Bach : Arias for Alto
Zoltan Daragó, alto
Les Talens lyriques, Direction musicale Christophe Rousset
1 CD Aparté
Christophe Rousset, formé par les meilleurs maîtres de la Schola Cantorum, lauréat à vingt-deux ans du premier prix de clavecin du Septième concours de clavecin de Bruges, après avoir collaboré avec de prestigieux ensembles de musique baroque, se lance en 1991 dans la création, couronnée de succès, de son propre ensemble, Les Talens Lyriques, lui permettant d’embrasser un éventail aussi riche que divers des répertoires baroque, classique mais aussi préromantique. Avec des tournées en Europe et dans le monde entier, poursuivant une carrière comme soliste et chambriste, il a aussi une production discographique remarquable sur des instruments anciens, mettant à son répertoire les grands noms de la musique baroque. Ses enregistrements des œuvres pour clavecin de musiciens français, Louis et François Couperin, Rameau, D’Anglebert, Royer, Duphly, Forqueray, Balbastre, voisinent brillamment avec ceux de Scarlatti ou Bach ou autres divers compositeurs. Il y a peu, nous présentions ici son somptueux enregistrement de Thésée, grandiose opéra de Lully.
Il nous présente en ces termes ce nouveau Cd, « Ce beau programme est un florilège d’airs pour alto avec quelques “tubes” mais aussi d’autres airs beaucoup moins connus de J.-S. Bach. »
Il nous reste plus de 200 cantates de Jean-Sébastien Bach. Longtemps négligées, elles occupent pourtant une place centrale dans l’œuvre du compositeur. Effectivement, entre 1723 et 1728, à peine nommé directeur musical de l’église Saint-Thomas de Leipzig, prenant le titre de Thomaskantor, Bach, âgé d’une quarantaine d’années, compose ses cantates à un rythme effréné hebdomadaire, pour chaque officie dominical mais aussi toutes les fêtes religieuses. Son style, bien sûr, évolue. C’est un galérien de la musique, nous le savons et nous profitons égoïstement de son travail certes forcé, mais forcément heureux par ses résultats pour nous et la musique.
Ce programme propose une sélection d’airs pour alto, issus de cette période faste durant laquelle le compositeur atteint le sommet de son art de la cantate.
La voix d’alto, que le disque omet de préciser, est en bonne terminologie lyrique, la voix la plus grave de femme, de contralto, pour la nommer en entier, abrégée en alto. Mais, ici, c’est la voix la plus aiguë d’homme, en fausset, la voix de contre-ténor, qui la remplace. C’est celle Zoltán Daragó, jeune chanteur hongrois auquel Christophe Rousset offre la chance de ce disque, son premier semble-t-il. Le jeune contre-ténor s’est illustré à la scène dans des œuvres du premier baroque de Monteverdi, l’Orfeo, L’Incoronazione di Poppea en Hongrie, en Finlande ou plus récemment à Amsterdam.
La voix de l’alto, selon Christophe Rousset, je cite, « reflète dans ces airs toute l’ambiguïté de cette figure divine, à la fois rassurante et impressionnante, mais aussi celle de l’humanité, entre amour et souffrance. » Nous ne sommes pas sûr de suivre exactement le chef dans cette affirmation. Certes il y a toujours un Dieu justicier qui plane sur ces œuvres protestantes, mais dont on espère le pardon ; certes, l’humanité y est bien « entre amour et souffrance. » Mais il me semble qu’autant la voix charnelle et concrète de l’alto féminin peut symboliser l’humanité souffrante quémandant le pardon des péchés, autant sa version masculine, asexuée, me paraît tendre vers une abstraction qui évacue l’humain vers une angélique poésie, voix séraphique dépouillée de sa chair, et du péché peut-être. À moins, bien sûr que son ambiguïté sexuelle, par-dessus les genres dont on débat tellement à notre époque, fusionnant masculin et féminin, ne représente, au-delà des sexes, l’humanité souffrante tournée vers le Sauveur.
Je vous laisse juger à cet extrait de la Cantate BWV 33 : Allein zu dir, Herr Jesu Christ (‘En toi seul, Seigneur Jésus-Christ’) dont les lignes au violon rappellent celles de l’« Agnus Dei » de la Messe en si mineur.
1) PLAGE 2
Bach fait de ses cantates de
véritables sermons religieux, mettant en musique des textes extraits des Évangiles,
des cantiques ou des écrits de Luther lui-même. Le compositeur semble
s’identifier au prédicateur. La figure de Dieu tantôt apaisante pour les
croyants y apparaît redoutable pour le pécheur, comme ici dans une marche
implacable, une fuite désespérée sous la menace oppressante d’une épée
vengeresse sur la tête dans l’air « Geist und Seele wird verwirrett»,
‘L’esprit et l’âme sont confus’, de la cantate BWV 35 avec
orgue obligé. Un extrait :
2) PLAGE 4
À l’inverse, goûtons la céleste sérénité, le repos chanté comme un ciel sans nuage dans « Vergnügte Ruh, beliebte Seelenlust », ‘repos serein, plaisir de l’âme…’ qui donne son titre à la Cantate BWV 17O où l’orchestre des Talents lyriques se déploie avec un bonheur sensible, pour le nôtre, atout du hautbois d’amour et de la voix, ici vraiment angélique et humaine dans son désir de paix, de sérénité.
3) PLAGE 10 : 1’45’’
Dans ce programme autour des airs pour altos, nous retrouverons plusieurs Sinfonias, des passages instrumentaux composés pour d’autres cantates, plus tôt dans la carrière de Bach, deux entre 1707 et 1708. Dans ces chants d’espérance et de crainte d’un Dieu vengeur, écoutons la béatitude des âmes élues avec la plénitude légère de l’orchestre
4) PLAGE 3
En regrettant une prise de son qui place excessivement l’orchestre au premier au détriment de la voix, saluons ce premier disque d’un jeune chanteur et d’un sympathique ensemble sur cette exhortation à la force d l’âme :
5) PLAGE 11 : FIN
Émission N° 782 de Benito Pelegrín 21/1i/ 202
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