Récital d’israël Lozano, ténor
Jacques Reynaut, piano
Église du Saint-Esprit, Aix-en-Provence
Son maître fut Alfredo Kraus et il est couronné par Plácido Domingo. S’il partage avec ces deux grands ténors sa nationalité espagnole, Israël Lozano, vocalement, artistiquement, est lui-même : voix de soleil égale sur tout son large registre, puissante et douce, malléable, aigus éclatants et rayonnants, aussi égal dans la mélodie que dans le répertoire d’opéra. La ligne est exemplaire, le phrasé, élégant et naturel, la diction espagnole et italienne, parfaites. Il sait colorer l’émission selon la couleur du morceau, maîtrise la voix mixte entre le registre de tête et de poitrine sans effet, au service du texte et de l’émotion et ses demi-teintes sont toujours variées et expressives.
Avec la variété régionale des Sept chansons populaires de Manuel de Falla, généralement chantée par une mezzo, il offre une « Asturiana » bouleversante d’intériorité, de tristesse lumineuse, dans une tenue de souffle indéfinie de douceur puis une « Jota » entre la gouaille aragonaise et la bravade virile. Les trois grands et beaux poèmes de Bécquer et de Góngora mis en musique par Alan Mandel, plus contemporains par les harmonies aux modulations dissonantes raffinées, lui sont l’occasion de démontrer la finesse de son fausset (« Suspiros ») et son héroïsme dans le sonnet « A Córdoba ». Il bouleverse avec l’air de zarzuela de Sorozábal « No puede ser », tout comme dans l’air de Werther malgré une diction française un peu fermée. Il se promène avec charme et conviction dans le répertoire italien mais est frustré du second couplet et de la vaillante cadence finale de Catarí par un Jacques Reynaut, pianiste sympathiquement distrait dans ce répertoire et parfois embarrassé dans les diaboliques ornements structurels de la musique espagnole, sans doute par manque de temps pour les répétitions.
Auparavant, Reynaut était comme un poisson dans l’eau dans Poissons d’or de Debussy, admirable pièce aquatique, pleine de frétillements facétieux, d’éclats, de tourbillons, d’accélérations, plein d’ivresse picturale dans La Puerta del Vino, carte postale musicale de Debussy en réponse à celle postée par de Falla, véloce et virtuose dans la Dedicatoria de Turina, avec le roulement sans rubato du continuo. Simple, modeste et souriant. Sans prétentions aucune, un grand concert.
17 novembre 2006
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire