Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

lundi, janvier 23, 2023

 

Arthur DENTE
RÉCITALS DE GUITARE 

CÔTE d'AZUR 28 & 29 JANVIER 2023
 
À CALLIAN :
Samedi 28 Janvier à 17H à la Chapelle des pénitents
Place de la Mairie 83440 CALLIAN.

À ANTIBES :
Dimanche 29 Janvier à 11H au Bernie's Jazz Moments
6 Bis rue du Général d'Andréossy 06600 ANTIBES
 

Je me réjouis de venir jouer chez Bernie's le dimanche 29 !
J'espère que vous en serez.
Je vous envoie le programme que j'ai concocté.
j'ai choisi un enchaînement de pièces très varié :

COMPOSITIONS :
  1. L'INDIEN PERDU 
  2. EL INDIO ENAMORADO
  3. ALTO PLANO
  4. CONTEMPLATIONS
  5. EL INDIO GUERRERO
  6. MEU PAI
  7. LA PRIÈRE DU FADISTE
  8. L'INDIEN VOLANT
OEUVRES CLASSIQUES :
  1. CHACONNE EN RÉ MINEUR  - Jean-Sébastien BACH
  2. ASTURIAS - Isaac Albeniz
  3. PRÉLUDE N°1 - Heitor Villa-Lobos
COMPOSITIONS :
  1. INSISTIR LENTAMENTE
  2. EL INDIO AMERICANO
  3. EL INDIO MEDITATIVO
  4. MUNDO ENTERO

vendredi, janvier 20, 2023

 

Lyricopéra présente 

Alma Mahler, Muse de Vienne

« Moi, Alma, j’ai traversé toute ma vie les êtres »

Un spectacle d’Oranne Moretti

Dimanche 22 janvier, 17 h, Temple Grignan

15, rue Grignan 

06 32 94 65 40, PAF 20, 17, 15 euros, gratuit moins de15 ans 

         Un spectacle d’Orianne Moretti inspiré librement du Journal intime, des Mémoires et Correspondances et de Ma vie d’Alma Schindler-Mahler-Gropius-Werfel (1879-1964). Lieder d’Alma Mahler et pièces pour piano d’Alexander Zemlinski (1871-1942). 

Orianne Moretti soprano, dramaturge, comédienne, Frédéric Isoletta piano

         Orianne Moretti : auteure, autrice, metteure ou metteuse en scène et artiste lyrique, soprano et actrice. J’avais beaucoup apprécié son opéra de chambre À travers Clara, spectacle vocal et épistolaire, d’après la correspondance et le journal intime de Clara et Robert Schumann, qu’elle avait conçu et mis en scène le 30 avril 2019 au Temple Grignan, et nous l’avions reçue pour  le beau disque qui en était issu.

         Elle mettait magnifiquement en lumière cette femme, pianiste célèbre de son temps, compositrice, dont on ne se souvient aujourd’hui qu’à travers le nom de son prestigieux mari (à la célébrité duquel elle avait grandement contribué). Sort banal des femmes, même les plus talentueuses, Clara avait été sacrifiée à Robert.

         Aujourd’hui, c’est à une autre femme extraordinaire, sacrifiée —ou sacrificatrice— qu’Oriane, au beau prénom proustien de la duchesse de Guermantes, rend hommage, ou justice : Alma Malher. Dramaturge, elle lui avait déjà consacré un opéra en 2016, créé à Reims : AMOK (acronyme des initiales des prénoms d'Alma Mahler et d'Oskar Kokoschka, le fameux peintre expressionniste, son cadet de sept ans, centré sur leur liaison tumultueuse), Oriane avait réalisé le livret et la mise en scène, François Cattin en signait la musique. La critique lui réserva un excellent accueil. Plus tard, dans le cadre du XIVe Festival des Musiques Interdites, dans la crypte de Saint-Victor, Orianne Moretti, lui avait consacré son Récital Alma Mahler : Lieder 1910 – 1924, avec Vladik Polionov, piano, que nous avons déjà reçu sur nos ondes. Aujourd’hui c’est notre ami Frédéric Isoletta qui sera son partenaire accompagnateur dans ce qui est devenu un véritable spectacle avec des textes d’Alma Mahler elle-même qui, à ses talents frustrés de peintre et musicienne, on peut ajouter celui d’écrivaine. Et Oriane Moretti est une lectrice passionnée de textes sur lesquels reposent ses spectacles complets qui nourrissent ainsi l’esprit par la lecture, l’interprétation de texte et de la musique, du chant.

         Mais revenons à cette vraie muse que fut Alma Mahler. Encore une fois, son identité propre, Alma Schindler (1879 -1964), le patronyme, le nom du père, est cachée sous le patronyme du mari : patriarcat, père ou mari., trois noms e maris pur une seule femme. Née à Vienne (Autriche) le 31 août 1879, décédée à New York le 11 décembre 1964.

         Mais écoutons par Angelika Kirchschlager, un lied très bref d’Alma, Ich wandle unter Blumen , « Je vais parmi les fleurs », sur un poème d’Heinrich Heine:

1) https://www.youtube.com/watch?v=k9uTqq4cg_g&list=PLtWPJjsR5HrJ_3VWwHhcazgy6Z6fWKAH0&index=2

 

   Alma est fille d'un peintre célèbre, elle est élevée dans un milieu où se rencontrent les membres de l'élite et de l'avant-garde dans la Vienne de la fin de l’Empire austro-hongrois, à la fois décadente et créatrice, bouillonnante, de la Sécession, l’Art Nouveau, le Modern style, le Jugendstill : Freud, Richard Strauss, Schönberg, Berg sont un échantillon de ces talents qui poussent sur la lente putréfaction d'un empire en déliquescence, qui vit son brillant crépuscule avant de disparaître avec la fin de la Grande Guerre… Toute jeune, elle fascine Zemlinsky et Klimt. Dès l'âge de dix ans, Alma suit des cours de composition et de piano et, devenant son élève, se perfectionne avec le compositeur Alexander von Zemlinsky (1871-1952) avec lequel elle a une liaison. Elle compose déjà des Lieder, sur des poèmes de Rainer Maria Rilke, Heinrich Heine ou Novalis ce qui prouve son bon goût. Elle écrit aussi des pièces instrumentales. Elle avait même commencé à travailler sur un opéra. Elle est également excellente pianiste et elle peint, comme son père.

         En 1901 elle fait la connaissance de Gustav Mahler, compositeur renommé, nommé chef d’orchestre arrivé à Vienne depuis peu, mais il y est malmené car il est juif. Elle laisse tomber son professeur Zemlinsky, protégé de Mahler, et en devient l’épouse. Comme Schumann estimant que deux compositeurs dans un foyer c’était un de trop, naturellement, la femme, Mahler pose brutalement ses conditions à sa jeune et talentueuse fiancée, sa cadette de dix-sept ans, dans une longue lettre. Elle doit renoncer à ses ambitions artistiques :

          « Tu n'as désormais qu'une profession : me rendre heureux... »

            Les lieder d’Alma Schindler-Mahler ont été composés entre 1888 et 1901, date de sa rencontre avec celui qui lui donnera son nom, Mahler, lui enlevant son goût de composer apparemment, par ce contrat patriarcal. On en a juste retrouvé seize.

         Ils ont deux enfants, dont Maria qui meurt à cinq ans. Accablé de douleur, Mahler compose (Kindertotenlier). L'autre fille, Anna, sera plus heureuse que sa mère dans sa vocation artistique, deviendra sculptrice. Alma, qui a tant de talents est sans doute une Madame Bovary, qui n’en a aucun, femme au foyer qui s’ennuie. Elle a une liaison avec Walter Gropius, architecte, le futur créateur du Bauhaus, dont l'architecture fonctionnelle marque tout le XXe siècle.

         Elle avoue : « Je suis trop multiple pour pouvoir poser mon âme sur un seul cœur. »

Légende noire

         Cette multiplicité honnêtement revendiquée lui colle à la peau, participe de sa légende noire, bien excessive, et on lui accole tranquillement les qualificatifs de « séductrice », perverse, même « monstrueuse » (Arte), de Pandora (en référence on imagine à la femme fatale jouée par Ava Gardner). Pourtant, trois maris et trois amants ne me semblent pas mériter cet excès d’indignité mais je dirai d’honneur quand on connaît leur gloire : à la liste des grands hommes qu’elle séduit, on mesure sa séduction et c’est les estimer bien peu que les imaginer épris d’une femme guère estimable. C’est faire peu de cas, chez un homme de talent, de l’amour d’une femme, surtout plus jeune, inspiratrice : muse en somme. Alma est loin d’être la délétère Lola-Lola de l’Ange bleu, malicieusement incarnée par Marlène Dietrich, fatale héroïne aussi de La Femme et le pantin d’après Pierre Louys, ces deux films de Sternberg qui prouvent aussi tout ce que peut, artistiquement, l’amour entre un créateur et sa muse, une réciproque création. Les d’Alma sur son fougueux amant cadet Kokoschka sont peut-être de bienheueuses blessures pmur son art.

         Par la même interprète, écoutons Bei dir ist es traut, ‘Près de toi, tout est doux ‘, poème de Rilke.

2) https://www.youtube.com/watch?v=O1qovNKtUKQ

 

         Cette douceur, Alma semble l’avoir cherchée auprès de nombreux hommes, tous talentueux, célèbres. Veuve de Mahler qui meurt en 1911, sans rompre avec Gropius, elle subit et fuit la passion dévorante de Kokoschka, épouse enfin Gropius en 1915. De leur union naît leur fille Manon qui va mourir de la poliomyélite en 1935, à l'âge de 18 ans. Le compositeur Alban Berg, grand ami d'Alma et qui aimait beaucoup Manon, lui dédiera le Concerto à la mémoire d'un ange

         Pendant ce mariage, elle a une liaison avec l’écrivain autrichien Franz Werfel puis l’épouse après avoir divorcé de Gropius : un mari, un amant qu'elle épouse après avoir évacué le premier, bref, en musique, on dirait un "tuilage" des accords, ou des désaccords, un glissement d’amant à époux.

         Le couple fuit les nazis après l'Anschluss, l’annexion de l’Autriche par les nazis. En France, occupée par les Allemands, ils passent chez la Comtesse Pastré à Marseille, qui accueille et protège tant d'artistes poursuivis, ils s’installent à Sanary, et sont sauvés par le journaliste Varian Fry qui leur procure des passeports ; ils partent pour les États-Unis où ils finissent leur vie. 

         Nous la quittons sur ce lied, par Sabine Ritterbusch, poème de Leo Greiner :

Kennst du meine Nächte? , ‘Connais-tu mes nuits’ où nous imaginons la belle Alma rêvant peut-être de ses rêves d’artiste frustrés par la vie.

3)    Kennst du meine Nächte     

 

 

PROGRAMME MUSICAL

Mit Wärme Alexander Zemlinski. Ländliche Tänze* opus 1 n°1 Avec fougue.

Leise weht ein erstes Blühn. Alma Mahler/A.M Rilke Doucement éclot un premier bourgeon.

Ich wandle unter Blumen. Alma Mahler/H. Heine Je vais parmi les fleurs.

Hinträumend Alexander Zemlinski. Ländliche Tänze opus 1 n°5 Comme dans un rêve

In meines Vaters Garten. Alma Mahler/Hartleben Dans le jardin de mon père.

Bei dir ist es traut. Alma Mahler/R.M Rilke Avec toi c’est bon.

Flüchtig Alexander Zemlinski. Ländliche Tänze opus 1 n°2 Furtivement.

Licht in der Nacht. Alma Mahler/Bierbaum Lumière dans la nuit.

Laue Sommernacht. Alma Mahler/Falke. Douce nuit d’été.

Sehr schnell und leicht Alexander Zemlinski Très vite et léger.

Kennst-du meine Nächste ? Alma Mahler/L. Greiner. Connais-tu mes nuits ?

Liebe. Alexander Zemlinski. Fantaisie d’après le poème Amour de R. Dehmel.

Mit Wärme Alexander Zemlinski Ländliche Tänze opus 1 n°1 Avec fougue.

Hymne an die Nacht. Alma Mahler/Novalis. Hymne à la nuit.

Der Erkennende. Alma Mahler/F. Werfel. Celui qui sait.

*Ländliche Tänze : Danses champêtres

 

Les lieder d’Alma Schindler-Mahler ont été composés entre 1888 et 1901. Parmi les 16 lieder retrouvés d’Alma Mahler, 5 ont été publiés en 1910 chez Universal Music avec une couverture d’Oskar Koksochka, 4 en 1915 chez Universal Music, 3 en 1924 chez Josef Weinberger Vienne, les autres d’après manuscrits plus tardivement dont 2 en 2000 chez Hildegard Publishing Company.

 

        

PROGRAMME MUSICAL

Mit Wärme Alexander Zemlinski. Ländliche Tänze* opus 1 n°1 Avec fougue.

Leise weht ein erstes Blühn. Alma Mahler/A.M Rilke Doucement éclot un premier bourgeon.

Ich wandle unter Blumen. Alma Mahler/H. Heine Je vais parmi les fleurs.

Hinträumend Alexander Zemlinski. Ländliche Tänze opus 1 n°5 Comme dans un rêve

In meines Vaters Garten. Alma Mahler/Hartleben Dans le jardin de mon père.

Bei dir ist es traut. Alma Mahler/R.M Rilke Avec toi c’est bon.

Flüchtig Alexander Zemlinski. Ländliche Tänze opus 1 n°2 Furtivement.

Licht in der Nacht. Alma Mahler/Bierbaum Lumière dans la nuit.

Laue Sommernacht. Alma Mahler/Falke. Douce nuit d’été.

Sehr schnell und leicht Alexander Zemlinski Très vite et léger.

Kennst-du meine Nächste ? Alma Mahler/L. Greiner. Connais-tu mes nuits ?

Liebe. Alexander Zemlinski. Fantaisie d’après le poème Amour de R. Dehmel.

Mit Wärme Alexander Zemlinski Ländliche Tänze opus 1 n°1 Avec fougue.

Hymne an die Nacht. Alma Mahler/Novalis. Hymne à la nuit.

Der Erkennende. Alma Mahler/F. Werfel. Celui qui sait.

*Ländliche Tänze : Danses champêtres

 

Les lieder d’Alma Schindler-Mahler ont été composés entre 1888 et 1901. Parmi les 16 lieder retrouvés d’Alma Mahler, 5 ont été publiés en 1910 chez Universal Music avec une couverture d’Oskar Koksochka, 4 en 1915 chez Universal Music, 3 en 1924 chez Josef Weinberger Vienne, les autres d’après manuscrits plus tardivement dont 2 en 2000 chez Hildegard Publishing Company.

 

 

Émission N° 652 de Benito Pelegrín, 19/01/2023

 

vendredi, janvier 13, 2023

ÊTRE UN HOMME AU TEMPS DE METOO

 

 


La Tendresse

La Criée,

11 Janvier 2023

 

      

La crise du « Metoo » a jeté une lumière crue, acidifiant et accusant —en bien des sens— celle du patriarcat, justement accusé par le féminisme militant, problème devenu thème, anathème et système général générant de généreux bénéfices capitalistiques (comme le dit fort bien Tigran le militant, rien ne se perd dans le capitalisme) par toute une série de séries qui sévissent sur les plateformes, uniformisant, en forme, fond et discours, depuis l’origine nord-américaine, cette antique guerre des sexes —pardon, des « genres »— qu’on voudrait pacifiquement réglée à notre époque.

      Macho

         Exemplairement réussie, la dernière série espagnole douce-amère de Netflix Machos Alfa, emblématique puisque issue du pays qui a donné au monde le mot « macho » que les Espagnols ont moins vu en leur pays qu’au Mexique, d’où nous vient le terme de féminicide, horrible réalité qu’il faudrait aussi interroger comme un sinistre substrat agissant sur la surface lisse, apparemment apaisée, des rapports homme/femme, où même l’homosexualité, comme en Espagne, ne semble plus poser de problème alors qu’en France, très en retard aussi sur la défense des femmes, l’homophobie, hélas, tue encore. Même la Cuba du virilisme militariste d’état, qui s’est tristement illustrée par la persécution impitoyable des homosexuels, faisant d’illustres victimes comme sa gloire nationale des lettres José Lezama Lima, a légalisé le mariage pour tous qui, dans ces pays naguère emblématiques d’un machisme de la violence, a été accepté sans problème. Il est vrai qu’on n’y a pas connu de mouvements peureusement attachés au passé comme la « manif pour tous », qui nous font redouter un futur de recul des libertés individuelles, s’ils arrivent un jour au pouvoir comme aux États-Unis.

    Alpha et oméga du mâle

         Bref, ou plutôt long processus de l’alpha du masculin aboutissant au final oméga d’une nouvelle masculinité dans ces séries à force de séminaires de déconstruction du mâle, chère à Sandrine Rousseau (qui ferait se retourner dans sa tombe Derrida) qui découvre (?) au XXIesiècle, Le Cru et le Cuit de 1964 de Levi-Strauss, pour jeter l’anathème sur le barbecue et, dans un abus finalement sexuel, elle récupère l’écologie, qui n’a pas de sexe, avec son écoféminisme réducteur, assimilant la mainmise masculine sur la fertilité des sols à celle des femmes, réduites ainsi, par la culture patriarcale dominante (l’androcène), à la simple nature : un essentialisme du féminin qui ne serait donc pas une construction culturelle comme disait de Beauvoir dont ce spectacle offre une convaincante illustration…appliquée aux hommes : on ne naît pas homme, on nous fabrique pour l'être. Ainsi ces jeunes hommes soumis ou révoltés contre ce formatage.

       Dure tendresse

         Lourde porte métallique à deux battants, noire usine en ruines ou désaffectée, c’est la scène, le champ clos où vont s’ébattre, se battre, débattre un groupe de huit jeunes hommes chantant, dansant, dissertant, parfois trop.

         Ce ne sont pas les Jets et Sharks de West side story, bandes meurtrièrement rivales pour la conquête, raciale aussi, du territoire. L’agressivité est ici tempérée par l’amitié et la violence est vite canalisée et condamnée par le groupe. Les débats, ce sont d’abord les ébats, réussis ou ratés le plus souvent, avec les femmes, pardon, les “meufs”, territoire à conquérir, mais comment?, inquiétante étrangeté de la différence sexuelle compliquée aujourd’hui des exigences nouvelles du féminismes qui semble avoir condamné désormais l’expression spontanée du désir masculin, exacerbé en plus, de nos jours, par la pornographie obsédante qui donne virtuellement, comme facile, un accès complexe à la sexualité réelle qui, comme la vertu, a ses degrés.

    Carte du Tendre mise à jour

         « J’en peux plus de cette époque ! », s’écrie l’un des garçons. Et l’on compatit sincèrement. On souhaiterait à ces pauvres jeunes hommes déboussolés, la boussole d’une Carte du Tendre au goût du jour, si finement peaufinée par les Précieuses, en rien ridicules, pour canaliser la brutalité instinctive du désir masculin, installant les soupirants dans une rêveuse attente en rien attentatoire au plaisir mais en en devenant l’exacerbation extatique finale.

         Ainsi, hors les danses, remarquables, réglées au cordeau, l’une des meilleures scènes est à coup sûr celle des techniques, tactiques, ou plutôt tâtonnements de la drague car reposant sur des cas concrets exposés par les protagonistes souvent dépités, désappointés, piégés entre désir mâle pressant, leur évidence, et ce qu’ils savent aujourd’hui, sans pouvoir le cerner concrètement, du nécessaire consentement, ambigu, féminin : qui ne dit mot, consent ? Alors qu’autrefois (époque bénie ?) une femme pouvait consentir hypocritement tout en s’en défendant verbalement (« Non… »), et se refuser à avouer son plaisir en un temps où « une honnête femme ne jouit pas ». Aujourd’hui, le non est NON, certes, mais le oui est-il oui s’il est ensuite désavoué ?

         Ce spectacle, plus que pièce, s’inscrit, plus qu’il ne s’écrit réellement en texte, dans notre moment historique, dans cette idéologie plus qu’idéal, dans ce mouvement d’idées que, dans l’ambition généreuse de n’en oublier aucune, on nous offre ici comme un répertoire général, tombant parfois dans le générique d’un catalogue, d’un chapelet virant au cliché de tirades moralisatrices (les femmes occultées par l’Histoire officielle, le mur des lamentations des viols) sur des thèmes dont la cause est connue, jugée, condamnée, verbeuse narration freinant l’action, alors que parfois, une simple phrase bien venue en dit plus long que leur paraphrase. Ainsi, joli coup de théâtre verbal, renversant la peur (bien justifiée physiquement) de la femme par celle de l’homme qui les craint mentalement :

         « et toi, tu as déjà eu peur d’une femme en talons dans la nuit ? »

         Il y a aussi la réplique du père apparemment libéral saluant l’outing de son fils homosexuel pour la raison traditionnelle, conservatrice et misogyne, que les femmes sont des emmerdeuses. Quelques bonheurs d’expression bien portés par ces jeunes, plausibles acteurs, sans doute pour l’heure moins comédiens que danseurs et même acrobates, en tous les cas combinant adroitement ces diverses disciplines : déjà bêtes de scène. Comme illustrant la phrase de Warhol sur le « quart d’heure de gloire », chacun a, démocratiquement, sinon un quart d’heure, un numéro personnel, tirade, chant, danse tel le beau solo classique sur pointes et quelques légers sauts de biche de l’un d'eux, la déclamation en position acrobatique de tel autre. (On ne les individualisera pas nominalement en l’absence de distribution hors du fatal qrcodequi contraint à l’impolitesse d’ouvrir son portable —quand on a le privilège d’en avoir un et, inévitablement, on en entend sonner dans la salle…— par une fausse écologie : un mobile est plus polluant en carbone que du papier recyclé [1] ).

         Être un homme et mourir

         Les groupes sont remarquables de cohésion dansante ou en images d’une grande beauté plastique, sculpturale. L’un des moments forts du spectacle est, dans sa violence, cette avalanche, cet amas de soldats mitraillés : on a vus ces jeunes hommes vivre, chanter, danser, offrir leur contact au public dans la salle, et les voilà morts, nous renvoyant à l’horrible réalité de la guerre et à ce Pope monstrueux prêchant à de jeunes garçons de partir pour tuer et se faire tuer en Ukraine pour prouver qu’ils sont des hommes, pervers propos d’un supposé homme de paix, religieux, relayés par de non moins aguichantes, prometteuses influenceuses semblant s’offrir en repos du guerrier au héros vainqueur, sur mobile, dont le mobile est financier : marchandes de chair à canon. Nul texte ici, ou inaudible, mais image muette d’une insoutenable éloquence rythmée par la Symphonie N°3 de Beethoven, dite « Héroïque », sur sa « Marche funèbre », ironiques et fatales funérailles de l’héroïsme : illustration évidente de l’idéologie du bellicisme patriarcal —quand il n’y a pas de cause légitime à défendre. Et je n’oublie pas, comme je le rappelais dans mes travaux, au-delà de la supposée guerre des sexes, celle des générations, qui faisait dire à des vieux —pardon des séniors— en 68 :

         « Ah, ces jeunes, il leur faudrait une bonne guerre pour les calmer… »

         Ces jeunes, tous sauf sans doute l’ancien petit rat de l’Opéra, semblent enfants des cités, de l’immigration par la consonance des noms entendus et non lus, ce qui aiguise à coup sûr leurs problèmes, dont celui du harcèlement homosexuel, ces jeunes bien vivants n’ont pas besoin de guerre, déjà engagés dans celle qu’ils se livrent à eux-mêmes pour leur identité dans un temps trouble pour leur image, leur « genre », au miroir troublant du féminisme militant.

         Mais la limite est sans doute le désir illimité de tout brasser, de trop embrasser sans trop étreindre, et peut-être peu éteindre du feu des problèmes assaillant les jeunes d’aujourd’hui. C’est un miroir, grossissant, déformant par l’accumulation et son désir didactique, que tend ce divertissant spectacle juvénile à la jeunesse nombreuse, chaleureuse, qui vibre avec enthousiasme, on ne sait si au propos ou aux danses et chants, qu’elle reprend parfois. Le divertissement est si réussi qu’on ne sait si, dans le plaisir qu’il procure, le message passe ou s’efface.

[1] C’est ce que nous disaient ce 12 janvier, les scientifiques des Troisièmes Rencontres Cosquer, soulignant d’ailleurs la fragilité de l’archivage numérique dont on ignore l’obsolescence alors que celui en papier a traversé le temps sans trop de dommages.

11 > 14 JANVIER | THÉÂTRE | DURÉE 1H45 | À PARTIR DE 15 ANS
coproduction les tréteaux de france
Écriture et dramaturgie Kevin Keiss, Julie Berès, Lisa Guez
avec la collaboration d’Alice Zeniter
Conception et mise en scène Julie Berès

Chorégraphe Jessica Noita


Avec Bboy Junior (Junior Bosila), Natan Bouzy, Charmine Fariborzi, Alexandre Liberati, Tigran Mekhitarian, Djamil Mohamed, Romain Schneider,
Mohamed Seddik

 


dimanche, janvier 01, 2023

AU GRAND GALOP


 

L'AUBERGE DU CHEVAL BLANC

Opérette en deux actes
de Ralph Benatzky

Livret français de Lucien BESNARD et René DORIN

Opéra de Marseille

Mercredi 28, décembre

         Im weißen Rößl (L'Auberge du Cheval-Blanc), est une opérette allemande de Ralph Benatzky (1887-1957). Elle fut créée à Berlin en 1930 avec un grand succès. Elle court l’Europe aussitôt et la France l’adapte et adopte dès 1932. À l’origine, elle est en trois actes, mais, sans se mettre en quatre comme disait Figaro, c’est souvent en deux qu’on la donne, le genre de l’opérette étant très plastique, adaptée pour les goûts de publics différents, avec des ajouts ou des coupures, avec des airs additionnels d’autres compositeurs.

         C’est un heureux produit des années folles berlinoises après l’horreur de la Grande guerre et avant la terreur qui plane et plombera l’Allemagne avec l’accession d’Hitler au pouvoir en janvier 1933. En effet, après la fin de la guerre, Berlin est devenue un brillant bouillon de culture libertaire, même si les diverses tentatives révolutionnaires sont écrasées dans le sang. Mais les nazis, qui s’empareront brutalement du pouvoir à cette date agissaient déjà depuis longtemps, dès les années 20. Ralph Benatzky, déjà en 1924, dans son journal, dénonçait le danger menaçant d’une « hakenkreuzlerisches Leben » (une ‘vie sous le signe de la croix gammée’). Et voici comme il peint ce nouveau public nazi qui pointe avec le culte aryen du beau Surhomme, Übermensch : « Des Germains primitifs aux ventres bedonnants et aux cous de taureau, le crâne rasé à l’arrière couronné d’une coupe en crête de coq avec raie au milieu, [...] arrogants comme des aryens, caqueteurs comme des provinciaux ».

          Et cela dix ans avant la nomination d’Hitler comme Chancelier (janvier 1933) et sans être autrement politisé. Sa seconde femme est juive, comme le sera la troisième, et certains de ses collaborateurs, mais l’heure de la chasse aux juifs n’a pas encore sonné ouvertement. Elle va vite arriver. Son folklore inventé, ouvert à d’autres musiques, est considérée dangereusement cosmopolite, « entartet », ‘dégénéré’, tout comme le jazz négroïde ou la musique tzigane, et la scène du bain est jugée obscène... Comme d’autres artistes germaniques, après u passage triomphal en France où il est décoré de la légion d’honneur, il s’exile aux États-Unis, à Hollywood où l’âge d’or de la comédie musicale va s’enrichir de nombre de ses musiciens allemands qui y trouvent un débouché.

 

L’Auberge du Cheval Blanc

Cette auberge, située dans les montagnes du Tyrol, en Autriche, au bord d’un lac, a bien existé, fondée au XVIIIe siècle dans une région très salubre où l’on venait en villégiature de toute l’Europe, du moins le public fortuné. Revenu dans l’Autriche de sa jeunesse, Ralph Benatzky se fera enterrer tout près de la fameuse auberge.

Nous sommes en 1880, sous le règne François-Joseph, l‘empereur d’Autriche dont la culture populaire a surtout retenu la célèbre épouse, Élisabeth, immortalisée sous son diminutif de Sissi, par Romy Schneider.

        Léopold, le maître d’hôtel de l’auberge est amoureux de sa patronne, la belle Josépha. Mais Josépha, aime Guy Florès, avocat parisien qui vient chaque année passer ses vacances dans son établissement. À côté du couple principal de jeunes premiers —un trio comme il se doit avec l’amant échaudé et congédié— comme en toute comédie, il y a le couple secondaire de la fille à son papounet marseillais, qui pourra faire le carré avec les trois, et la fifille zozotante à son papy qui fera le bonheur d’un troisième larron : trois couples. Les malentendus, les dépits amoureux seront réglés par un deus ex machina non tombé du ciel mais droit venu de sa Vienne impériale, le bienveillant Empereur lui-même, venu en célibataire, qui semble bien s’y connaître en affaires de cœur.

 


RÉALISATION

         Un presque demi-cercle lumineux cerne et ouvre en éventail la scène et va se décliner, en arcs littéralement déclinants, plus petits, littérairement, mise en abyme de cercles de lumière donnant une impression d’aller à l’infini, vers un fond, d’abord la fameuse auberge historique, une nuit constellée, de changeants paysages montagnards tyroliens diversifiés, un écran de films blanc et noir des années 30, à la pellicule striée de grains du temps et de l’usure où se projettent, comme des désirs ou des rêves évanouis, les visages des héros, laissant voir parfois de géométriques structures d’architecture industrielle métallique, entre XIXe et XXe siècle,  une gare ancienne et, image terrible si l’on pense au contexte historique, des rails fuyant par un tunnel vers on ne sait trop quel sinistre destin. C’est l’ingénieuse scénographie de Bruno de Lavenère, magnifiée par les lumières stellaires en cercles ou en verticales de cierges, toujours changeantes de David Debrinay.

    Élément de décor somptueux amovible, le comptoir de la réception de l’auberge soutenu latéralement de superbes chevaux dorés  cabrés, qui laissent place à un monumental escalier à bien descendre dans la tradition du café-concert parisien. Avec quelques réminiscences d’ancien Art Nouveau aux courbes végétalisées, encore proche, c’est l’Art Déco et sa géométrisation qui domine, sur la fin des Années folles, avec ses costumes d’une fantaisie de bon goût (Karoline Luisoni), avec des robes de grand style portée avec toute son élégance et démarche par Laurence Janot, qui a des allures, sur l’écran, de vaporeuse Jean Harlow et, comme je l’ai écrit depuis longtemps, de Marlène Dietrich blasée et ironiquement distante.

         Cependant, canalisée par une armée de serveurs stylés, l’entrée d’une cohorte de touristes d’aujourd’hui, débraillés et braillards, appareil photo en bandoulière et mobile à selfie brandi, introduit d’emblée une humoristique et sociologique distanciation  contemporaine : le tourisme de masse passant en rafale superficielle pour visiter au galop des voyages économiques de groupe,  et entrevoir, comme on va au zoo, les people aux eaux thermales de classe, dans leurs lieux, leurs jeux de jet set de privilégiés de la fortune : dans la luxuriance du cadre, leur luxe et leur luxure, la dominatrice au fouet, la Maîtresse, une Loulou traînant son loulou,  son homme chien en laisse, frétillant de la queue et faisant le beau pour lui plaire, les apollons en frac vite défroqués  et indiscrètement nus à discrétion, les travelos de divers étages, dont le plus élevé, l’Empereur lui-même, comme allégé de la lourdeur de sa charge.

         Pour donner la note berlinoise de cabaret libertaire et voluptueusement décadente du contexte historique, sur les hauteurs des cintres comme d’un cirque, une trapéziste, « Ange bleu » voltigeant en guêpière, bas-résilles et haut de forme à la Marlène reprise par Liza,Minnelli dans Cabaret de Bob Fosse, la chaise où s’asseoir jambes grandement écartées ne manquant pas. En lever de rideau, incarnant Kathi dans cette affriolante tenue, comme descendue de son Olympe, armée d’un accordéon, Miss Helvetia, comme un Monsieur Loyal au féminin, sera le fil conducteur de de l’histoire, poussant d’une saine voix de belle plante le yodel typique du Tyrol (ou de Suisse), un passage rapide de la voix de poitrine à celle de tête, auquel elle initiera, devant le rideau, le public ravi.

         La nuée de domesticité en uniforme élégant et aux ordres de la riche clientèle dont elle espère un pourboire est, comme dans la fameuse série Downton Abbey, le substrat visible, classes sociales qui se croisent sans se mêler.

 

       INTERPRÉTATION

       La Guerre des bouton(nage)s n’aura pas lieu.

       Celui des tuniques, le révolutionnaire, par devant, ou le réactionnaire, inversion et perversion, par derrière (même les souples chimpanzés auraient du mal à s’auto-boutonner, non ?). Sur les alpages tyroliens figurés, qui verdoient, vert de rage—couleur pâturage— au risque de s’alpaguer —il en a des boutons— voilà que, sur la route qui poudroie déboule le Marseillais Napoléon Bistagne, cherchant la castagne au sommet contre un contrefacteur, avisé qu’il est par une factrice lui apportant par courrier recommandé la sommation à comparaître en procès contre César Cubisol. Bref, Bistagne tonne, on se déboutonne, c’est la guerre des boutonnages inverses rivaux, ouverte, déclarée, entre le génial créateur de la combinaison « Napoléon » (devant) et celui de la « César » (derrière) César auquel Napoléon Bistagne ne rendra pas ce qui ne lui appartient pas.  Mais que va faire sur cette galère alpestre le Marseillais de la rue Saint-Ferréol, rêvant de Bandol et sa plage pour attaquer le plagiaire Cubisol qui jouera l’Arlésienne du Tyrol puisqu’il ne paraîtra jamais ? Mais qu’importe le pourquoi du comment quand notre Marseillais est incarné par toute la féconde faconde du Nîmois Marc Barrard, grande gueule et grande voix, dont la seule chose qu’on regrette c’est qu’il n’ait aucun air à chanter ni à boire, car on boit le torrent impétueux de ses paroles hyper marseillisées dans une joyeuse ivresse verbale, accent à couper au couteau, occupant le plateau comme un Empire personnel. On peut regretter aussi que son prénom ne soit pas exploité par le texte ni la scène quand on sait que ce Napoléon rencontre le mélancolique Empereur d’Autriche François-Joseph (1830-1916, veuf de Sissi assassinée en 1898) dont l’empereur français, vainqueur du père, devint son beau-frère en épousant Marie-Louise. Même regret pour cet Empereur d’Autriche, joué par Francis Dudziak, autre grande voix sans air, mais aux airs ambigus et alanguis de travesti, escorté de boys, gardes du corps athlétiques, tentant une mélancolique séduction, long fume-cigarette au bec, de l’Empereur nominal marseillais.

            La fille de celui-ci Sylvabelle, aussi élégamment longue que la rue de Marseille que porte son nom, chantée joliment par Clémentine Bourgoin, fera florès du cœur du beau ou bellâtre avocat parisien Florès, le favori hébergé en favori dans l’auberge et cœur de la patronne. C’est Samy Camps qui l‘incarne même en muscles et costume de bain d’époque et en voix de ténor sonore, belle, séduisante : on a vu, suivi et salué les progrès de ce jeune chanteur auquel Maurice Xiberras a confié progressivement des rôles de plus en plus importants, jusqu’à occuper pleinement ce grand      plateau marseillais.

         Cette guerre d’amour sans inutiles dentelles (la scène du bain offusqua les nazis) finit dans une apothéose de lune nacelle déjà de miel où     ils s’envoient en l’air s’élevant au septième ciel des cintres. Le vol, l’envol de Florès par Sylvabelle (belle forêt au sens du mot) laissera place libre à Léopold le dépité face à la patronne Josépha. Un quatuor ou quadrille presque carrément réglé. Reste, pour le sextuor amoureux, le couple du leste rejeton de Cubisol absent, Célestin, haut en couleurs, et un beau zeste de fille zozotante (Julie Morgane) dont le frimeur Narcisse flaire subtilement le palpitant papillon sous le vilain et gris cocon sous lequel l’apparemment tempérée fifille du grisâtre Professeur Hinzelmann (Jean-Luc Épitalon) chasseur de papillons, révèle un sacré tempérament papillonnant, papa oblige, bien digne du guilleret Guillaume Paire , et les deux la font, chantant, dansant, couple moins bouffe qu’ébouriffant de souplesse et d’humour. À eux les sommets par le télé-siège doré.


         Sans doute métaphorisé par le toutou en laisse mordu de sa toute maîtresse patronne du début, Léopold, l’élégant et indispensable maître d’hôtel, Léopold couve son amour, couvre l’ingrate Josépha de fleurs et lui roucoule : « Pour être un jour aimé de toi », voix ample mais tendre, souple, nuancée de brumes romantiques alpestres du ténor Léo Vermot-Desroches, à qui reviendront les vocalises yodel d’un air dû à Piccolo (Fabrice Todaro). Sans être un docile cabot, il ourdira le complot amoureux qui, unissant Florès le Parisien à la Marseillaise Sylvabelle (la guerre Paris/Marseille ainsi évitée) lui ramènera sa Josépha qui le rabroue, le maltraite, le renvoie.

L’ingrate serait rêche et revêche patronne, pimbêche même par ce rôle déplaisant, mais la voix et le physique de Laurence Janot qui l’incarne est ronde, sensuelle, chaudement enveloppante et, même en s’en défendant, trop belle pour n’être pas une promesse d’amour. On connaît cette artiste danseuse, chanteuse, comédienne, racée, au port élégant, aussi à l’aise dans les ballets, la scène ou l’écran qui devient écrin à se beauté intemporelle de star de cinéma mythique de l’entre-deux guerres. Même créée à Lausanne sans elle, la production semble avoir été faite autour d’elle.

         Il y aurait beaucoup de monde à citer dans cette longue distribution, dont la Zenzi de Perrine Cabassud que l’on avait applaudie à l’Odéon dans le rôle de Kathi, sans oublier les chœurs qui n’encombrent jamais le plateau et ses nombreuses danses réglées avec une rigoureuse fantaisie par Philippe Guilois assisté de Rémy Kouadio. Les solos alternent habilement avec les duos et les chœurs, toujours mêlés habilement de danses valses, fox-trots dans l’air du temps.

         Le metteur en scène Gilles Rico a allégé la pièce avec intelligence, lui conférant un rythme de joyeuse cavalcade sous la douce cravache du chef Didier Benetti qui mène à grand train, au trop ou au galop, l’Orchestre de l’Opéra de Marseille que, même rideau fermé, il laisse au plaisir de jouer tout seul le motif récurrent de l’opérette, attirant un public nombreux à se précipiter pour saluer les musiciens toujours dans la fosse, mais allègrement vivants. Avec dix-huit solistes, le chœur et six danseurs, sans un temps mort, des décors sans cesse mouvants, même en disant que c’est réglé comme du papier à musique, on est loin de dire la vertigineuse virtuosité, l’habileté diaboliquement bienheureuse de cette production.

 

 

L'Auberge du Cheval-Blanc

de Ralph Benatzky

Opéra de Marseille

Jeudi 29, décembre ; Samedi 31 décembre 20h, Mardi 3 janvier 20h ; Mercredi 4 janvier 20h

 

PRODUCTION Opéra de Lausanne

 Direction musicale Didier BENETTI

Assistant à la direction musicale Federico TIBONE

Mise en scène Gilles RICO
Décors Bruno DE LAVENÈRE
Costumes Karolina LUISONI
Lumières David DEBRINAY
Assistant lumières Romain DE LAGARDE Vidéos Étienne GUIOL

Assistant à la mise en scène et Chorégraphie Jean-Philippe GUILOIS Collaboration artistique à la chorégraphie Rémy KOUADIO

Régisseur de production Jean-Louis MEUNIER

Régisseuse de figuration Alexandra BEIGNARD Surtitrage Richard NEEL
Régie de surtitrage Qiang LI

Josépha Laurence JANOT

 Sylvabelle Clémentine BOURGOIN 

 Clara Julie MORGANE

Kathi Miss HELVETIA

Zenzi Perrine CABASSUD

Bistagne Marc BARRARD
Léopold Léo VERMOT-DESROCHES

Florès Samy CAMPS
Piccolo Fabrice TODARO
Célestin Guillaume PAIRE
L’Empereur Francis DUDZIAK

Hinzelmann Jean-Luc ÉPITALON
Le Bourgmestre Jean-Michel MUSCAT L’Instituteur Laurent BLANCHARD
Le Cook et le Banquier Cédric BRIGNONE Le Garde Rémi CHIORBOLI
Le Prêtre Tomasz HAJOK
Le Docteur Jean-Pierre REVEST

Danseurs
Paul GOUVEN, Inès LAMOUR, Rudy SBRIZZI, Vincent TAPIA, Louise TERTRAIS, Lara VILLEGAS

Pianiste / Cheffe de chant Astrid MARC
Chef de chant Emmanuel TRENQUE Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille

Photos Christian Dresse

1) Léopold et Josepha ;

2, 3, 4 : cercles lumineux ;

5) Miss Helvetia ;

6) Bistagne et Miss H; 

7) Florès et Sylvabelle au bain; 

8) Clara, papa papillon, Josepha, Célestin.

 Aussi :



RCF émission n°645 de Benito Pelegrín,   15/12/2022

 

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