LE PETIT FAUST
(1869)
Opéra burlesque en
4 actes
Livret d'Hector
CREMIEUX et Adolphe JAIME fils
Musique de Florimond
Rongé dit Hervé
(1825 – 1892)
(1825 – 1892)
Adaptation
Jean-François VINCIGUERRA
Marseille, Théâtre
de l’Odéon
17 mars 2019
…Mais effeuilleuse plus qu’effeuillée,
cette Margot. Elle a beau joliment s’annoncer en chantant « Fleur de candeur,
je suis la petite Marguerite », la « petite » du Petit Faust, sous ses blondes nattes, est libertine, coquine canaille
cancanante à Londres, Frenchie exportant puis important ce qui deviendra le
« french », pardon, le kilt
cancan avec ces joyeux lurons de guerriers écossais levant la patte poilue ;
même sort au français fleureter, revenu flirter
d’Angleterre, mais bref, fleureteuse ou flirteuse fleurette, cette marguerite pétulante
de pétales parasol quand elle apparaît dans son pot, n’est pas une empotée :
elle emporte d’un bond, dans son blond tourbillon, le sage Docteur Faust paru à
la fenêtre gothique de son bureau, tel le Géographe ou Cosmographe de
Vermeer ! Même le martinet en tombera des mains du vieux professeur troisième
âge, saisi du démon de midi en midinette, au moment de châtier les fesses de la
polissonne qui a distribué tartes à la volée, guère volées, à ses diablotines camarades
de classe, offrant et dérobant sa croupe au fouet, fouettant la concupiscence
du Maître « car le désir s’accroît
quand l’effet se recule »,
comme disait noblement Corneille, qui nous vient à l’esprit puisque Racine
figure ici avec « l’horreur d’une profonde nuit » de son Athalie.
Fouette,
cocher, cochez la mention ou la citation inutile ! Car fou, fou, fou ce spectacle :
Faust, vieux fol, Marguerite, fofolle, Siebel, grande folle et, mais oui, bien
sûr, sentant plus le patchouli que le soufre, un Méphisto folâtre et douceâtre,
qui a la beauté du diable (à la moustache près), femme travestie, inverse
perverse de Siebel mâle massif, page format pleine page. Satan conduit le bal
de la folie : fou rire garanti. Dame Marthe manque au tableau d’Hervé et
consorts, introuvable en texte et chant, mais fantôme planant sur
Méphisto : la faisant exister dans son absence même, le facteur, plaisante
trouvaille, ne la trouvera jamais pour lui remettre la lettre annonçant la mort
de l’époux qui en ferait une Veuve joyeuse.
Oh, on n’allait pas oublier l’invitée
d’honneur de l’interlude, en prime, la
Prima Ballerina Larina Filipievna, Première
Ballerine du Théâtre Impérial de Manitogorsk, tout droit issue, en léger
tissu tutu, de l’école des Ballets russes telle une Nijinska gardant la flamme
fraternelle de Nijinsky, adoubée par Lifar, Béjart, éléphantesque Babar et
bobard, nous laissant babas, béats, par la performance, frissonnant sur
pointes, mourant pointilleusement comme une oie dodue, pas trop blanche, qui se
serait prise pour un cygne éthéré. Pseudonyme de l’étoile désirant rester
incognito pour se garder de la folle foule des fans : Jean-François Vinciguerra.
À la fois adaptateur, metteur en scène,
incarnant en voix et chair Valentin pas désossé, Vinciguerra, au nom vainqueur de trompette guerrière, bénéficie
d’un faste décor fûté pour Faust :
un gros livre relié, titre en écriture gothique, FAUST . Il s’ouvre, Acte I, on tourne la page
et il se déploiera comme un triptyque médiéval : officine et classe du
Docteur Faust répandant sa science à une volière de jeunes oiselles en
folie ; on le tourne à vue, il s’ouvre, et c’est une baraque foraine où, au
jeu du tir, on propose les têtes d’Offenbach ; c’est une taverne, « La
closerie des Vergeiss-mein-nicht », puis une chapelle gothique et encore
la maison et « la chambre virginale » (où Marguerite reçoit en file,
s’enfile une file indienne, sans contre ut, d’hommes en rut) avant d’être le
cabaret nocturne encanaillé pour la « Nuit de Va-te-Purgis ». Tous
les détails font mouche : coffret, miroir, peints, indiqués par une flèche.
Et les lumières de Geneviève Soubirou
sont aussi de la joyeuse partie.
Ce Petit
Faust, grandement et diablement enlevé en musique, ouverture un brin
solennelle tournant en valse, des polkas, des ébauches de cancan, une débauche
d’ensembles ! Elle ne traîne pas la baguette précise et guillerette de Bruno Membrey, menant parfois d’un
train d’enfer les troupes endiablées des solistes et choristes. Le texte et la
musique parodient avec succès celui de Gounod de dix ans son aîné, amorçant de
quelques mots et notes les airs devenus célèbres pour aussitôt s’en
évader : « Me permettrez-vous, ma belle demoiselle ?… », mais la belle, si permissive, ne permet pas
(encore) ; « Gloire immortelle
de nos aïeux… », mais les lansquenets bifurquent ici d’un pas martial sur
« Vaillants guerriers, sur la terre étrangère… » ;
Les dialogues déjouent l’attente du
connaisseur du Faust de Gounod que même
le héros, pressé, semble connaître, pressant Méphisto de lui faire signer le
papier du pacte, faisant rire ce dernier de l’anachronisme :
« Ancien jeu ! Autrefois c’était
bon. Aujourd’hui tout le monde se donne au diable… sans papier ! »
Valentin, découvrant sa chaste sœur en
pouvoir de Faust, fait un foin de tous
les diables et le défie en duel. Mais ce n’est pas par un tour de magie que le
Diable permet au vieux Docteur, métamorphosé en rockeur, de tuer son adversaire
mais par une bonne blague, une blague à tabac qu’il lui tend, causant une
distraction mortelle. À ceux qui s’étonnent de cet écart à la tradition, ce Méphisto
moderne commente :
« Je laisse à Satan, pour prouver sa
haine, / Le fer, le poison, la guerre et le sang. / Je garde
pour moi la sottise humaine, / Convaincu qu’un sot vaut bien un
méchant. »
Valentin, expire avec ce
testament philosophique, une grandiose lapalissade :
«
Ainsi que tout commence, il faut que tout finisse… / Je m’en vais retrouver
monsieur de la Palisse. »
Malin comme un diable, Vinciguerra a l’art d’accommoder
des restes d’autres spectacles ici passés : chapeaux tyroliens, robes
blanches de la troupe d’oiselles écolières, que l’on retrouvera, en élégantes tenues
de défilé de mode, pour la présentation des Marguerite du monde entier à Faust,
avec une superbe Margaret d’Angleterre, suivie d’une escorte de capiteuses
diablesses mannequins au lieu des déesses et beautés antiques du Walpurgis :
Carole Clin, Priscilla Beyrand, Lovénah L’Huillier, Perrine
Cabassud.
C’est vrai qu’il a en main une cohorte talentueuse chantante ou non,
comme Dominique Desmons et ce Siebel
d’Yvan Rebeyrol aux épaules de
camionneur ou camionneuse. Le quatuor chantant est de premier ordre, Vinciguerra
bien sûr, Karine Godefroy, Méphistophélès au très joli timbre peu
infernal, mais infernalement souvent incompréhensible. En Marguerite, sacrée
luronne menant le bal et les cancans qu’elle suscite par sa vie dissolue, perchée
parfois sur des tyroliennes, on découvre, dans le contralto de Cécile Galois, des aigus à faire pâlir des
sopranos. Mais Jacques Lemaire, bourru
barbon, barbu d’abord, loubard rocker chevelu ensuite, en mouvements, gestes, voix
et mimiques mène le jeu sinon le bal avec une étourdissante drôlerie.
Hervé revient en force : quatre
opérettes à Paris sont annoncées. Celle-ci, dans cette production, devrait l’être
à son des trompes.
Le Petit Faust , d’Hervé
Marseille, l’Odéon, 16 et 17
mars
Direction musicale : Bruno
MEMBREY
Chef de chant : Anna PECHKOVA
Mise en scène / Adaptation / Décors : Jean-François VINCIGUERRA .Assistant à la mise en scène : Sébastien OLIVEROS
Création lumière : Geneviève SOUBIROU
Costumes Maison Grout et Opéra de Marseille
Chef de chant : Anna PECHKOVA
Mise en scène / Adaptation / Décors : Jean-François VINCIGUERRA .Assistant à la mise en scène : Sébastien OLIVEROS
Création lumière : Geneviève SOUBIROU
Costumes Maison Grout et Opéra de Marseille
DISTRIBUTION
Marguerite : Cécile GALOIS ; Méphistophélès : Karine GODEFROY ; Lischen : Carole CLIN
Aglaé :Priscilla BEYRAND : Clorinde : Lovénah L’HUILLIER ; Frosch :Perrine CABASSUD
Aglaé :Priscilla BEYRAND : Clorinde : Lovénah L’HUILLIER ; Frosch :Perrine CABASSUD
Faust : Jacques LEMAIRE
Valentin : Jean-François VINCIGUERRA ; Siébel : Yvan REBEYROL
Le Pion / Le Cocher : Dominique DESMONS
Valentin : Jean-François VINCIGUERRA ; Siébel : Yvan REBEYROL
Le Pion / Le Cocher : Dominique DESMONS
Avec la participation
exceptionnelle de Larina FILIPIEVNA -
Première ballerine du Théâtre Impérial de Manitogorsk
Orchestre du Théâtre de
l’Odéon
Alexandra JOUANNIÉ, Chantal
RODIER, Alexia RICHE-GUILHAUMON, Isabelle RIEU, Christine AUDIBERT, Cathy
BENOIST, Tiana RAVONIMIHANTA, Franck BARRÉ, Marine RODALLEC, Anne GAMBINI,
Jean-Bernard RIERE, Virginie ROBINOT, Mireille LOMBARD, Patrick SEGARD, Benoît
PHILIPPE, Romain DAMMAN, Luc VALCKENAERE, Thierry AMIOT, Célia BILLIARD,
Alexandre RÉGIS, Jacques ROINAC
Chœur Phocéen
Diane BOUCHIER, Sneji CHOPIAN,
Maryline FAUQUIER, Diane GAUTHIER, Sabrina KILOULI, Agatha MIMMERSHEIM, Jing
NING, Maroussia THAUVIN, Damien BARRA, Pierre-Olivier BERNARD, Angelo
CITRINITI, Jacques FRESCHEL, Emmanuel GEA, Roman PANZER, Jonathan PILATE,
Damien RAUCH
Chef de Chœur Rémy LITTOLFF
Photos
Christian Dresse
1. Faust rajeuni par Méphisto (Lemaire , Godefroy);
2. Leçon d'anatomie (Lemaire, Desmons attablé);
3. La classe du Docteur Faust (Siebel and girls et Desmons entêté);
4. Larina FILIPIEVNA -
Première ballerine du Théâtre Impérial de Manitogorsk ;
5. Retour écossais du french cancan (Marguerite and boys);
6. Romantique Siebel (Rebeyrol);
7. Mort de Valentin (Vinviguerra, Galois);
8. Méphisto and girls ;
9. Ils auront beaucoup d'enfants…(Faust et Marguerite).
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