L’Heure du thé
Dernière Heure du thé de la saison avant le spectacle ultime de l’année. Déjà, avec un pincement au cœur pour nous mais joie pour eux, nous regardons et écoutons ces jeunes chanteurs qui nous ont apporté du bonheur et que leur destinée appelle à prodiguer leur art sous d’autres cieux, à d’autres cœurs : leurs qualités ont été reconnues et beaucoup vont commencer ou continuer la belle carrière que leur talent mérite. Nous les saluons et remercions tous ici, même les absents, sans oublier l’efficace et sympathique équipe du CNIPAL (Centre National d'Artistes Lyriques) qui nous a généreusement offert, à travers ces chanteurs, quatre siècles de musique en 41 compositeurs.
Au programme, diverses formes lyriques et opéra français en première partie et, en seconde, des mélodies et des opéras russes.
La sombre basse Tomislav Lucic étant malade (grandeur et misère de l’instrument humain), c’est la belle Eugénie Danglade, déjà appréciée, qui prêta improntu son riche timbre satiné de mezzo à la coquette Olga d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski, avec une tenue scénique intense, contenue, faisant vivre un regard de glace bleue et de braise : on aurait aimé l'entendre plus. Dans le rôle de son malheureux fiancé avant le fatal duel, le tendre poète Lenski, héros tragique, le ténor Marc Larcher, fit passer une sensible émotion, moins élégiaque que charnelle et humaine, vibrant d’amour lumineusement aigu, de virile révolte puis de sombre abattement ou résignation. Auparavant, il nous faisait partager son rêve clair de des Grieux de la Manon de Massenet et l’exaltation en rien morbide, mais vitale, puissante et aisée d’un Werther qui porte la vie en lui et que seul un accident ferait sombrer dans l’ombre dépressive de la mort, approches joliment personnelles des héros romantiques malheureux.
Olivia Doray, si elle n’est plus une découverte, on a l’impression de toujours la découvrir, telle est la variété de ses facettes à l’image sonore des nuances variées de sa voix de soprano, du tissu harmonique de son timbre irisé. Convaincante Thérèse, féministe révoltée des Mamelles de Tirésias, fantaisie débridée de Poulenc-Apollinaire, elle passe de l’humour ravageur mais toujours gracieux à la mélancolie repentante de la Jacqueline du Fortunio de Messager, avec une grande intériorité et, avec le même bonheur, nous fait voguer vers les rives de la Volga des rêveries féeriques de Rimski- Korsakov ou des mélodies si lyriques de Rachmaninov : évidence, présence scénique ravissante, rayonnante, voix qui sourit, aigu radieux.
Aline Martin, en quelques répliques, avait laissé entrevoir la beauté de sa voix dramatique de mezzo dans Rigoletto. En récital, ses qualités vocales sont manifestes : puissance, couleur, rondeur, égalité des registres, aisance. Mais on découvre aussi ses dons scéniques : elle est une prenante et pathétique Dame de Monte-Carlo de Poulenc dans ce long récit qui serait comme une suite onirique à La Voix humaine, la femme entretenue abandonnée livrée à l’ivresse désespérée du jeu et de la ruine. Elle fera frémir aussi l’ombre angoissante de l’étrange et morbide épithalame, chanson de noces, scandé par un rythme fatal, que Pauline, pleine de pressentiments, chante à son amie Lisa dans La Dame de pique de Tchaïkovski. Mais, adultère frustrée, elle se révèle pleine de picaresque mordant contre ses amants dans l’irrésistible Concepción de L’Heure espagnole de Ravel. Avec la complicité farceuse de Marc Larcher, Aline monte un degré de la drôlerie dans l’inénarrable duo de L’Enfant et les sortilèges de Ravel-Colette, duel cocasse, à la casse, à la fracasse entre la tasse et la théière aux incompatibles porcelaines anglaise et chinoise, aux langues sans filtre, franglais-chinoâ et aux compatible pas de danse des deux joyeux chanteurs.
Les pianistes du CNIPAL, on l’a déjà dit, ne sont pas de simples accompagnateurs mais des partenaires remarquables des chanteurs : Nino Pavlenichvili, si présente dans tout le programme, le prouva amplement avec les quelques Moments musicaux Opus 16 de Rachmaninov dont elle nous gratifia de sa touche large, généreuse, puissante, rêve profond, au sombre arrière-plan lancinant du N° 3 puis dans l’aérien, vaguement flottant d’ondes nuageuses, du poétique N° 5 : beaux moments en vérité.
11 mai 2007
Photos M@rceau
1. Marc Larcher
2. Olivia Doray
3. Aline Martin
4. Saluts : Doray, Martin, Danglade, Pavlnichvili, Larcher.
Au programme, diverses formes lyriques et opéra français en première partie et, en seconde, des mélodies et des opéras russes.
La sombre basse Tomislav Lucic étant malade (grandeur et misère de l’instrument humain), c’est la belle Eugénie Danglade, déjà appréciée, qui prêta improntu son riche timbre satiné de mezzo à la coquette Olga d’Eugène Onéguine de Tchaïkovski, avec une tenue scénique intense, contenue, faisant vivre un regard de glace bleue et de braise : on aurait aimé l'entendre plus. Dans le rôle de son malheureux fiancé avant le fatal duel, le tendre poète Lenski, héros tragique, le ténor Marc Larcher, fit passer une sensible émotion, moins élégiaque que charnelle et humaine, vibrant d’amour lumineusement aigu, de virile révolte puis de sombre abattement ou résignation. Auparavant, il nous faisait partager son rêve clair de des Grieux de la Manon de Massenet et l’exaltation en rien morbide, mais vitale, puissante et aisée d’un Werther qui porte la vie en lui et que seul un accident ferait sombrer dans l’ombre dépressive de la mort, approches joliment personnelles des héros romantiques malheureux.
Olivia Doray, si elle n’est plus une découverte, on a l’impression de toujours la découvrir, telle est la variété de ses facettes à l’image sonore des nuances variées de sa voix de soprano, du tissu harmonique de son timbre irisé. Convaincante Thérèse, féministe révoltée des Mamelles de Tirésias, fantaisie débridée de Poulenc-Apollinaire, elle passe de l’humour ravageur mais toujours gracieux à la mélancolie repentante de la Jacqueline du Fortunio de Messager, avec une grande intériorité et, avec le même bonheur, nous fait voguer vers les rives de la Volga des rêveries féeriques de Rimski- Korsakov ou des mélodies si lyriques de Rachmaninov : évidence, présence scénique ravissante, rayonnante, voix qui sourit, aigu radieux.
Aline Martin, en quelques répliques, avait laissé entrevoir la beauté de sa voix dramatique de mezzo dans Rigoletto. En récital, ses qualités vocales sont manifestes : puissance, couleur, rondeur, égalité des registres, aisance. Mais on découvre aussi ses dons scéniques : elle est une prenante et pathétique Dame de Monte-Carlo de Poulenc dans ce long récit qui serait comme une suite onirique à La Voix humaine, la femme entretenue abandonnée livrée à l’ivresse désespérée du jeu et de la ruine. Elle fera frémir aussi l’ombre angoissante de l’étrange et morbide épithalame, chanson de noces, scandé par un rythme fatal, que Pauline, pleine de pressentiments, chante à son amie Lisa dans La Dame de pique de Tchaïkovski. Mais, adultère frustrée, elle se révèle pleine de picaresque mordant contre ses amants dans l’irrésistible Concepción de L’Heure espagnole de Ravel. Avec la complicité farceuse de Marc Larcher, Aline monte un degré de la drôlerie dans l’inénarrable duo de L’Enfant et les sortilèges de Ravel-Colette, duel cocasse, à la casse, à la fracasse entre la tasse et la théière aux incompatibles porcelaines anglaise et chinoise, aux langues sans filtre, franglais-chinoâ et aux compatible pas de danse des deux joyeux chanteurs.
Les pianistes du CNIPAL, on l’a déjà dit, ne sont pas de simples accompagnateurs mais des partenaires remarquables des chanteurs : Nino Pavlenichvili, si présente dans tout le programme, le prouva amplement avec les quelques Moments musicaux Opus 16 de Rachmaninov dont elle nous gratifia de sa touche large, généreuse, puissante, rêve profond, au sombre arrière-plan lancinant du N° 3 puis dans l’aérien, vaguement flottant d’ondes nuageuses, du poétique N° 5 : beaux moments en vérité.
11 mai 2007
Photos M@rceau
1. Marc Larcher
2. Olivia Doray
3. Aline Martin
4. Saluts : Doray, Martin, Danglade, Pavlnichvili, Larcher.
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