CD LABEL KLARTHE, Un moment musical chez les
Schumann
Cyrielle Golin, violoncelle, Antoine Mourlas,
piano
On connaît des familles, des dynasties musicales, les Couperin, les
Bach, Mozart père et fils, Puccini…Voici un disque original qui, avec facteur
commun le nom patronymique de Schumann, nous invite à découvrir non une dynastie
mais une fratrie à cheval entre
les XIXe et XXe siècles, les deux frères Camillo Schumann (1872-1946) et Georg Schumann (1866-1952) qui, s’ils
partagent avec l’illustre Robert Schumann (1810-1856), leur prédécesseur,
le même nom et bien sûr l’amour de la musique, ne sont pourtant pas issus du
même arbre généalogique.
Autre facteur commun entre les trois, géographiquement, ils sont de la
Saxe et ont été liés au Conservatoire de Leipzig. Musicalement parlant, si
Robert Schumann, l’aîné, l’ancêtre, est au cœur du romantisme, les deux autres,
bien que plus tardifs, restent encore des avatars au moins du néoromantisme,
avec, autre lien profond, l’héritage musical de Brahms, découvert tout jeune
par Robert qui en prévoyait le génie, prouvé plus tard par des avancées
techniques musicales dont on sent très bien le profit qu’en tirent les
postérieurs Camillo et Georg Schumann. Les œuvres des deux frères, ici
présentes, sont, par ailleurs, des sonates qu’on dirait presque classiques par
leur canonique structure tripartite : dans les deux cas un andante encadré
par deux mouvements allegro plus vif, et chez les deux, par ailleurs d’un
équilibre presque parfait par la durée de leurs mouvements, respectivement
autour de huit minutes environ pour Camillo, d’environ dix pour Georg. Un choix
honnêtement égal pour les deux frères moins connus, sinon inconnus, que nous
permettent de découvrir les deux interprètes inspirés. Par raison chronologique
sinon esprit de révérence, on écoute le devancier, l’aîné Robert : ses Fünf Stücke im Volkston, Op. 102, Cinq pièces sur un thème populaire, comme le disait
déjà Clara Schumann, l’épouse précieux faire valoir, elles sont pleine de
fraîcheur, d’apparente ingénuité populaire : « Vanitas vanitatum »,
‘vanité des vanités’, inspiré de Salomon, un retour humain de la poussière à la poussière, à la cendre finale, est paradoxalement plein de
persiflage chez cet esprit tourmenté qui recommande même de
l’interpréter mit humor, ‘avec humour’, dont s’acquittent joyeusement
les deux interprètes : allègre danse macabre.
De Camillo
Schumann, les deux jeunes musiciens nous offrent la Sonate n°1 Op. 59
dont c’est le premier enregistrement mondial selon l’édition parue en 2017,
mais on ne nous dit pas s’il y en eut une auparavant. Un thème du premier
mouvement rappelle, sans plagier ni parodier, le Premier Concerto de
Rachmaninov, une heureuse réminiscence plus qu’une citation, une imprégnation musicale sans doute ambientale. On appréciera la
générosité large, du violoncelle de Cyrielle Golin et la passion de la touche
du pianiste Antoine Mourlas, parfaitement captées par une excellente prise de son dans une bonne distance, ni trop lointaine ni trop grossie par une excessive proximité.
La Sonate
op. 19 (1897) de Georg garde une empreinte rythmique de Brahms, dont elle a
la puissance physique et la séduction charnelle. Elle ne démérite pas du maître, encore servie avec
générosité par les interprètes.
Nous avons
inévitablement tendance à juger le passé par le filtre historique du présent
qui a retenu quelques œuvres qui nous sont devenues fondamentales, partie
aujourd’hui visible ou audible d’un iceberg immense dont la masse immergée nous
demeure oubliée. Debussy, Stravinsky, la pointe de l’avant-garde, étaient loin
d’être le fond et le fort des programmes musicaux, et ne parlons pas de
Schönberg, même pas encore atonal et encore moins sériel. La musique des frères
Schumann est bien une belle musique de leur temps, forcément nourrie du passé,
même si elle ne prétend pas regarder l’avenir : elle est le présent d’une
époque qui nous permet justement d’apprécier, en bons héritiers témoins, ce
qu’apportent les novateurs. Et l’on sait gré à ces jeunes interprètes, plutôt
que de nous resservir les sempiternels mêmes musiciens, de nous révéler ce pan
non négligeable de notre histoire musicale.
CD LABEL KLARTHE, Un moment musical chez les
Schumann. Cyrielle Golin, violoncelle, Antoine Mourlas, piano.
https://rcf.fr/culture/livres/un-moment-musical-chez-les-schumann
https://rcf.fr/culture/livres/un-moment-musical-chez-les-schumann
LA CULTURE EN PROVENCE : BENITO PELEGRÍN
Chaque jeudi à 11h20 et dimanche à 17h20
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