L’HEURE DU THÉ
Comédie américaine
Opéra de Marseille
Opéra de Marseille
La dernière Heure du thé de 2006, même sans Tea for two et thé pour tous (remplacé par du champagne), consacrée à la comédie américaine, avait un goût festif de célébration joyeuse de fin d’année. Il faut reconnaître que, sur la simple et mince estrade du foyer de l’Opéra, réussir à faire jouer et danser à l’américaine, de façon expressivement stylisée, la douzaine de jeunes chanteurs du CNIPAL tenait de la gageure, pourtant gagnée, avec humour, par Yves Coudray, metteur en scène et Gérard-Michaël Bohbot, chorégraphe, sans oublier le « coach » d’américain (en sous-titre, le ‘maître’, voir dans les archives de ce blog mon article En français ans le texte) et, au piano, Nino Pavlenichvili, menant la musique tambour battant.
Bref, ce fut une anthologie d’opérettes, de ces comédies venues d’outre-Atlantique qui nous ont enchantés ici, certaines devenues des films célèbres comme Show Boat de Jerome Kern dans lequel même la merveilleuse Ava Gardner chantait sans doublure, les Rita Hayworth, Gene Kelly, Cid Charisse, Fred Astaire, Ginger Rogers et tant d’autres étoiles de l’écran ayant illustré nombre de ces airs et danses d’une culture du spectacle où les acteurs sont aussi chanteurs et danseurs, où l’on ne trace pas de frontières entre genre supposé « mineur » et « grand genre », usurpant souvent prétentieusement son étiquette qualificative. Le plus bel exemple était donné par Leonard Berstein, chef d’orchestre, compositeur d’opéras et de comédies musicales, dont l’universel West Side story entre autres. Mais on n’en oubliera pas les airs d’Irving Berlin, de Jeanine Tesori, qui vit toujours, et les inoubliables chansons de Cole Porter qui on fait le tout du monde.
Mais pas pour autant facile à chanter : outre qu’il faut savoir remuer, danser, en plus de l’aisance dans le style que demandent ces airs, leurs tessitures, plus moyennes que celles requises canoniquement par les emplois vocaux de l’opéra, exigent une adaptation technique non négligeable. Dans la bonne humeur générale et la griserie d’un spectacle plein d’entrain, sans temps mort, avec le bonheur léger de sortir du répertoire plus grave en général de leurs emplois d’opéra, les jeunes chanteurs s’en tirèrent de façon convaincante.
Parmi ceux de l’an dernier, Virgile Frannais, avec son chaleureux baryton, confirme ses qualités d’acteur, entraîne par son abattage, sa faconde joyeuse de Monsieur Loyal du spectacle, de meneur de jeu. Mihaela Komokar, somptueux soprano dramatique à l’opéra, à contre-emploi ici, dévoile sa verve bouffe en incarnant une irrésistible et terrible féministe d’Annie get your gun (‘Annie t’a pris ton pétard’), sorte de Lulu Carabine ou de Calamity Jane en compétition ouverte avec le macho, avant d’émouvoir avec le voluptueux So in love de Cole Porter où elle déploie toute la richesse sensuelle de son médium. Face à elle, en mâle dépossédé de son attribut viril par Annie l’insatiable, Marco di Sapia n’en est pas pour autant châtré vocalement, baryton éclatant et brillant comédien autant dans la drôlerie que dans la mélancolie : déjà entendu lors du premier concert de la saison, il semble posséder une séduisante palette d’artiste complet. Également entendus la fois précédente, d'abord Hye Myung Kang, soprano lyrique à la rayonnante puissance, nous fait la jolie surprise de « crooner », de « jazzer» de façon intimiste, câline et féline, coquine, on l’imagine susurrant son micro (mais sans trop articuler) et Andeka Gorrotxiategui-Azurmendi qui, tout en restant un ténor torrentiel époustouflant, se coule avec naturel dans ce répertoire, allège sa voix, son comportement scénique et, séduisant jeune premier, n’écrase pas sa fine partenaire, Li Chin Huang, soprano délicat, léger, perlé, que nous découvrons.
On découvre aussi, bien en voix et en jambes, Eugénie Danglade, mezzo déluré qui brûle les planches et Manuel Núñez Camelino, ténor di grazia, léger, désinvolte, mine naïve et allure dégingandée de jeune Fred Astaire ; Étienne Hersperger, « passe la balle » avec humour malgré un trac sensible. Il faudra réentendre ces jeunes. Olivia Doray se coule en physique et voix, en poésie, dans la María de West Side story comme dans une robe faite spécialement pour elle mais son partenaire, Marc Larcher, ténor qui affiche une belle étoffe bien qu’affligé d’une méchante trachéite, illustre courageusement la dure loi du « show business » : « The show must go on »…
Joyeuses fêtes à tous.
Photo M@rceau, Enthousiasme final.
14 décembre
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire