Madama Butterfly
Opéra en trois actes
De Giacomo Puccini
Livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
Création à Milan, à La Scala, le 17 février 1904
Opéra de Marseille
17 novembre
Avant ce chef-d’œuvre, il y eut d’autres œuvres sur le thème cruel de la geisha épousée, engrossée, abandonnée et suicidée. Il traduisait sans doute une conscience occidentale sûre de son bon droit colonialiste, guère bourrelée des remords des conséquences humaines de ses actes, mais, plus particulièrement, du mâle égoïste, irresponsable, satisfaisant ses désirs charnels avec une femme, et par ailleurs jeune, sans se soucier des suites malheureuses.
L’une des sources, c’est le roman autobiographique Madame Chrysanthème (1887) de Pierre Loti. Le galant et ambigu Loti, grand officier de la marine française, avait sans doute, aussi littérairement que littéralement, une femme dans chaque port : il contera ses amours avec une Turque d’un harem ; il avait déjà écrit Le Mariage de Loti (Rarahu) (1882), évoquant un séjour et un mariage avec une indigène à Tahiti. De ce récit sera tiré le livret d'un opéra de Reynaldo Hahn : sous le titre de L'Île du rêve, il sera créé en 1898 à Paris. Avec Madame Chrysanthème (1887), Loti nous raconte comment, à Nagasaki, le temps d’une escale de son navire, par contrat légal renouvelable d’un mois, il épouse en juillet une jeune Japonaise qu’il quitte …en août. La femme, vraie femme objet, objet de ce contrat, nous dit-on, pouvait se marier ensuite sans problème. Ce roman à succès fut donc mis en musique par Messager (1893), sous le même titre de Madame Chrysanthème, qui fut intelligemment couplée à Marseille, en version concert, avec l’opéra de Puccini, en 2016. Cependant, cette Madame Chrysanthème, proche de Butterfly par le thème du mariage entre une Japonaise et un marin étranger, n’y est pas une victime, c’est une femme intéressée faisant une bonne affaire.
Autant plastiquement que musicalement, l’orientalisme est à la mode mais Puccini en approfondit sérieusement la matière, gamme pentatonique, gamme par tons, et cette mobilité tonale qui sont sa marque. Il élargira sa palette avec sa posthume Turandot (1926).
Mariage pour rire et pour pleurer : papillon d’amour et de mort
Le sujet : à la fin du XIXe siècle, au moment où le Japon s’ouvre au monde occidental, F. B. Pinkerton, un officier de marine américain, de passage à Nagasaki, s’offre par contrat bon marché, le temps de son séjour, une exotique maisonnette meublée au sommet de la colline et pour y meubler ses loisirs, une jeune épouse de quinze ans, Cio-Cio-San, dite Madame Butterfly, Madame Papillon. Il a acquis, sinon conquis le tout par un avantageux et souple contrat de 999 ans…mais qui peut être dénoncé, résilié tous les mois.
Il s’en gargarise auprès Sharpless le prudent Consul, plus que l’officier mercantile entre deux mondes. Il tente de raisonner l’inconscient et inconstant Pinkerton, « Homme habile et profiteur ». L’officier pragmatique avoue profiter sans vergogne des facilités « élastiques qu’offrent les contrats dans ce pays. » Avec une ivresse patriotique, avec une arrogante vaillance il lance « America For Ever ! », sur l’hymne triomphant de la Marine américaine, qui commence son expansion impérialiste.
Le triomphant Pinkerton chante et trinque avec son compatriote Sharpless qui déchante en songeant à la jeune épouse qui trinque à ce contrat de dupe. Pinkerton se chante, s’enchante avec complaisance, avec un égocentrisme nationaliste, s’identifiant en « Yankee vagabond » qui « s’amuse et trafique » « partout dans le monde », avec, naturellement, pour agrémenter le vagabondage, une fille dans chaque port : en quelque sorte, c’est, comme le jeune Chérubin des Noces, un « farfallone amoroso », un ‘papillon amoureux’, sans l’excuse du moins de l’adolescence ni le miroir aux alouettes d’un mariage de fantaisie pour lui, mêle légal pour elle.
Avec cynisme, persiflant sur cet « évangile facile » que lui reproche Sharples, il projette déjà de se défaire de ce mariage pour rire afin d’épouser « un jour en vraies noces une vraie Américaine », portant un toast vainqueur à ce futur mariage lointain américain et non à l’immédiat japonais qui s’apprête.
Dissymétrie dramatique : pour l’Américain, c’est un jeu ; pour la jeune femme, d’une illustre famille tombée dans la misère et dont le père s’est déjà suicidé, c’est un piège fatal : elle croit à ce mariage pour rire de l’officier ; elle est vraiment amoureuse, elle a renié sa religion et s’est convertie au christianisme par amour.
Elle est escortée, cohorte de misère, par mère, grand-mère, tante, cousine (que l’entremetteur Goro a voulu vendre à l’Américain), autant de probables victimes féminines de cet « Archipel des hommes » comme dira Barthes dans les années 60, famille « louée au mois », ironise Pinkerton. Son oncle, le bonze, surgi comme un diable de sa boîte au moment du mariage, a éventé les visites de Cio-Cio-San à la mission où elle a embrassé la religion de son futur mari, la maudit, et toute la famille, et les invités japonais horrifiés, s’enfuient en la reniant, condamnant Butterfly un exil moral et social intérieur.
Le mari pour rire revient marié pour de vrai à une Américaine, mais pour lui prendre l’enfant. Abandonnée, déshonorée, Cio-cio-san, se fait hara-kiri, le seppuku le suicide rituel, en général masculin, mais que les femmes nobles et épouses de samouraïs pratiquaient aussi, avec le poignard de son père sur lequel sont gravés ces mots : « Celui qui ne peut vivre dans l’honneur meurt avec honneur ».
TRAGIQUE NOCTURNE AU PAYS DU SOLEIL LEVANT
Il y avait pourtant une logique à se contenter de la réalité historique pour ce drame vériste. À la fin du XIXe siècle, à la date même du premier texte de Luther Long, 1898, ayant coulé sur mer les restes de l’empire espagnol, les USA, qui viennent d’annexer la Californie et Hawaï, s’emparent des dernières anciennes colonies de l’Espagne, Cuba, Porto-Rico, Guam, les asiatiques Philippines, étendant leur emprise et empire vers le Pacifique.
Quant au Japon, qui a vaincu la Russie au début du siècle et se lance dès le premier tiers dans une agressive politique expansionniste triomphale, après Taïwan contre la Corée, la Chine, il avait rejoint l’Axe fasciste européen en septembre 1941, en guerre donc contre les Alliés, attaquant par surprise Pearl Harbor en décembre, avant même que les USA n’entrent dans le conflit, on voit donc mal les Américains faisant la loi sur l’archipel nippon, et Butterfly forçant sa famille à s’agenouiller en allégeance à son époux yankee. Et pire, pour un spectateur un peu averti de l'Histoire du Japon, l'inévitable rapprochement chronologique avec la proche issue atomique qui anéantira Nagasaki, une mort, même tragique d'une femme ne compte guère à l'aune des 80 000 victimes estimées de la bombe.
Scénographie, costumes, lumières
Sans autre connaissance du Japon qu’une vulgate culturelle générale, je dirai que la pure scénographie de Tim Northam, entre abstraction et symbolisme, présente un sobre extérieur que nous prêtons aux intérieurs japonais : l’épure en bois clair strié horizontalement d’une colline trouée en son centre de géométriques degrés d’escaliers. Ajourées verticalement, les fines parois coulissantes, qui étonnent Pinkerton, figurent les structures à soufflet de ces légères maisons en papier, habitat prudent de ce pays sismique, qui dessinent avec fluidité des espaces divers de jeu symbolisant peut-être un monde interstitiel où l’ombre est impossible, où tout peut être vu, même débité en lignes qui donnent à l’ensemble l’illusion d’un Japon défini par Barthes comme l’empire des signes, indéchiffrable pour nous et peut-être pour Butterfly perdue dans des rêves. La mise en scène et les beaux mais sobres costumes de Véronique Seymat nous épargnent l’exotisme ornemental d’un coloriste Japon touristique. Pas de déploiement de luxe décoratif à grand renfort d’ombrelles et de kimonos somptueux multicolores, faste impossible à la famille ruinée, mère, tante, cousines pauvres de Cio-Cio-San comme elle le souligne dignement : vêtues de simples kimonos d’un bleu qu’on dirait de porcelaine chinoise, sombre parsemés de fleurs plus claires ou rayés, et même les obis, ces élégantes ceintures traditionnelles nouées en papillon déployé dans le dos, sont des plus simples.
Une femme, voisine, témoin, porte des pantalons occidentaux en soie d’un bleu qui est la couleur déclinée, somptueusement dans sa simplicité, dans toute sa gamme, du bleu nuit surgi du noir, bleu roi des robes et ombrelle dégradées en azur. Quand les femmes en bleu vêtent de blanc vaporeux Butterfly, vrai papillon dans une nuée neigeuse de voiles, et la couronnent d’une immense tiare lunaire, c’est comme un rituel sacré apprêtant une victime de quelque sacrifice grandiose et cruel, magnifiée pour la mortelle cérémonie, ou une lune « descendue du pont du ciel » comme elle dira ensuite dans son duo avec Pinkerton. Chemisier blanc sur sage jupe bleu marine, la Butterfly de la seconde partie de la misère se penche amoureusement sur son petit garçon endormi en marinière et short bleu Chine.
En blanc débraillé de sportif tennisman, bretelles sur les hanches, puis uniforme impeccable blanc, lumineux, Pinkerton n’est en phase, en place picturale de couleur qu’avec le moment de l’union avec la mariée sur fond de nuit ; quand il revient à la fin en uniforme bleu sombre de la promotion militaire qui l’aurait harmonisé au chromatisme bleu nocturne du premier acte, il est comme une tache sombre dans un univers de soleil : jamais à sa place par la couleur et la culture, toujours étranger, imperméable. Si le riche yankee n’est pas chiche en confort qu’il offre à ce « joujou » de petite femme comme il dira, chambrière, servante, cuisinier, il semble railler leurs poétiques noms japonais : Nuage léger, Rayon du soleil levant, Exhale aromates. Il se gausse et s’agace de sa famille de « location mensuelle », brouillonne parentèle accourue à la noce. Deux mondes, deux cultures à travers les stries ombre et lumière de cet univers aux lisses apparences claires mais impeccablement et implacablement, artistiquement fissuré, déchiré de lattes finalement disjointes.
Les lumières de Bernd Purkrabek, ou plutôt le noir, dorent précieusement le bois de la colline sur un fond généralement sombre comme le drame, feront rutiler, comme des étoiles, les fleurs bleues pleuvant verticalement du ciel, ce bleu intense de la nuit et de l’âme de l’héroïne. Symboles d’un amour effeuillé, une fleur bleue dans un coin de la chambre de Butterfly aux pieds du petit garçon endormi, une autre, piétinée accidentellement sous le soulier de Kate Pinkerton « l’innocente cause » du malheur de Butterfly, sont les signes subtils des illusions fanées.
Sans apparat mais raffiné, esthétiquement, c’est d’une grande beauté.
Interprétation
À la tête de l’Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille, la direction de Paolo Arrivabeni est l’authentique signature italienne de cette rare production authentiquement française dans tous les rôles. Chacun à sa place, chacun mérite d’être cité, sans qui un spectacle ne pourrait être. Aussitôt regrette-t-on l’absence dans la distribution du nom du petit garçon, nommé justement Douleur par sa mère abandonnée : un cerf-volant en forme de papillon, on le découvre gambadant innocemment au deuxième acte, enjeu innocent du drame, tragédie pour la mère qui se sacrifie pour lui, papillon épinglé qu’elle évoquait en frissonnant, pressentiment oppressant, entre les bras de son mari.
Opéra aussi symphonique que choralement réussi dans ses brèves interventions souvent comiques ou sarcastiques, avec le poétique et encore somnolent chœur à bouche fermée de l’acte II, le Chœur de l’Opéra de Marseille ( Florent Mayet) mérite bien des saluts.
La Mère de Cio-Cio San, Christine Tumbarello, la tante Miriam Rosado sont des figures de la dignité féminine, et la cousine Francesca Cavagna (si c’est elle l’élégante parée de lunettes de soleil américaines) est déjà une autre génération prête à ouvrir les bras au Yankee même si elle prétend l’avoir refusé à Goro. Kate Pinkerton, innocent instrument involontaire du malheur de Butterly, la mezzo Amandine Ammirati, en deux courtes scènes, demandant le pardon de Butterfly, d’un timbre ému, promettant de chérir son fils comme le sien, fait preuve d’une dignité humaine de grande dame et de belle âme qui manque à son mari fautif. Révélation aux Victoires de la Musique Classique en 2022, la mezzo-soprano Eugénie Joneau est une sensible et crédible Suzuki même dans sa démarche courbée, timide, de servante pliée devant les autres, au timbre riche, lisse, qui sait être de miel mais distille aussi une veine amertume à une sourde Butterfly toute à son rêve fou.
Incarné par le ténor Marc Larcher un peu plus grave ici, le Prince Yamadori, apparaît et disparaît trop vite mais, dans cet interstice, déploie son élégance physique et vocale, mais aussi morale, puisque son amour pour Cio-Cio-San dépasse le préjugé social et national, effaçant le passé de l’ancienne geisha, et son présent d’épouse américaine et mère de l’enfant d’un autre : épouseur à toutes mains comme Don Juan, mais divorçant aussi vite à la mode japonaise, raillé par Butterfly, désespérant alors qu’il espère toujours, il joue les amants transis prêt à se taillader les veines pour l’ingrate qui se croit toujours mariée à la mode américaine, dont elle a apparemment étudié les lois, éludant les japonaises.
Entre monde des hommes qu’il sert et s’en sert et celui des femmes qu’il vend, dépendant des deux pour survivre, servile avec les premiers, violent même avec les autres comme avec Suzuki, insidieux, mielleux et venimeux, Goro, le marieur ou entremetteur, l’homme à tout faire, trouve dans le ténor Philippe Do une parfaite incarnation vocale et théâtrale.
Mieux que prêter, Marc Scoffoni donne sa voix sans arêtes de baryton, vibrante et chaleureuse, au Consul Sharpless, voix de la conscience que n’écoute pas l’inconséquent officier, douloureusement compatissant à la jeune fille victime de ce jeu légal mais cruel, et que n’entend pas non plus ou ne veut pas entendre, contre toute raison et raisonnements, Butterfly elle-même.
Le ténor Thomas Bettinger a une solaire et vitale séduction physique et vocale. Folâtre et léger, il rayonne, on dirait papillonne, lors de la noce, et plaisante sur le pays facile et ses mœurs. Attentif avec la jeune épouse, on le sent attendri mais sa puissante voix s’envole, se déploie vraiment, enveloppe la femme dans les irrésistibles plis ardents de sa flamme de mâle, forcément moment de vérité où la chair se fait cœur et font corps : le cœur peut mentir, mais pas le désir.
La nature n’ayant besoin de l’homme que pour l’instant infime et bref de la procréation, comme certains insectes qui tuent le mâle juste après la précise fécondation, Pinkerton ayant satisfait à cette loi nécessaire à l’espèce, disparaît et ne reparaît que brièvement à la fin. L’opéra repose donc presque entièrement sur Butterfly qui passe par tous les registres des sentiments, espoir, désespoir, folie. Alexandra Marcellier y est toujours crédible. Mais, sans appuyer trop sur la facile corde sensible du mélodrame, rien qu’en restant dans la mélodie sans ajouter du pathos au pathétique, je défie quiconque de ne pas pleurer à ses adieux haletants à son petit garçon qu'elle avait écarté mais que lui envoie Susuki pour tenter de la détourner du suicide :
« Toi, toi, mon petit dieu, amour, mon amour […] Que tu ne saches jamais que Butterfly meurt pour toi / Pour que tu puisses t’en aller au-delà des mers… ».
L’opéra commence par un énergique prélude fugué qui déploie ses sujets comme une géométrique marche avant de la machine américaine conquérante de Pinkerton, qui, avec le thème de l’hymne culminant, semblerait écraser de son éclat tout thème nippon. Le chef Paolo Arrivabeni, semble s’y jeter, nous plonge dans cette euphorie sonore stimulante, qui sera tempérée puis glacée dès la première scène par le thème sombre de la malédiction et du poignard. Il tissera ainsi les harmonies tonales, brodant les motifs japonais délicats et la franchise plus occidentale. Mais quand, dans la dernière scène, Butterfly s’enfonce le poignard fatal, il fait résonner les thèmes tragiques descendants avec un tranchant sec de tout l’orchestre sur l’accord final, brutal comme le couperet tombant de la guillotine des Dialogues des Carmélites.
Madama Butterfly
Musique de Giacomo Puccini
Dernière représentation à l’Opéra de Marseille, le 23 mars 2016
Production Opéra national de Lorraine
Direction musicale : Paolo ARRIVABENI
Assistant direction musicale : Federico TIBONE
Mise en scène : Emmanuelle BASTET
Assistante mise en scène : Louise BRUN
Scénographie : Tim NORTHAM
Costumes : Véronique SEYMAT
Assistante costumes : Amélie LOISY
Lumières : Bernd PURKRABEK
Réalisation lumières : Julien CHATENET
Régisseur de production : Jean-Louis MEUNIER
Second régisseur : Jacques LE ROY
Régisseuse de scène : Alexandra BEIGNARD
Surtitrage : Richard NEEL. Régie de surtitrage : Qiang LI
Cio-Cio-San Alexandra MARCELLIER
Suzuki : Eugénie JONEAU
Kate Pinkerton : Amandine AMMIRATI
La Mère de Cio-Cio San : Christine TUMBARELLO ; la tante : Miriam ROSADO
Cousine : Francesca CAVAGNA
F. B Pinkerton : Thomas BETTINGER
Sharpless : Marc SCOFFONI
Goro : Philippe DO
Le Bonze : Jean-Marie DELPAS
Le Prince Yamadori : Marc LARCHER
Le Commissaire impérial : Frédéric CORNILLE ; Yakusidé : Norbert DOL
L’Officier du registre : Pascal CANITROT
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille (Chef de Chœur : Florent MAYET
Pianiste : Astrid MARC
Photos Christian Dresse :
1. Amour, désir ; 2. Noce ; 3.Cérémonie ; 4. Attente, radio incongrue ;
5. Yamadori, Goro, Butterfly, Consul ; 6. Butterfly et Susuki ; 7. Butterfly et son fils ;
8. Hara-Kiri.
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