Enregistrement
25/6/2020
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9 FM, Aubagne ;
Aix-Étang de Berre : 101.9)
N°
450, semaine 26
Comme un salut du nord au sud, de l’Allemagne à
l’Espagne, en passant par la France, voici un beau disque d’une pianiste
française, établie à Francfort, Myriam Barbaux-Cohen,
consacré au compositeur espagnol Enrique Granados, un CD ARS Produktion.
Signe
des temps d’économie forcée, la minceur du livret : s’il nous présente
bien, à juste titre, cette sympathique pianiste et, elle, son projet, rien ou
pas grand-chose de Granados né en 1867 en Catalogne, sa mort tragique en 1916
étant mieux connue : noyé en voulant secourir sa femme lors du torpillage,
par un sous-marin allemand, du Sussex, le navire qui le ramenait de New-York où
avait triomphé son opéra Goyescas, version lyrique de son célèbre cycle
de piano et des tonadillas, mélodies de même nom. Rien non plus sur les
pièces présentées, ni leur chronologie.
Enfant
prodige du piano, recevant un grand prix à six ans, composant sa première œuvre
à huit, il aura une carrière de pianiste virtuose de concert, improvisateur
réputé. C’est essentiellement par le piano que l’on entend Granados, sans qu’on
fouille pour autant dans son œuvre.
Enrique Granados à son piano |
On
sait gré à cette pianiste, qui a travaillé avec Josep Colom à Barcelone, de
nous avoir épargné les merveilleuses mais sempiternelles Goyescas, tant
de fois enregistrées et dont certaines interprétations font référence, comme celle
d’Alicia de Larrocha, ou de François Heisser qui s’est fait aujourd’hui, en
France, une spécialité de la musique espagnole. Elle nous offre un
choix plus original de pièces, bien moins connues sinon inconnues que beaucoup
d’auditeurs auront plaisir à découvrir. Ainsi, elle a mis dans son programme
des extraits des rares recueils dont je donne les dates absentes du livret :
Cartas
de amor : valses íntimos (1892), Escenas poéticas
(Livres I et II) Valses poéticos (1895) Il y a malgré tout deux morceaux
plus connus : Allegro de concierto, et « Oriental »
(1900), la n°2 des célèbres Danzas espagnolas, ‘Danses espagnoles’ (vers
1890). Il s’agit donc de compositions presque toutes de la jeunesse de
Granados, les plus tardives étant Libro de Horas (1912-1913), ‘Livre
d’heures’. Des trois pièces de ce cahier, écoutons un extrait, « El
invierno (la muerte del ruiseñor) », ‘L’hiver, la mort du rossignol’,
ce rossignol que Granados fera si admirablement chanter avec la Maja dans une
tonadilla, une mélodie, et son opéra Goyescas,. Ici, il offre une ombreuse
marche funèbre à l’oiseau sous les doigts respectueux de la pianiste :
1) PLAGE 2 : 1’23’’
Ces
pièces courtes sont des vignettes peignant légèrement, brumeusement souvent,
des paysages, des atmosphères, parfois des Scènes poétiques, tirées
d’opéras comme Eva y Walter, que j’identifie comme les lumineux héros de Die
Meistersinger von Nürnberg, ‘Les Maîtres chanteurs de Nuremberg’ de Wagner,
l’amour harmonieux, et harmonique, suggéré par le piano et la délicatesse de
l’interprète, sans doute souvenir lyrique gardé de la Barcelone moderniste,
première ville espagnole acquise avec passion au wagnérisme. Un extrait :
2)
PLAGE 9
Autre scène, souvenir poétique et lyrique, à l’arrière-plan pathétique
si on la situe dans son texte et contexte, innommé, de Gœthe, la Canción
de Margarita, ‘La chanson de Marguerite’. Plus que celle de Berlioz, il
me semble entendre l’héroïne du Faust de Gounod dans son encore
paisible jardin virginal, rêvant doucement d’amour, avant sa folie et
son désespoir d’être abandonnée chanté par Schubert ; ici, entre sa
douce rêverie amoureuse, on sent qu’elle fait tourner délicatement,
presque distraitement, le rouet perçu en fond. Un extrait :
3) PLAGE 13
Est-ce son tempérament, son
imprégnation allemande ? on sent une vraie communion sensible entre Myriam
Barbaux-Cohen, la pianiste, et cette musique postromantique, pleine de rêve, de
nostalgie et d’une douce langueur sensuelle.
On exprimera tout de même une petite déception pour la dernière pièce, « Oriental », sans doute trop chère à notre cœur : trop lent pour mon goût, le tempo ne me semble pas rendre compte du doux ruissellement de fontaine, de jet d’eau infime fuyant (on rêve au Generalife de l’Alhambra), trop goutte à goutte, note à note distillé, détaillé, trop perceptible toucher de piano qui brouille le frémissement délicat de cordes de guitare s’évanouissant dans l’évanescence du rêve. Mais, après tout, c’est le libre choix de cette belle interprète et nous la quittons sur ce salut du sud espagnol au nord de son Allemagne :
On exprimera tout de même une petite déception pour la dernière pièce, « Oriental », sans doute trop chère à notre cœur : trop lent pour mon goût, le tempo ne me semble pas rendre compte du doux ruissellement de fontaine, de jet d’eau infime fuyant (on rêve au Generalife de l’Alhambra), trop goutte à goutte, note à note distillé, détaillé, trop perceptible toucher de piano qui brouille le frémissement délicat de cordes de guitare s’évanouissant dans l’évanescence du rêve. Mais, après tout, c’est le libre choix de cette belle interprète et nous la quittons sur ce salut du sud espagnol au nord de son Allemagne :
4) PLAGE 25
ENRIQUE GRANADOS par Myriam
Barbaux-Cohen, piano
(1 CD ARS Produktion). Durée : 1h09 (piano Bechstein).
Visitez le site de la pianiste française Myriam
Barbaux-Cohen :
https://www.myriambarbauxcohen.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire