Critiques de théâtre, opéras, concerts (Marseille et région PACA), en ligne sur ce blog puis publiées dans la presse : CLASSIQUE NEWS (en ligne), AUTRE SUD (revue littéraire), LA REVUE MARSEILLAISE DU THÉÂTRE (en ligne).
B.P. a été chroniqueur au Provençal ("L'humeur de Benito Pelegrín"), La Marseillaise, L'Éveil-Hebdo, au Pavé de Marseille, a collaboré au mensuel LE RAVI, à
RUE DES CONSULS (revue diplomatique) et à L'OFFICIEL DES LOISIRS. Emission à RADIO DIALOGUE : "Le Blog-notes de Benito".
Ci-dessous : liens vers les sites internet de certains de ces supports.

L'auteur

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Agrégé,Docteur d'Etat,Professeur émérite des Universités,écrivain,traducteur,journaliste DERNIÈRES ŒUVRES DEPUIS 2000: THÉÂTRE: LA VIE EST UN SONGE,d'après Caldéron, en vers,théâtre Gyptis, Marseille, 1999, 2000; autre production Strasbourg, 2003 SORTIE DES ARTISTES, Marseille, février 2001, théâtre de Lenche, décembre 2001. // LIVRES DEPUIS 2000 : LA VIE EST UN SONGE, d'après Calderón, introduction, adaptation en vers de B. Pelegrín, Autres Temps, 2000,128 pages. FIGURATIONS DE L'INFINI. L'âge baroque européen, Paris, 2000, le Seuil, 456 pages, Grand Prix de la Prose et de l'essai 2001. ÉCRIRE,DÉCRIRE L'AMÉRIQUE. Alejo Carpentier, Paris, 2003, Ellipses; 200 pages. BALTASAR GRACIÁN : Traités politiques, esthétiques, éthiques, présentés et traduits par B. Pelegrín, le Seuil, 2005, 940 pages (Prix Janin 2006 de l'Académie française). D'UN TEMPS D'INCERTITUDE, Sulliver,320 pages, janvier 2008. LE CRITICON, roman de B. Gracián, présenté et traduit par B. Pelegrín, le Seuil, 2008, 496 p. MARSEILLE, QUART NORD, Sulliver, 2009, 278 p. ART ET FIGURES DU SUCCÈS (B. G.), Point, 2012, 214 p. COLOMBA, livret d'opéra,musique J. C. Petit, création mondiale, Marseille, mars 2014.

mardi, avril 28, 2020

MOURIR AUJOURD'HUI


JOURNAL MUSICAL D‘UN CONFINEMENT (10)

Leçons d’un confinement.
Mercredi 29 avril 12h20 


Autrefois, la mort était sensible dans notre vie : on mourait chez soi, entouré de ses proches, réunis ensuite pour la veillée funèbre. La mort était visible dans nos sociétés : les Pompes funèbres encadraient de noir les portes du défunt avec ses initiales ; sur une petite table couverte d’une nappe de deuil reposait, avec un stylo, le cahier des condoléances. On avait vu arriver le prêtre avec les sacrements pour les croyants, et le défilé des couronnes de fleurs. Sensible, visible, la mort était aussi audible avec le glas des cloches et il y avait autrefois les petits corbillards délicatement chantés par Brassens.

Puis l’on a envoyé les encombrants mourants mourir à l’hôpital et, de l’hôpital, à un anonyme salon du cimetière pour une rapide cérémonie à temps compté puisque les convois mortuaires se succèdent à un rythme rapide. Aujourd’hui, on parle de « faire son deuil », d’autant plus que, peu à peu, on a évacué la mort de nos vies, dont elle fait pourtant partie.

C’est qu’avec le culte du beau, le culte du corps, par le sport, la chirurgie esthétique, notre arrogante modernité a cru nier la vieillesse et, sinon vaincre la mort, la dissimuler, par la parole ou les faits ; incapable d’affronter la violence de la réalité, on ne disait plus le mort, déjà plus le décédé, mais le défunt ; on use de la douceur d’euphémismes, du voile de périphrases : « il est parti, elle nous a quittés ».

Comme punis d’avoir cessé d’être jeunes, d’avoir renoncé à la jeunesse, comme si la vieillesse était une longue maladie qui choquait les regards, les anciens, on les a enfermés, avant de les renfermer dans les Ehpads, où la mort, qu’on ne voit plus, est allée silencieusement les chercher confinés dans une chambre, sans la famille, sans les amis : seuls.

Et songeons qu’à la douleur de la perte, s’est ajoutée, pour les familles, celle de n’avoir pu, par crainte de la contagion, assister l’être cher, ni l’accompagner pour ce qu’on appelle pudiquement le dernier voyage, interdit aussi. Et je pense, quand on n’a pas eu le temps de visiter, de dire adieu à un être aimé qui va disparaître à jamais, ce qu’on peut ressentir en pensant au geste qu’on n’a pas fait, au mot qu’on n’a pas dit ou, pire, au contraire, au mot de trop qu’on lui a dit, qui nous a échappé autrefois, et qu’on ne peut plus rattraper, ni effacer désormais par un autre mot aimant qu’il n’entendra plus.

Évitons ces mots cruels, qu’une fois dits, on ne cesse jamais de répéter et de regretter. À l’inverse, ne différons jamais, ne remettons jamais le geste amical, le mot affectueux à plus tard, au lendemain, à un avenir dont on n’est jamais assuré car on risque de n’avoir plus l’occasion de le faire ou dire.

         Écoutons ce doux adieu d’autrefois, Bist du bei mir un morceau qu’on a longtemps prêté à Bach car sa femme, Ana Magdalena l’avait copié dans son fameux petit cahier. Mais c’est un air du musicien allemand  Gottfried Heinrich Stötzel, tiré de son opéra Diomedes oder die triumphierende Unschuld  (‘Diomède  ou l'innocence triomphante’), crééé en 1718 à Bayreuth. On a retrouvé un exemplaire de la partition d'origine qu'on en 2000 Conservatoire de Kiev 

           Je vous donne une adaptation chantable des deux strophes :



Auprès de toi, j’irai sans crainte,

Tranquille, à mon dernier repos. (bis) 


Et mon adieu sera sans plainte

Si je sens à cette heure sainte

Tes douces mains sur mes yeux clos. (bis)

 (Da capo)
Bist du bei mir | par Benjamin Appl (baryton)













vendredi, avril 24, 2020

RENDRE GRÂCES À LA VIE…


Journal musical d’un confinement (9)


Leçons d’un confinement

         J’avais commencé ce journal par un passage de Pascal qui estimait que tout le malheur de l’homme venait de ne pouvoir rester en repos dans une chambre. Je ne sais si tout le monde y a trouvé bonheur et repos mais à coup sûr, ce confinement, cet isolement forcé, seul ou accompagné, nous a forcés, sinon à un examen de conscience, à une prise de conscience du dedans, du dehors, ce dehors où règne le virus mortel ; conscience aussi de soi et des autres : séparés des autres, nous avons sans doute pris conscience de leur prix ; la parole pour soi, parole de la solitude, monologue, soliloque, renforce le besoin de dialogue, du partage de la parole, et même, de nos fenêtres, de balcon à balcon, partage avec des voisins inconnus des applaudissements envers nos héroïques soignants.

Je crois que, depuis la joyeuse révolution sociale de 68, où les gens, enfermés, renfermés en eux, sinon chez eux, depuis si longtemps, avaient appris, réappris à se parler, et même les murs parlaient alors, depuis 68, on n’a pas connu un tel désir de communiquer, qui est aussi communier. Comme effaçant, écartant les murs de notre logis confiné, notre confinement a créé en nous une soif de communication, a fait éclore un échange extraordinaire par internet, de poèmes, de textes et de dessins humoristiques, de vidéos qui sont autant que des récréations, de vraies créations artistiques. Une création de vie alors que nous la sentons si fragile et si menacée, pour nous mais surtout pour ceux que nous aimons.

Une fois tirés de cette épreuve, sans doute nous faudra-t-il en tirer les leçons, sûrement dures, cruelles. Mais sans doute aussi, si nous nous en tirons, faudra-t-il rendre grâce à la vie, plus forte que tout. Et c’est pourquoi je vous invite à vous laisser bercer par la douce litanie de cette chanson de la   ChilienneVioleta Parra, (morte en1967), Gracias à la vida, qui est un hymne à la vie, humble et puissant, un chant d’espoir dont je vous adapte quelques strophes :

Merci à la vie, qui m’a donné tant,
Qui m’a donné la gamme et donné l’alphabet,
Les mots par lesquels je pense et décline
Mère, frère, ami, et lumière éclairant
Le chemin de l’âme et de l’être aimé. […]

Merci à la vie, qui m’a donné tant,
Qui m’offrit le cœur qui bat bien plus fort
Quand je vois le fruit du cerveau humain,
Quand je vois le bon si loin du méchant,
Quand je sens ta main qui cherche ma main.

Merci à la vie, qui m’a donné tant,
Qui m’offrit le rire et m’offrit les larmes,
Ainsi, je distingue bonheur et douleur,
Les deux matériaux qui font que je chante,
Le chant de vous tous qui est le même chant,
Et le chant de tous qui est mon propre chant.
Merci à la vie, qui m’a donné tant…


RCF DIALOGUE , VENDREDI 12H20


mardi, avril 21, 2020

Journal musical d’un confinement (8)



Journal musical d’un confinement
(8)
Leçons d’un confinement
Nous savons tous, désormais, qu’il y a des effets positifs de notre confinement, non seulement parce qu’il freine la course du virus,  mais aussi bénéfiques sur notre environnement : moins de voitures et, du coup, un silence merveilleux sur nos cités, miraculeux pour le sommeil  et  pour le réveil quand on réentend les oiseaux ; moins de pollution, et l’air est plus respirable ; le ciel nocturne purifié laisse revoir des étoiles qu’on avait oubliées ; des animaux que, lentement, nous avons repoussés de leurs territoires, redécouvrent un espace, autrefois à eux, que nous avons usurpé,  et ils osent, timidement, libérés du bruit et de la brutalité humaine, s’y promener un peu ; on a vu des chevreuils, des sangliers, une mère canne sur la chaussée suivie de la file dandinante de ses cannetons. Dans nos calanques, on a revu des dauphins, et même des cachalots s’y ébattre, sans risquer les hélices meurtrières des bateaux ; épargnée par le rouleau compresseur des pneus, j’ai même vu éclore, entre les rides des pavés, le rire d’une fleur et j’en ai fait un poème.
Nous avons tous vu, comme si nous étions des témoins extérieurs, ces saisissantes images aériennes de nos villes désertes, vidées d’habitants : vidées de nous.
Que notre arrogance humaine tire au moins une leçon de cette pandémie qui pourrait exterminer les hommes : nous ne sommes pas nécessaires au monde, à la terre, à la nature. Sans nous, le soleil se lève toujours, les fleurs fleurissent, les arbres verdissent, les animaux revivent en paix. Privé d’hommes, le monde existe toujours, la nature revit. La nature n’a pas besoin de nous, c’est nous qui avons besoin d’elle. Retenons cela pour la préserver, et nous protéger.
Et puisque nous savons que le saccage des forêts de Malaisie, le non-respect des frontières entre les espèces vivantes, font naître ces virus nouveaux qui risquent de nous exterminer, pleurons sur la déforestation criminelle de l’Amazonie, poumon de la planète. J’eus le bonheur de l’arpenter un peu et d’y naviguer en pirogue avec un indien, évoquons ces contrées merveilleuses du Brésil en écoutant un extrait de cette Bachiana N°5, enregistrée en 1956 par Victoria de los Àngeles, accompagnée par huit violoncelles, sous la direction du compositeur lui-même, le Brésilen Heitor Villa-Lobos :


mercredi, avril 15, 2020

JOURNAL MUSICAL D'UN CONFINÉ

   Séries d'émissions, confinement oblige par téléphone, sur les ondes de RCF Dialogue
                   Marseille  : 89.6  et Aix, Aubagne, Étang-de-Berre : 101.9

 
JOURNAL MUSICAL D’UN CONFINEMENT
(1)
          Rappelons-nous : Pascal, Blaise Pascal, s’interrogeait sur la condition humaine. Il concluait :
« tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. »
C’est pourquoi, selon lui, nous cherchons avec frénésie ce qu’il nomme  « Le divertissement », un écran fallacieux pour nous étourdir et ne pas voir en face la réalité de la vie avec la mort au bout. Le repos forcé, le confinement, nous contraint au retour sur soi, à l’introspection, à l’examen de conscience. Voici celui de Verlaine (1844-1896), poète maudit. Il a tenté en 1873 de tuer son diabolique Rimbaud, ami et amant, à Bruxelles. Condamné pour deux ans, il est en prison à Mons et médite en regardant le peu qu’il voit de la fenêtre de sa cellule. Un poème inclut en 1881 dans Sagesse :

D’une prison
Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
– Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
Paul Verlaine, Sagesse (1881)
Écoutons la version musicale de Reynaldo Hahn, interprétée avec une grande délicatesse, qui respecte les nuances piano et pianissimo du compositeur par Bruno Laplante, baryton, accompagné au piano par Janine Lachance, Grand Prix du disque en 1974 .


JOURNAL MUSICAL D’UN CONFINEMENT
(2)
            La Chine, ce n’est pas que ce virus qui nous confine. Ces confins d’un Orient mystérieux ont nourri bien des légendes. Ainsi, celle de la lointaine Princesse Turandot. Elle représente déjà la révolte des femmes contre les hommes, qui ne date pas d’hier. Pour venger son immémoriale aïeule victime de la violence masculine, qui fut violée autrefois, la farouche vierge Turandot imagine un jeu terrible et capital. Capital, au sens premier du mot, c’est-à-dire qui relève du cap, de la tête : et ils ne la relèveront plus ces princes, dépités puis décapités pour avoir perdu la tête pour la belle et cruelle princesse de Chine. Pour gage de ce jeu, bien court mais peu courtois, ils engagent leur tête en prétendant à sa main mais ils doivent, pour cela résoudre, des énigmes insolubles qu’elle leur propose : ils acceptent de payer, de leur tête, leur échec.
         Un prince, inconnu, trouve pourtant la solution et peut donc prétendre à sa main, ce qui horrifie Turandot, qui hait les hommes. Généreusement, il lui propose de résoudre à son tour, avant l’aube, une énigme, découvrir le mystère de son nom pour se libérer de l'enjeu matrimonial. Turandot mettra Pékin à feu et à sang pour trouver qui il est et s’épargner ainsi le mariage auquel elle s’est jurée d’échapper.
Sur la fable de Carlo Gozzi de 1762, Puccini, en 1924, met en musique Turando qu’il ne pourra achever, rattrapé par la mort. Voici le chant triomphal du Prince : « Vinceró, vinceró », ‘Je vaincra, je vaincrai !’ Cri de victoire que nous allons faire nôtre pour vaincre ce virus et les applaudissements, intempestifs, qui saluent l’entrée en scène de Luciano Pavarotti et la fin de son air, nous les dédierons à ces héroïques soignants qui luttent pour notre santé au péril de leur vie.
« Nessun dorma… », air de Calaf, extrait de Turandot de Puccini par Luciano Pavarotti, Lincoln Center, 1979, accompagné par Richard Bonynge :



JOURNAL MUSICAL D’UN CONFINEMENT

(3)
On demandait à Gide :
         « Quel est le plus grand poète français ?»
Il répondit en soupirant :
« Victor Hugo, hélas ! »
Laissons Gide, qui s’endormit en lisant le manuscrit de Proust qu’il refusa d’éditer, à ses goûts étriqués et à son nombril obsessionnellement et amoureusement scruté dans son Journal. Oui, Victor Hugo est souvent pompeux, quelquefois pompant et même pompier. Cependant, certains de ses poèmes ont une telle force qu’ils font partie du patrimoine poétique populaire de la France, et il est l’écrivain Français le plus universellement connu, alors que Gide est pratiquement resté confiné dans ses frontières.
Victor Hugo interdisait que l’on mît « de la musique le long de ses vers. » Heureusement qu’on ne l’a pas écouté. Certaines de ses pièces, mises en musique, devinrent des opéras, comme Lucrezia Borgia, par Donizetti, Ernani par Verdi qui fit, de son Triboulet, qu’on ne joue plus, un immortel Rigoletto. Et nombre de ses de ses poèmes devinrent d’inoubliables mélodies sous les plumes de grands compositeurs.
Écoutez donc, pour vous convaincre qu’ils firent bien de ne pas obéir à son interdit, ce tout petit poème, sublimé par la musique de Reynaldo Hahn : c’est l’expression d’une personne exilée, isolée, s’adressant, par la poésie, par l’esprit, par l’amour, au foyer dont il est séparé… par le confinement.
Faites de la poésie, lisez de la poésie, écoutez, de Victor Hugo et Reynaldo Hahn : Si mes vers avaient des ailes…par Bruno Laplante, baryton et Janine Lachance au piano :



JOURNAL MUSICAL D’UN CONFINEMENT
(4)
Dans le dernier volet, je conseillais : « Faites de la poésie, lisez de la poésie ! »  Mon vœu a été exaucé : j'ai reçu de jolis poèmes sur le modèle du haïku japonais proposé par des amis, trois vers courts, de 5-7-5 syllabes, sans besoin de rime. On y rajouterait un quatrième vers de 7 syllabes et nous aurions le modèle de la seguidilla espagnole, qui remonte au XVe siècle ! Des chaînes de poésie circulent aussi, à travers les ondes, le monde, dans diverses langues.  Le même ami Raúl me rappelle que le si français Uruguayen comte de Lautréamont, disait : « la poésie doit être faite par tous, non par un ». Donc, nous vivons un moment de supplice mais propice à la poésie.
À mon tour, en hexamètres, vers de 6 pieds, j'ai écrit une sorte de petit haïku que je vous offre comme thème aujourd'hui de ce journal :
                                            Hermétique silence
                                            D’un ciel moins pollué :
                                            Et soudain, une étoile.
En effet, presque pas de circulation, silence dans les rues, pas de pollution, on revoit le ciel, on redécouvre les étoiles. 
Et maintenant, imaginez-vous au XIIIe siècle dans le Tannhäuser de Wagner, à la Wartburg, un sombre château. Il y a eu un concours poétique de minnasänger, poètes de l’amour courtois, version germanique de nos troubadours provençaux en langue d’oc, dont l’art avait été repris, en langue d’oïl, par les trouvères du nord de la France. Le poète Wolfram von Eschenbach (vers 1170-1220), dont le Parzival inspirera le Parsifal de Wagner, est ici dans l'angoisse du brouillard et de la nuit qui tombe, présage de mort de la femme qu'il aime Élisabeth, abandonnée par le débauché Tannhäuser parti chercher l’absolution du pape à Rome. Soudain, une douce étoile scintille, comme un guide lumineux dans le sentier ténébreux du monde : Wolfram s'adresse à cette bienfaisante étoile du soir (« Ô du mein holder Abendstern…»), il la prie de faire d'Élisabeth un ange du ciel comme elle le fut sur terre.
Tannhäuser reviendra, mais trop tard, son bâton de pèlerin, planté au sol, miraculeusement et printanièrement fleuri, comme un rameau pascal, en signe de pardon du ciel obtenu pour lui par la prière d’Élisabeth.
Après un sombre récitatif angoissé, soudain, les cordes frémissent doucement : écoutez scintiller l'étoile de l'espoir, fixez-la par l’esprit, laissez-vous bercer, envoler, tendrement par Dietrich Fisher-Dieskau qui prête sa voix à Wolfram sur les ondes douces de la harpe du poète :


JOURNAL MUSICAL D'UN CONFINEMENT
(5)
de NOËL À PAQUES

TELS DES OISEAUX EN CAGE
         En décembre, j’avais fait une émission pour conseiller ce conte livre /CD comme cadeau de Noël pour les enfants. Je l’ai réactualisé pour Pâques et il est sur mon blog ci-dessous. Il est comme une métaphore prémonitoire de notre confinement. Musiques, que m’ont offertes aujourd’hui, en liens, pour illustrer mon texte, les musiciens de l’Ensemble Artifices.
MUSIQUES de Heinrich Biber (pour le Rossignol, mais aussi Le Chat,  imité au violon), Louis-Claude Daquin, Jacques Hotteterre (Tourtelles en duo flûte et violon), Jean-Féry RebelFrançois Couperin, Purcell, Moussorgski (Le ballet des poussins dans leur coque, extrait des Tableaux d’une exposition) et Camille Saint-Saëns
Adorable fable initiatique d’une quête identitaire, une réflexion délicate sur le naturel et l’artificiel, l’inné et l’acquis, qui sensibilise les enfants au respect de la nature. 
           Le livre s’enrichit de trois bonus, un sur les oiseaux et la musique, sur l’apprentissage de la musique aux oiseaux, avec cette serinette de la petite fille ; un bonus sur les instruments de musique qui illustrent le conte.
Un joli conte, joliment écrit, joliment dit, joliment joué et illustré : un joli cadeau pour Noël et pour Pâques



JOURNAL MUSICAL D'UN CONFINEMENT
(7)
Don Quichotte : recours et secours
       En ce triste temps de confinement, la lecture, relecture de Don Quichotte de Cervantes (1605/1615), par sa beauté, son humour, son amour de l’humanité, est un recours et un secours. Guidé par un idéal de justice et de bonté, le chevalier errant est le défenseur des causes perdues. Il est toujours vaincu, mais il y a des défaites plus glorieuses que des victoires. C’est un hidalgo qui a pris pour écuyer un pauvre paysan, Sancho, qu’il appelle « ami », « fils » et lui transmet sa haute morale, un idéal de liberté, d’égalité, de fraternité déjà.
       Sur la liberté :
 « La liberté, Sancho, est un des dons les plus précieux que les Cieux aient faits aux hommes ; pour la liberté autant que pour l’honneur, on doit aventurer la vie ; au contraire, la captivité est le plus grand malheur qui puisse advenir aux hommes. »
Sur l’égalité de tous les hommes, au-delà des titres :
« Sois fier, Sancho, de l’humilité de ton lignage, et ne dédaigne point de dire que tu es fils de paysans. Si l’on voit que tu n’en as pas honte, nul n’essaiera de t’en faire honte ; […] il n’y a pas de raison d’envier ceux qui ont pour pères et aïeux des princes et des grands, car si le sang s’hérite, la vertu se mérite, et la vertu vaut bien plus que toute noblesse héritée. »
 « Sache, Sancho, qu'aucun homme n'est plus qu'un autre s'il ne fait pas plus qu'un autre. »
Don Quichotte, c’est aussi l’espoir :
« Toutes ces tempêtes qui nous frappent sont le signe que le beau temps va revenir et que nos affaires vont s'améliorer ; car il est impossible que le mal et le bien soient durables et il s'en suit que, le mal ayant beaucoup duré, le bien est déjà proche… »
Nous sentons bien tous, qu’après cette épreuve mondiale que nous subissons, rien ne sera pareil et qu’il faudra en tirer les leçons pour faire un monde meilleur. Écoutons encore Don Quichotte :
« Ami Sancho, changer le monde n'est ni folie ni utopie, mais justice. »
         Comment n’être pas d’accord avec cette phrase à l’ironique duchesse ?

« Madame, où il y a de la musique, il ne peut y avoir de mal. »

Don Quichotte à Dulcinée est un recueil de trois mélodies composées par Maurice Ravel en 1932 sur des poèmes de Paul Morand. Voici la « Chanson épique», chanson d’amour mystique à Dulcinée assimilée à la Vierge, la dame idéale, dans une tradition lyrique héritée des troubadours  dans sa version orchestrale par José van Dam, baryton, et l’Orchestre de l’Opéra de Lyon,  dirigé par Kent Nagano :


Et la version piano originale des trois mélodies toujours par  José van Dam, baryton, accompagné par  Dalton Baldwin au piano


Chanson épique

Bon Saint Michel qui me donnez loisir
De voir ma Dame et de l’entendre,
Bon Saint Michel qui me daignez choisir
Pour lui complaire et la défendre,
Bon Saint Michel veuillez descendre
Avec Saint Georges sur l’autel
De la Madone au bleu mantel.
D’un rayon du ciel bénissez ma lame
Et son égale en pureté
Et son égale en piété
Comme en pudeur et chasteté:
Ma Dame.
Ô grands Saint Georges et Saint Michel,
L’ange qui veille sur ma veille,
Ma douce Dame si pareille
A Vous, Madone au bleu mantel !
Amen.


















samedi, avril 04, 2020

TELS DES OISEAUX EN CAGE…




Enregistrement 6/12/2019

RADIO DIALOGUE RCF

(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)


N° 408, semaine 48 


Le Violon et l’oiseau

            Voici un disque, un livre CD, un conte fleuri de musique, que je recommandais pour Noël, et qui convient à Pâques, au printemps confiné, pour les enfants, petits ou grands d’ailleurs. Il s’appelle Le Violon et l’oiseau,  édition Seulétoile Artifices. Il s’agit d’un petit album de quarante pages, format 20 x 28,5 cm. dans lequel est collé le petit CD de 36 minutes de cette fable musicale d’Alice Julien-Laferrière et Matthieu Bertaud, mis en mots sans niaiserie infantilisante par Armelle Bossière et mis en notes par l’Ensemble Artifices. C’est illustré par Victoria Morel et raconté avec une douceur sans rien de doucereux par Émeline Bayart, avec la participation de Matthieu, et d’Alice de cet ensemble baroque Artifices, les instigateurs de l’aventure.

            Voici donc un petit oiseau qui chante merveilleusement bien des chants que lui a enseignés une petite fille avec une serinette, un petit orgue à oiseaux pour apprendre aux oiseaux domestiqués à imiter des airs. Ce petit oiseau est en cage…
(MERCI À L'AUTEUR DE CE DESSIN PARLANT SINON CHANTANT!)

            Je n‘aime pas les oiseaux, les animaux en cage. J’ose me proclamer franciscain pour cet amour des animaux. Saint François parlait de frère Soleil, de frère Oiseau, disant ainsi l’unité continue de toute la nature, de toute la chaîne du vivant dont nous commençons à reconnaître la solidarité dans l’urgence de sauver la vie sur terre. Descartes, proclamant avec arrogance « l’homme maître et possesseur de la nature », imposait le dogme horrible des « animaux machine » qui autorisait sur eux les pires atrocités puisqu’il les décrétait insensibles. Fort heureusement, on vient de reconnaître officiellement leur sensibilité.

            Or voilà que ce petit oiseau, à la faveur d’une tempête, voit sa cage brisée et découvre dehors, le monde des oiseaux naturels et leurs chants variés sans qu’ils comprennent le sien. Voici, d’abord, le  " Ballet des poussins" dans leur coque » de Moussorgski :

         1) Plage 4 : plage 4 

          Le petit oiseau s’émerveille de certains chants qui lui sont inconnus comme ces « fauvettes plaintives » de Couperin :

            2) Plage 7 : Plage 7
http://www.ensemble-artifices.fr/wp-content/uploads/2020/04/Le-Violon-et-lOiseau_07.Ch5
     Il se désole, pauvre oiseau domestiqué ! Aucun de ses chants les plus beaux que la petite fille lui a mécaniquement appris ne touche les autres oiseaux. Mais voici que l’arbre merveilleux, dont une branche figure un violon, va lui apprendre, au son magique de cet instrument, son nom qu’il ignorait jusque-là :  c’est un canari, et  il découvre donc ainsi les chants naturels des oiseaux préludés par Purcell :

            3) Plage 16: Plage 16 

            Finalement, ayant trouvé son nom et sa voix naturelle, le petit canari, applaudi par la petite fille, s’envole, libre enfin, parmi ses frères oiseaux. Adorable fable initiatique d’une quête identitaire, une réflexion délicate sur le naturel et l’artificiel, l’inné et l’acquis, qui sensibilise les enfants au respect de la nature. 
           Le livre s’enrichit de trois bonus, un sur les oiseaux et la musique, sur l’apprentissage de la musique aux oiseaux, avec cette serinette de la petite fille ; un bonus sur les instruments de musique qui illustrent le conte. Un joli conte, joliment écrit, joliment dit, joliment joué et illustré : un joli cadeau pour Noël et pour Pâques
          Je dédiais cette émission à tous les enfants pour Noël aujourd'hui pour Pâques,  et, en particulier, à ma petite fée Iris qui aura maintenant six ans et à son lutin de petit frère Lucien  Et voici des « Devinettes », invitant les enfants à reconnaître les chants naturels des oiseaux dont il a été question dans le conte :

4)  Plage 22 : Plage 22

Le Violon et l’oiseau, édition Seulétoile Artifices.
PLAGES MUSICALES OFFERTES GRACIEUSEMENT PAR L'ENSEMBLE ARTIFICE!


 Les auteurs parlent de la serinette et de leur CD :
http://www.musicologie.org/20/le_violon_et_l_oiseau.html

Air de serinette  XVIIIe siè!le : Air de serinette, La Petite Chasse

Alice Julien-Laferrière l’initiatrice du projet, sous les auspices de la LPO Côte d’Or et Saône et Loire, dont le Vice-Président Christian Mayade, signe une petite postface adressée aux enfants. La LPO, c’est la Ligue pour la Protection des Oiseaux. Ces oiseaux dont nous savons aujourd’hui qu’ils disparaissent et qu’il est urgent de sauver pur sauver la biodiversité dont dépend notre survie.
         Depuis 2016, l’Ensemble Artifice réinvente l’univers aux mille facettes du baroque et de l’illusion en se consacrant à l’imitation en musique à travers des concerts, spectacles, promenades, conférences,destinés à divers publics dans des lieux variés. L’association Ensemble Artifices au gré d'une « Balade des Oiseaux » où musique baroque et ornithologie émerveillent de concert l'assistance.



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