son début et à ces statues oniriques entrevues, revues en rêve par Mignon.
Margot, Gretchen, Marguerite à son rouet, abandonnée, déchirée de souvenirs amoureux est comme une Mignon abandonnée sans doute autrefois, qui n’a pas encore intériorisé ou refoulé dans la brume du rêve de l’inconscient, la consciente douleur présente : Gretchen am Spinnrade de Schubert est l’amorce de la folie tournoyante qui trouve un logique exutoire dans les larmes incessantes du successif Wonne der Wehmut de Beethoven, troué de soupirs, une mélancolie à la douceur enfin cultivée. De la douleur domptée, on saute, sursaute, à la révolte de la femme qui aspire, sinon à la statue guerrière héroïque, au statut viril, sur un pas, martial, au son du tambour de Die Trommel gerühret du même Beethoven. Mais l’homme part toujours, surtout le soldat, la femme reste, avec sa guerre intérieure. Mais la seule et heureuse présence féminine, Fanny, épouse Hensel, sans laquelle son frère Félix n’aurait pas été Mendelssohn, prouve bien, même bercée par la harpe (Harfners Lied) que la femme n’est pas que le repos du guerrier, trouvé par le voyageur nocturne dans toutes les cimes (Über allen Gipfein ist Ruh).
Avec la délicatesse cristalline de deux simples accords sur lesquels plane la voix souvent sur la même note, Blumengruss de Wolf, ‘Salut de fleurs ‘, précède le rêve d’un printemps fleuri toute l’année, Frühling übers Jahr, qui ramène logiquement au rêve de Mignon, Kennst du das Land? qui clôt la première partie. 
J’ai dit les affinités subtiles de la première partie allemande avec la seconde, française, mais qui, après le printemps italien de Mignon, plonge dans les sombres couleurs du Chant d’automne de Fauré et son Hymne tempétueux, les nocturnes, duveteux et mélancoliques Hiboux de Déodat de Séverac. Même voluptueuse, La Mort des amants de Charpentier, n’en efface pas la noirceur. Seul Le Jet d’eau, par Debussy éclaire, dans sa nuit, un peu l’ensemble, plombé sitôt après par l’amer Recueillement où la nuit qui marche est comme une image de la vieillesse qui arrive, de la mort qui vient. Des deux mélodies de Duparc, Invitation au voyage est la porte dorée ouverte sur l’évasion, mais c’est aussi un crépuscule, quant à La Vie antérieure, ce n’est plus, à l’évidence, une vie présente, mais la fuite du présent. Qui nous ramène aux velléités que j'ai dites de Mignon, avec un postlude au piano de Duparc qui nous fait regretter mais espérer un récital solo de ce grand pianiste qu’est Roger Vignoles
Photo crédit: Ben Ealovega
Harmonies thématiques et textuelles, autant que musicales, bien sûr, qui m’apparaissent dans ce programme réfléchi, des accords à tous les sens du mot, délicat tissage où l’intelligence le dispute à la sensibilité : « Correspondances » si chère à Baudelaire, dans la voix se Lemieux, « les couleurs et les sons se répondent », harmonieusement.
Le son et le sens
Mais ce ne serait qu’un savant, déjà remarquable, choix de poèmes qui séduit l’intellect de l’auditeur attentif, s’il n’y avait la volupté d’une interprétation sensible qui, tout en liant l’ensemble, fait de chaque morceau une atmosphère unique, un paysage de l’âme qui nous est livré, délivré, de la confidence intime à la clameur, à chacun en particulier et à tous ensemble. Les moyens immenses de Lemieux, ampleur de la voix, puissance, sont pliés au murmure, au service du texte : elle caresse, effleure les mots, les file termine sur un sfumato expressif, ou les mord, les écorche au cri en tragédienne accomplie, jamais gesticulatrice. La tenue de souffle lui permet un phrasé magistral, d’une souveraine simplicité.
L’élocution de l’allemand nous épargne ce staccato martial que tant d’interprètes non germanophones, sans doute marqués par des films de guerre, se croient obligés d’infliger à l’harmonieuse langue de Goethe et rappelle, par sa fluidité, le grand Hans Hotter. Quant à la diction française, digne de son illustre compatriote Jean-François Lapointe, c’est un modèle d’élégance, de beauté, de clarté, qui nous vient encore du Québec : un « Là-bas » qui nous parle merveilleusement d’ici.
Marseille-Concerts
La Criée, 5 novembre 2018
MARIE-NICOLE LEMIEUX, CONTRALTO,
ROGER VIGNOLES, PIANO
Poèmes de Goethe et Baudelaire.

I. JOHANN WOLFGANG VON GOETHE (1749-1832) 
ROBERT SCHUMANN (1810-1856)
Kennst du das Land?
Wie mit innigstem Behagen
FRANZ SCHUBERT (1797-1828)
Der Musensohn
Ganymed
Gretchen am Spinnrade
LUDWIG VAN BEETHOVEN (1770-1827)
Wonne der Wehmut
Die Trommel gerühret
FANNY MENDELSSOHN-HENSEL (1805-1847)
Harfners Lied
Über allen Gipfeln ist Ruh
HUGO WOLF (1860-1903)
Blumengruss
Frühling übers Jahr
Kennst du das Land?
---entracte---
II. CHARLES BAUDELAIRE (1821-1867)
ERNEST CHAUSSON (1855-1899)
L’Albatros
GABRIEL FAURÉ (1845-1924)
Chant d’automne
DÉODAT DE SÉVERAC (1872-1921)
Les Hiboux
GABRIEL FAURÉ (1845-1924)
Hymne
GUSTAVE CHARPENTIER (1860-1956)
La Mort des amants
CLAUDE DEBUSSY (1862-1918)
Le Jet d’eau
Recueillement
HENRI DUPARC (1848-1933)
L’Invitation au voyage
La Vie antérieure


 

samedi, novembre 10, 2018

UN SACRÉ SACRE TOUJOURS ACTUEL!


AVANT-GOÛT
Igor Stravinsky,
Grâce à la musique
Jeudi 15 novembre . 19h LES JEUDIS DE MUSICATREIZE
Documentaire de Franois Reichenbach, 1981, 1h45
Entrée libre
Le Sacre !
Vendredi 16 novembre . 20h
Salle Musicatreize
LE SACRE DU PRINTEMPS
Georges Pludermacher, piano Catherine Cantin, flûte Bruno Pasquier, alto Catherine Michel, harpe
PROGRAMME
Le Sacre du printemps Igor Stravinsky
Sonate pour flûte, alto et harpe Claude Debussy
Sans Igor Stravinsky et Claude Debussy, le XXe siècle musical aurait été tout autre. Leurs oeuvres invitent les compositeurs à explorer des univers sonores jusque-là inouïs. Georges Pludermacher interprétera l’extraordinaire transcription du Sacre du printemps qu’il a réalisée pour piano et pianiste seul. Au-delà de l’incroyable virtuosité exigée par cette transcription, c’est aussi l’occasion de découvrir une autre vision du Sacre, sous les doigts de l’un des plus grands pianistes franais, créateur de nombreuses oeuvres marquantes des cinquante dernières années. La Sonate pour flûte, alto et harpe fut écrite par Debussy en 1915, deux ans après la création du Sacre. Hommage à la musique franaise du XVIIIe siècle, faisant appel à un tout autre langage musical que celui utilisé par Stravinsky, la sonate est écrite pour une formation jamais utilisée alors, lui conférant cette atmosphère sonore si particulière
et poétique. Immenses solistes parcourant les plus grandes scènes internationales, Catherine Cantin, Bruno Pasquier et Catherine Michel ont interprété ce chef-d’oeuvre à de nombreuses reprises, en particulier alors qu’ils étaient les uns et les autres solistes de l’Opéra de Paris.
Un événement musical ! 


LES NATIONS
LA FRANÇOISE ET L’IMPÉRIALE
Concerto Soave / Jean-Marc Aymes
Odile Edouard & Simon Pierre violons baroques Sylvie Moquet viole de gambe
Jean-Marc Aymes clavecin
Les Nations sont certainement le chef-d’oeuvre de la musique
de chambre de Couperin. Debussy s’y référa lorsqu’il composa ses trois sonates, particulièrement celle pour flûte, alto et harpe.
Parmi les quatre
Nations de Couperin, Concerto Soave en a choisi deux : La Franoise et L’Autrichienne. Les deux oeuvres sont formées d’une grande sonate en trio introductive (que Couperin,à l’exception de l’Impériale, reprend d’oeuvres de jeunesse) suivie d’une série de danses typiques
de la suite " à la fran
aise ". Dans toute cette musique, le compositeur fait preuve d’une merveilleuse invention et fait triompher son idéal
des " Goûts Réunis ".

Tarifs : 12/8 euros
CONCERTO SOAVE ENSEMBLE
"Concerto Soave, référence désormais incontournable dans le réveil d’un paysage baroque tout ensemble tendu, virtuose, intimiste " Roger Tellart, Classica.
Né de la rencontre de María Cristina Kiehr et de Jean-Marc Aymes, Concerto Soave est un ensemble de musique baroque, cultivant un es- prit poétique et sonore totalement unique.
Des solistes reconnus venant des quatre coins de l’Europe explorent le répertoire italien du Seicento, mais également bien au-delà, jusqu’à la création contemporaine et aux collaborations diverses (danse, théâtre, déclamation...).
Invité par les plus grands festivals (Aix-en-Provence, Ambronay, Saintes, Utrecht, Innsbruck...), l’ensemble a réalisé plus de cinq cents concerts
à travers le monde, de Londres à Washington, de Jérusalem à Rome,
de Vienne à Madrid. Des enregistrements prestigieux pour l’Empreinte Digitale, Harmonia Mundi, le Label Ambronay ou Zig-Zag Territoires consacrent "le statut hors normes de l’Argentine comme diva baroque et la singulière maîtrise technique de Concerto Soave" (Roger Tellart). Ensemble à rayonnement international, Concerto Soave a fait de Mar- seille son port d’attache depuis 2007.

Ensemble Musicatreize + Salle Musicatreize / Saison 2018_2019 / Dossier de presse / Elodie Hercouet T +33 (0)4 91 00 91 31


Dimanche 18 novembre . de 16h à 18h
Salle Musicatreize
HISTOIRES DE CLAVECIN II
ORDRES EN DÉSORDRE
Étudiants du CNSMD de Lyon,
et des Conservatoires de Marseille et Aix-en-Provence

Il y a exactement 350 ans, le 10 novembre 1668, naissait Franois Couperin, le plus glorieux de nos clavecinistes, un de nos plus géniaux compositeurs. De jeunes artistes lui rendent hommage tout un après-midi en interprétant, chacun, un de ses " ordres ", ainsi qu’il nomme les groupes de pièces à l’intérieur de ses Livres pour clavecin.
Le public découvrira l’oeuvre du claveciniste, de son
Premier à son Quatrième Livre, de 1713 à 1730, des ténèbres de la fin du règne de Louis XIV à la gloire de celui de Louis XV, de la gravité " grand siècle "
des premières pièces au mystère des ultimes o
euvres.
Entrée libre


mercredi, novembre 07, 2018

À TOUT CŒUR, COUP DE CŒUR, L'AMERICAN GALLERY


Enregistrement 19/10/18, passage ?
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 340, semaine 44
COUP DE CŒUR : AMERICAN GALLERY
Pour les amateurs d’art contemporain, il y a un aimable rituel, un agréable pèlerinage : se rendre à l’American gallery de Pamela King. Le lieu, c’est un nid de verdure haut perché dans une boucle de la Corniche. Du dessus du théâtre Silvain, de toute sa hauteur, il plonge vertigineusement au creux profond de l’anse de la Fausse-Monnaie, cette petite calanque nichée douillettement sous les trois arches du pont de même nom : l’American gallery est un site en hauteur, entre air, terre profonde, et pleine mer par le panorama aérien et maritime qu’il offre sur la lumineuse rade de Marseille et ses îles, Château d’If et Frioul, posées sagement en grisaille sur le bleu des eaux.

À l’angle éclatant de blancheur du Chemin du Pont où la pointe du restaurant Ruhl joue les étraves de navire, l’on se trouve face à l’entrée de la Rue des flots bleus : en fait, c’est une volée d’escaliers bien marseillais. On pourrait évoquer cela comme un charmant chemin d’initiation qui y conduit, avec, naturellement, l’épreuve à monter et surmonter : une brève ascèse, l’exercice physique de rudes et raides marches qu’il faut gravir.

Au bout des escaliers, toujours en pente, la Rue des flots bleus s’élargit un peu serrée par des murs aveugles d’où débordent d’exubérantes végétations nébuleuses laissant entrevoir des maisonnettes et l’on atteint le petit portail du 54. En entrant, le dais arboré d’un figuier à hauteur d’homme offre en son temps ses fruits mûrs.

Le petit jardin se décline en deux plans descendants reliés par un mince escalier. Du second, sur la voûte du ciel, des fils tendus semblent vouloir coudre légèrement les nuées éparses d’arbustes, les flocons végétaux. À mieux regarder, ce sont des cordes à linge, des lignes de différentes couleurs, violet, bleu, vert, rouge, orange, jaune, qui dessinent, strient, découpent le ciel de leur treillis, une délicate et arachnéenne toile qui, pour tout insecte volant, n’aurait attrapé qu’un arc-en-ciel aux raies colorées désordonnées, offrant un joli et joyeux perchoir aux oiseaux. C’est la poétique installation de Charlie Hamish Jeffery.

Quelques marches plus bas, et au sein de la petite cave devenue galerie, les tableaux, semblant déborder la limite du cadre, les insolites et troublants découpages du corps en blanc et noir dIna van Zyl.
Dans ce lieu riant et recueilli, parmi les arbres et les fleurs et des œuvres d’art invitant à la réflexion, comment ne pas évoquer ce que je disais de la tradition poétique et mystique de l’hortus conclusus héritée de Salomon, ‘le jardin clos’ assimilé à la Dame, jalousement gardé par des murs contre la nature inculte de l’extérieur, dont les fourrés touffus, les frondeuses frondaisons débordent par-delà les murs.  Ici, en ce jardin de culture ouvert au ciel et à la mer, et au public, vous êtes invité par une Belle Dame souriante : Pamela King en son jardin.Elle habite l'Art et l'Art habite chez elle.
À tout cœur, coup de cœur, l’American gallery 54, rue des flots bleus, 13007 Marseille. Expositions jusqu'à fin novembre. Sur rendez-vous.
The.american.gallery@free.fr  Tél. : 06 27 28 28 60
Photos B. Pelegrín



mardi, novembre 06, 2018

"LA BICOQUE", ROMAN DE SARA VIDAL


Enregistrement 6/9/19  passage, semaine
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 325
(condensé de deux émissions, "Coup de cœur" et "Marque-page") 

La Bicoque, roman de Sara Vidal, éditions Riveneuve




Un « coup de cœur » est la prédilection, l’estime soudaine, l’affection que l’on ressent pour un objet ou une personne et que l’on souhaite faire partager aux autres. Et ici, sur les ondes de RCF, c’est un livre sur les ondes duquel j’aimerais conduire, émotionnellement mais rationnellement, les auditeurs devenus lecteurs.
Il s’agit de La Bicoque, roman de Sara Vidal, éditions Riveneuve,. Mais un « coup de cœur » peut être « un coup de tête », un « coup de sang » dans lequel la raison, que le cœur ne connaît pas, peut en être la dupe, car l’émotion n’est pas toujours bonne conseillère en matière de culture et le sentiment, encore moins en matière littéraire.
Évidemment, côté sentiment, on ne peut qu’éprouver de la sympathie pour Sara Vidal, femme simple, chaleureuse et très généreuse côté cœur : avec sa vocation bienveillante de bénévole, agrégée de lettres classiques, mais descendue de sa hauteur universitaire, elle a animé une humble mais urgente association de lutte contre l’illettrisme, en plus d’être fondatrice des rencontres littéraires Lectures du Monde avec des écrivains et créateurs francophones venus des pays du Sud.
Donc, Sara Vidal, professeure de Lettres classiques, prenant une retraite anticipée, avec trois enfants à charge, avec ces autres activités, critique littéraire et théâtrale pour une radio, chargée des relations publiques de Générik Vapeur, théâtre de rue, a mené une carrière dans les lettres comme écrivain, elle a douze romans à son actif.
Mais la sympathie que l’on peut éprouver pour cette personne, si pleine d’empathie pour les autres, les modestes, les petits, ne brouille pas de sa sentimentalité la raison du critique et l’admiration pour la personnalité littéraire évidente dans ce roman, La Bicoque. Un personnage sans nom, fuit une ville innominée sans laisser d’adresse, se retire dans une crique au bord de mer, dans ce qu’on appellerait un cabanon.
 La fuite de la ville est un thème littéraire très ancien depuis le poète latin Horace et religieux si l’on se souvent des mouvements érémitiques, des ermites fuyant les hommes dans les déserts pour rester en tête à tête avec Dieu. Cela aura un grand succès en littérature : des courtisans se rêvant bergers de pastorale, des princes vaincus de la Fronde courant au désert du janséniste Port-Royal, des soixante-huitards écologistes allant élever des moutons au Larzac, etc. Ce roman le renouvelle le thème avec originalité. 
Cependant, le héros n'est pas un atrabilaire Alceste misanthrope  de Molière voulant fuir le monde, le grand monde, la cour en fait, pour s'enterrer dans un "désert", qu'il faut entendre comme un confortable Port-Royal, où tant de faillits et aigris de la Fronde allaient trouver refuge pour cultiver leur individualisme et leurs échecs. Le hasard d'un gain à la loterie l'incite à acheter cette demeure isolée sur un bord de mer. Sa lassitude d'une ville chaotique, encombrée, le pousse sans doute au pari quelque peu ingénu de se trouver ou retrouver dans la solitude mais aussi de n'être pas retrouvé par la mort : « la mort aurait du temps pour le trouver, elle n’avait plus son adresse. »
Mais, il y a également, dans la complexité de ce héros sans héroïsme, un doute existentiel : sur lui-même, une perte de confiance en soi confinant à ce qu'il estime une transparence de plus en plus grande, une perte de "visibilité" dirait-on aujourd'hui. À n'être pas vu des autres, autant les fuir et, sans sombrer dans son propre regard narcissique, n'être plus exposé à celui, indifférent, d'autrui.
Bien que le personnage soit un laïque, il semble avoir une culture assez vaste (son ancien bureau en désordre, interdit de ménage même à sa femme ou compagne en est un signe subtil), notamment, sinon exactement religieuse, en tous cas, historique. Son expérience est rapportée, avec humour, au grand mouvement érémitique des débuts du christianisme, ces ermites, ces anachorètes cherchant une ascèse extrême, certains perchés sur un "style", une colonne. Mais, seule discrète référence géographique permettant de situer le roman, l'obsession pour les hommes préhistoriques de ce que nous identifions comme la grotte Cosquer grâce à l'allusion au pingouin rupestre, introduit une dimension, ou, plutôt, une filiation entre notre passé le plus archaïque, des tribus d'homme errant sans cesse pour leur survie, et, soudain, l'apparition d'un groupe de migrants d'aujourd'hui qui en semble une moderne incarnation. 
Et l'ermite volontaire fuyant les hommes est retrouvé par eux. Fuyant le monde et ses histoires, il se retrouve involontairement au cœur de l'Histoire  humaine : la plus reculée dans le temps et la pointe de notre actualité. Il y a tout un suspense physique et psychologique, très délicatement conduit, non du choc, mais de la rencontre entre le solitaire et les solidaires de la fuite. Son attitude est très complexe, ambiguë, autre réussite de ce roman d'une moraliste au sens noble du terme, sans simplisme moralisateur.
Sans rien d’appuyé, sous l’esthétique individuelle de la solitude, de la singularité, émerge tout doucement l’éthique humaine de la pluralité, du groupe. Prêcher dans le désert est forcément stérile. Ce héros n’a finalement pas rompu tout lien. Il n’est pas dans le superbe et égoïste isolement d’une tour d’ivoire : le monde, sa périphérie, sa marge, ses marginalités vont le rattraper. C’est d’abord la mémoire archaïque qui émerge avec ces "préhistoriques" amenant la découverte, avec les errants des temps nouveaux, la découverte que tout homme porte depuis toujours le désir irrépressible de l’ailleurs et celui, tout aussi puissant, de fixer une empreinte artistique de son passage : laisser une trace. Cela nous vaut de belles pages poétiques, graphiques, sur les dessins rupestres.
Le style est limpide, rythmé, souvent chantant de phrases au rythme ternaire d’une douceur souvent poétique. Sans descriptions réalistes, Sara Vidal a l’art de suggérer, en peu de mots, une ville, ses rues les moins attractives, saleté, ordures, bar tabac jonché de tickets de PMU, loterie, débris de consommation. On croit deviner le Cours Belsunce, le Boulevard National, une Marseille bien sensible bien que jamais nommée. L’évocation émue des dessins rupestres et du destin des hommes préhistoriques, les éternels migrants d’autrefois, nos ancêtres, font de ce roman un livre tout proche et lointain : universel.

La Bicoque, roman de Sara Vidal, éditions Riveneuve.




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