Enregistrement 2/6/2020
RADIO DIALOGUE RCF
(Marseille : 89.9
FM, Aubagne ; Aix-Étang de Berre : 101.9)
N° 446, semaine 23
Sous le label CD NoMadMusic Les Pléiades , un sextuor à cordes féminin,
Ludwig van Beethoven – Arnold Schönberg
Mise en interprétation parallèle de
deux génies révolutionnaires de la musique, Beethoven à cheval entre le XVIIIe
et le XIXe siècles qui, cassant les codes du classicisme, de ses formes, non seulement
ouvre la voie au romantisme mais à la modernité musicale par ses audaces
harmoniques et tonales et Arnold Schönberg qui, chevauchant les XIXe et XXe
siècles en pousse au bout les conséquences en rompant avec la tonalité, créant,
sinon inventant la musique atonale. Cependant, avec ces deux œuvres, la Symphonie
en fa majeur Op.68 n°6, dite "Pastorale" de Beethoven de 1808 qui
ouvre le siècle et Verklärte Nacht Op.4 , ‘La Nuit transfigurée’ d’Arnold
Schönberg qui le clôt symboliquement en 1899, aucun de ces deux compositeur n’a
encore abouti sa révolution, même si on en pressent les évolutions.
Certes, Beethoven, avec sa symphonie
en cinq mouvements, s’éloigne du moule canonique classique de Mozart et Haydn
qui marquait encore sa première symphonie. Il y a tout le devenir en germe de
ses futures œuvres : son sous-titre, Symphonie Pastorale, ou « Souvenir de la vie rustique,
plutôt émotion exprimée que peinture descriptive », l’ancre bien dans une
sensibilité nouvelle. Cependant, sa finesse, tendresse, rappellent
davantage une douceur de vivre d’autrefois, du XVIIIe siècle, que ces temps héroïques mais
guerriers du contexte historique hanté par le libérateur Bonaparte vénéré,
devenu Napoléon tyrannique abhorré. Cette musique est une parenthèse heureuse
dans la vie tourmentée de Beethoven. En 1810, l’organiste Michael Gotthard Fischer (1773-1829), presque son exact
contemporain, tira de la grande symphonie cette
transcription pour sextuor à cordes, faisant de la grande machine orchestrale,
de plein air dirait-on, une réduction chambriste pleine de délicatesse. Et
c’est cette qualité que l’on goûte dans cette interprétation.
J’avoue que, dans ma jeunesse, les lourdes
versions de l’inévitable Pastorale
des concerts ou disques, par des chefs post-wagnériens, pom-pom pompiers, d’une
pompe, funèbre d’ennui mortel, me l’avaient rendue indigeste. La vague baroque
a heureusement bénéficié à la musique romantique revisitée dans ses instruments
et interprétations, allégées, rafraîchies. Les transpositions, d’autre part,
pratique de toujours de la musique, pas forcément in extenso permettent à des
formations instrumentales réduites de se confronter aux grandes œuvres, d’en
donner des lectures qui en renouvellent, finalement, l’écoute. Ce disque est
exemplaire, du moins dans son approche de Beethoven, d’une grâce souriante. Le
premier mouvement est frais, pimpant, printanier :
1) PLAGE 1
Le second, Scène
au bord du ruisseau, est un ravissement, rayonnante interprétation pleine de délicatesse, une aquarelle lumineuse, aérienne, transparente,
chatoyante de reflets, cordes miroitantes entre ombre tendre et doux soleil, festonnée de feuilles,
dans un doux balancement nonchalant, valsant, ponctué de clapotis vibrant comme
les trilles et piqué de chants d’oiseaux :
PLAGE 2
La danse
rustique, est joyeuse, sans lourdeur paysanne appesantie mais d'une légèreté qui
ramène aux visions, aux pastels de pastorales XVIIIe siècle ; même l’orage, tout en
grondant, ne trouble guère cette fête, semblant même en être une facétieuse surprise.
C’est sans
doute aux qualités de cette interprétation de la Pastorale qu’on mesure la déception de celle de la Verklärte Nacht de Schönberg. Oublions le poème Richard
Dehmel (1863-1920), ce couple dans la nuit d’un bois déambulant sous la
lune : elle s’avoue déshonorée, enceinte d’un autre et l’homme
compatissant, christique, pardonne et accepte et la femme, adultère sans doute,
et l’enfant à naître. C’est méli, c’est mélo, mélodieux encore dans ce
néo-romantisme expressionniste de Schönberg qui dote cette histoire on ne sait
si ordinaire d’une musique vraiment extraordinaire, obsédante, lancinante,
angoissante même. Mais, peut-être le tempo trop lent des interprètes, à trop
s’étirer, en dissout-il la ligne générale, la linéarité du tronc, en brouille, embroussaille
les ramifications et frondaisons qui s’estompent dans une nuit nimbée de
brouillard brouillon ; les trop larges vibratos des cordes ne font pas
vibrer la corde sensible, la montée de ce nocturne sentimental se noie ainsi
dans un sentimentalisme appuyé ; une accélération est trop tardive pour insuffler
une pulsation sensible à l’ensemble. Dommage, mais c’est malgré cela un beau CD
recommandable.
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