(F)ESTIVAL DANS LA RÉGION PACA
Estival se cache sous festival. Par la vertu de la consonance, de la paranomase dirait-on en bon terme rhétorique, on ferait presque des synonymes de ces mots. Or, ces festivités artistiques en un lieu et une période donnés n’ont pas de saison, tel le printanier Festival de Cannes ou le Festival permanent des deux saisons de Toulon, hiver été, dont la frontière entre les deux n’est que la belle étoile qui permet des concerts à l’air libre. Mais, la Région PACA étant devenue, sinon une terre de mission une Terre de Festivals, pour ceux qui ne veulent pas simplement bronzer ou toaster idiots, on survolera quelques festivités d’été, ces festivals estivaux –en bon accord grammatical.
D’abord, on saluera la belle diversité des programmations : des musiques savantes, anciennes ou contemporaines, au rock et aux musiques du monde, de l’art lyrique aux variétés, du théâtre le plus classique au théâtre de rue, de la danse contemporaine aux danses folkloriques, de la photographie au cinéma, l’éventail est aussi large que les prix. On remarquera ensuite, qu’Avignon a déjà été capitale européenne de la culture et que la région a deux autres villes candidates, Nice et Marseille, qui peuvent honnêtement y prétendre malgré l’étrange politique locale, reflet de la nationale, qui sabre paradoxalement les subventions de la culture et, dans la cité phocéenne, menace des théâtres, dont tel, vrai et rare foyer régional de création.
Dans la fonte des subventions décrétée d’en haut, on constate que l’Etat semble réserver ses subsides aux manifestations de prestige, abandonnant aux collectivités locales, qui assument déjà le financement des structures, un art et une culture du terrain attentifs aux publics moins favorisés et plus éloignés des grands centres culturels et artistiques, officialisant de la sorte une politique culturelle à deux vitesses, renversement historique des lois Malraux et leur rêve d’élitisme démocratique de l’art pour tous. Retiré de certains petits festivals, le Ministère en a signé la mort.
Culture intermittente
Un festival, fête à durée limitée, est donc, littéralement, une manifestation que je dirais « intermittente » si ce terme n’avait aujourd’hui fonction d’épouvantail : reposant en très grand majorité sur le travail, très précaire, des « intermittents du spectacle » (artistes et techniciens), voués au chômage plus qu’à la scène, les festivals ne peuvent survivre sans eux pas plus que les grandes villes festivalières ne peuvent économiquement vivre sans leur festival : 1€ investi dans la culture engendre 5, 30 € de retombées économiques induites.
Significatif : après la vague des annulations de festivals due aux grèves des intermittents il y a quatre ans, face au désastre économique de la Ville des Papes, la Maire réélue d’Avignon, UMP, fidèle du gouvernement qui mit le feu aux poudres en faisant exploser leur statut, appelait aussitôt à la concertation pour débattre du problème. Débattu, non résolu : on se souvient, 30 000 intermittents rayés, le double, prévus ensuite, puis le brouillard. De l’art de faire baisser, sinon le chômage des artistes, les statistiques. La culture, dans cette Région, entraîne 30 000 à 40 000 emplois par an dont seulement 12 000 permanents. Les intermittents sont donc largement employés…sans emplois fixes.
Quelque 50 festivals morts en 2006 faute de moyens, 305 restaient en 2007 ; aujourd’hui, 282 sur 279 communes. Mais concentrés presque tous en une saison. Donc, les lampions du festival éteints, certains lieux retournent à leur désert culturel après la floraison estivale. En dehors des grandes villes, la culture est donc bien intermittente. Echelle du phénomène : si le Festival in d’Avignon offre une cinquantaine de manifestations (lectures comprises), le off est le parent pauvre, proposant chaque année (de sa poche) plusieurs centaines de représentations par quelque 400 compagnies.
Festivals de…
Les festivals sont d’abord de…lieux : Festival d’Avignon, de Bargème, de Beaulieu, de Brignoles, de Gardanne, de Lacoste, de Marseille de Martigues, de Méouges, de Mimet, d’Olivary, de Peynier, de Ramatuelle, de Roubion, de Salon, de Serres, de Trigance, etc, presque à l’infini des villes et villages de la région. Ces lieux se précisent parfois vaguement In situ, se dessinent localement en Enclave, Village, Rues, Côté cour, l’Enclos, les IV colonnes, Parvis, Parc, en campagne, Festi’Val des Prés, des oliviers, dans les vignes, sous les pins, du Rocher, des collines, dans l’eau, etc, avec une prédilection populaire aristocratique pour les Châteaux (Amphoux, l’Empéri, Gréoux, Mandelieu, Peyrolles, Trets, Vins, etc), le Palais (des Bulles), un goût martial pour la Citadelle, la Courtine, ou, plus pieusement, dans une gradation monacale et ascétique, les Abbayes, la Chartreuse, l’Ermitage, et les chapelets d’églises et de chapelles. Tel autre se décline modestement Opérauvillage.
Certains festivals se déclarent poétiquement sous les étoiles, d’autres, précisent lumineusement nocturnes (Palais des papes, piétonnes, Vins) et, au cas où l’on n’aurait pas compris que jamais au grand jour, d’autres insistent : les nuits (blanches, estivales, guitares, Caroline, du Brusc, du Rocher, de Parons, de Juan, de Garoupe, de Nesque, de Fréjus, de Coudon, du blues, du jazz chaud, de Nice, etc). Sans doute à l’estranger frivole, on prend soin d’indiquer la direction du Sud et de bien souligner la saison : festival d’été, musiques d’été, soirées d’été, les estivales (Allauch, Aiguilles, Carpentras, Coudoux, Puyvert, Turriers ), les estivades, et, bien sûr, festival estival.
Si beaucoup de festivals affichent platement leur matière d’Art lyrique, de chorales, de guitare, de piano, de flamenco, de jazz, du livre, de théâtre, etc), d’autres proclament ou menacent : Gare aux oreilles!, Festival de musiques inclassables, Contre courant, musique en liberté, ou en remettent Encore plus fort! Certains se font ambigus, prometteurs: les journées particulières, peut-être complétées des nuits des falicomédies à phallique écho ou incitent à La folie des lacs.
D’autres déclarent une couleur un peu trop exclusive, semblant maladroitement réserver leur festival aux gens d’aqui. On lui préfère celui de Convivència, (coexistence), et tous les festivals métis dont celui, unanimiste et universaliste Tous humains sous les étoiles du Haut Verdon.
Photos
1. Le château de l'empèri, Salon ;
2. Peynier.
Lieux du cœur
Orange
C’est pourquoi, au moment de présenter quelques lieux intimes privilégiés, on saluera Orange et ses grandioses Chorégies, auto-financées à 90 %, condamnées au succès populaire par une municipalité que l’on sait, qui suspend sur sa tête l’épée de Damoclès d’une subvention, promesse tenue ou retenue. Le toit nouveau protège le mur de scène soumis au rages et aux ravages des vents et de la pluie. Puisse-t-il être un parapluie protecteur contre la ruine, sinon du temps, de notre triste époque politique.
Photo : Il trovatore de Verdi, 2006
Chorégies d’Orange
Du 12 juillet au 5 août 2008
Carmen de Bizet : 12 et 15 juillet, 21h45 : Plasson, Uria-Monzon, Jaho, etc.
Faust de Gounod, 2 et 5 août ; 21h30, Plasson, Alagna, Mula, etc.
Opéras :
Prix : 48 à 220 € ;
Requiem de Verdi : 19 juillet, 22 h.
Prix : 14 à 90 €.
Requiem de Fauré : 26 juillet, 21h30.
Prix : 14 à 30 € ;
14 juillet au Théâtre Antique, projection d’Orphée et Eurydice de Gluck, chanté par Roberto Alagna dans une production de Federico et David Alagna sur la scène des Opéras de Bologne et Montpellier. Entrée libre
Tél. : 00 33 (0)4 90 34 24 24
Festival international de Piano de la Roque d’Anthéron
Réduire le Festival de Piano de La Roque d’Anthéron à un feuillet, c’est résumer la forêt à un arbre et l’arbre à une feuille : 100 concerts en 5 semaines, le clavier dans tous états, du clavecin au piano-forte en passant par l’orgue et l’organe vocal de chœurs (Accentus de Laurence Équilbey accompagné par Brigitte Engerer), le jazz, les ensembles concertants, symphoniques…L’aristocratie mondiale du clavier démocratiquement offerte en un éventail qui embrasse de la musique baroque à la contemporaine en divers lieux dans.
Parc du Château de Florans : le doigté végétal de la nature en écho visuel à la touche délicate du piano. Le ciel, rougi par le couchant, à travers les ramures sombres des arbres du parc, c’est une amoureuse chair rosie sous la dentelle noire de la soie. Avec l'ombre avancée, les cigales mettent une progressive sourdine au profit des grenouilles du parc et les oiseaux, étonnés, entonnent des chants nouveaux pour le jour tout neuf des projecteurs. Sous la conque acoustique, nid inversé fait de coquilles d'œufs géants, posé sur la scène, grand oiseau noir prêt à l'envol, le piano ouvre son aile luisante de corbeau striée par les cordes brillantes.
La Roque a essaimé dans deux lieux tout aussi naturels : les carrières de Rognes et l’Etang des Aulnes, la pierre dorée et l’eau argentée. Coupée à angles vifs dans le beurre calcaire de la colline, la carrière étage ses cubes creux de ville géométrique virtuelle, dont les surfaces virent du jaune à l’or, au roux, dans la lumineuse patine progressive des crépuscules d’été. Des pins hirsutes griffonnés sur leur crête, quelque brouillonne broussaille tombant avec des nonchalances de chevelure, adoucissent la rigueur géométrique des lignes pures. Ici règne le jazz.
Les Aulnes se nichent dans un creux de la Crau, à Saint-Martin. Longue ligne de lauriers-roses, de peupliers verticaux au bout, le plan d’un vaste pré, une inflexion douce du relief et, en contrebas, un étang buvardant de ses eaux plates les teintes mourantes du soleil, lumineux miroir ensuite à un astre pour nous disparu. A gauche, une belle bastide restaurée ; à droite, une grange aménagée où la musique est chez elle.
Du 19 juillet au 22 août,
concerts de 11 à 21 heures
La Roque d’Anthéron (13640) et nombreux autres lieux
Tarifs : 15 à 51 €
Tél. : 33 (0) 4 42 50 51 15
Festival de l’Empèri (Salon)
Au cœur de la Provence, au creux de la Crau, la petite ville de Salon-de-Provence, de Nostradamus le mage, mérite hommage et arrêt. Du centre fleuri, de la Fontaine moussue, par une porte ancienne flanquée de murs, on monte vers le Château de l’Empèri. Juché sur un socle rocheux, dominant la plaine, c’est le fort le plus ancien de Provence, l'un des trois plus grands dans le style à la pure géométrie du Palais des Papes d’Avignon et de celui du Roi René à Tarascon. Sa haute tour semble un doigt pointé vers le ciel que ses créneaux semblent mordre. Mais bien qu’il abrite le Musée de l’Armée, dépendance des Invalides, des trésors napoléoniens, ce Château de l’Empire, peu belliqueux aujourd’hui, n’en reconnaît qu’un : celui, pacifique et universel de la musique. Une estrade dans un coin, contre les paupières rêveuses des arcades, la nuit tombe et s’illumine de musique.
En effet, dans sa cour Renaissance, quand le soir d’été dore encore les murailles, il abrite depuis 16 ans un Festival de Musique de chambre patronné par des noms prestigieux du monde de la musique et de la culture : Claudio Abbado, Daniel Barenboïm, Pierre Boulez, Michel Dalberto, Michel Portal, Lambert Wilson, etc : c’est dire programme et exigence sur les choix.
Concordant avec la Présidence française de l’Union européenne, le Festival se donne le point de concorde idéal avec Beethoven l’Européen, le passeur génial entre deux siècles, entre deux musiques, la classique et la romantique, musicien ouvrant l’avenir et homme des Lumières. Les affinités électives ouvriront l’éventail du programme jusqu’au cinéma.
Photos N. Tavernier :
1. L'entrée du château de l'empèri ;
2. Un coin de scène.
Du 27 juillet au 7 août, 21 heures
Château de l'Empèri
Montée du Puech
13300 Salon-de-Provence
Tarifs de 10 à 26 €
Tél. : 33 (0) 4 90 56 00 82
Festival de Peynier
Aux confins des Bouches-du-Rhône et du Var, à deux pas de Rousset, de Fuveau et de Trets, à une vingtaine de kilomètres d’Aix, Peynier est un exemplaire petit village provençal : une vieille église romane (1098), un château XVII e siècle aux tours rondes dans le style de celui de Vauvenargues, de charmantes ruelles capricieuses, ombreuses, aux jolies façades peintes, ornées de lierre. Au sud, la chaîne verte de Regagnas, au nord, l’imposante barre calcaire de la Sainte-Victoire chère à Cézanne, aux creux bleuis ciselés par le vent. Dans ce champêtre décor, l’écrin d’un théâtre de verdure : quelques gradins comme des marches vertes vers une forêts de pins et de chênes de la Garenne. La musique aime les arbres qui le lui rendent bien en parfaite sonorité. En ce lieu, inauguré il y a deux ans, Les Nuits musicales de la Sainte-Victoire sont devenues un festival qui apporte, sur le pas de la porte, sur ce plateau végétal, la musique au village.
Pour sa troisième année, après le succès en 2007 de Tosca, le festival, réitère l’expérience en proposant, en version concert racontée, Madame Butterfly de Puccini les 25 et 28 juin. La distribution et le récit seront encore assumés par Ève Ruggieri, remarquable conteuse et qui a plus d’un jeune chanteur talentueux dans sa poche de programmatrice de divers festivals. Les 26 et 29, un Hommage à Luciano Pavarotti fera alterner films et deux ténors, présentés aussi par Ève. L’Orchestre de l’Opéra National d’Ukraine sera dirigé par Grigori Penteleïtchouk, Directeur artistique de ce petit mais ambitieux Festival.
Photo :
Éve Ruggieri, diseuse de charme.
Du 25 au 29 juin, 21 heures
Théâtre de verdure
13790 Peynier
Tarifs : 29 €
Tél. : 33 (0) 4 42 53 16 43
06 25 97 26 87
L'OpérAuVillage (Pourrières)
Six ans déjà de Festival et, en trois : les turqueries au début du XIXe siècle en 2006, les chinoiseries en musique en 2007 et, de cet Orient proche ou extrême, nous voici dans les "Nuits romantiques" pour l'atmosphère et l'époque, et dans Une soirée musicale chez George Sand. Chez la romancière, journaliste et première femme moderne, nous rencontrons l'inspiratrice de Consuelo, l'extraordinaire Pauline García Viardot, sœur de la Malibran, et son opéra de salon, Cendrillon dirigé ici par Luc Coadou et mis en scène par Bernard Grimonet.
L'égérie musicale des grands compositeurs de son temps (de Berlioz à Gounod en passant par Saint-Saëns et Massenet… n'était pas que la grande cantatrice qui, en plein XIX e siècle ressuscite Gluck et garde la flamme belcantiste des castrats, de Mozart et de Rossini, elle a laissé, comme sa sœur d'ailleurs et son père Manuel García, nombre de compositions, notamment de mélodies, que l'on recommence à découvrir. Une conférence par Christelle Neuillet, aussi simple que documentée et illustrée musicalement et visuellement avec le concours Bernard Grimonet avait joliment présenté cette femme d'exception.
Dans le cloître intime du couvent des Minimes (XVI e s.) de Pourrières, où un arbre joue le S baroque en tendant vers le ciel, nous aurons le privilège de voir exhumée cette œuvre délicate après un convivial repas à thème sous les marronniers en ligne sous le mur rempart. Beau festival animé par des bénévole mais servi par des artistes professionnels triés sous les volets.
Photos Savary
L'OpérAuVillage
880, Chemin de la Santé 83910 Pourrières Tél. : 04 94 78 50 35 06 86 92 10 63 www.loperaauvillage.fr Tarifs : 20 €, apéritif compris avec repas : 35 €…
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