LE K DIMEC(K)H
Sur la route d’OKlahoma
d’après
AmériKa ou le disparu de Franz KafKa
La friche de la Belle-de-mai
(du 25 septembre au 2 octobre)
Sur la route d’OKlahoma
d’après
AmériKa ou le disparu de Franz KafKa
La friche de la Belle-de-mai
(du 25 septembre au 2 octobre)
On n’entre pas aisément dans l’univers de FranK Dimech. Mais, dès l’entrée, on est saisi : dans une pénombre d’angoisse, un roulement sourd et sonore de monde qui s’écroule, écroulement ou bombardement indistinct mais présent. Dans la lumière glauque qui se lève – ou se couche- et qui restera dans cette indécision immuable, on découvre ce qui paraît une urne, en fait un piano déglingué recouvert de pierres, non, de pommes de terre, dont l’éboulement régulier sur le tambour répercutant et vibrant du caisson de bois de la scène (Sylvain Faye) causait ce bruit étrange venu d’ailleurs. Elles joncheront le plateau, imposant aux acteurs des contraintes et des contorsions, parfois trop forcées, un malaise ambulatoire crispant attitudes et jeu.
De l’ailleurs d’un fenestron livide perché sur la hauteur du mur sinistre du lieu, qu’une femme, assise de dos presque tout au long, ouvre et ferme par intermittence en grimpant une échelle en fer, des vagissements, des pleurs lointains d’enfant, une comptine, vont scander ou trouer le déroulement ou la juxtaposition de corps solitaires mais non solidaires et d’actions sans actes ou d’actes sans action à proprement parler dramatique, sans linéarité sensible, dans une perpétuelle hésitation, une indétermination entre long silence et fil coulant de parole abondante comme pour laver à grand flot, parfois étalé dans l’écluse de vraies tirades (flaques de discours étanches et autarciques), comme pour effacer la tache du mutisme d’un monde sans réelle communication, sans communion à coup sûr, à part des yeux méfiants et une esquive de l’Autre singulier, l’intrus, ce K quémandant regard, échange, et dialogue. Il s’en retournera, pauvre et littéralement nu comme Job, non sur un tas de fumier mais de pommes de terre (après tout richesse d’un temps de pénurie…) dans l’expressivité touchante de K (Laurent de Richemond), malgré la complaisance de Dimech à mettre a nu la misère inesthétique des corps et du monde.
Ce Grand Théâtre délabré du Monde prend son prétexte chez Kafka, attente d'embauche dans un cirque, mais la mise en scène ne « joue » pas le texte ni contre le texte, ni dans le texte mais hors du texte. Même dans le jeu du non jeu imposé aux excellents acteurs, Dimech a cependant une manière de les faire jouer, subtile, décalée et, surtout, le texte, déjoué, désémantisé de son contexte, prend une vie étrange et parfois loufoque, mais confinant au tragique, dans ces tirades réussies. Difficile d’entrer, mais pas facile d’en sortir.
Photos Francis Blaise
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